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Bravo Brigitte!

Dans des propos qui n’étaient pas destinés à devenir publics, Brigitte Macron qualifie de « sales connes » des militantes féministes qui ont interrompu un spectacle d’Ary Abittan…


Samedi, des agitées du féminisme dévoyé ont cru malin de troubler le spectacle de l’acteur Ary Abittan, aux Folies Bergères. J’emploie le mot agitées et non pas celui de militantes, car il est des cas, nombreux quand même, où le militantisme mérite respect et considération. Ce n’est évidemment pas le cas ici. De même, pour l’expression « féminisme dévoyé », car ce qui anime ces aboyeuses hystériques n’est pas tant la valorisation et l’épanouissement de la femme que la castration du mâle.

Elles étaient quatre, courageusement cachées sous des masques à l’effigie de l’acteur. Elles braillaient « Abittan violeur ! » Or, il se trouve que notre homme, qui de fait eut à répondre d’une telle accusation devant la justice, a été purement et simplement innocenté, en première instance comme en appel. Mais pour l’Inquisition nouveau genre et ces bergères en folie, gardiennes du troupeau des brebis rousseauistes (Sandrine, pas Jean-Jacques), cela – l’innocence dûment reconnue – ne compte pas plus qu’un pet d’agneau d’un jour, la justice n’étant selon elle que le dernier refuge du patriarcat le plus borné. Donc lavé de toute culpabilité ou non par les tribunaux, le mâle est coupable, forcément coupable, comme aurait dit Duras. À cet égard, un message posté par une autre engagée-enragée dit clairement le niveau de bêtise qu’on atteint ces temps-ci : « Un non-lieu n’efface pas la parole d’une femme. » En d’autres termes, l’accusation fondée ou non d’une femme vaut jugement définitif et doit être considérée comme l’étalon or de la vérité. Splendide.

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Le jour suivant, dimanche, Brigitte Macron, notre Première Dame, a tenu à assister au spectacle de Ary Abittan. Et, avant le lever du rideau, elle a souhaité le rencontrer en coulisses pour lui manifester son soutien. Elle n’y est pas allée par quatre chemins et n’a pas mâché ses mots. L’acteur lui confiant son appréhension de devoir essuyer une nouvelle agression, elle eut cette formule définitive, cette claque expédiée à la figure des excitées : « S’il y a des sales connes on va les foutre dehors. » Alors, là, bravo Madame ! Bravo Brigitte ! Que cela fait du bien d’entendre appeler chat un chat et des connes des connes ! Beaucoup de bien, vraiment. Cela libère !

Là-dessus la pseudo actrice Judith Godrèche, qui n’a plus guère que ce registre-là pour croire exister encore, a considéré opportun d’apporter ses encouragements aux tapageuses masquées : « Moi aussi, je suis une sale conne », a-t-elle revendiqué. Bon, on s’en doutait bien un peu. Merci à elle tout de même de nous apporter cette confirmation très officielle.

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Zack, nouveau gourou écolo

Au Royaume-Uni, l’ancien charlatan Zack Polanski est devenu en peu de temps la personnalité politique de gauche préférée hors Parti travailliste. Faisons connaissance avec l’alter ego britannique de Sandrine Rousseau


En France, on a Sandrine Rousseau, l’impayable députée écolo, pour qui « le monde crève de trop de rationalité » et qui était à deux doigts d’être investie par son parti aux dernières présidentielles. En Amérique, ils ont Zohran Mamdani, le nouveau maire démocrate de New York (également soutenu par le mouvement environnementaliste Sunrise), qui déclarait il y a encore deux ans que « lorsque la botte de la police de New York vous serre le cou, c’est sous l’influence de l’armée israélienne ».

Les Britanniques, eux, ont Zack Polanski, le nouveau président du Parti vert d’Angleterre et du Pays de Galles, élu à son poste début septembre. C’est en un temps record que cet ancien libéral-démocrate est devenu une star de la politique. Grâce à des déclarations baroques, il ne cesse de faire le buzz sur les réseaux sociaux. Car Polanski ne se contente pas de vouloir classiquement taxer les riches et d’accuser Israël de génocide. Il propose aussi de légaliser toutes les drogues, de sortir de l’OTAN et d’accorder l’indépendance au Pays de Galles (à rebours de l’intitulé même de sa formation1). Résultat, selon le dernier sondage de l’institut YouGov, sa cote de sympathie s’est envolée à 12 %, ce qui fait de lui la personnalité de la gauche non travailliste préférée du pays. Et dire que le quadragénaire a fait mille métiers avant d’arriver à la célébrité : barman, physionomiste de boîte de nuit, acteur, et même hypnothérapeute ! Mais attention, dans le genre escroc. En 2013, Polanski se vantait dans les colonnes du journal à scandale The Sun d’être capable, grâce à ses pouvoirs de suggestion mentale, d’augmenter la taille de la poitrine de ses clientes ! Cette archive gênante n’a pas manqué de refaire surface et l’intéressé a présenté ses excuses. Non pour avoir été un sacré charlatan, mais parce qu’il a glorifié le volume mammaire des femmes, soit le plus abject des sexismes aux yeux de ses nouveaux amis verts.

Pour clore la polémique, Polanski a cité Tony Benn, la figure tutélaire de l’aile gauche du Parti travailliste (le « bennisme ») : « Je me fiche d’où tu viens. Ce qui compte, c’est où tu vas. »


  1. Leader du « Green Party of England and Wales » NDLR ↩︎

La drogue, poésie noire de notre renoncement

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Charles Rojzman est très pessimiste quant à l’issue de la guerre de la France contre le « narcotrafic ».


Les faits divers du matin se ressemblent : un adolescent abattu devant son immeuble, une mère frappée par une balle perdue, une rafale tirée sur un simple hall d’entrée devenu frontière de clans. Les autorités parlent d’« opérations », de « mobilisation », de « lutte contre les réseaux ». On évoque même une « guerre contre le narcotrafic ». Mais quelle guerre, quand l’ennemi se multiplie plus vite qu’on ne l’arrête, quand chaque point de deal détruit ressemble à un membre coupé qui repousse aussitôt ? Les politiciens répètent que la solution viendra à long terme, comme on récite une prière dont on ne croit plus un mot.

Nouvelle France

En vérité, la maîtrise leur échappe. Le trafic n’est plus seulement un crime : c’est un pouvoir parallèle, une souveraineté nocturne qui, chaque semaine, mord un peu plus profondément dans le pays. Chaque tir, chaque corps au sol rappelle la même évidence : ce qui circule dans les veines de la France n’est plus du sang, mais une résignation corrosive — l’annonce d’une chute qu’on n’ose pas nommer.

La France est entrée dans une saison d’opium : un temps mourant où les villes, le soir venu, respirent comme un organisme intoxiqué. On croit encore à l’idée d’incivilités, maigre paravent de mots qu’agite une société qui n’ose plus se regarder dans la glace. En vérité, ce ne sont pas des débordements : ce sont les secousses d’un corps qui se défait, les spasmes d’une nation qui ne sait plus quel souffle la traverse.

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La drogue n’est pas une ombre jetée sur la France : elle est son miroir, une eau noire où se reflète l’effondrement intérieur. Elle relie les barres d’immeubles aux avenues bourgeoises, les caves humides aux appartements feutrés où l’on sniffe en murmurant des phrases progressistes. Les trafics ne font que respecter la géographie morale du pays : partout des fissures, partout des veines ouvertes, partout cette attente d’une délivrance chimique qui tienne lieu de destin.

On ne sait plus ce que c’est qu’habiter un monde. Alors on s’endort dans les vapeurs du cannabis, on s’éveille dans l’éclair blanc de la cocaïne, on traverse la journée avec des pilules qui tiennent lieu de credo. Une génération entière vit sous perfusion d’oubli, et l’on voudrait croire qu’il s’agit d’un phénomène marginal. Non : c’est le nouvel ornement du siècle, l’aura toxique d’une civilisation qui n’a plus que cela à offrir — l’abrutissement comme consolation.

Vacarme sourd

Nos dirigeants eux aussi, avancent dans ce brouillard. On les voit, ces visages polis par les caméras, trembler parfois sous l’effort de la maîtrise. Ils parlent d’ordre, de sécurité, d’avenir ; mais leurs voix, à peine audibles sous les projecteurs, portent la fatigue d’une époque où l’on gouverne à la place du sens disparu. Eux aussi parfois cherchent refuge : dans la poudre, dans les psychotropes légaux, dans les illusions diplomatiques. Le pouvoir n’est plus vertical : il est vacillant, pareil à un funambule ivre qui avance au-dessus du vide.

La France, jadis figure de clarté, se déplace aujourd’hui dans une lumière trouble. Elle ne croit plus en la transcendance, ni en l’histoire, ni en la continuité ; elle s’est réfugiée dans l’instant, comme ces malades qui n’attendent plus rien du lendemain. La drogue n’est pas un produit : c’est une liturgie substitutive, la religion liquide d’un peuple qui a perdu sa mémoire.

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Et tout ce qui n’est pas chimique devient idéologique. On se convainc de progrès tandis que l’on glisse. On proclame la solidarité en évitant soigneusement la vérité. On vit dans un vacarme moral pour couvrir la rumeur sourde de la défaite. Les villes, la nuit, en portent la trace : odeur d’essence brûlée, pas pressés d’adolescents sans horizon, voitures qui flambent comme des cierges funéraires, sirènes perdues dans la profondeur des cités.

La France ne meurt pas : elle se nie. Elle se dissout dans un mélange de culpabilité, d’anomie, de jouissance triste. Elle se tient debout encore, à peine, telle une figure de roman russe, cherchant dans la douleur une noblesse qu’elle n’a plus le courage de conquérir.

La drogue n’est pas notre ennemie. Elle est la poésie noire de notre renoncement.

Et tandis que les dirigeants se débattent dans l’ombre, que la jeunesse se consume dans l’éclat bref des paradis chimiques, que les intellectuels anesthésient la catastrophe sous des discours usés, la France avance vers son propre crépuscule, lentement, magnifiquement, tragiquement — comme une cathédrale sans fidèles, où l’encens seul subsiste, tournoyant dans l’air vide.

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Le RN fout le bordel

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La pénalisation des clients ayant aggravé la situation des prostituées, le député Jean-Philippe Tanguy prépare un projet de loi pour rouvrir les maisons closes. Une excellente idée.


Le Rassemblement national veut rouvrir les maisons closes. Une idée qui affole le braillomètre et enrage les ligues de vertu féministe ne peut pas être mauvaise. Cette proposition de Jean-Philippe Tanguy de créer des bordels sans proxénètes, gérés par des femmes (pourquoi pas des hommes) qui décident librement de se prostituer est excellente d’un point de vue pragmatique et philosophique.

Touche pas à ma pute !

La loi de 2016 interdit de recourir aux services d’une prostituée mais autorise le racolage – comme si des boulangers avaient le droit de vendre du pain, mais qu’il était tout à fait interdit d’en acheter ! Comme l’observe Tanguy, elle n’a pas fait disparaître la prostitution. On trouve en outre sur internet de quoi satisfaire tous les fantasmes. Mais, en la plongeant dans l’illégalité, la loi a rendu les prostituées plus précaires. Cette activité doit donc être encadrée. La maison close apparait comme la solution la plus sûre, la plus digne, et la plus rationnelle économiquement (c’est une mise en commun de moyens, comme des avocats ou des médecins le font).

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Mais en légiférant, on légitime, répliquera-t-on. Et on contredit l’objectif abolitionniste affiché par la France. Tant mieux. Cet objectif est ridicule, liberticide, paternaliste et lesté de puritanisme bourgeois. C’est une « fausse vertu, un faux humanisme qui déshumanise les prostituées », dit Tanguy qui en a croisé quelques-unes en faisant des maraudes dans sa jeunesse.

Arrêtons de mentir

Numéro 7 de « Causeur », novembre 2013.

Si la prostitution a existé sous tous les cieux et régimes, y compris quand on embastillait les « femmes de mauvaise vie », c’est qu’elle répond à une demande sociale. La prostitution a sauvé le mariage et la famille bourgeois et engendré des personnages inoubliables de putains magnifiques dans la littérature ou le cinéma, Nana chez Zola, Esther chez Balzac, Belle de jour avec Deneuve chez Buñuel… Ce n’est pas la prostitution qu’il faut combattre mais l’exploitation.

Non seulement les lois anti-prostitution ne parviennent pas à la supprimer, mais l’objectif de l’abolition est parfaitement illibéral. Au nom de quoi interdirait-on à des femmes de se prostituer ? Elles sont aliénées, me dit-on, mais quand t’es amoureuse à l’œil aussi. Personne ne peut décider pour l’autre ce qu’est être libre (c’est d’ailleurs pour cela que je ne veux pas restreindre le voile islamique au nom de la liberté des femmes, mais au nom de ma liberté de ne pas voir ce symbole d’inégalité).

A ne pas manquer: Causeur #140: Il était une foi en France

Certaines femmes considèrent que leur corps est un temple qu’on ne peut pénétrer qu’après en avoir fait huit fois le tour et signé un contrat, d’autres trouvent naturel de monnayer des actes sexuels, c’est leur droit à chacune. La prostitution fait peur, parce qu’elle concerne le désir, la sexualité, les tourments de l’âme humaine. Dès lors qu’il n’y a pas de violence, ce n’est ni à la société ni à l’État de décider dans quelles conditions des adultes libres s’adonnent au stupre et à la fornication. (En bon français, mêlez-vous de vos fesses).

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Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale, avec Patrick Roger

Liste noire: la gauche lyncheuse se poutinise

Après s’être attaqué à Pascal Praud, Complément d’enquête charge l’entrepreneur Bernard Arnault. Alors qu’il est en tête dans plusieurs sondages d’intention de vote, une plainte est déposée contre Jordan Bardella pour son « média training ».


La gauche lyncheuse a complété sa liste noire. Vincent Bolloré, Pierre-Edouard Stérin, Bernard Arnault, sont parmi les nouveaux proscrits. Ainsi font les Amis de la Terreur.

Les épurateurs détestent ceux qui ont fait fortune, qui leur tiennent tête, pensent mal, écoutent le peuple, lui donnent la parole. Tout cela fait du monde.

A lire aussi, Didier Desrimais: L’immigration, la science et les gardiens du temple médiatique

Parmi les journalistes, Pascal Praud a été promu pestiféré No 1, y compris dans une vidéo accusatrice de l’Élysée du 1er décembre. Ce week-end, le Nouvel Obs a fait sa couverture sur la star de CNews (« Profession propagandiste ») accusée d’« orchestrer la montée de l’extrême droite ». Le 21 novembre, Libération avait ouvert le tir à vue en titrant finement sur la « Praudpagande ». Jeudi, France 2 démolissait pour sa part, dans Cash Investigation, l’entrepreneur Bernard Arnault, patron de LVMH. Le même soir, l’extrême gauche tentait violemment de perturber La Nuit du Bien Commun, aux Folies Bergères : une œuvre caritative lancée initialement par le milliardaire catholique Pierre-Edouard Stérin.

Plus généralement, la « bollosphère », force médiatique construite par Vincent Bolloré, est désormais l’unique obsession du pouvoir et de sa presse labellisée. Celle-ci ne se résout pas à sa marginalisation par le numérique et les médias alternatifs, audiovisuels et écrits. Parmi eux, le magazine Frontières, dont le dernier numéro a révélé que le député LFI Raphaël Arnault, fiché S, a été définitivement condamné (quatre mois de prison avec sursis) pour « violences volontaires en réunion ». Parallèlement, Jordan Bardella, en tête dans les sondages pour la présidentielle, vient d’être visé opportunément par une plainte de l’association AC Corruption auprès du Parquet national financier, pour « favoritisme » et « détournement de fonds publics ». Bref, le progressisme en sursis a remobilisé ses sicaires.

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Les censeurs et les coupeurs de têtes n’ont qu’un ennemi en ligne de mire : le « populisme ». Il peut être aussi bien politique que scientifique, télévisuel, religieux, artistique, littéraire, etc. En fait, le populisme est là où l’opinion autorisée n’a plus prise. Autant dire que ce retour au bon sens est partout. La gauche, mélenchoniste et macronienne, est submergée par ce qu’elle appelle les « réactionnaires ». Mais ces dissidents ne sont autres que les Français excédés et réactifs. Longtemps bernés, ils récusent les certitudes et les mensonges de ceux qui prétendent les guider et les informer.

Les assauts contre la liberté d’expression sont menés par un pouvoir qui ne sait convaincre qu’avec le matraquage de sa police de la pensée. La poutinisation de la gauche a atteint Emmanuel Macron dans ses tentatives de contrôle de la parole sur l’internet (dont X, à travers ses algorithmes) et les chaînes privées. La haine que déversent les « humanistes » contre Praud et ses succès d’audience dévoile leurs intolérances. Pour avoir choisi de quitter son émission (L’heure des pros) il y a près de quatre ans sur un désaccord personnel, je reconnais d’autant plus volontiers, derrière le one-man-show de l’acteur, la justesse et l’efficacité de sa récente radicalisation face à un système en sursis qui lui-même se raidit, mais se noie.

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Venezuela: une crise américaine, un sujet français

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Alors que le ministre français des Affaires étrangères s’inquiète des opérations américaines contre le narcotrafic au large du Venezuela, il est nécessaire de regarder la situation sans naïveté ni œillères idéologiques. Le Venezuela, miné par les cartels, déstabilise toute la région… jusqu’à la Guyane française.


C’est l’un des navires les plus modernes au monde. L’USS Gerald R. Ford, 340 m de long, 100 000 tonnes, 4 000 marins, une escadre aérienne complète d’environ 70 appareils, tout cela pour un prix avoisinant les 13 milliards de dollars. Il a quitté la Méditerranée il y a quelques jours. Depuis la semaine dernière, il mouille dans les Caraïbes, à quelques centaines de kilomètres du Venezuela, puissance pétrolière devenue narco-État corrompu. Dans sa ligne de mire : le régime de Nicolás Maduro, bête noire de Donald Trump. Devant cette montée des tensions, la réaction de la France, puissance diplomatique, membre permanent du Conseil de sécurité… et puissance régionale, était attendue.

On oublie trop souvent que la Guyane, ce sont 84 000 km² de territoire français en Amérique du Sud, l’équivalent du Portugal ou de l’Autriche. Le 12 novembre, au G7 diplomatique au Canada, Jean-Noël Barrot a condamné fermement la stratégie américaine, estimant que ces opérations «s’affranchissaient du droit international».

On connaît l’anti-trumpisme du Quai d’Orsay, mais la réaction à tout de même de quoi surprendre. Car en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe, la France est en première ligne face au narco-État vénézuélien. Les routes maritimes et aériennes en provenance de Caracas structurent un trafic devenu un défi sécuritaire majeur. En 2024, les saisies de cocaïne ont bondi de plus de 30 % en Guyane, et de 180% en Martinique et en Guadeloupe. Et si les « narcos » vénézuéliens n’en sont pas les seuls responsables, leurs réseaux alimentent une violence hors-normes dans ces territoires, où le taux d’homicide est sept fois supérieur à celui de la métropole.

À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles

On peut débattre de la légalité des frappes américaines visant les embarcations chargées de drogue au large du Venezuela. Mais les faits sont connus : la criminalité a explosé parallèlement à l’effondrement économique du pays. Les cartels ont trouvé dans le chaos vénézuélien un terrain idéal où prospérer, corrompant police, armée et responsables politiques.

Les accusations de connivence entre autorités vénézuéliennes et narcotrafiquants ne sont pas infondées. Les États-Unis, dont la population forme le principal marché de la drogue, ont des raisons d’être mécontents, ne serait-ce que de l’inefficacité des mesures déployées par Caracas pour lutter contre les narcotrafiquants.

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Dans ce contexte, il n’est pas illégitime qu’un État cherche des moyens pour se protéger de cette menace criminelle transnationale. Les frappes américaines relèvent de cette logique défensive. Selon Reuters, l’armée américaine a déjà détruit quatorze embarcations, tuant leurs occupants. Ces éliminations sommaires, sans jugement, posent la question de leur fondement juridique. Des experts du United Nations Human Rights Council les ont ainsi qualifiées d’«exécutions extrajudiciaires». S’il faut tenir compte de cette opinion, il faut aussi faire remarquer que ces frappes restent limitées

et précisément ciblées. Elles relèvent de mesures exceptionnelles, non d’une attaque contre la souveraineté vénézuélienne.

Un élément trop peu commenté tend à le confirmer : non seulement les forces armées et la police du Venezuela n’ont jamais été ciblées par les Américains, mais elles ne cherchent pas à protéger les embarcations visées. C’est pourquoi les pays latino-américains se sont contentés de protestations de façade. Tous savent que le Venezuela est devenu un narco-État dont les trafics empoisonnent le continent.

L’administration Trump use d’un ton abrupt, mais sa stratégie reste coercitive et calibrée. Rien qui ne ressemble à une invasion en préparation. Nous sommes loin des interventions à Grenade, Panama ou au Nicaragua qu’a pu opérer dans le passé « Oncle Sam ».

Regarder la situation avec lucidité

La France doit tenir compte de cette réalité. Le Venezuela n’est pas seulement un théâtre de confrontation entre Washington et Caracas : il s’agit d’un État effondré dont les réseaux criminels frappent notre propre territoire. Avant de condamner les États-Unis, il faut peser les responsabilités de chacun, les risques régionaux, et le coût humain de l’impuissance vénézuélienne.

L’Amérique latine n’a ni besoin d’un affrontement idéologique supplémentaire ni même de postures diplomatiques «de principe». Elle a besoin d’un réalisme froid : reconnaître les causes profondes de la crise et, surtout, oser affronter un narcotrafic qui dépasse très largement les frontières du continent. On sait depuis Thomas Hobbes que la principale justification à l’existence des États est la sécurité qu’ils apportent aux individus. Qu’ils soient américains ou européens, les États ne peuvent donc pas perdre ce combat.

Françoise par Caroline

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Tous les lundis à 21 heures, Caroline Loeb est Françoise Sagan au Théâtre de Poche Montparnasse sur une mise en scène d’Alex Lutz avec la collaboration de Sophie Barjac. L’intelligence sans fard, la drôlerie frivole, la profondeur non pesante, la malice de la romancière éclatent sur la scène dans une interprétation virtuose. « Françoise par Sagan » est un cadeau de Noël.


D’abord, il y a le mimétisme. Presque la copie conforme. Le trouble est délicieux. La même démarche, les sautillements, puis les recroquevillements, la manière de porter sa cigarette, de traverser la scène comme si elle voulait éviter les danseurs fatigués sur la piste de chez Castel. Les pauses aussi dans le noir, de profil, dans un demi-silence, est-ce un chat noir des boulevard ou Juliette Gréco sortie des caves de Saint-Germain ? Sphynx des « fifties », parfum de Normandie, herbes folles et roulette de casino, petit matin pluvieux et amitiés fécondes, Sagan est bien là, devant nos yeux. Son incarnation. Sa poursuite. Difficile de faire la différence. Dès les premiers instants, on voit danser cette cavalcade qui a surgi dans le paysage littéraire après le Prix des Critiques en 1954. Elle secoua si fort l’édition que cette vieille maîtresse acariâtre ne s’en est toujours pas remise. Son onde oscille encore. Il ne s’agit pas d’une imitation qui serait grotesque et déplacée, il s’agit plutôt d’une survivance de la mémoire. Entre nous, dans l’intimité du théâtre où le faux et le vrai perdent la raison, on visite un monument de la littérature. Une idole d’un métier aujourd’hui disparu. On voyage avec elle, dans ses mots (le texte de la pièce est tiré des entretiens de « Je ne renie rien »).

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Tout est là, en place, les gestes naturels, l’impression très agréable de passer une soirée dans le feutré d’un bar d’hôtel, d’échanger des confidences avec l’enfant chérie des librairies, de comprendre sa mécanique, de se frotter à cette montagne. Sagan n’est pas un charmant petit monstre, elle est une montagne de volonté, un monstre de travail. Un bulldozer qui ne sue pas. On est aux anges car la chorégraphie s’anime. Le côté fluet de ballerine, bourgeoise propédeutique, fille de famille espiègle et taiseuse s’agite et puis, le côté terrien, cette franchise et cette absence de jugement dans ses propos, nous terrassent par son intelligence si peu commune. Françoise était une fille du Lot, elle déroute par son honnêteté. Contrairement aux spécimens menteurs de son espèce, elle n’esquive pas. Frontale. Elle assume tout, ses dévers et ses succès. Ses excès de vitesse et ses addictions. Elle ne se victimise jamais, elle a trop d’honneur. Elle ne quémande rien. On est saisi par cette silhouette d’un autre temps, de mise modeste, qui bientôt va laisser éclater son brio. Un brio non trafiqué pour épater la galerie, un brio de naissance, d’essence pure. Caroline Loeb, magistrale, jamais caricaturale, fluide et décidée, avance dans l’épure. Parfois, elle se déchausse ; parfois elle nous tourne le dos. L’arabesque est souple. Les ruptures de lumière l’habillent. Les coutures de la mise en scène disparaissent. Elle fait corps avec son personnage et nous avec cette figure. Rarement, j’ai entendu une telle qualité d’écoute dans une salle parisienne un lundi de décembre ; ce soir-là, même les tousseurs et les marmonneurs se sont tus. Par respect. Sagan ou Loeb, on ne sait plus très bien, nous obligent à une certaine vérité. Après, le corps, la voix si reconnaissable, si identifiable, surtout dans ses accélérations finales, se glisse dans la nuit d’hiver. Caroline Loeb se dédouble.

Il y avait chez Françoise Sagan, une rythmique propre à La Fontaine, c’était finalement une moraliste endiablée, elle avait le bonheur enfantin de construire des phrases, de surprendre son auditoire et de feindre l’indifférence avec un clin d’œil. Elle ne jetait pas les mots à la va-vite, elle en mesurait l’écho, elle s’en amusait, se délectait même de leur impertinence et pourtant, elle ne voulait pas tricher. Là, réside sa supériorité intellectuelle. Comme un bon joueur de poker, elle masquait ses coups, mariait les paradoxes, et nous mettait à terre par une fulgurance. Elle dégainait des maximes sans l’air d’y toucher. La morale de ses anecdotes, de ses souvenirs, de ses turpitudes est purificatrice dans notre époque vermoulue. Caroline Loeb nous transmet cette vivacité d’esprit-là.

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Michel Bouquet avait des doutes sur l’art d’enseigner la comédie, il disait seulement à ses élèves, de ne pas trahir le texte. Rien que le texte. Caroline Loeb nous donne la pulpe du texte. Elle évoque l’enfance, l’argent, l’amour, la mort, la sexualité, le théâtre, l’amitié, la nature, la solitude et l’écriture. Entre nous, sur l’écriture, on dit beaucoup de choses banales et gonflées, la banalité était étrangère à Sagan.

La gauche Diafoirus

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« L’extrême droite, l’extrême droite, l’extrême droite, vous dis-je ! » 


Fièvres pourprées avec transports au cerveau, lassitudes par tous les membres, voile islamiste devant les yeux, narcotrafic pour tous, parlement hystérique et impuissant, 3500 milliards de dette publique et l’Europe-citadelle sans remparts prise d’assaut, au sud, à l’est, à l’ouest, qui fait la Cosette… Contrairement à ceux d’Argan, les maux de Marianne ne sont pas imaginaires.

Le camp du bien qui depuis des générations se complait dans l’empyrée des bons sentiments et le rousseauisme lacrymal est rattrapé par le réel, désemparé. Un malheur n’arrive jamais seul : l’Arcom donne raison à CNews, l’Institut Thomas More prouve que Radio France est woke. Le gauchisme d’atmosphère exaspère, l’audience baisse. Mauvaise passe ? Comment noyer le poison ? Pour les benêts de la crèche progressiste, tout est simple. Diabolus ex machina, l’extrême droite menace le monde ; contre ce fléau, il existe un remède miracle, les impôts. Rabâchée ad nauseam la double imposture devient vérité.

« L’extrême droite, l’extrême droite, l’extrême droite, vous dis-je ! » 

A Moscou, Pékin, rue d’Ulm, au Flore, éclairé, éclectique, l’intellectuel progressiste n’a jamais manqué d’idoles : Marat, Fouquier-Tinville, Hegel, Marx, Lénine, Staline, Trotski, Castro, Mao, Khomeiny, Maduro, le Hamas… A la grande époque, les esprits supérieurs, déployaient et repliaient dans le jargon, le futur radieux, la surhistoire de la logique du concept, la fonction ligaturante de la praxis et du goulag. Un seul maître vous manque, et tout est dépeuplé.

Ramollie par la chute du mur de Berlin et l’écroulement des humanités, la gauche a abandonné les farces et attrapes de la dialectique négative pour se reconvertir dans des Bourdieuseries de Prisunic, l’indignation en rose et noir, la moraline. Elle recycle ses anchois avariés en produits exotiques : guerre des genres, des sexes, lutte des races, L’Éthique à Nikoumouk. L’objectif reste l’abolition des frontières, la libanisation, le communautarisme, la destruction de l’Etat, de la nation, jouir sans entraves, l’émancipation, la rééducation. Pas de liberté pour les amis de la liberté. Sandrine Rousseau déconstruit les hommes, Ian Brossat veut interdire Le Figaro Magazine, Emmanuel Macron souhaite labelliser les médias. Il faut fendre la presse.

L’extrême droite, dont le centre est partout et la circonférence nulle part, est une lotion magique, dangereuse, insaisissable, indispensable, qui fait dresser les cheveux sur la tête. « Facho » : le mot magique qui disqualifie l’adversaire et dispense de réfléchir. Autour d’un noyau maléfique, la « fachosphère » – intensité neuf sur l’échelle de « Reichter » – gravite une infinité de droites et tangentes fascistoïdes : réac, passéiste, dure, Bolloréeuse, Causeuresque, demi-molle, ultra-conservatrice, libertarienne, illibérale, crypto-ante-néo-libérale, populiste…

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Hitler, Jordan Bardella, Marine Le Pen, le mamba noir, Gargamel, Vincent Bolloré, Pierre-Édouard Stérin, Dracula, Philippe de Villiers, Néron, la vipère du Gabon, Alain Delon, Michel Sardou, Boualem Sansal, Jeanne d’Arc, Hergé, le capitaine Haddock, Louis XIV, Brigitte Bardot, Méphisto, Bruno Retailleau, Adolfo Ramirez, Olrik, Spectre, Éric Zemmour, Zeus, Zorglub, sont d’extrême droite.

Tout le monde a été, est, ou sera d’extrême droite. Elle est partout… Elle défend les frontières, les principes, la famille, l’Académie française, la Marseillaise, le latin, la laïcité, les crèches de Noël, le travail, le mérite, la morale, les Chrétiens d’Orient, la culture, les traditions, le nauséabond qui nous rappelle les heures les plus sombres… Les « Grosses Têtes » progressistes, silentiaires de France Inter, inquisiteurs, dénonciateurs démonologues, Patrick Cohen, Thomas Legrand, Thomas Piketty et les oies du Capital, « font ce qu’il faut », excommunient, pourchassent les mal-pensants, vipères lubriques, hyènes dactylographes de CNews.

Plus le camp du bien s’angoisse, alerte, dénonce, plus les malfaisants prospèrent. Le peuple a compris la tartufferie des guérilleros de Télérama, Francs-Tireurs et Partisans du Festival de Cannes, sous contrat Lancôme. Les « sans dents » ne votent plus à gauche. Les promesses démago, paranoïas ubuesques, prophéties auto-réalisatrices, nourrissent l’incrédulité, le désespoir, les fanatismes.

Le Grand-Guignol antifasciste, l’hystérie de convenance, tiennent lieu de programme et de ciment aux gauches éparpillées, décérébrées. Les pompiers incendiaires, crieurs patentés aux loups d’extrême droite, instrumentalisent l’histoire et la douleur des dizaines de millions de victimes du totalitarisme. Les procès en sorcellerie insultent la mémoire de nos aïeux qui ont souffert dans leur chair, l’oppression, la violence, les barbaries, fasciste, communiste, nazie. Comment sortir de la nasse ?

« Des impôts, des impôts, plus d’impôts, vous dis-je ! »

Égrotante, déprimée, Marianne cherche désespéramment un médecin compétent et conventionné. Confrontés aux déficits abyssaux, une croissance atone, un chômage structurel, la désindustrialisation, certains praticiens, un prix Nobel d’économie (Jean Tirole), le Président de la BPI (Nicolas Dufourcq), suggèrent d’alléger le fardeau de la dette, de réduire le train de vie de l’Etat, de remettre la comptabilité au carré, des potages légers, une cure de vitamines C pour encourager l’esprit d’entreprise, pour retrouver des marges de manœuvres et échapper à la cessation des paiements. Rien n’y fait.

« Ignorantus, ignoranta, Ignorantum.Il faut boire votre vin pur, et, pour épaissir votre sang, qui est trop subtil, il faut manger de bon gros bœuf, de bon gros porc, de bon fromage de Hollande; du gruau et du riz, et des marrons et des oublies, pour coller et conglutiner » (Toinette, Le Malade imaginaire). Thomas Diafoisrus Piketty, Gabriel Zucman Purgon, les stakhanovistes des RTT, tous les connétables du déclin, à la barre depuis 1981, ont un programme unique, inique : planter des impôts pour récolter des fonctionnaires et réciproquement ; une obsession, trancher ce qui dépasse, saigner, purger et tondre les entrepreneurs. Pour soigner le foie, la rate, le chômage, les déficits, l’insécurité, une solution : la taille, la gabelle, la capitation, la CVAE, CFE, CSG, CRDS, IFI, des impôts vous dis-je ! A venir, une Contribution des Hauts Patrimoines et l’impôt sur les os.

« Vous avez là aussi un œil droit que je me ferais crever, si j’étais à votre place ; Ne voyez-vous pas qu’il incommode l’autre, et lui dérobe sa nourriture ? Croyez-moi, faites-vous-le crever au plus tôt: vous en verrez plus clair de l’œil gauche » (Le Malade imaginaire).

Notre-Dame de Paris à l’Opéra: après l’incendie de 2019, une autre calamité

Fresque insipide, dépourvue du caractère épique du roman de Victor Hugo dont elle s’inspire, Notre-Dame de Paris de Roland Petit est l’exemple même de la futilité et de la médiocrité de l’auteur…


On a peine à croire aujourd’hui que Roland Petit, auteur de cette production qu’est Notre-Dame de Paris, créée en 1965 pour le Ballet de l’Opéra et que ce dernier reprend en décembre 2025, mais dans le triste hangar de la Bastille, on a peine à croire que Roland Petit ait pu connaître en son temps une telle renommée, que ce soit en France comme à l’étranger, en Italie tout particulièrement. Les bras mêmes vous en tombent. Et il est à croire qu’une bonne part de ce peuple français auto-proclamé peuple le plus spirituel de la terre aurait plutôt des goûts de concierge, de garçon coiffeur ou de notaire de province. 

À Paris, le public conspuait Martha Graham dans les années 1950, Merce Cunningham dans les années 1960 et 1970, Pina Bausch à l’aube des années 1980, alors qu’il applaudissait frénétiquement Roland Petit. C’était, il est vrai, le public du ballet, plus conservateur, plus écervelé, plus futile que tout autre, pour ne pas être davantage explicite. Les chorégraphes les plus novateurs, ceux que la postérité saluera comme des créateurs de génie, seront tout d’abord reconnus par des publics plus évolués, ceux du théâtre ou des arts plastiques. 

Un roman de gare

Alors que Kurt Joos, José Limon, Martha Graham ou même George Balanchine, dans la même lignée de la danse narrative, avaient composé des chefs d’œuvre en quelques traits d’une force et d’une éloquence inouïes, et que Maurice Béjart incendiait des salles immenses avec son Sacre du printemps daté de 1959, Roland Petit, enrageant déjà de ne pouvoir exister que dans l’ombre écrasante de son rival, portait donc Notre-Dame de Paris sur la scène de l’Opéra voilà six décennies.

On y retrouve les ingrédients constituant nombre de ses ballets: le goût des narrations ambitieuses et du grand spectacle, à quoi s’ajoutent une écriture tenant à la fois du music hall et de l’académisme le plus convenu, des clichés faciles, une théâtralité frelatée faite pour frapper les naïfs à l’estomac ou pour leur en mettre plein la vue. C’est ainsi que Notre-Dame de Paris, ébouriffante épopée rédigée dans la grande veine médiévaliste de Victor Hugo, mais revue par un chorégraphe bien franchouillard, est parvenue à ressembler à un roman de gare.

On verra bien pire il est vrai, trente-trois ans plus tard, avec la comédie musicale de Luc Plamondon et Richard Cocciante.

Des œuvres dignes de passer à la postérité

Pour être juste, il fut un temps où Roland Petit créa des chorégraphies dignes de passer à la postérité : Le Rendez-vous (1945, argument de Jacques Prévert, musique de Joseph Kosma),  ballet expressionniste à la poésie triste ; Les Forains (1945, livret de Boris Kochno, musique d’Henri Sauguet, décor et costumes de Christian Bérard), chant déchirant sur la misère des artistes ambulants ; Le Loup (1953, argument de Jean Anouilh et Georges Neveux, musique d’Henri Dutilleux, décors de Jean Carzou), douloureux poème où le fantastique se mêle à la  cruauté et à la bêtise des hommes. Et bien plus tard, une renaissance du ballet de Léo Delibes, Coppélia (1975) version malicieuse, débordante de vie et de fraîcheur, enrobée dans une scénographie raffinée d’Ezio Frigerio.

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Quant au chef d’œuvre qui bouleversa à juste titre le public de 1946 au Théâtre des Champs-Elysées, Le Jeune Homme et la Mort, et qui rendit Roland Petit brusquement célèbre, il devait tout à Jean Cocteau qui en imagina le propos, le décor, en assura la mise en scène et en choisit le sidérant support musical. Ainsi qu’au danseur Jean Babilée qui en fut le héros indépassable. Plus tard, en ressuscitant ce chef d’œuvre qui n’était pas vraiment le sien, Roland Petit n’aura de cesse de le dénaturer en en réduisant la portée tragique au profit du spectaculaire le plus vain.

Pour le reste, même s’il brille en créant de beaux pas de deux qui seront sa marque de fabrique, Roland Petit donnera surtout le jour à une avalanche d’ouvrages d’un goût à frémir, souvent des adaptations chorégraphiques très kitsch d’œuvres littéraires qui ne méritaient pas un tel affront. Carmen par exemple (1949), l’âpre nouvelle de Mérimée dont il fit une bouffonnerie en saccageant au passage la musique de Bizet. Ou L’Ange bleu (1985) avec lequel le roman de Heinrich Mann est ravalée à une pathétique gaudriole. Pour ne rien dire de L’Arlésienne, de Proust ou les intermittences du cœur et de cent autres solides navets qui firent cruellement rebaptiser leur auteur du sobriquet de Roland le Petit.

Une chorégraphie de boulevard

« Notre-Dame de Paris, écrira sans vergogne un Roland Petit vaniteux comme un coq et qui n’a jamais douté de rien, surtout pas de son génie, Notre-Dame de Paris, c’est comme un film de Dreyer. Un dépouillement et une rigueur absolue au service d’une profonde vie intérieure »

Notre-Dame de Paris, corrigera-t-on avec moins de complaisance, c’est un fatras de gestes mécaniques, de figures anecdotiques et peu inspirées trahissant l’inspiration étriquée d’un démiurge sans envergure; d’images scéniques trop simplistes pour être dramatiques. Ce que le chorégraphe nomme dépouillement n’est que de l’indigence et ce qu’il baptise rigueur absolue n’est autre qu’une absence de sensibilité créatrice.

C’est l’éloquence creuse d’un homme réduit à une sécheresse de cœur et à un travail immature, frappé par une incapacité à créer quelque chose de profond, d’émouvant, à conférer à ses personnages un caractère authentique. D’un auteur qui reproduit les événements décrits dans l’ouvrage dont il s’inspire sans savoir leur restituer le souffle, la dimension épique qui baignent tout Hugo et dont le travail débouche sur des images infantiles et superficielles. En un mot comme en cent, et de bout en bout, c’est terriblement stupide. Quant à « la profonde vie intérieure »…

S’il y avait en danse l’équivalent de ce que le monde du spectacle appelle le théâtre de boulevard, on dirait de Roland Petit, à l’exception de quelques-unes de ses authentiques réussites, qu’il n’a jamais été qu’un assez médiocre chorégraphe de boulevard.

Dur et tranchant comme une lame d’acier

Comment évoquer après cela les quatre interprètes principaux de Notre-Dame de Paris qui se produisaient le soir de la première ?

Ils sont entourés par une foule de danseurs figurant le peuple parisien du temps de Louis XI, un an avant la mort de ce dernier, peuple, sinon populace malléable et dangereuse quand elle est assemblée en foule, et que le chorégraphe réduit à une masse de figurants s’agitant comme des automates.

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La Esmeralda (sans sa chèvre) d’Amandine Albisson est inexpressive, incolore, insipide en un mot. On eut rêvé, en d’autre temps, d’une Isabelle Guérin ou d’une Monique Loudières dans ce rôle qui devrait être tout à la fois d’innocence et d’incandescence. Ici la danseuse exécute proprement sa partie sans paraître autrement concernée. L’apparition de Phoebus (Antonio Conforti) en blonde décolorée drapée dans une cape bleu ciel et posant là comme dans un magazine « gay » des années cinquante, a quelque chose d’aussi ahurissant que comique. Mais qui reprocherait à Hugo Marchand, qui est pourtant un excellent artiste, cette représentation de Quasimodo si sommaire, si mal croquée par un chorégraphe incapable d’attribuer une consistance au personnage, sinon par une démarche bancale et une épaule déboîtée ?

Seul Pablo Legasa, tout de noir vêtu, glacial, dur et tranchant comme une lame d’acier, sait conférer à la figure de Frollo une dimension tragique qui apporte quelque poids à son personnage. 

Aussi bon interprète que l’on soit, comment parvenir à incarner pleinement des personnages aussi sommaires et manquant à ce point d’épaisseur ? Ce ne sont nullement les figures emblématiques que Petit s’est targué d’avoir créées, mais d’indigentes représentations desservies par une gestuelle plus mécanique qu’expressive.

Amandine Albisson et Pablo Legasa (C) Yonathan Kellerman / OnP

Après l’incendie fallait-il nous torturer davantage ?

Ce qui est curieux, mais pas davantage, ce sont les sobres décors de René Allio, bien représentatifs des tentatives novatrices de cette époque en France. Et les costumes d’Yves Saint Laurent. Des costumes spectaculaires, à la théâtralité exacerbée, hélas dévoilés le temps d’un trop bref tableau, et figurant des personnages de cour. Un tableau qui n’a d’ailleurs aucun sens ici, sinon celui d’exhiber le savoir-faire du couturier et la fierté de Roland Petit de se l’être attaché.

Des tenues multicolores, infiniment plus sommaires, revêtent ensuite l’ensemble des danseurs et vont évoluer jusqu’au rouge ou au noir intégral au fur et à mesure de l’action. Eux aussi sont le reflet de leur temps. Et puis, il y a la musique de Maurice Jarre, très belle au prologue, qui demeure efficace ensuite, mais sans laisser d’impression durable. Jarre n’est ni Tchaïkovsky, ni Stravinsky, ni Prokofiev. Ni même Adam, Lalo ou Delibes.

Après l’incendie de Notre-Dame qui nous arracha des larmes, fallait-il donc saluer sa résurrection en nous torturant avec un ouvrage aussi vide et consternant, ce plat fade et dépourvu de toute qualité nutritionnelle opportunément titré Notre-Dame de Paris?  Oui, bien évidemment, sur le plan commercial. On est sûr d’attirer à l’Opéra tout un vaste public maintenant que la tragédie de la cathédrale a fait le tour du monde et que sa restauration attire des foules immenses. Pour l’Opéra, les grands spectacles de ballet de fin d’année sont un bon moyen d’engranger de sérieux bénéfices. Il n’y a là rien de déshonorant à première vue. L’ennui une fois encore, avec l’actuelle direction de l’Académie nationale de Musique et de Danse, c’est que les préoccupations de trésorerie prennent souvent le pas sur les ambitions artistiques.   


Notre–Dame de Paris. Ballet de l’Opéra de Paris. Opéra de la Bastille. 1h55

Jusqu’au 31 décembre 2025

Bobbies et bobards

Outre-Manche, les critiques contre la police proviennent désormais aussi de la droite. Les conservateurs dénoncent depuis plusieurs mois le “two-tier policing”: deux poids, deux mesures, et zéro crédibilité… Un rapport parlementaire accablant pour la police de Birmingham concernant la prétendue mauvaise réputation des supporters de football de Tel-Aviv est d’ailleurs venu récemment apporter de l’eau à leur moulin.


Dans un article du 29 octobre, Causeur a attiré l’attention de ses lecteurs sur l’affaire du match entre Aston Villa et Maccabi Tel Aviv qui devait avoir lieu le 6 novembre, à Birmingham. Il s’agit de la deuxième ville du Royaume Uni dont certains quartiers sont dominés par une population musulmane issue de l’immigration pakistanaise. La police de la région, la West Midlands Police (WMP), citant les violences qui avaient eu lieu à Amsterdam lors du match entre Maccabi et Ajax le 7 novembre 2024, avait décidé que les supporteurs du club israélien constituaient une menace pour l’ordre public et qu’aucun billet ne devait donc leur être attribué. Ce refus, qui semblait motivé par le seul désir d’attirer les bonnes grâces de la communauté musulmane locale, a scandalisé jusqu’au gouvernement travailliste de Sir Keir Starmer. Avant qu’un bras de fer ne s’engage entre la WMP, qui jouit d’une autonomie opérationnelle selon la doctrine en vigueur outre-Manche, et les autorités centrales, le club israélien a renoncé à toute allocation de billets à cause de l’« atmosphère toxique » qui entourait désormais la rencontre. Le match, pour lequel la WMP a mobilisé 700 policiers, a eu lieu sans aucun incident grave.

Suite sans fin

Or il s’avère aujourd’hui que le rapport sur lequel la WMP fondait sa décision était truffé d’erreurs factuelles. Telle est la conclusion des audiences organisées par la Commission des affaires intérieures de la Chambre des communes (Home Affairs Committee) qui a interrogé le chef de la WMP, Craig Guildford, et le conseiller indépendant du gouvernement sur l’antisémitisme, John Mann, membre de la Chambre des Lords. Parmi les erreurs du rapport :

  • A Amsterdam, les fans de Maccabi Tel Aviv auraient arraché des drapeaux palestiniens le jour du match. En fait, un seul drapeau a été arraché la veille.
  • A Amsterdam, il y aurait eu de nombreux incidents avec des chauffeurs de taxi. Il y en a eu un seul.
  • Les supporteurs israéliens auraient jeté des citoyens innocents dans la rivière. En fait, c’est un supporteur israélien qui a été jeté à l’eau par des Néerlandais propalestiniens qui l’auraient sommé de crier « Free Palestine » s’il voulait regagner la berge.
  • La police néerlandaise aurait décrit les supporteurs du club israélien comme des « combattants » organisés de manière « militariste » dont l’objectif était de se battre avec la police. Les Néerlandais ont nié avoir fait une telle description.
  • La police néerlandaise aurait été obligée de déployer 5 000 agents pour maintenir l’ordre. En réalité, il n’y en avait que 1 700. (Je suis tombé moi-même dans le panneau, citant le chiffre de 5 000 dans mon article : mea maxima culpa). 
  • Il y aurait eu des violences lors d’un match entre Maccabi et le club londonien West Ham en 2023. Un tel match n’a jamais eu lieu.

Ce match purement fictif avait été repéré par la WMP après avoir fait des recherches sur les réseaux sociaux. Quand les forces de l’ordre reprennent des fake news propagées par des internautes, c’est qu’il y a un problème très grave. Il semble évident que la WMP voulait interdire les fans israéliens et cherchait n’importe quel prétexte pour justifier sa décision. Qu’est-ce qui arrive à la police anglaise ?

De la fierté à la honte

A une époque, qui semble aujourd’hui appartenir à un passé lointain, les Britanniques se disaient fiers de leur British Broadcasting Service (BBC), un vaste réseau de médias d’État, plutôt neutres et fiables, dont l’influence s’étendait – et s’étend encore – à travers le monde. Le mirage de la fiabilité a été dissipé par de nombreuses affaires dont la plus récente est celle du faux montage du discours tenu par Donald Trump le 6 décembre 2021. De la même façon, les Britanniques se disaient fiers de leurs forces de l’ordre. Le policier local, le « bobby » (surnom dérivé du nom de l’homme politique conservateur, Robert Peel, qui a créé la police londonienne en 1829) incarnait un modèle de service public et de courage héroïque, lui qui normalement ne portait pas d’arme à feu. Les détectives de Scotland Yard (métonymie dérivée de l’adresse du premier quartier général à Londres – rien à voir avec l’Écosse !) étaient à la pointe de toutes les nouvelles techniques de la traque des criminels. Certes, les exemples de l’héroïsme traditionnel ne manquent pas dans le passé récent. En mars 2017, lors de l’attentat islamiste du pont de Westminster et du Parlement, où un djihadiste utilisant une voiture et un couteau a fait cinq morts et 48 blessés, un policier sans arme s’est sacrifié en affrontant l’assaillant avant que ce dernier ne soit abattu par un collègue armé. Trois mois plus tard, lors de l’attentat du pont de Londres où trois djihadistes armés de couteaux et d’une camionnette ont fait huit morts et 48 blessés, quatre policiers sans armes, dont certains n’étaient pas en service à ce moment-là, n’ont pas craint de faire face aux meurtriers enragés. Pourtant, ces exemples remarquables n’ont pas pu sauver la réputation des forces de l’ordre britanniques qui sont accusées aujourd’hui d’incohérence dans leur politique de maintien de l’ordre, ou de ce qu’on appelle « two-tier policing ». Quel est le sens précis de ce néologisme ?

Depuis des années, la police britannique, comme celle de la France, fait l’objet d’accusations de racisme et de sexisme en provenance de la gauche. Mais de nouvelles critiques sont formulées par la droite, surtout la droite populiste dont la figure de proue est Nigel Farage, le chef du parti Reform UK. Le terme « two-tier policing » ou le maintien de l’ordre « à deux vitesses » ou « deux poids, deux mesures », tel qu’il est utilisé par ces accusateurs, désigne une tendance chez les forces de l’ordre à faire preuve d’indulgence face aux manifestations et actions de contestation organisées par la gauche et des groupes musulmans, et à faire preuve de sévérité face aux événements équivalents organisés par la droite et des groupes patriotiques. Un des premiers exemples de cette tendance serait le laxisme de la police au moment des manifestations Black Lives Matter en mai et en juin 2020, au lendemain du meurtre de George Floyd. Certaines de ces actions ont eu lieu en dépit des restrictions imposées par le gouvernement dans le contexte de la pandémie du Covid. Les forces de police n’ont rien fait pour les empêcher. En revanche, les choses se sont passées différemment en mars de l’année suivante, quand les restrictions sont de nouveau en place. Après l’enlèvement et l’assassinat d’une femme, Sarah Everard, par un policier, Wayne Cousins, dont l’arrestation et la condamnation ont révélé toute une histoire d’agressions sexuelles que sa hiérarchie aurait ignorée, des femmes ont tenu une veillée dans un parc londonien. Cette fois, la police s’est montrée implacable concernant les restrictions et a traité les participantes – majoritairement blanches – avec une brutalité honteuse.

Le non-sens des priorités

À la vague de folie wokiste de 2020 à 2022 succède, après le 7 octobre 2023, celle de la folie en keffieh. Cette nouvelle vague, qui n’est que le prolongement de la première, voit se multiplier de grandes manifestations anti-israéliennes dans les principales villes du pays, que la ministre de l’Intérieur de l’époque, Suella Braverman, a qualifiées de « marches de la haine ». La police aurait pu interdire ces manifestations grâce à son « indépendance opérationnelle » mais elle n’en a interdit aucune, malgré l’atmosphère d’insécurité que ces marches ont créée pour les Juifs britanniques. Lors des émeutes qui ont suivi l’attentat de Southport en juillet 2024, où Axel Rudakubana, 17 ans, le fils d’immigrés rwandais, a tué trois petites filles et blessé dix personnes, la police et la justice ont réagi avec une grande sévérité. On peut toujours débattre de la proportionnalité de la réaction dans tel ou tel cas, mais ce qui a choqué une section du public, c’était une vidéo montrant la police qui parle amicalement avec une bande de musulmans armés de clés et de marteaux prétendument pour défendre leurs lieux de culte. Sévérité plus qu’exemplaire d’un côté, indulgence de l’autre. Un autre élément est venu renforcer cette idée, car outre-Manche la police consacre des ressources disproportionnées au maintien de l’ordre sur les réseaux sociaux. De nombreux citoyens ont été interrogés voire arrêtés par la police suite à des publications qui auraient offensé d’autres internautes. Parmi eux, des personnalités publiques comme la journaliste conservatrice Allison Pearson, qui a reçu une visite surprise de la police un dimanche matin, un an après un post sur X au lendemain du 7-Octobre. Ou l’humoriste et scénariste irlandais, Graham Linehan, arrêté à l’aéroport de Londres pour des posts critiques à l’égard de l’idéologie transgenre. Pourtant, le taux de résolution de crimes des différentes forces de police régionales est en chute libre depuis 2015.

Comment les forces de l’ordre en sont-elles arrivées là ? Il s’agit d’une réaction désespérée aux critiques venant de la gauche qui, il faut l’admettre, ont souvent visé juste. Mais cette ouverture aux sirènes des idéologies les plus wokistes est enracinée dans la formation même des policiers. Un nouveau programme de formation pour les candidats ne possédant pas déjà un diplôme universitaire a été créé en 2018 et généralisé à toutes les forces de l’ordre en 2020. Cette formation est fondée sur une alternance entre le travail pratique sur le terrain et des cours dispensés par les départements de sciences humaines des universités. Il s’agit bien entendu des départements les plus à gauche qui promeuvent sans cesse des idéologies militantes à peine déguisées en disciplines universitaires. C’est là que, en toute probabilité, les apprentis policiers imbibent la théorie critique de la race, les études queer et la théorie décoloniale, ainsi que des concepts comme le privilège blanc, le colonialisme de peuplement et la fluidité de genre

La tragédie de la police britannique, comme celle de la BBC, repose sur la diffusion de cette vision manichéenne du monde qui sépare les bons des méchants, non selon les anciens critères d’honnêteté, d’impartialité et d’humanité, mais selon ceux d’une doctrine politique portée par une minorité d’intellectuels et d’activistes et rejetée par la majorité des citoyens.

Bravo Brigitte!

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Entre Brigitte Macron et les féministes, la guerre est déclarée © Eliot Blondet-Pool/SIPA

Dans des propos qui n’étaient pas destinés à devenir publics, Brigitte Macron qualifie de « sales connes » des militantes féministes qui ont interrompu un spectacle d’Ary Abittan…


Samedi, des agitées du féminisme dévoyé ont cru malin de troubler le spectacle de l’acteur Ary Abittan, aux Folies Bergères. J’emploie le mot agitées et non pas celui de militantes, car il est des cas, nombreux quand même, où le militantisme mérite respect et considération. Ce n’est évidemment pas le cas ici. De même, pour l’expression « féminisme dévoyé », car ce qui anime ces aboyeuses hystériques n’est pas tant la valorisation et l’épanouissement de la femme que la castration du mâle.

Elles étaient quatre, courageusement cachées sous des masques à l’effigie de l’acteur. Elles braillaient « Abittan violeur ! » Or, il se trouve que notre homme, qui de fait eut à répondre d’une telle accusation devant la justice, a été purement et simplement innocenté, en première instance comme en appel. Mais pour l’Inquisition nouveau genre et ces bergères en folie, gardiennes du troupeau des brebis rousseauistes (Sandrine, pas Jean-Jacques), cela – l’innocence dûment reconnue – ne compte pas plus qu’un pet d’agneau d’un jour, la justice n’étant selon elle que le dernier refuge du patriarcat le plus borné. Donc lavé de toute culpabilité ou non par les tribunaux, le mâle est coupable, forcément coupable, comme aurait dit Duras. À cet égard, un message posté par une autre engagée-enragée dit clairement le niveau de bêtise qu’on atteint ces temps-ci : « Un non-lieu n’efface pas la parole d’une femme. » En d’autres termes, l’accusation fondée ou non d’une femme vaut jugement définitif et doit être considérée comme l’étalon or de la vérité. Splendide.

A lire aussi: Rendez-nous Nicolas Bedos !

Le jour suivant, dimanche, Brigitte Macron, notre Première Dame, a tenu à assister au spectacle de Ary Abittan. Et, avant le lever du rideau, elle a souhaité le rencontrer en coulisses pour lui manifester son soutien. Elle n’y est pas allée par quatre chemins et n’a pas mâché ses mots. L’acteur lui confiant son appréhension de devoir essuyer une nouvelle agression, elle eut cette formule définitive, cette claque expédiée à la figure des excitées : « S’il y a des sales connes on va les foutre dehors. » Alors, là, bravo Madame ! Bravo Brigitte ! Que cela fait du bien d’entendre appeler chat un chat et des connes des connes ! Beaucoup de bien, vraiment. Cela libère !

Là-dessus la pseudo actrice Judith Godrèche, qui n’a plus guère que ce registre-là pour croire exister encore, a considéré opportun d’apporter ses encouragements aux tapageuses masquées : « Moi aussi, je suis une sale conne », a-t-elle revendiqué. Bon, on s’en doutait bien un peu. Merci à elle tout de même de nous apporter cette confirmation très officielle.

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Zack, nouveau gourou écolo

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DR.

Au Royaume-Uni, l’ancien charlatan Zack Polanski est devenu en peu de temps la personnalité politique de gauche préférée hors Parti travailliste. Faisons connaissance avec l’alter ego britannique de Sandrine Rousseau


En France, on a Sandrine Rousseau, l’impayable députée écolo, pour qui « le monde crève de trop de rationalité » et qui était à deux doigts d’être investie par son parti aux dernières présidentielles. En Amérique, ils ont Zohran Mamdani, le nouveau maire démocrate de New York (également soutenu par le mouvement environnementaliste Sunrise), qui déclarait il y a encore deux ans que « lorsque la botte de la police de New York vous serre le cou, c’est sous l’influence de l’armée israélienne ».

Les Britanniques, eux, ont Zack Polanski, le nouveau président du Parti vert d’Angleterre et du Pays de Galles, élu à son poste début septembre. C’est en un temps record que cet ancien libéral-démocrate est devenu une star de la politique. Grâce à des déclarations baroques, il ne cesse de faire le buzz sur les réseaux sociaux. Car Polanski ne se contente pas de vouloir classiquement taxer les riches et d’accuser Israël de génocide. Il propose aussi de légaliser toutes les drogues, de sortir de l’OTAN et d’accorder l’indépendance au Pays de Galles (à rebours de l’intitulé même de sa formation1). Résultat, selon le dernier sondage de l’institut YouGov, sa cote de sympathie s’est envolée à 12 %, ce qui fait de lui la personnalité de la gauche non travailliste préférée du pays. Et dire que le quadragénaire a fait mille métiers avant d’arriver à la célébrité : barman, physionomiste de boîte de nuit, acteur, et même hypnothérapeute ! Mais attention, dans le genre escroc. En 2013, Polanski se vantait dans les colonnes du journal à scandale The Sun d’être capable, grâce à ses pouvoirs de suggestion mentale, d’augmenter la taille de la poitrine de ses clientes ! Cette archive gênante n’a pas manqué de refaire surface et l’intéressé a présenté ses excuses. Non pour avoir été un sacré charlatan, mais parce qu’il a glorifié le volume mammaire des femmes, soit le plus abject des sexismes aux yeux de ses nouveaux amis verts.

Pour clore la polémique, Polanski a cité Tony Benn, la figure tutélaire de l’aile gauche du Parti travailliste (le « bennisme ») : « Je me fiche d’où tu viens. Ce qui compte, c’est où tu vas. »


  1. Leader du « Green Party of England and Wales » NDLR ↩︎

La drogue, poésie noire de notre renoncement

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Cité Bel Horizon, Marseille, novembre 2025 © Frederic MUNSCH/SIPA

Charles Rojzman est très pessimiste quant à l’issue de la guerre de la France contre le « narcotrafic ».


Les faits divers du matin se ressemblent : un adolescent abattu devant son immeuble, une mère frappée par une balle perdue, une rafale tirée sur un simple hall d’entrée devenu frontière de clans. Les autorités parlent d’« opérations », de « mobilisation », de « lutte contre les réseaux ». On évoque même une « guerre contre le narcotrafic ». Mais quelle guerre, quand l’ennemi se multiplie plus vite qu’on ne l’arrête, quand chaque point de deal détruit ressemble à un membre coupé qui repousse aussitôt ? Les politiciens répètent que la solution viendra à long terme, comme on récite une prière dont on ne croit plus un mot.

Nouvelle France

En vérité, la maîtrise leur échappe. Le trafic n’est plus seulement un crime : c’est un pouvoir parallèle, une souveraineté nocturne qui, chaque semaine, mord un peu plus profondément dans le pays. Chaque tir, chaque corps au sol rappelle la même évidence : ce qui circule dans les veines de la France n’est plus du sang, mais une résignation corrosive — l’annonce d’une chute qu’on n’ose pas nommer.

La France est entrée dans une saison d’opium : un temps mourant où les villes, le soir venu, respirent comme un organisme intoxiqué. On croit encore à l’idée d’incivilités, maigre paravent de mots qu’agite une société qui n’ose plus se regarder dans la glace. En vérité, ce ne sont pas des débordements : ce sont les secousses d’un corps qui se défait, les spasmes d’une nation qui ne sait plus quel souffle la traverse.

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La drogue n’est pas une ombre jetée sur la France : elle est son miroir, une eau noire où se reflète l’effondrement intérieur. Elle relie les barres d’immeubles aux avenues bourgeoises, les caves humides aux appartements feutrés où l’on sniffe en murmurant des phrases progressistes. Les trafics ne font que respecter la géographie morale du pays : partout des fissures, partout des veines ouvertes, partout cette attente d’une délivrance chimique qui tienne lieu de destin.

On ne sait plus ce que c’est qu’habiter un monde. Alors on s’endort dans les vapeurs du cannabis, on s’éveille dans l’éclair blanc de la cocaïne, on traverse la journée avec des pilules qui tiennent lieu de credo. Une génération entière vit sous perfusion d’oubli, et l’on voudrait croire qu’il s’agit d’un phénomène marginal. Non : c’est le nouvel ornement du siècle, l’aura toxique d’une civilisation qui n’a plus que cela à offrir — l’abrutissement comme consolation.

Vacarme sourd

Nos dirigeants eux aussi, avancent dans ce brouillard. On les voit, ces visages polis par les caméras, trembler parfois sous l’effort de la maîtrise. Ils parlent d’ordre, de sécurité, d’avenir ; mais leurs voix, à peine audibles sous les projecteurs, portent la fatigue d’une époque où l’on gouverne à la place du sens disparu. Eux aussi parfois cherchent refuge : dans la poudre, dans les psychotropes légaux, dans les illusions diplomatiques. Le pouvoir n’est plus vertical : il est vacillant, pareil à un funambule ivre qui avance au-dessus du vide.

La France, jadis figure de clarté, se déplace aujourd’hui dans une lumière trouble. Elle ne croit plus en la transcendance, ni en l’histoire, ni en la continuité ; elle s’est réfugiée dans l’instant, comme ces malades qui n’attendent plus rien du lendemain. La drogue n’est pas un produit : c’est une liturgie substitutive, la religion liquide d’un peuple qui a perdu sa mémoire.

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Et tout ce qui n’est pas chimique devient idéologique. On se convainc de progrès tandis que l’on glisse. On proclame la solidarité en évitant soigneusement la vérité. On vit dans un vacarme moral pour couvrir la rumeur sourde de la défaite. Les villes, la nuit, en portent la trace : odeur d’essence brûlée, pas pressés d’adolescents sans horizon, voitures qui flambent comme des cierges funéraires, sirènes perdues dans la profondeur des cités.

La France ne meurt pas : elle se nie. Elle se dissout dans un mélange de culpabilité, d’anomie, de jouissance triste. Elle se tient debout encore, à peine, telle une figure de roman russe, cherchant dans la douleur une noblesse qu’elle n’a plus le courage de conquérir.

La drogue n’est pas notre ennemie. Elle est la poésie noire de notre renoncement.

Et tandis que les dirigeants se débattent dans l’ombre, que la jeunesse se consume dans l’éclat bref des paradis chimiques, que les intellectuels anesthésient la catastrophe sous des discours usés, la France avance vers son propre crépuscule, lentement, magnifiquement, tragiquement — comme une cathédrale sans fidèles, où l’encens seul subsiste, tournoyant dans l’air vide.

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Le RN fout le bordel

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Le député RN Jean-Philippe Tanguy, 3 novembre © NICOLAS MESSYASZ/SIPA

La pénalisation des clients ayant aggravé la situation des prostituées, le député Jean-Philippe Tanguy prépare un projet de loi pour rouvrir les maisons closes. Une excellente idée.


Le Rassemblement national veut rouvrir les maisons closes. Une idée qui affole le braillomètre et enrage les ligues de vertu féministe ne peut pas être mauvaise. Cette proposition de Jean-Philippe Tanguy de créer des bordels sans proxénètes, gérés par des femmes (pourquoi pas des hommes) qui décident librement de se prostituer est excellente d’un point de vue pragmatique et philosophique.

Touche pas à ma pute !

La loi de 2016 interdit de recourir aux services d’une prostituée mais autorise le racolage – comme si des boulangers avaient le droit de vendre du pain, mais qu’il était tout à fait interdit d’en acheter ! Comme l’observe Tanguy, elle n’a pas fait disparaître la prostitution. On trouve en outre sur internet de quoi satisfaire tous les fantasmes. Mais, en la plongeant dans l’illégalité, la loi a rendu les prostituées plus précaires. Cette activité doit donc être encadrée. La maison close apparait comme la solution la plus sûre, la plus digne, et la plus rationnelle économiquement (c’est une mise en commun de moyens, comme des avocats ou des médecins le font).

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Mais en légiférant, on légitime, répliquera-t-on. Et on contredit l’objectif abolitionniste affiché par la France. Tant mieux. Cet objectif est ridicule, liberticide, paternaliste et lesté de puritanisme bourgeois. C’est une « fausse vertu, un faux humanisme qui déshumanise les prostituées », dit Tanguy qui en a croisé quelques-unes en faisant des maraudes dans sa jeunesse.

Arrêtons de mentir

Numéro 7 de « Causeur », novembre 2013.

Si la prostitution a existé sous tous les cieux et régimes, y compris quand on embastillait les « femmes de mauvaise vie », c’est qu’elle répond à une demande sociale. La prostitution a sauvé le mariage et la famille bourgeois et engendré des personnages inoubliables de putains magnifiques dans la littérature ou le cinéma, Nana chez Zola, Esther chez Balzac, Belle de jour avec Deneuve chez Buñuel… Ce n’est pas la prostitution qu’il faut combattre mais l’exploitation.

Non seulement les lois anti-prostitution ne parviennent pas à la supprimer, mais l’objectif de l’abolition est parfaitement illibéral. Au nom de quoi interdirait-on à des femmes de se prostituer ? Elles sont aliénées, me dit-on, mais quand t’es amoureuse à l’œil aussi. Personne ne peut décider pour l’autre ce qu’est être libre (c’est d’ailleurs pour cela que je ne veux pas restreindre le voile islamique au nom de la liberté des femmes, mais au nom de ma liberté de ne pas voir ce symbole d’inégalité).

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Certaines femmes considèrent que leur corps est un temple qu’on ne peut pénétrer qu’après en avoir fait huit fois le tour et signé un contrat, d’autres trouvent naturel de monnayer des actes sexuels, c’est leur droit à chacune. La prostitution fait peur, parce qu’elle concerne le désir, la sexualité, les tourments de l’âme humaine. Dès lors qu’il n’y a pas de violence, ce n’est ni à la société ni à l’État de décider dans quelles conditions des adultes libres s’adonnent au stupre et à la fornication. (En bon français, mêlez-vous de vos fesses).

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Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale, avec Patrick Roger

Liste noire: la gauche lyncheuse se poutinise

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Affichage de rue de l'extrème gauche contre Pierre-Edouard Stérin, Paris, décembre 2025. DR.

Après s’être attaqué à Pascal Praud, Complément d’enquête charge l’entrepreneur Bernard Arnault. Alors qu’il est en tête dans plusieurs sondages d’intention de vote, une plainte est déposée contre Jordan Bardella pour son « média training ».


La gauche lyncheuse a complété sa liste noire. Vincent Bolloré, Pierre-Edouard Stérin, Bernard Arnault, sont parmi les nouveaux proscrits. Ainsi font les Amis de la Terreur.

Les épurateurs détestent ceux qui ont fait fortune, qui leur tiennent tête, pensent mal, écoutent le peuple, lui donnent la parole. Tout cela fait du monde.

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Parmi les journalistes, Pascal Praud a été promu pestiféré No 1, y compris dans une vidéo accusatrice de l’Élysée du 1er décembre. Ce week-end, le Nouvel Obs a fait sa couverture sur la star de CNews (« Profession propagandiste ») accusée d’« orchestrer la montée de l’extrême droite ». Le 21 novembre, Libération avait ouvert le tir à vue en titrant finement sur la « Praudpagande ». Jeudi, France 2 démolissait pour sa part, dans Cash Investigation, l’entrepreneur Bernard Arnault, patron de LVMH. Le même soir, l’extrême gauche tentait violemment de perturber La Nuit du Bien Commun, aux Folies Bergères : une œuvre caritative lancée initialement par le milliardaire catholique Pierre-Edouard Stérin.

Plus généralement, la « bollosphère », force médiatique construite par Vincent Bolloré, est désormais l’unique obsession du pouvoir et de sa presse labellisée. Celle-ci ne se résout pas à sa marginalisation par le numérique et les médias alternatifs, audiovisuels et écrits. Parmi eux, le magazine Frontières, dont le dernier numéro a révélé que le député LFI Raphaël Arnault, fiché S, a été définitivement condamné (quatre mois de prison avec sursis) pour « violences volontaires en réunion ». Parallèlement, Jordan Bardella, en tête dans les sondages pour la présidentielle, vient d’être visé opportunément par une plainte de l’association AC Corruption auprès du Parquet national financier, pour « favoritisme » et « détournement de fonds publics ». Bref, le progressisme en sursis a remobilisé ses sicaires.

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Les censeurs et les coupeurs de têtes n’ont qu’un ennemi en ligne de mire : le « populisme ». Il peut être aussi bien politique que scientifique, télévisuel, religieux, artistique, littéraire, etc. En fait, le populisme est là où l’opinion autorisée n’a plus prise. Autant dire que ce retour au bon sens est partout. La gauche, mélenchoniste et macronienne, est submergée par ce qu’elle appelle les « réactionnaires ». Mais ces dissidents ne sont autres que les Français excédés et réactifs. Longtemps bernés, ils récusent les certitudes et les mensonges de ceux qui prétendent les guider et les informer.

Les assauts contre la liberté d’expression sont menés par un pouvoir qui ne sait convaincre qu’avec le matraquage de sa police de la pensée. La poutinisation de la gauche a atteint Emmanuel Macron dans ses tentatives de contrôle de la parole sur l’internet (dont X, à travers ses algorithmes) et les chaînes privées. La haine que déversent les « humanistes » contre Praud et ses succès d’audience dévoile leurs intolérances. Pour avoir choisi de quitter son émission (L’heure des pros) il y a près de quatre ans sur un désaccord personnel, je reconnais d’autant plus volontiers, derrière le one-man-show de l’acteur, la justesse et l’efficacité de sa récente radicalisation face à un système en sursis qui lui-même se raidit, mais se noie.

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Venezuela: une crise américaine, un sujet français

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Caracas, juin 2025 © Ariana Cubillos/AP/SIPA

Alors que le ministre français des Affaires étrangères s’inquiète des opérations américaines contre le narcotrafic au large du Venezuela, il est nécessaire de regarder la situation sans naïveté ni œillères idéologiques. Le Venezuela, miné par les cartels, déstabilise toute la région… jusqu’à la Guyane française.


C’est l’un des navires les plus modernes au monde. L’USS Gerald R. Ford, 340 m de long, 100 000 tonnes, 4 000 marins, une escadre aérienne complète d’environ 70 appareils, tout cela pour un prix avoisinant les 13 milliards de dollars. Il a quitté la Méditerranée il y a quelques jours. Depuis la semaine dernière, il mouille dans les Caraïbes, à quelques centaines de kilomètres du Venezuela, puissance pétrolière devenue narco-État corrompu. Dans sa ligne de mire : le régime de Nicolás Maduro, bête noire de Donald Trump. Devant cette montée des tensions, la réaction de la France, puissance diplomatique, membre permanent du Conseil de sécurité… et puissance régionale, était attendue.

On oublie trop souvent que la Guyane, ce sont 84 000 km² de territoire français en Amérique du Sud, l’équivalent du Portugal ou de l’Autriche. Le 12 novembre, au G7 diplomatique au Canada, Jean-Noël Barrot a condamné fermement la stratégie américaine, estimant que ces opérations «s’affranchissaient du droit international».

On connaît l’anti-trumpisme du Quai d’Orsay, mais la réaction à tout de même de quoi surprendre. Car en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe, la France est en première ligne face au narco-État vénézuélien. Les routes maritimes et aériennes en provenance de Caracas structurent un trafic devenu un défi sécuritaire majeur. En 2024, les saisies de cocaïne ont bondi de plus de 30 % en Guyane, et de 180% en Martinique et en Guadeloupe. Et si les « narcos » vénézuéliens n’en sont pas les seuls responsables, leurs réseaux alimentent une violence hors-normes dans ces territoires, où le taux d’homicide est sept fois supérieur à celui de la métropole.

À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles

On peut débattre de la légalité des frappes américaines visant les embarcations chargées de drogue au large du Venezuela. Mais les faits sont connus : la criminalité a explosé parallèlement à l’effondrement économique du pays. Les cartels ont trouvé dans le chaos vénézuélien un terrain idéal où prospérer, corrompant police, armée et responsables politiques.

Les accusations de connivence entre autorités vénézuéliennes et narcotrafiquants ne sont pas infondées. Les États-Unis, dont la population forme le principal marché de la drogue, ont des raisons d’être mécontents, ne serait-ce que de l’inefficacité des mesures déployées par Caracas pour lutter contre les narcotrafiquants.

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Dans ce contexte, il n’est pas illégitime qu’un État cherche des moyens pour se protéger de cette menace criminelle transnationale. Les frappes américaines relèvent de cette logique défensive. Selon Reuters, l’armée américaine a déjà détruit quatorze embarcations, tuant leurs occupants. Ces éliminations sommaires, sans jugement, posent la question de leur fondement juridique. Des experts du United Nations Human Rights Council les ont ainsi qualifiées d’«exécutions extrajudiciaires». S’il faut tenir compte de cette opinion, il faut aussi faire remarquer que ces frappes restent limitées

et précisément ciblées. Elles relèvent de mesures exceptionnelles, non d’une attaque contre la souveraineté vénézuélienne.

Un élément trop peu commenté tend à le confirmer : non seulement les forces armées et la police du Venezuela n’ont jamais été ciblées par les Américains, mais elles ne cherchent pas à protéger les embarcations visées. C’est pourquoi les pays latino-américains se sont contentés de protestations de façade. Tous savent que le Venezuela est devenu un narco-État dont les trafics empoisonnent le continent.

L’administration Trump use d’un ton abrupt, mais sa stratégie reste coercitive et calibrée. Rien qui ne ressemble à une invasion en préparation. Nous sommes loin des interventions à Grenade, Panama ou au Nicaragua qu’a pu opérer dans le passé « Oncle Sam ».

Regarder la situation avec lucidité

La France doit tenir compte de cette réalité. Le Venezuela n’est pas seulement un théâtre de confrontation entre Washington et Caracas : il s’agit d’un État effondré dont les réseaux criminels frappent notre propre territoire. Avant de condamner les États-Unis, il faut peser les responsabilités de chacun, les risques régionaux, et le coût humain de l’impuissance vénézuélienne.

L’Amérique latine n’a ni besoin d’un affrontement idéologique supplémentaire ni même de postures diplomatiques «de principe». Elle a besoin d’un réalisme froid : reconnaître les causes profondes de la crise et, surtout, oser affronter un narcotrafic qui dépasse très largement les frontières du continent. On sait depuis Thomas Hobbes que la principale justification à l’existence des États est la sécurité qu’ils apportent aux individus. Qu’ils soient américains ou européens, les États ne peuvent donc pas perdre ce combat.

Françoise par Caroline

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© Lioneel Blancafort

Tous les lundis à 21 heures, Caroline Loeb est Françoise Sagan au Théâtre de Poche Montparnasse sur une mise en scène d’Alex Lutz avec la collaboration de Sophie Barjac. L’intelligence sans fard, la drôlerie frivole, la profondeur non pesante, la malice de la romancière éclatent sur la scène dans une interprétation virtuose. « Françoise par Sagan » est un cadeau de Noël.


D’abord, il y a le mimétisme. Presque la copie conforme. Le trouble est délicieux. La même démarche, les sautillements, puis les recroquevillements, la manière de porter sa cigarette, de traverser la scène comme si elle voulait éviter les danseurs fatigués sur la piste de chez Castel. Les pauses aussi dans le noir, de profil, dans un demi-silence, est-ce un chat noir des boulevard ou Juliette Gréco sortie des caves de Saint-Germain ? Sphynx des « fifties », parfum de Normandie, herbes folles et roulette de casino, petit matin pluvieux et amitiés fécondes, Sagan est bien là, devant nos yeux. Son incarnation. Sa poursuite. Difficile de faire la différence. Dès les premiers instants, on voit danser cette cavalcade qui a surgi dans le paysage littéraire après le Prix des Critiques en 1954. Elle secoua si fort l’édition que cette vieille maîtresse acariâtre ne s’en est toujours pas remise. Son onde oscille encore. Il ne s’agit pas d’une imitation qui serait grotesque et déplacée, il s’agit plutôt d’une survivance de la mémoire. Entre nous, dans l’intimité du théâtre où le faux et le vrai perdent la raison, on visite un monument de la littérature. Une idole d’un métier aujourd’hui disparu. On voyage avec elle, dans ses mots (le texte de la pièce est tiré des entretiens de « Je ne renie rien »).

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Tout est là, en place, les gestes naturels, l’impression très agréable de passer une soirée dans le feutré d’un bar d’hôtel, d’échanger des confidences avec l’enfant chérie des librairies, de comprendre sa mécanique, de se frotter à cette montagne. Sagan n’est pas un charmant petit monstre, elle est une montagne de volonté, un monstre de travail. Un bulldozer qui ne sue pas. On est aux anges car la chorégraphie s’anime. Le côté fluet de ballerine, bourgeoise propédeutique, fille de famille espiègle et taiseuse s’agite et puis, le côté terrien, cette franchise et cette absence de jugement dans ses propos, nous terrassent par son intelligence si peu commune. Françoise était une fille du Lot, elle déroute par son honnêteté. Contrairement aux spécimens menteurs de son espèce, elle n’esquive pas. Frontale. Elle assume tout, ses dévers et ses succès. Ses excès de vitesse et ses addictions. Elle ne se victimise jamais, elle a trop d’honneur. Elle ne quémande rien. On est saisi par cette silhouette d’un autre temps, de mise modeste, qui bientôt va laisser éclater son brio. Un brio non trafiqué pour épater la galerie, un brio de naissance, d’essence pure. Caroline Loeb, magistrale, jamais caricaturale, fluide et décidée, avance dans l’épure. Parfois, elle se déchausse ; parfois elle nous tourne le dos. L’arabesque est souple. Les ruptures de lumière l’habillent. Les coutures de la mise en scène disparaissent. Elle fait corps avec son personnage et nous avec cette figure. Rarement, j’ai entendu une telle qualité d’écoute dans une salle parisienne un lundi de décembre ; ce soir-là, même les tousseurs et les marmonneurs se sont tus. Par respect. Sagan ou Loeb, on ne sait plus très bien, nous obligent à une certaine vérité. Après, le corps, la voix si reconnaissable, si identifiable, surtout dans ses accélérations finales, se glisse dans la nuit d’hiver. Caroline Loeb se dédouble.

Il y avait chez Françoise Sagan, une rythmique propre à La Fontaine, c’était finalement une moraliste endiablée, elle avait le bonheur enfantin de construire des phrases, de surprendre son auditoire et de feindre l’indifférence avec un clin d’œil. Elle ne jetait pas les mots à la va-vite, elle en mesurait l’écho, elle s’en amusait, se délectait même de leur impertinence et pourtant, elle ne voulait pas tricher. Là, réside sa supériorité intellectuelle. Comme un bon joueur de poker, elle masquait ses coups, mariait les paradoxes, et nous mettait à terre par une fulgurance. Elle dégainait des maximes sans l’air d’y toucher. La morale de ses anecdotes, de ses souvenirs, de ses turpitudes est purificatrice dans notre époque vermoulue. Caroline Loeb nous transmet cette vivacité d’esprit-là.

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Michel Bouquet avait des doutes sur l’art d’enseigner la comédie, il disait seulement à ses élèves, de ne pas trahir le texte. Rien que le texte. Caroline Loeb nous donne la pulpe du texte. Elle évoque l’enfance, l’argent, l’amour, la mort, la sexualité, le théâtre, l’amitié, la nature, la solitude et l’écriture. Entre nous, sur l’écriture, on dit beaucoup de choses banales et gonflées, la banalité était étrangère à Sagan.

La gauche Diafoirus

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Le communiste Ian Brossat, en train de défiler pour une bonne cause, Paris, avril 2025 © ISA HARSIN/SIPA

« L’extrême droite, l’extrême droite, l’extrême droite, vous dis-je ! » 


Fièvres pourprées avec transports au cerveau, lassitudes par tous les membres, voile islamiste devant les yeux, narcotrafic pour tous, parlement hystérique et impuissant, 3500 milliards de dette publique et l’Europe-citadelle sans remparts prise d’assaut, au sud, à l’est, à l’ouest, qui fait la Cosette… Contrairement à ceux d’Argan, les maux de Marianne ne sont pas imaginaires.

Le camp du bien qui depuis des générations se complait dans l’empyrée des bons sentiments et le rousseauisme lacrymal est rattrapé par le réel, désemparé. Un malheur n’arrive jamais seul : l’Arcom donne raison à CNews, l’Institut Thomas More prouve que Radio France est woke. Le gauchisme d’atmosphère exaspère, l’audience baisse. Mauvaise passe ? Comment noyer le poison ? Pour les benêts de la crèche progressiste, tout est simple. Diabolus ex machina, l’extrême droite menace le monde ; contre ce fléau, il existe un remède miracle, les impôts. Rabâchée ad nauseam la double imposture devient vérité.

« L’extrême droite, l’extrême droite, l’extrême droite, vous dis-je ! » 

A Moscou, Pékin, rue d’Ulm, au Flore, éclairé, éclectique, l’intellectuel progressiste n’a jamais manqué d’idoles : Marat, Fouquier-Tinville, Hegel, Marx, Lénine, Staline, Trotski, Castro, Mao, Khomeiny, Maduro, le Hamas… A la grande époque, les esprits supérieurs, déployaient et repliaient dans le jargon, le futur radieux, la surhistoire de la logique du concept, la fonction ligaturante de la praxis et du goulag. Un seul maître vous manque, et tout est dépeuplé.

Ramollie par la chute du mur de Berlin et l’écroulement des humanités, la gauche a abandonné les farces et attrapes de la dialectique négative pour se reconvertir dans des Bourdieuseries de Prisunic, l’indignation en rose et noir, la moraline. Elle recycle ses anchois avariés en produits exotiques : guerre des genres, des sexes, lutte des races, L’Éthique à Nikoumouk. L’objectif reste l’abolition des frontières, la libanisation, le communautarisme, la destruction de l’Etat, de la nation, jouir sans entraves, l’émancipation, la rééducation. Pas de liberté pour les amis de la liberté. Sandrine Rousseau déconstruit les hommes, Ian Brossat veut interdire Le Figaro Magazine, Emmanuel Macron souhaite labelliser les médias. Il faut fendre la presse.

L’extrême droite, dont le centre est partout et la circonférence nulle part, est une lotion magique, dangereuse, insaisissable, indispensable, qui fait dresser les cheveux sur la tête. « Facho » : le mot magique qui disqualifie l’adversaire et dispense de réfléchir. Autour d’un noyau maléfique, la « fachosphère » – intensité neuf sur l’échelle de « Reichter » – gravite une infinité de droites et tangentes fascistoïdes : réac, passéiste, dure, Bolloréeuse, Causeuresque, demi-molle, ultra-conservatrice, libertarienne, illibérale, crypto-ante-néo-libérale, populiste…

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Hitler, Jordan Bardella, Marine Le Pen, le mamba noir, Gargamel, Vincent Bolloré, Pierre-Édouard Stérin, Dracula, Philippe de Villiers, Néron, la vipère du Gabon, Alain Delon, Michel Sardou, Boualem Sansal, Jeanne d’Arc, Hergé, le capitaine Haddock, Louis XIV, Brigitte Bardot, Méphisto, Bruno Retailleau, Adolfo Ramirez, Olrik, Spectre, Éric Zemmour, Zeus, Zorglub, sont d’extrême droite.

Tout le monde a été, est, ou sera d’extrême droite. Elle est partout… Elle défend les frontières, les principes, la famille, l’Académie française, la Marseillaise, le latin, la laïcité, les crèches de Noël, le travail, le mérite, la morale, les Chrétiens d’Orient, la culture, les traditions, le nauséabond qui nous rappelle les heures les plus sombres… Les « Grosses Têtes » progressistes, silentiaires de France Inter, inquisiteurs, dénonciateurs démonologues, Patrick Cohen, Thomas Legrand, Thomas Piketty et les oies du Capital, « font ce qu’il faut », excommunient, pourchassent les mal-pensants, vipères lubriques, hyènes dactylographes de CNews.

Plus le camp du bien s’angoisse, alerte, dénonce, plus les malfaisants prospèrent. Le peuple a compris la tartufferie des guérilleros de Télérama, Francs-Tireurs et Partisans du Festival de Cannes, sous contrat Lancôme. Les « sans dents » ne votent plus à gauche. Les promesses démago, paranoïas ubuesques, prophéties auto-réalisatrices, nourrissent l’incrédulité, le désespoir, les fanatismes.

Le Grand-Guignol antifasciste, l’hystérie de convenance, tiennent lieu de programme et de ciment aux gauches éparpillées, décérébrées. Les pompiers incendiaires, crieurs patentés aux loups d’extrême droite, instrumentalisent l’histoire et la douleur des dizaines de millions de victimes du totalitarisme. Les procès en sorcellerie insultent la mémoire de nos aïeux qui ont souffert dans leur chair, l’oppression, la violence, les barbaries, fasciste, communiste, nazie. Comment sortir de la nasse ?

« Des impôts, des impôts, plus d’impôts, vous dis-je ! »

Égrotante, déprimée, Marianne cherche désespéramment un médecin compétent et conventionné. Confrontés aux déficits abyssaux, une croissance atone, un chômage structurel, la désindustrialisation, certains praticiens, un prix Nobel d’économie (Jean Tirole), le Président de la BPI (Nicolas Dufourcq), suggèrent d’alléger le fardeau de la dette, de réduire le train de vie de l’Etat, de remettre la comptabilité au carré, des potages légers, une cure de vitamines C pour encourager l’esprit d’entreprise, pour retrouver des marges de manœuvres et échapper à la cessation des paiements. Rien n’y fait.

« Ignorantus, ignoranta, Ignorantum.Il faut boire votre vin pur, et, pour épaissir votre sang, qui est trop subtil, il faut manger de bon gros bœuf, de bon gros porc, de bon fromage de Hollande; du gruau et du riz, et des marrons et des oublies, pour coller et conglutiner » (Toinette, Le Malade imaginaire). Thomas Diafoisrus Piketty, Gabriel Zucman Purgon, les stakhanovistes des RTT, tous les connétables du déclin, à la barre depuis 1981, ont un programme unique, inique : planter des impôts pour récolter des fonctionnaires et réciproquement ; une obsession, trancher ce qui dépasse, saigner, purger et tondre les entrepreneurs. Pour soigner le foie, la rate, le chômage, les déficits, l’insécurité, une solution : la taille, la gabelle, la capitation, la CVAE, CFE, CSG, CRDS, IFI, des impôts vous dis-je ! A venir, une Contribution des Hauts Patrimoines et l’impôt sur les os.

« Vous avez là aussi un œil droit que je me ferais crever, si j’étais à votre place ; Ne voyez-vous pas qu’il incommode l’autre, et lui dérobe sa nourriture ? Croyez-moi, faites-vous-le crever au plus tôt: vous en verrez plus clair de l’œil gauche » (Le Malade imaginaire).

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Notre-Dame de Paris à l’Opéra: après l’incendie de 2019, une autre calamité

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Le danseur Hugo Marchand © Yonathan Kellerman Opéra national de Paris

Fresque insipide, dépourvue du caractère épique du roman de Victor Hugo dont elle s’inspire, Notre-Dame de Paris de Roland Petit est l’exemple même de la futilité et de la médiocrité de l’auteur…


On a peine à croire aujourd’hui que Roland Petit, auteur de cette production qu’est Notre-Dame de Paris, créée en 1965 pour le Ballet de l’Opéra et que ce dernier reprend en décembre 2025, mais dans le triste hangar de la Bastille, on a peine à croire que Roland Petit ait pu connaître en son temps une telle renommée, que ce soit en France comme à l’étranger, en Italie tout particulièrement. Les bras mêmes vous en tombent. Et il est à croire qu’une bonne part de ce peuple français auto-proclamé peuple le plus spirituel de la terre aurait plutôt des goûts de concierge, de garçon coiffeur ou de notaire de province. 

À Paris, le public conspuait Martha Graham dans les années 1950, Merce Cunningham dans les années 1960 et 1970, Pina Bausch à l’aube des années 1980, alors qu’il applaudissait frénétiquement Roland Petit. C’était, il est vrai, le public du ballet, plus conservateur, plus écervelé, plus futile que tout autre, pour ne pas être davantage explicite. Les chorégraphes les plus novateurs, ceux que la postérité saluera comme des créateurs de génie, seront tout d’abord reconnus par des publics plus évolués, ceux du théâtre ou des arts plastiques. 

Un roman de gare

Alors que Kurt Joos, José Limon, Martha Graham ou même George Balanchine, dans la même lignée de la danse narrative, avaient composé des chefs d’œuvre en quelques traits d’une force et d’une éloquence inouïes, et que Maurice Béjart incendiait des salles immenses avec son Sacre du printemps daté de 1959, Roland Petit, enrageant déjà de ne pouvoir exister que dans l’ombre écrasante de son rival, portait donc Notre-Dame de Paris sur la scène de l’Opéra voilà six décennies.

On y retrouve les ingrédients constituant nombre de ses ballets: le goût des narrations ambitieuses et du grand spectacle, à quoi s’ajoutent une écriture tenant à la fois du music hall et de l’académisme le plus convenu, des clichés faciles, une théâtralité frelatée faite pour frapper les naïfs à l’estomac ou pour leur en mettre plein la vue. C’est ainsi que Notre-Dame de Paris, ébouriffante épopée rédigée dans la grande veine médiévaliste de Victor Hugo, mais revue par un chorégraphe bien franchouillard, est parvenue à ressembler à un roman de gare.

On verra bien pire il est vrai, trente-trois ans plus tard, avec la comédie musicale de Luc Plamondon et Richard Cocciante.

Des œuvres dignes de passer à la postérité

Pour être juste, il fut un temps où Roland Petit créa des chorégraphies dignes de passer à la postérité : Le Rendez-vous (1945, argument de Jacques Prévert, musique de Joseph Kosma),  ballet expressionniste à la poésie triste ; Les Forains (1945, livret de Boris Kochno, musique d’Henri Sauguet, décor et costumes de Christian Bérard), chant déchirant sur la misère des artistes ambulants ; Le Loup (1953, argument de Jean Anouilh et Georges Neveux, musique d’Henri Dutilleux, décors de Jean Carzou), douloureux poème où le fantastique se mêle à la  cruauté et à la bêtise des hommes. Et bien plus tard, une renaissance du ballet de Léo Delibes, Coppélia (1975) version malicieuse, débordante de vie et de fraîcheur, enrobée dans une scénographie raffinée d’Ezio Frigerio.

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Quant au chef d’œuvre qui bouleversa à juste titre le public de 1946 au Théâtre des Champs-Elysées, Le Jeune Homme et la Mort, et qui rendit Roland Petit brusquement célèbre, il devait tout à Jean Cocteau qui en imagina le propos, le décor, en assura la mise en scène et en choisit le sidérant support musical. Ainsi qu’au danseur Jean Babilée qui en fut le héros indépassable. Plus tard, en ressuscitant ce chef d’œuvre qui n’était pas vraiment le sien, Roland Petit n’aura de cesse de le dénaturer en en réduisant la portée tragique au profit du spectaculaire le plus vain.

Pour le reste, même s’il brille en créant de beaux pas de deux qui seront sa marque de fabrique, Roland Petit donnera surtout le jour à une avalanche d’ouvrages d’un goût à frémir, souvent des adaptations chorégraphiques très kitsch d’œuvres littéraires qui ne méritaient pas un tel affront. Carmen par exemple (1949), l’âpre nouvelle de Mérimée dont il fit une bouffonnerie en saccageant au passage la musique de Bizet. Ou L’Ange bleu (1985) avec lequel le roman de Heinrich Mann est ravalée à une pathétique gaudriole. Pour ne rien dire de L’Arlésienne, de Proust ou les intermittences du cœur et de cent autres solides navets qui firent cruellement rebaptiser leur auteur du sobriquet de Roland le Petit.

Une chorégraphie de boulevard

« Notre-Dame de Paris, écrira sans vergogne un Roland Petit vaniteux comme un coq et qui n’a jamais douté de rien, surtout pas de son génie, Notre-Dame de Paris, c’est comme un film de Dreyer. Un dépouillement et une rigueur absolue au service d’une profonde vie intérieure »

Notre-Dame de Paris, corrigera-t-on avec moins de complaisance, c’est un fatras de gestes mécaniques, de figures anecdotiques et peu inspirées trahissant l’inspiration étriquée d’un démiurge sans envergure; d’images scéniques trop simplistes pour être dramatiques. Ce que le chorégraphe nomme dépouillement n’est que de l’indigence et ce qu’il baptise rigueur absolue n’est autre qu’une absence de sensibilité créatrice.

C’est l’éloquence creuse d’un homme réduit à une sécheresse de cœur et à un travail immature, frappé par une incapacité à créer quelque chose de profond, d’émouvant, à conférer à ses personnages un caractère authentique. D’un auteur qui reproduit les événements décrits dans l’ouvrage dont il s’inspire sans savoir leur restituer le souffle, la dimension épique qui baignent tout Hugo et dont le travail débouche sur des images infantiles et superficielles. En un mot comme en cent, et de bout en bout, c’est terriblement stupide. Quant à « la profonde vie intérieure »…

S’il y avait en danse l’équivalent de ce que le monde du spectacle appelle le théâtre de boulevard, on dirait de Roland Petit, à l’exception de quelques-unes de ses authentiques réussites, qu’il n’a jamais été qu’un assez médiocre chorégraphe de boulevard.

Dur et tranchant comme une lame d’acier

Comment évoquer après cela les quatre interprètes principaux de Notre-Dame de Paris qui se produisaient le soir de la première ?

Ils sont entourés par une foule de danseurs figurant le peuple parisien du temps de Louis XI, un an avant la mort de ce dernier, peuple, sinon populace malléable et dangereuse quand elle est assemblée en foule, et que le chorégraphe réduit à une masse de figurants s’agitant comme des automates.

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La Esmeralda (sans sa chèvre) d’Amandine Albisson est inexpressive, incolore, insipide en un mot. On eut rêvé, en d’autre temps, d’une Isabelle Guérin ou d’une Monique Loudières dans ce rôle qui devrait être tout à la fois d’innocence et d’incandescence. Ici la danseuse exécute proprement sa partie sans paraître autrement concernée. L’apparition de Phoebus (Antonio Conforti) en blonde décolorée drapée dans une cape bleu ciel et posant là comme dans un magazine « gay » des années cinquante, a quelque chose d’aussi ahurissant que comique. Mais qui reprocherait à Hugo Marchand, qui est pourtant un excellent artiste, cette représentation de Quasimodo si sommaire, si mal croquée par un chorégraphe incapable d’attribuer une consistance au personnage, sinon par une démarche bancale et une épaule déboîtée ?

Seul Pablo Legasa, tout de noir vêtu, glacial, dur et tranchant comme une lame d’acier, sait conférer à la figure de Frollo une dimension tragique qui apporte quelque poids à son personnage. 

Aussi bon interprète que l’on soit, comment parvenir à incarner pleinement des personnages aussi sommaires et manquant à ce point d’épaisseur ? Ce ne sont nullement les figures emblématiques que Petit s’est targué d’avoir créées, mais d’indigentes représentations desservies par une gestuelle plus mécanique qu’expressive.

Amandine Albisson et Pablo Legasa (C) Yonathan Kellerman / OnP

Après l’incendie fallait-il nous torturer davantage ?

Ce qui est curieux, mais pas davantage, ce sont les sobres décors de René Allio, bien représentatifs des tentatives novatrices de cette époque en France. Et les costumes d’Yves Saint Laurent. Des costumes spectaculaires, à la théâtralité exacerbée, hélas dévoilés le temps d’un trop bref tableau, et figurant des personnages de cour. Un tableau qui n’a d’ailleurs aucun sens ici, sinon celui d’exhiber le savoir-faire du couturier et la fierté de Roland Petit de se l’être attaché.

Des tenues multicolores, infiniment plus sommaires, revêtent ensuite l’ensemble des danseurs et vont évoluer jusqu’au rouge ou au noir intégral au fur et à mesure de l’action. Eux aussi sont le reflet de leur temps. Et puis, il y a la musique de Maurice Jarre, très belle au prologue, qui demeure efficace ensuite, mais sans laisser d’impression durable. Jarre n’est ni Tchaïkovsky, ni Stravinsky, ni Prokofiev. Ni même Adam, Lalo ou Delibes.

Après l’incendie de Notre-Dame qui nous arracha des larmes, fallait-il donc saluer sa résurrection en nous torturant avec un ouvrage aussi vide et consternant, ce plat fade et dépourvu de toute qualité nutritionnelle opportunément titré Notre-Dame de Paris?  Oui, bien évidemment, sur le plan commercial. On est sûr d’attirer à l’Opéra tout un vaste public maintenant que la tragédie de la cathédrale a fait le tour du monde et que sa restauration attire des foules immenses. Pour l’Opéra, les grands spectacles de ballet de fin d’année sont un bon moyen d’engranger de sérieux bénéfices. Il n’y a là rien de déshonorant à première vue. L’ennui une fois encore, avec l’actuelle direction de l’Académie nationale de Musique et de Danse, c’est que les préoccupations de trésorerie prennent souvent le pas sur les ambitions artistiques.   


Notre–Dame de Paris. Ballet de l’Opéra de Paris. Opéra de la Bastille. 1h55

Jusqu’au 31 décembre 2025

Bobbies et bobards

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Des supporters huent des groupes pro-palestiniens qui manifestaient devant le stade à Birmingham, alors que l’équipe israélienne du Maccabi Tel-Aviv affrontait Aston Villa lors d’un match de Ligue Europa. Les supporters du Maccabi avaient été interdits de match pour des raisons de sécurité, tandis que centaines de policiers patrouillaient autour de l'événement, 06/11/2025 © Lab Mo/LNP/Shutterstock/SIPA

Outre-Manche, les critiques contre la police proviennent désormais aussi de la droite. Les conservateurs dénoncent depuis plusieurs mois le “two-tier policing”: deux poids, deux mesures, et zéro crédibilité… Un rapport parlementaire accablant pour la police de Birmingham concernant la prétendue mauvaise réputation des supporters de football de Tel-Aviv est d’ailleurs venu récemment apporter de l’eau à leur moulin.


Dans un article du 29 octobre, Causeur a attiré l’attention de ses lecteurs sur l’affaire du match entre Aston Villa et Maccabi Tel Aviv qui devait avoir lieu le 6 novembre, à Birmingham. Il s’agit de la deuxième ville du Royaume Uni dont certains quartiers sont dominés par une population musulmane issue de l’immigration pakistanaise. La police de la région, la West Midlands Police (WMP), citant les violences qui avaient eu lieu à Amsterdam lors du match entre Maccabi et Ajax le 7 novembre 2024, avait décidé que les supporteurs du club israélien constituaient une menace pour l’ordre public et qu’aucun billet ne devait donc leur être attribué. Ce refus, qui semblait motivé par le seul désir d’attirer les bonnes grâces de la communauté musulmane locale, a scandalisé jusqu’au gouvernement travailliste de Sir Keir Starmer. Avant qu’un bras de fer ne s’engage entre la WMP, qui jouit d’une autonomie opérationnelle selon la doctrine en vigueur outre-Manche, et les autorités centrales, le club israélien a renoncé à toute allocation de billets à cause de l’« atmosphère toxique » qui entourait désormais la rencontre. Le match, pour lequel la WMP a mobilisé 700 policiers, a eu lieu sans aucun incident grave.

Suite sans fin

Or il s’avère aujourd’hui que le rapport sur lequel la WMP fondait sa décision était truffé d’erreurs factuelles. Telle est la conclusion des audiences organisées par la Commission des affaires intérieures de la Chambre des communes (Home Affairs Committee) qui a interrogé le chef de la WMP, Craig Guildford, et le conseiller indépendant du gouvernement sur l’antisémitisme, John Mann, membre de la Chambre des Lords. Parmi les erreurs du rapport :

  • A Amsterdam, les fans de Maccabi Tel Aviv auraient arraché des drapeaux palestiniens le jour du match. En fait, un seul drapeau a été arraché la veille.
  • A Amsterdam, il y aurait eu de nombreux incidents avec des chauffeurs de taxi. Il y en a eu un seul.
  • Les supporteurs israéliens auraient jeté des citoyens innocents dans la rivière. En fait, c’est un supporteur israélien qui a été jeté à l’eau par des Néerlandais propalestiniens qui l’auraient sommé de crier « Free Palestine » s’il voulait regagner la berge.
  • La police néerlandaise aurait décrit les supporteurs du club israélien comme des « combattants » organisés de manière « militariste » dont l’objectif était de se battre avec la police. Les Néerlandais ont nié avoir fait une telle description.
  • La police néerlandaise aurait été obligée de déployer 5 000 agents pour maintenir l’ordre. En réalité, il n’y en avait que 1 700. (Je suis tombé moi-même dans le panneau, citant le chiffre de 5 000 dans mon article : mea maxima culpa). 
  • Il y aurait eu des violences lors d’un match entre Maccabi et le club londonien West Ham en 2023. Un tel match n’a jamais eu lieu.

Ce match purement fictif avait été repéré par la WMP après avoir fait des recherches sur les réseaux sociaux. Quand les forces de l’ordre reprennent des fake news propagées par des internautes, c’est qu’il y a un problème très grave. Il semble évident que la WMP voulait interdire les fans israéliens et cherchait n’importe quel prétexte pour justifier sa décision. Qu’est-ce qui arrive à la police anglaise ?

De la fierté à la honte

A une époque, qui semble aujourd’hui appartenir à un passé lointain, les Britanniques se disaient fiers de leur British Broadcasting Service (BBC), un vaste réseau de médias d’État, plutôt neutres et fiables, dont l’influence s’étendait – et s’étend encore – à travers le monde. Le mirage de la fiabilité a été dissipé par de nombreuses affaires dont la plus récente est celle du faux montage du discours tenu par Donald Trump le 6 décembre 2021. De la même façon, les Britanniques se disaient fiers de leurs forces de l’ordre. Le policier local, le « bobby » (surnom dérivé du nom de l’homme politique conservateur, Robert Peel, qui a créé la police londonienne en 1829) incarnait un modèle de service public et de courage héroïque, lui qui normalement ne portait pas d’arme à feu. Les détectives de Scotland Yard (métonymie dérivée de l’adresse du premier quartier général à Londres – rien à voir avec l’Écosse !) étaient à la pointe de toutes les nouvelles techniques de la traque des criminels. Certes, les exemples de l’héroïsme traditionnel ne manquent pas dans le passé récent. En mars 2017, lors de l’attentat islamiste du pont de Westminster et du Parlement, où un djihadiste utilisant une voiture et un couteau a fait cinq morts et 48 blessés, un policier sans arme s’est sacrifié en affrontant l’assaillant avant que ce dernier ne soit abattu par un collègue armé. Trois mois plus tard, lors de l’attentat du pont de Londres où trois djihadistes armés de couteaux et d’une camionnette ont fait huit morts et 48 blessés, quatre policiers sans armes, dont certains n’étaient pas en service à ce moment-là, n’ont pas craint de faire face aux meurtriers enragés. Pourtant, ces exemples remarquables n’ont pas pu sauver la réputation des forces de l’ordre britanniques qui sont accusées aujourd’hui d’incohérence dans leur politique de maintien de l’ordre, ou de ce qu’on appelle « two-tier policing ». Quel est le sens précis de ce néologisme ?

Depuis des années, la police britannique, comme celle de la France, fait l’objet d’accusations de racisme et de sexisme en provenance de la gauche. Mais de nouvelles critiques sont formulées par la droite, surtout la droite populiste dont la figure de proue est Nigel Farage, le chef du parti Reform UK. Le terme « two-tier policing » ou le maintien de l’ordre « à deux vitesses » ou « deux poids, deux mesures », tel qu’il est utilisé par ces accusateurs, désigne une tendance chez les forces de l’ordre à faire preuve d’indulgence face aux manifestations et actions de contestation organisées par la gauche et des groupes musulmans, et à faire preuve de sévérité face aux événements équivalents organisés par la droite et des groupes patriotiques. Un des premiers exemples de cette tendance serait le laxisme de la police au moment des manifestations Black Lives Matter en mai et en juin 2020, au lendemain du meurtre de George Floyd. Certaines de ces actions ont eu lieu en dépit des restrictions imposées par le gouvernement dans le contexte de la pandémie du Covid. Les forces de police n’ont rien fait pour les empêcher. En revanche, les choses se sont passées différemment en mars de l’année suivante, quand les restrictions sont de nouveau en place. Après l’enlèvement et l’assassinat d’une femme, Sarah Everard, par un policier, Wayne Cousins, dont l’arrestation et la condamnation ont révélé toute une histoire d’agressions sexuelles que sa hiérarchie aurait ignorée, des femmes ont tenu une veillée dans un parc londonien. Cette fois, la police s’est montrée implacable concernant les restrictions et a traité les participantes – majoritairement blanches – avec une brutalité honteuse.

Le non-sens des priorités

À la vague de folie wokiste de 2020 à 2022 succède, après le 7 octobre 2023, celle de la folie en keffieh. Cette nouvelle vague, qui n’est que le prolongement de la première, voit se multiplier de grandes manifestations anti-israéliennes dans les principales villes du pays, que la ministre de l’Intérieur de l’époque, Suella Braverman, a qualifiées de « marches de la haine ». La police aurait pu interdire ces manifestations grâce à son « indépendance opérationnelle » mais elle n’en a interdit aucune, malgré l’atmosphère d’insécurité que ces marches ont créée pour les Juifs britanniques. Lors des émeutes qui ont suivi l’attentat de Southport en juillet 2024, où Axel Rudakubana, 17 ans, le fils d’immigrés rwandais, a tué trois petites filles et blessé dix personnes, la police et la justice ont réagi avec une grande sévérité. On peut toujours débattre de la proportionnalité de la réaction dans tel ou tel cas, mais ce qui a choqué une section du public, c’était une vidéo montrant la police qui parle amicalement avec une bande de musulmans armés de clés et de marteaux prétendument pour défendre leurs lieux de culte. Sévérité plus qu’exemplaire d’un côté, indulgence de l’autre. Un autre élément est venu renforcer cette idée, car outre-Manche la police consacre des ressources disproportionnées au maintien de l’ordre sur les réseaux sociaux. De nombreux citoyens ont été interrogés voire arrêtés par la police suite à des publications qui auraient offensé d’autres internautes. Parmi eux, des personnalités publiques comme la journaliste conservatrice Allison Pearson, qui a reçu une visite surprise de la police un dimanche matin, un an après un post sur X au lendemain du 7-Octobre. Ou l’humoriste et scénariste irlandais, Graham Linehan, arrêté à l’aéroport de Londres pour des posts critiques à l’égard de l’idéologie transgenre. Pourtant, le taux de résolution de crimes des différentes forces de police régionales est en chute libre depuis 2015.

Comment les forces de l’ordre en sont-elles arrivées là ? Il s’agit d’une réaction désespérée aux critiques venant de la gauche qui, il faut l’admettre, ont souvent visé juste. Mais cette ouverture aux sirènes des idéologies les plus wokistes est enracinée dans la formation même des policiers. Un nouveau programme de formation pour les candidats ne possédant pas déjà un diplôme universitaire a été créé en 2018 et généralisé à toutes les forces de l’ordre en 2020. Cette formation est fondée sur une alternance entre le travail pratique sur le terrain et des cours dispensés par les départements de sciences humaines des universités. Il s’agit bien entendu des départements les plus à gauche qui promeuvent sans cesse des idéologies militantes à peine déguisées en disciplines universitaires. C’est là que, en toute probabilité, les apprentis policiers imbibent la théorie critique de la race, les études queer et la théorie décoloniale, ainsi que des concepts comme le privilège blanc, le colonialisme de peuplement et la fluidité de genre

La tragédie de la police britannique, comme celle de la BBC, repose sur la diffusion de cette vision manichéenne du monde qui sépare les bons des méchants, non selon les anciens critères d’honnêteté, d’impartialité et d’humanité, mais selon ceux d’une doctrine politique portée par une minorité d’intellectuels et d’activistes et rejetée par la majorité des citoyens.