À sanctions américaines, solutions russes


À sanctions américaines, solutions russes

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Même pas mal ! Le message envoyé par Vladimir Poutine était clair : aux journalistes qui l’interrogeaient sur les sanctions américano-européennes lors d’un déplacement à Minsk le 29 avril, le président russe avait répondu dédaigneusement que son «  gouvernement (…) a déjà proposé des mesures de représailles. » mais qu’il  ne pense pas en avoir besoin« … Depuis, il a, semble-t-il, changé d’avis.  

Ainsi, lundi 5 mai, Vladimir Poutine a signé une proposition de loi instituant un système de paiement national. Le texte, qui entrera en vigueur le 1er juillet,  a pour objectif de centraliser toutes les transactions ayant lieu sur le territoire national. Les échanges seront impérativement effectués en rouble et tous les systèmes de paiement étrangers tels que Visa ou Mastercard devront verser à la banque centrale russe une commission trimestrielle équivalant à 25% de leur chiffre d’affaire, c’est-à-dire l’intégralité de la marge de ces sociétés en Russie… Les sanctions américaines tombées en avril auraient finalement produit leur petit effet, sinon sur l’économie, au moins sur l’opinion publique.

Les Etats-Unis ont notamment bloqué les transferts d’argent transitant par leur pays à destination de trois banques russes : Russie Sobinbank, SMP bank, et Investkapitalbank. Leurs actionnaires figurant sur la liste noire établie par les Etats-Unis, les cartes des banques citées sont devenues inutilisables sur la terre de l’oncle Sam. Puis, les groupes Visa et Mastercard ont envoyé un courrier à leurs clients russes les avertissant que leurs services  risquaient d’être bloqués. Et ça n’a pas manqué. Cette mesure touche un grand nombre de citoyens russes et dépasse définitivement le premier cercle de Poutine. Plus de 95% sur 217 millions de cartes bancaires fabriquées en Russie dépendent des centres de paiement Visa et Mastercard.

La nouvelle loi votée permettra, a priori, de développer une sorte de  « Russian Express » qui s’imposera dans le marché intérieur, poussée par un patriotisme économique et un prix compétitif. Mais il serait intéressant de voir jusqu’à quelles frontières le réseau financier russe se développera et jusqu’où la manne russe jouira de son indépendance.

Surtout, derrière cette mesure de rétorsion, on devine les contours d’une disposition qui s’inscrit dans une politique au long terme : mieux contrôler les flux monétaires et, pourquoi pas, rendre plus difficile la fuite des capitaux dont souffre l’économie russe.

Finalement, Vladimir Poutine a peut-être dit vrai  : le gouvernement n’a pas grand-chose à faire des sanctions américaines qui n’atteignent vraiment que les expatriés. Mais il n’oubliera pas de remercier Kerry pour  lui avoir fourni le parfait prétexte à une plus grande concentration du pouvoir. Le chef du Kremlin, en fin stratège, a su retourner la situation à son avantage. Il a su récupérer la carte de crédit comme objet de représentation nationale. Car, comme le rappelle Kevin Limonier, chercheur à l’institut français de géopolitique, « des choses et des mots sont mobilisés pour mettre en scène la souveraineté de la Russie ».

*Photo : Sergei Karpukhin/AP/SIPA. AP21563930_000020.



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est journaliste à Causeur

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