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Pierre Cormary: le genou d’Aurora Cornu

Pierre Cormary publie "Aurora Cornu" (Unicité, 2022)


Pierre Cormary: le genou d’Aurora Cornu
Affiche du film "Le Genou de Claire" d'Éric Rohmer, 1970. D.R.

Aurora Cornu de Pierre Cormary : un premier roman rohmérien et foisonnant inspiré par l’actrice du « Genou de Claire »…


La poétesse roumaine Aurora Cornu fut l’épouse de l’écrivain roumain Marin Preda puis d’Aurel Cornea, otage au Liban qui y laissa sa peau. Pour Pierre Cormary, Aurora Cornu est avant tout un des personnages du « Genou de Claire » de Rohmer, sorti en 1970, son année de naissance.

L’écrivain Pierre Cormary D.R.

L’écrivain a eu un coup de foudre immédiat, et pour le film, et pour Aurora. La belle Roumaine, brune et plantureuse, n’est pas une de ces jeunes filles graciles que Rohmer affectionne. Elle incarne, dans ce marivaudage situé au bord du lac Léman, une écrivaine au caractère bien trempé, qui observe, non sans ironie, les atermoiements amoureux du personnage principal interprété par un Jean-Claude Brialy, au mieux de sa nonchalance assumée et un peu cynique.

Rencontrer Aurora

Une femme dans la fleur de l’âge, un peu autoritaire, artiste, voilà qui est diablement le genre de Cormary. En bon obsessionnel, il n’a désormais qu’une idée en tête : la rencontrer. Il lui écrit donc une lettre enflammée, et à sa grande surprise, Aurora accepte un rendez-vous avec cet admirateur. La vie de Pierre Cormary en est changée. En effet, s’ensuit une amitié amoureuse qui durera jusqu’à la mort d’Aurora, en 2020.

C’est cette amitié que Pierre Cormary nous raconte, à sa manière, truculente, imagée, mais aussi au plus proche du réel. En effet, Aurora Cornu est avant tout un roman organique, fait d’humeurs, de bouffes pantagruéliques, de maladies aussi. Nous voilà propulsés dans un film italien, Pierre Cormary est un alchimiste qui parvient à faire du Fellini et du Ferreri avec du Rohmer. Il a un don particulier pour les dialogues tragi-comiques qui fusent et nous voilà aussi au théâtre, dans une pièce de Pirandello peut-être. Pierre Cormary, aux origines pieds-noires, est décidément un homme du sud, cela transpire dans son roman.

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La structure du livre est foutraque, l’auteur y évoque dans un monologue intérieur sa riche vie numérique, sa passion pour la littérature ou le cinéma et, bien évidemment, ses névroses personnelles et la tragédie que représente toujours la famille. Quelquefois, nous nous perdons un peu avec lui, mais nous sommes tenus par le fil de son humour, de sa truculence, de la façon dont il se moque de lui-même, surtout.

Si j’ai précisé plus haut son année de naissance : 1970 – qui est aussi l’année de la sortie du Genou de Claire- cela n’est pas par hasard. En effet, Pierre considère qu’Aurora fut son accoucheuse, celle qui lui permit de sortir de lui-même. Et cette seconde naissance est bien sûr symbolisée par son livre.

La mère cachée

Mais dans la bonne littérature, il y a toujours un sens caché. Il suffit de savoir lire, pour le déceler. À travers Aurora Cornu, Pierre Cormary nous parle en creux de sa propre mère. Evidemment. Et cela est très malin de sa part d’éviter le « tout sur ma mère » tout en faisant d’elle, finalement, le personnage principal de ce livre. Cette mère, personnage éminemment romanesque, mériterait aussi un autre livre. Elle accumula les maris, défia toute sa vie la loi, se croyant au-dessus d’elle, se croyant tout permis, le tout avec une émouvante candeur.

Pierre Cormary aborde l’épineux sujet de la famille à la toute fin du récit. Il choisit encore l’humour, qui apaise la tragédie, et cela donne lieu à une des scènes les plus drôles du roman: un Noël dans la belle maison paternelle, avec son père qui ne l’a jamais compris et une belle-mère qui ne l’a jamais compris.

J’ai affirmé plus haut qu’Aurora Cornu ne ressemblait à rien de connu, et pourtant… Dans la préface, écrite par Amélie Nothomb, celle-ci évoque Jean-Jacques Schuhl et son Ingrid Caven. Cela peut paraître très étonnant, mais il y a du Schuhl chez Cormary : cette manière de faire des collages de références, cette structure décousue… Mais surtout, Schulh dit qu’il n’écrit pas mais qu’il « est écrit » par ses romans. Et j’affirme que Pierre Cormary a, lui aussi, été écrit par Aurora Cornu.

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