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Quand la cause animale s’accommode de l’abattage sans étourdissement

Une tribune de David Chauvet, auteur de nombreux articles, ouvrages et traductions sur la question animale


Quand la cause animale s’accommode de l’abattage sans étourdissement
Unsplash

Quasiment tous les acteurs de la cause animale condamnent l’abattage sans étourdissement pratiqué pour le halal et dans une moindre mesure quantitative le casher. Cette pratique cause de graves souffrances aux animaux comme l’a confirmé la Fédération des vétérinaires d’Europe [1], entre autres instances scientifiques. Et pour cause, elle consiste à les égorger à vif !

Il ne s’agit pas d’interdire l’abattage rituel, mais d’imposer l’étourdissement des animaux. Cette mesure est proposée tant à gauche avec Yannick Jadot [2] qu’à droite avec Marine Le Pen [3]. On constate ainsi un certain consensus politique sur cette question en France comme dans d’autres pays d’Europe où l’abattage sans étourdissement est d’ores et déjà interdit [4]. Cette interdiction a récemment été confirmée par la Cour de justice de l’Union européenne : « Afin de promouvoir le bien-être animal dans le cadre de l’abattage rituel, les États membres peuvent, sans méconnaître les droits fondamentaux consacrés par la Charte, imposer un procédé d’étourdissement réversible [5] et insusceptible d’entraîner la mort de l’animal [6]. »

Pourtant, on voit déjà s’élever contre cette mesure certaines voix au sein même de la cause animale. C’est l’occasion de voir ressurgir un vieil argument, généralement inspiré par la crainte d’être taxé d’« islamophobe » et qu’on peut par conséquent qualifier d’islamogauchiste au sens large du terme, celui d’une complaisance malsaine vis-à-vis de nos concitoyens musulmans. Malsaine, car elle relève à l’évidence d’une forme de paternalisme. Les musulmans et les juifs sont des citoyens comme les autres, ce qui est une autre façon de dire qu’ils ont des droits et des devoirs comme les autres. Il n’y a donc pas lieu de les traiter comme des sous-citoyens qui n’auraient pas à assumer les mêmes devoirs ou essuyer les mêmes critiques que le reste de la population.

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C’est toujours au nom de ce paternalisme qu’on en vient à considérer les musulmans comme s’opposant d’un bloc à l’étourdissement. Or, c’est parfaitement faux. Beaucoup n’y voient rien d’attentatoire à leur religion. Le théologien musulman Al-Hafiz Basheer Ahmad Masri juge que l’étourdissement est conforme à la lettre même de l’islam qu’il décrit comme une religion compatissante envers les animaux. En 1989, dans son livre Animals in Islam (trad. fran. Les Animaux en Islam), il écrit : « il ne fait aucun doute dans son esprit que l’étourdissement avant l’abattage est assurément la façon la plus humaine connue à ce jour de rendre l’animal inconscient avant de lui trancher la gorge (…) si l’étourdissement avait été inventé à l’époque du Saint Prophète Mohamed (s), ce dernier aurait fait l’éloge de l’inventeur et déclaré leur [les moyens d’étourdissement] utilisation obligatoire » [7]. Nombre de responsables musulmans en France et à l’étranger sont d’accord avec l’idée d’un étourdissement réversible.

Mais venons-en à l’argument islamogauchiste dont je parlais plus haut. Il ne faut pas s’attaquer à l’abattage sans étourdissement, nous disent de grands esprits, parce que le problème c’est la consommation de viande en général, pas le mode d’abattage. En bref : go vegan ou rien ! A ces gens-là, posez simplement cette question : est-ce que vous refusez aussi qu’on mette un terme au gavage, à la castration à vif, au débecquage, au broyage des poussins, à l’élevage intensif et ainsi de suite ? Si votre interlocuteur vous répond par la positive, il est cohérent. Cohérence folle, criminelle, méprisante à l’égard des animaux qu’on prive d’un adoucissement de leur condition pour je ne sais quelle posture idéologique, mais cohérence tout de même.

S’il vous répond non, vous avez un bel exemple d’islamogauchisme et du deux poids deux mesures inhérent à ce travers-là. A ce militant vous pourrez répondre : en refusant d’interdire l’abattage sans étourdissement pour satisfaire au politiquement correct, en refusant d’imposer l’étourdissement réversible, vous perdez tout droit d’exiger l’abolition de pratiques d’élevage particulièrement cruelles comme celles énumérées ci-dessus, sans parler de la chasse à courre et autres joyeusetés. On ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre, fût-il vegan.

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[1] Federation of Veterinarians of Europe, « Slaughter without stunning causes unnecessary suffering », déclaration de principe, 8 février 2019.

[2] Faire face avec Yannick Jadot. Programme des écologistes, élection présidentielle des 10 & 24 avril 2022, p. 32.

[3] M La France : 22 mesures pour 2022. Projet pour la France de Marine Le Pen, p. 5.

[4] Par exemple en Norvège, en Slovénie, en Islande, au Danemark ou en Belgique dans les régions wallonne et flamande. Voir Pascal Durand et Christophe Marie, L’Europe des animaux, Alma éditeur, 2019, p. 135.

[5] L’étourdissement est réversible en ce que l’animal pourrait reprendre conscience s’il n’était finalement pas tué. Voir Pascal Durand et Christophe Marie, L’Europe des animaux, p. 134.

[6] Cour de justice de l’Union européenne, communiqué de presse 163/20, 17 décembre 2020, p. 1.

[7] Les Animaux en Islam, trad. Sébastien Sarméjeanne, Droits des animaux, 2015, p. 251.



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David Chauvet, juriste, universitaire, essayiste, diplômé en histoire du droit, docteur en droit privé et sciences criminelles, auteur de nombreux articles, ouvrages et traductions sur la question animale dont celle du livre du rabbin Abraham Isaac Kook, Une Vision du végétarisme et de la paix, parue chez L’Age d’Homme en 2020.

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