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Tout ça pour ça !

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Ruines et mensonges


L’exclamation de Mohamed Sifaoui résonne en moi comme un cri.
Un cri face au spectacle de la désolation à Gaza, à ce désastre que le Hamas a provoqué.

En frappant Israël, en assassinant plus de 1200 personnes, en capturant 245 otages, les prédateurs djihadistes ont sciemment détruit la Palestine.

Soixante-sept mille morts1. Des milliers de femmes et d’enfants écrasés sous les décombres. Des villes rasées, des familles pulvérisées. Un peuple vivant sous la terreur islamiste, condamné à l’exil ou à la peur.

Tout ça pour ça !

Pour un champ de ruines. Pour un peuple martyrisé deux fois. Par l’ennemi qu’il s’est désigné, et par les maîtres qu’il subit.   

Le 7 octobre 2023, le Hamas a cru accomplir l’exploit de l’histoire : infliger à Israël une humiliation absolue. Ce fut, pour quelques heures, la jubilation obscène d’un carnage présenté comme une victoire des opprimés sur leurs oppresseurs.

Mais cette victoire d’un jour fut le tombeau d’une nation en devenir. En une matinée, le Hamas a réduit à néant des décennies d’espoirs fragiles, de soutiens construits à travers le monde, malgré la reconnaissance diplomatique de ce vide qu’est l’Etat de Palestine.

Il a transformé Gaza en cimetière et la cause palestinienne en cause désespérée.

Car les terroristes du Hamas ne libèrent pas, ils sacrifient. Ils ne gouvernent pas, ils endoctrinent. Ils ne construisent pas, ils détruisent.

A lire aussi, Richard Prasquier: Un jour de joie, pas encore un jour de paix

Mais la tragédie ne s’arrête pas à Gaza.
Le 7-octobre a réveillé une autre bête : l’antisémitisme le plus abject.

En frappant Israël, le Hamas a ravivé cette vieille haine qu’on croyait contenue. Il l’a rhabillée du keffieh de la vertu, repeinte aux couleurs du progressisme, rendue fréquentable dans les universités et sur les plateaux télé.

Pour y parvenir, il a trouvé ici, chez nous une armée d’idiots utiles. Ceux qui, au nom de la justice, ont relayé sa propagande, qui ont sciemment confondu anticolonialisme et haine d’Israël, ont transformé la compassion en posture et la morale en arme idéologique.

Les mêmes qui, en prétendant défendre la Palestine, l’ont condamnée une seconde fois en célébrant ceux qui la détruisent, règlent aujourd’hui leurs comptes dans le sang à coup d’exécutions sommaires que d’aucuns trouveront toujours moyen d’expliquer.

Dans son livre, Arthur dit d’une voix douce et sidérée : « Je ne pensais pas me sentir aussi seul après le 7 octobre. »

Cette solitude, tant de Français juifs la partagent aujourd’hui. Elle ne vient pas seulement de l’abominable massacre, mais du silence qui l’a suivi.

Des amitiés effacées. Des indignations sélectives. De ce monde qui, sous prétexte de défendre les Palestiniens, s’est remis à haïr les juifs.

Tout ça pour ça.

Pour que le Hamas détruise la Palestine au nom de sa libération. Pour ressusciter aussi, dans le vacarme des slogans, la haine la plus vieille du monde.

Et pour qu’au bout du compte, des deux côtés du mur, il ne reste que des larmes à sécher.

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  1. Selon les chiffres donnés par le ministère de la Santé du Hamas le 18 octobre et repris par de nombreux médias. ↩︎

Cyril Bennasar, l’homme qui dit non

L’Affranchi, de notre ami Cyril Bennasar, est un roman jubilatoire. L’histoire d’un homme qui refuse de se soumettre à une société de servitudes, du matraquage de l’Urssaf à la propagande immigrationniste en passant par les diktats du néoféminisme. Une liberté de ton et une autodérision rares et savoureuses.


Si tout roman est une variation sur son titre ou son explicitation, L’Affranchi a pour premier mérite le direct, ce dernier mot entendu de façon polysémique, comme on disait à l’université de Vincennes, dans les années 1970, un lieu où l’on pensait encore, et dans une France où le peuple français pouvait encore se dire tel sans nationalisme ni réduction à l’« extrême droite ». L’affranchi dont il sera question ici est un homme qui, soucieux de son indépendance d’esprit, se délivre de ce qui l’entrave tout en continuant à vivre parmi un peuple d’esclaves, ou, si ce mot est trop direct, de citoyens plus ou moins flous, asservis aux mots d’ordre de ce qu’on appelle le Bien mais qui, dans un monde entièrement inversé, est l’exercice même du Mal.

Cyril Bennasar est de la génération qui suit la mienne et celle de son préfacier, Renaud Camus, donc pas tout à fait celle des boomers, comme on nous nomme en ce globish qui, comme les tags, les hijabs, les casquettes à l’envers, les mauvais romans et les « incivilités », est une des plaies du monde contemporain. Dire que Bennasar écrit direct, c’est se référer à la boxe, à ce coup de poing porté à distance dans l’axe direct de l’adversaire. Le direct est donc la caractéristique du style de Bennasar et de son narrateur, Pierre Schwab, qui dresse tout au long de son chemin, comme Stendhal, un miroir qui reflète à la fois son itinéraire et le langage qu’il renvoie à l’ennemi.

Ce dont Pierre Schwab, menuisier de son état, s’affranchit en premier lieu, c’est de l’Urssaf, organisme à connotation soviétique et dont il se résout à être radié pour ne pas faire bénéficier de ses contributions les « remplaçants » privilégiés par le « parti immigrationniste » au pouvoir. « Ce dispositif qui consiste à transférer l’argent de ceux qui se retroussent les manches vers ceux qui tendent la main n’a jamais vraiment eu mon adhésion, mais maintenant que les mains qui se tendent lèvent un poing qui tient un couteau, la solidarité n’aura plus mon agrément », surtout, je cite encore, pour des types débarqués du « bled » en clamant que le hijab est « une tenue française » et Mohamed un prénom bien de chez nous. À ce compte-là, la France ne sera bientôt plus qu’une région de l’Oumma, et le sabir arabo-franco-globish un langage supérieur à la langue de Proust. On est au cœur du problème et l’évoquer, c’est se dresser contre la néo-civilisation selon Netflix, Disney et Arte, Bible chatoyante du monde tel qu’on voudrait qu’il soit mais non tel qu’il est, et que la soumission des masses au Divertissement général accepte sans rechigner.

Être radié de l’Urssaf : un des fils conducteurs de ce roman qui s’ouvre sur un bel hommage à Anne, qui vient de mourir et qui avait révélé au narrateur son pouvoir littéraire, sur Radio libertaire, avant que Schwab en soit exclu pour hérésie antiraciste, les « anars » étant aussi vertueux que les wokistes. Non content d’être un mâle juif, Schwab refuse le monde tel qu’on nous le vante pour mieux lui vendre notre âme, notre civilisation. Ce refus n’est pas une position de belle âme blessée : Schwab le manifeste publiquement en retouchant telle fresque consacrée à un « victime » devenue « iconique » de prétendues violences policières, comme le sont ces épouvantables chanteuses « issues de l’immigration », notamment celle qui, quoique pesant un quintal, s’« approprie » le prénom d’Yseult, tandis que les Blanches cultivent la « laideur pour échapper au diktat du séduisant ou de sexy ». Certaines des actions schwabiennes vont jusqu’à la confrontation directe avec des représentants de l’incivilité « décomplexée », pour reprendre une épithète dont la presse bien-pensante affuble ce qu’elle appelle l’« extrême droite ».

Le plus grand péché de notre narrateur est bien sûr son comportement avec les femmes. Dire qu’il les aime est d’emblée suspect de domination sexiste. Les scènes de sexe, comme on dit au cinéma, sont des plus crues, chacun des deux « partenaires » jouant son rôle, les corps ne pouvant plus tricher, les fantasmes féminins ne se souciant plus de féminisme, ni les masculins de « domination mâle ». Et quand le narrateur déclare : « C’est magique de mettre sa main dans la culotte d’une fille pour la première fois », on est d’autant plus d’accord avec lui qu’il ne fait que citer non pas Miller ou Bukowski mais Mathieu Amalric, dans un film de Desplechin. Amalric, Desplechin : on est bien loin de la « faschospère »… Si on ne peut citer ici sans danger ni éclater de rire devant ce à quoi Schwab voue le personnel politique féminin actuel, on l’écoutera donner la formule de son hétérosexualité : « Le type de relations que je préfère avec les femmes, c’est : Moi Tarzan, toi Jane. » Que les scènes érotiques soient à ce point réussies montre aussi combien Bennasar est dans le vrai – la chose étant bien plus difficile à écrire qu’on ne croit, faites-en l’expérience avec les romanciers contemporains, même les libertins autoproclamés qui semblent, à côté de Bennnasar, des euphémistes qui ont anticipé la domination féministe du monde éditorial et du roman, qu’ils tirent du côté du vertueux, là où Bennasar nous rappelle à l’ordre naturel des choses.

Ainsi, sans militer pour personne, mais refusant la « propagande des immigrationnistes assurée par des LGBT », l’existence de Schwab est celle d’un être libre dans un monde hyperconnecté et en proie à cette servitude non seulement volontaire mais qui cherche son propre néant : l’aveuglement rejoint le consumérisme, l’antiracisme et le néo-féminisme dans le nihilisme du Bien. Évoquer ici Houellebecq serait réduire Schwab à une posture de citoyen un peu lunaire ; plus drôle que déprimé ou acerbe, Schwab est plutôt du côté de Muray, et ce que ce roman révèle ou rappelle, c’est une réalité qu’abhorrent les écrivains auto-émasculés de la « rentrée littéraire » : la vérité sur la France et sur le monde, à travers la vérité sur soi, non pas dans un miroir esthétique où se coiffer à la rebelle, le cou ceint d’un keffieh, mais en se montrant tel qu’on est, avec une autodérision dont les imbéciles font les frais.

L’Affranchi, Cyril Bennasar (préf. Renaud Camus), Périphérique, 2025.

Victor Jestin: addict!

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Dans La mauvaise joueuse Victor Jestin se glisse dans la peau d’une femme et décrypte les mécanismes de l’addiction. Un roman impossible à lâcher.


Victor Jestin. Retenez bien le nom de cet écrivain. Il ira loin. À trente ans et des poussières, le jeune homme a déjà commis deux romans. Le premier, La chaleur, s’est vu attribué en 2019 le Prix Femina des lycéens. Le second, L’homme qui danse, a confirmé d’indéniables qualités. Un sens du rythme, un univers, une voix. Le troisième, La mauvaise joueuse, séduit par son étrangeté.

Envie irrésistible

Un soir, Maud, la trentaine, un compagnon, un projet de bébé, un métier qui lui plaît, prend sa voiture pour rentrer chez elle. Dans son sac, un portable que lui a confié un collègue de travail et un jeu: Candy Crush. « Il fallait trier des lignes de bonbons pour faire des combinaisons ». Elle tente de penser à autre chose, essaye de résister, puis, malgré elle, commence à jouer jusqu’à ce qu’elle percute quelque chose. Une personne ? Un animal ? Elle l’ignore mais paniquée prend la fuite. Commence alors une longue errance pavée de tentations pour celle qui vient de rechuter dans une très vieille addiction: le jeu. Petite déjà Maud jouait. Rien d’inquiétant chez une enfant. Le contraire l’eût été. Personne n’imagine donc que les choses pourraient mal tourner. Surtout pas le père, joueur à ses heures. Les chiens ne font pas des chats. Maud pousse la porte d’un bowling, s’intègre dans un groupe. « J’enchaînais les strikes. J’avais le geste et la confiance. J’étais bien. Tout allait bien ». Jusqu’à ce qu’elle perde. Hurlement. Sidération des autres joueurs. Puis il y aura le flipper, les fléchettes, les échecs et le reste. A chaque fois le même scénario se répète. L’envie irrépressible. La volonté de ne pas céder qui vole en éclat. L’excitation à son comble. Le désir de gagner à tout prix. Puis, quelle que soit l’issue du jeu, le sentiment de souillure et de honte jusqu’à la prochaine fois. Pour la narratrice, jeune femme mal dans sa peau, jouer revient à faire taire ses démons le temps d’une partie. Sentiment de puissance temporaire qui n’est pas sans rappeler le temps béni de l’enfance. « L’enfant qui joue habite une aire qu’il quitte avec difficulté » rappelle le psychanalyste Donald Winnicott en exergue du livre. Pour Maud rien n’a changé.

Folie

Victor Jestin, avec une justesse qui permet de penser qu’il a lui-même été confronté au problème, raconte à la première personne l’enfer de l’addiction. Une addiction d’autant plus sournoise qu’elle est sous-estimée. L’on souligne volontiers les ravages des jeux d’argent ou des jeux vidéo, beaucoup moins ceux du Monopoly ou du tir à la carabine. C’est pourtant un même processus qui est à l’œuvre et que l’écrivain décrypte à la perfection. De son écriture précise, quasi-chirurgicale, il brosse le portrait d’une jeune femme à la lisière de la folie dans laquelle elle ne verse pourtant jamais. C’est la grande force de ce roman que de se tenir sur la ligne de crête. Maud est une jeune femme comme les autres ou presque. Et ce presque tient le lecteur en haleine pensant 150 pages. Haletant, troublant, Mauvaise joueuse est un roman dérangeant. Et de fait addictif !

143 pages.

La mauvaise joueuse

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Kolyma, l’autre nom de l’enfer

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André Malraux, à propos des camps d’extermination nazis, avait dit que c’était Satan qui avait reparu sur terre. Son terrible constat pourrait s’appliquer au Goulag de la Kolyma, région du grand Est sibérien, aux confins de la Russie, où le froid peut atteindre -60°C.

Crématoire blanc

L’auteur du roman Adieu Kolyma, Antoine Sénanque (notre photo), nous décrit avec précision les conditions de vie des prisonniers et des prisonnières, qu’ils soient politiques ou de droit commun. La souffrance et la mort s’y côtoient dans l’indifférence de Dieu. Le froid rend la situation insupportable, et pourtant, il arrive qu’on finisse par sortir de ce que les rescapés appellent « le crématoire blanc ». Des rescapés détruits à tout jamais. Comme le résume l’auteur avec cette phrase définitive : « La Kolyma n’a ni volonté, ni sentiment. Elle est le lieu du rien. »

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Plusieurs personnages vont se retrouver dans ce cercle dantesque. Leurs destins sont liés, et comme dans une tragédie, le crime et la vengeance sont de puissants moteurs. L’héroïne se nomme Sylla Bach, elle est « née de mort inconnue ». Cette orpheline a choisi le nom de Bach par passion pour la musique. Cette femme d’environ quarante ans, de petite taille, aux yeux noirs et aux cheveux bruns qu’elle tresse en natte, a passé neuf ans à la Kolyma, de quoi effacer en elle toute trace de bonté. Elle est aussi froide que le sol gelé qui refuse les cadavres. Elle est devenue « la tueuse de chiennes », entendez qu’elle tue d’une balle dans la nuque les hommes ou les femmes devenus des « balances », des « vendus », des collabos qui frayent avec l’administration du camp. À la Kolyma, elle croise les frères Vadas, originaires de la Transylvanie, chefs d’un redoutable clan mafieux, à la tête d’un réseau de prostitution ainsi que d’importantes mines d’or de la région. L’avenir de Sylla dépend désormais des deux frères. Au Goulag, même si l’amour n’est plus qu’un mot vide de sens, elle va faire la rencontre d’une infirmière prénommée Kassia. Une histoire sensuelle se noue entre elles, quasi mystique. Au cours du récit, on apprend que Kassia est veuve d’un soldat fusillé pour trahison et qu’elle a accouché en prison d’un fils rapidement emporté par la fièvre. « Il n’avait pas eu droit à une tombe, raconte Antoine Sénanque. Il était resté six mois collé avec les cadavres des autres enfants, bûches humaines entassées dehors contre le mur de la crèche en attendant le dégel. La glace avait formé un caveau transparent autour de son corps. » L’auteur ajoute que sa mère avait le droit de venir le voir. La cruauté est sans limite.

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Budapest, 1956

Tous ces personnages, plus quelques autres, dont le vieux Varlam, tanneur bolchevick, lui aussi rescapé du Goulag, qui a recueilli Sylla dans un orphelinat, se retrouvent en 1956 dans Budapest ravagée par la répression soviétique. L’insurrection menée par des hommes libres s’achève dans un bain de sang. Budapest est humide et grise. Les staliniens vont pourtant s’évertuer à évoquer, poings levés, le fameux Grand Soir. Sylla, la criminelle tatouée, condamnée à survivre, continue d’aimer à distance Kassia, menacée par les frères Vadas qui sont persuadés que « la tueuse de chiennes » les a trahis. Le dénouement de cette intrigue complexe et documentée a pour cadre la ville de Madagan, cœur du territoire contrôlé par l’ange déchu nommé Satan. Elle fait face à l’impavide mer d’Okhotsk qui se moque pas mal de l’abjection des hommes.

Après avoir refermé Adieu Kolyma, on s’interroge : est-il encore possible de croire en l’homme, comme l’affirmait Soljenitsyne, ou est-il à peu près certain que son rachat est devenu impossible, comme le pensait Chalamov, auteur des Récits de la Kolyma ?

Pour éviter de répondre, on coupait la langue des traitres au goulag de la Kolyma.

Antoine Sénanque, Adieu Kolyma, Grasset. 400 pages.

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Révolution en sous-sol

Les Justes d’Albert Camus fomentent leur attentat sur les planches du théâtre de Poche-Montparnasse. Un texte grave qui continue d’alerter sur les ravages du nihilisme.


La critique bouda Les Justes à sa sortie en 1949. La droite se méfiait d’Albert Camus qui n’était pas son ami et les communistes le trouvaient trop critique envers la révolution bolchévique. Mais la pièce, portée par Maria Casarès, Serge Reggiani et Michel Bouquet, ne fut pas un four pour autant.

Kaliayev, Stepan, Boris et Dora sont des socialistes révolutionnaires qui, dans ce Moscou de 1905, se préparent à assassiner le grand-duc Serge, oncle du tsar Nicolas II et raide gouverneur de la ville.

Maxime d’Aboville, qui endosse pour la première fois le rôle de metteur en scène, offre une lecture sobre et éclairée de la pièce. Camus avait placé ses personnages dans les hauteurs d’un appartement : nous les retrouvons ici dans un souterrain. D’un soupirail, ils observent la rue et attendent le passage du grand-duc. En ressort une vision qui dévoile l’action d’une façon nouvelle. Si la sécheresse du texte peut rendre l’interprétation parfois aride, chacun des comédiens témoigne habilement de la fièvre de ces possédés politiques. Toutefois, quand le grand-duc arrive flanqué d’épouse et d’enfants, la vieille question de la fin et des moyens, de l’omelette et des œufs oppose Stepan et Kaliayev.

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Sur scène, les quatre comédiens se partagent habilement huit rôles. Et nous observons certaines de ces âmes damnées qui ne croient pas au diable. Peu de place au rire : Camus n’était pas un grand auteur comique et ces personnages sont habités par l’esprit de sérieux. Peut-il en être autrement ? La frivolité, la légèreté, la douceur et la tendresse ne sont que l’apanage de leurs ennemis. L’amour, pourtant, existe : jusqu’à ce que le crime sépare Dora et son amant. L’attentat perpétré, Kaliayev s’écrit : « À bas le tsar ! À bas le gouvernement ! Vive le parti socialiste révolutionnaire ! » Cette histoire vraie, ce fait divers, est montée sur les planches au moment où Sartre règne sur une bonne partie de l’intelligentsia parisienne. Et il ne reste alors plus beaucoup de temps avant qu’une fâcherie signe la fin de son amitié avec Camus : la parution de L’Homme révolté, qui prolonge la réflexion des Justes.

Fidèles à l’œuvre, la mise en scène et l’interprétation ajoutent une dimension surnaturelle à l’ensemble. On devine, au-dessus, les yeux célestes d’un Bernanos, ou plus encore d’un Dostoïevski, auteur qu’admira longtemps Camus, au point d’adapter au théâtre ses Démons, dix ans après cette pièce.

Aujourd’hui, on ne se déchire plus à la sortie des salles, ni même dans les rubriques des journaux. Mais au milieu des spectateurs qui sortent du Poche-Montparnasse, on a la sensation de ne pas être tout à fait le seul à craindre que le nihilisme et la bêtise fassent de nouveau entendre leur fureur.


Les Justes, théâtre de Poche-Montparnasse, du mardi au samedi à 19 h, le dimanche à 15 h. Renseignements et réservations : www.theatredepochemontparnasse.com/spectacle/les-justes/

Podcast: Trump versus Maduro; Russie et Syrie; Jacques de Molay

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Avec Harold Hyman et Jeremy Stubbs.


Harold Hyman, grand spécialiste des relations internationales, nous explique pourquoi il pense que Donald Trump va lancer une opération pour faire tomber le régime de Nicolas Maduro au Venezuela. Le président américain a déjà donné des ordres pour bombarder des bateaux vénézuéliens qui – selon des sources d’informations qui restent confidentielles – transporteraient de la drogue. Maintenant, il a autorisé la CIA à conduire des opérations sur le sol vénézuélien. Cette annonce laisse présager un possible coup d’Etat contre Maduro selon le modèle déjà utilisé contre le dictateur panaméen, Manuel Noriega, en 1989-1990. Trump ne met pas à exécution toutes ses menaces, mais il le fait suffisamment pour que Maduro risque bel et bien de se voir déstabilisé.

Le journaliste franco-américain spécialiste des affaires internationales Harold Hyman. Photo D.R.

La Russie de Vladimir Poutine soutenait militairement le dictateur syrien, Bachar al-Assad. Aujourd’hui, elle noue des relations avec le nouveau régime syrien. Il est peu probable que Poutine livre Bachar, qui s’est réfugié à Moscou, au nouveau leader, Ahmed al-Charaa, mais le rétablissement des relations permettra aux Russes de garder une présence militaire en Syrie.

Coulommiers n’est pas qu’un fromage. Cette ville en Seine et Marne abrite une des commanderies des Templiers les mieux conservées de France, dans un ensemble qui comporte aussi une chapelle. Les Français peuvent connaître le récit de la fin des Templiers à travers les Rois Maudits, véritable chef-d’oeuvre télévisuelle des années 1970. Or les leçons à tirer de l’histoire de cet ordre qui, organisation supranationale, a succombé à la montée des nations modernes sont multiples.

Système de santé: un remède de cheval

Plus les dépenses de santé explosent, plus le taux de satisfaction des patients s’effondre. La France devrait prendre exemple sur Singapour, les Pays-Bas et Taïwan qui parviennent à mieux soigner et à moindre coût. En mêlant gestion privée et régulation publique, ces pays responsabilisent leurs citoyens.


Cela s’appelle jeter de l’argent par les fenêtres. Alors qu’en France les dépenses de santé représentent 12 % du produit intérieur brut, soit l’un des ratios les plus élevés de la planète, le taux de satisfaction des patients parvient seulement à se hisser dans la moyenne basse des pays industrialisés, avec une piteuse 21e place sur 38 au sein de l’OCDE.

Responsabilisation

La France qui a longtemps fait figure de référence en matière médicale est désormais largement distancée par des pays comme Singapour, les Pays-Bas ou Taïwan. Comment parviennent-ils à soigner mieux que nous et à moindre coût ? Petit inventaire des recettes qui marchent.

Tout d’abord direction Singapour. Là-bas les dépenses de santé de la population sont couvertes par des assurances privées, auxquelles chacun doit obligatoirement souscrire, même s’il existe par ailleurs une caisse publique destinée à prendre en charge les soins des plus démunis. La plupart des habitants ont donc un compte santé individuel, ce qui les responsabilise et évite les gaspillages. De son côté, l’État, loin d’abdiquer son rôle, subventionne massivement les hôpitaux et contrôle les tarifs.

Le contraste avec notre pays est saisissant. En 2019, les Singapouriens ont dépensé environ 2 370 euros par habitant pour leur santé, contre près de 5 130 euros en France. Pourtant, les résultats sanitaires sont comparables avec des indicateurs d’espérance de vie et de mortalité infantile très proches. Caroline, expatriée à Singapour, témoigne : « L’accès aux soins est rapide. Il faut moins de quarante-huit heures pour décrocher un rendez-vous. Prélèvements, examens, vaccins et médicaments ont souvent lieu dans le même cabinet médical. Cela évite des allers-retours chronophages. La qualité médicale est perçue comme excellente, à condition toutefois de disposer d’une bonne couverture privée. »

Bons élèves

Rendons-nous maintenant aux Pays-Bas, qui ont amélioré depuis une vingtaine d’années leur régime de santé pour aboutir à un modèle considéré à présent par divers observateurs comme le plus performant d’Europe. Depuis la réforme de 2006, chaque résident, qu’il soit néerlandais ou immigré, est tenu de prendre une assurance médicale auprès d’une compagnie privée, librement choisie mais strictement encadrée. Le contenu du contrat est défini par le ministère de la Santé, qui impose le périmètre de la couverture standard ainsi qu’une grille tarifaire unique, avec l’interdiction de refuser les mauvais dossiers médicaux.

Les cotisations sont composées d’une prime mensuelle fixe (environ 140 euros par adulte) et d’une contribution proportionnelle au revenu, versée via les impôts, ce qui permet d’introduire une part de progressivité. Une franchise annuelle obligatoire de 385 euros s’applique à la plupart des soins, incitant à un usage mesuré du système. L’État vient en aide aux classes populaires en leur versant une allocation santé, dont bénéficient environ 40 % des ménages. Cette architecture hybride, privée dans la gestion, publique dans la régulation, permet aux Pays-Bas d’obtenir des résultats très élevés en termes d’accessibilité, de satisfaction des patients et d’indicateurs de santé, tout en contenant les délais d’attente et les coûts.

Dernier bon élève en matière de santé publique : Taïwan. Depuis 1995, l’île a mis en place un système d’assurance-maladie très étatisé, avec un organisme public qui couvre la quasi-totalité de la population, y compris les résidents étrangers, et qui centralise le financement des soins. Le régime est alimenté par trois sources : des cotisations salariales (proportionnelles aux revenus), des contributions d’employeurs et des subventions publiques. Le modèle a donc quelque ressemblance avec le nôtre, à la différence près que les actes de soin, eux, sont assurés presque totalement par le secteur privé. Les médecins et les hôpitaux négocient ainsi chaque année leurs tarifs avec l’administration, ce qui évite les gaspillages.

Cette formule présente toutefois un inconvénient : pour maintenir de faibles cotisations, les autorités ont longtemps sous-indexé les actes médicaux, ce qui a mis en difficulté les établissements de santé les plus fragiles. En 2023, une injection de 24 milliards de dollars taïwanais (près de 700 millions d’euros) a été nécessaire pour remettre à flot le secteur. Conscientes de ce point faible, les autorités, qui se refusent à remettre en cause le principe fondamental d’un système universel centré sur la qualité des soins, sont condamnée à opérer régulièrement des ajustements financiers.

De ces trois exemples, la France doit tirer plusieurs leçons. La première est qu’il n’y a pas de solution magique, mais que des marges d’ajustement existent. La seconde est qu’on peut diversifier les sources de financement en favorisant des assurances complémentaires individuelles, avec des contributions modulées selon les risques, sans pour autant renoncer à un panier de soins essentiels garanti par l’État.

Les Français n’ont pas une idée juste du coût de leur santé. Le ticket modérateur est largement effacé par les complémentaires, ce qui donne aux patients le sentiment d’être soignés gracieusement et encourage la surconsommation. Un système de franchise, comme aux Pays-Bas, même symbolique, aurait le mérite de responsabiliser. Quant aux dispositifs spécifiques, comme l’aide médicale d’État, leur logique d’accès inconditionnel mérite d’être repensée dans un souci d’équité et de soutenabilité.

La solidarité doit évidemment rester une boussole en France, mais elle ne peut se concevoir sans une exigence de responsabilité. Lors de notre enquête, un expatrié a résumé la situation à Singapour : « Chacun doit évaluer son risque à couvrir et payer en fonction des risques qu’il souhaite éviter. » Dans une France où la gratuité a été érigée en dogme, cette philosophie peut paraître iconoclaste. Elle est pourtant la condition d’une reconstruction réaliste et durable de notre modèle social.

Djihad lesbien

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Si voir un film vous racontant qu’il n’est pas facile d’être banlieusarde musulmane et lesbienne vous dit…


« Tu vas l’avoir ton bac, inch Allah ! », se moque un élève. Fatima, petite dernière des trois sœurs élevées par leur maman maghrébine (papa est peu présent) dans une barre d’immeuble, théâtre familier des banlieues dites ‘’sensibles’’, suit sagement sa Terminale, classe peuplée d’une meute bigarrée, graveleuse et quasi-analphabète, typique de la jeune pousse hexagonale d’aujourd’hui.

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Pieuse, la demoiselle se refuse obstinément aux avances timorées du chaste chevalier servant, son jeune coreligionnaire enamouré, lequel rêve juste noce et procréation à la clef. C’est que la belle et ombrageuse Fatima, footballeuse à ses heures malgré les crises d’asthme dont elle est assaillie depuis l’enfance, dissimule le secret de sa vie: elle arde pour les filles et non pour les garçons. Sacrifiant aux sites de rencontres, la voilà, croit-elle, sur le chemin de l’émancipation (quitte à mentir systématiquement à la question sempiternelle qu’on lui fait : « – tu es de quelle origine ? », elle se prétend tour à tour Egyptienne, Algérienne, Marocaine)… Hélas, Fatima ne tombe décidément jamais sur la bonne – une femme mûre débauchée, une Coréenne dépressive…

Passe l’été: le film nous a propulsé en automne. Fatima, ayant intégré la fac de philo, s’est liée avec quelques jeunes congénères de mœurs légères. (Reste assez douteuse, dans le film, la vraisemblance de cette teuf bisexuelle en appartement, à laquelle se joindra l’héroïne –  mais passons.) Pour se forcer à rentrer dans la norme, elle retente le coup avec son soupirant: échec prévisible. Prévaut la loi du silence, dans cet environnement socio-confessionnel hostile, où même l’imam de la Mosquée de Paris, consulté par elle dans les larmes, s’avère incapable de lui tenir un autre discours que celui, formaté, de la- nature- qui- fait- bien- les-choses et de la vertu de la prière pour regagner le droit chemin tracé par le prophète : le lesbianisme n’est pas soluble dans le décalogue. Quant à maman, elle ne comprendrait pas, pense (à tort) Fatima. Bref, ni la famille ni la foi ne viendront-elles à son secours ? Dernier plan du film, Fatima pique obstinément des têtes dans le ballon rond.

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Tiré parait-il d’un roman signé Fatima Daas, c’est le troisième long métrage de Hafsia Herzi, également comédienne – elle avait le rôle principal dans Borgo, thriller plutôt réussi de Stéphane Demoustier –  où jouait également Michel Fau. La crudité vaguement écœurante et quelque peu forcée de La petite dernière serait rédhibitoire si la douceur, l’émouvante beauté juvénile de Nadia Melliti, dans le rôle-titre, ne venait en tempérer le réalisme appuyé.

La Petite dernière

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La Petite dernière. Film de Hafsia Herzi. Avec Nadia Melliti. France, couleur, 2025.Durée : 1h47
En salle le 22 octobre.

Allemagne: une liberté antidémocratique?

La « démocratie combative » (streitbare Demokratie) est une doctrine de la Constitution allemande qui permet à l’État de se défendre activement contre les ennemis de la démocratie, même quand ceux-ci utilisent les libertés démocratiques pour la détruire… Elle autorise ainsi des mesures comme l’interdiction de partis ou d’organisations anticonstitutionnels et la restriction de certains droits fondamentaux pour protéger l’Allemagne…


À Cologne, le 6 septembre, CDU, SPD, les Verts, Die Linke… sept partis politiques allemands en campagne électorale renouvelaient un « pacte d’équité » qui les engageait à taire toute critique de l’immigration. Sans surprise, le 14 septembre, l’AfD, ce parti anti-immigration créé en 2013, le seul qui n’avait pas signé le pacte d’équité, faisait un carton aux élections locales de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, le Land le plus peuplé d’Allemagne de l’Ouest.

La « démocratie combative », doctrine inscrite dans la Constitution allemande de 1949, prévoit de tuer dans l’œuf toute atteinte aux institutions. Et s’appuie pour ce faire sur un arsenal législatif et institutionnel d’une efficacité toute germanique. Le code criminel punit incitation à la rébellion et diffamation de la classe politique. Le Bureau de protection de la Constitution débusque toute activité potentiellement antidémocratique. Les lois contre les discours de haine se sont corsées pour bâillonner tout propos dissident à consonance populiste, d’extrême droite, islamophobe.

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Ainsi la liberté d’expression, garantie par la Constitution, est-elle sapée pour protéger… la Constitution. « De plus en plus de citoyens sont punis de lourdes amendes voire de peines de prison pour propos délictueux. Le cas le plus emblématique est celui de Michael Stürzenberger, critique radical de l’islam politique, condamné pour propos islamophobes après avoir été lui-même gravement blessé lors de l’attentat islamiste de Mannheim en mai 2024 », note Sabine Beppler-Spahl, présidente du Freiblickinstitut, groupe de réflexion berlinois dédié à la défense de la liberté d’expression. Attentat au cours duquel un Afghan avait poignardé quatre personnes et tué un officier de police. Les procureurs épluchent les propos en ligne, constituent des dossiers, diligentent des raids à l’aube chez les auteurs de propos illicites, avec confiscation d’ordinateur et de téléphone. « On commence par vouloir la justice et on finit par organiser une police », écrivait Camus, dans Les Justes). En attendant, on dirait bien que la « démocratie combative », c’est la démocratie contre le peuple !

En finir avec le wokisme - Chronique de la contre-offensive anglo-saxonne

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Doigt mouillé et doigt d’honneur

Des gestes plus ou moins républicains, plus ou moins démocratiques


Voilà que M. Mélenchon, décidément au mieux de sa forme, érige le doigt d’honneur en argument politique opposable aux journalistes qui auraient l’incroyable audace de ne pas se prosterner devant lui, qui se permettraient de trouver à redire sur ses inepties à répétition, qui oseraient ne pas apprécier les saillies insultantes, méprisantes dont, de plus en plus, il se plaît à émailler ses diatribes : « Vous ne savez pas, taisez-vous. Quand on est ce que vous êtes, on ne peut pas comprendre… » etc., etc.

Si j’étais résident de la République…

Et puis, il y a M. Lecornu qui, quant à lui, met en œuvre une forme nouvelle de politique, quelque chose qui doit être selon lui en parfaite cohérence avec la rupture promise, la politique au doigt mouillé. Sauf que – pardon pour la rupture – c’est ce que nous avons en France depuis l’avènement de sa majesté Macron premier. D’aucuns pensaient avoir élu un président de la République, ils se retrouvent avec une ombre, un pâle Résident de la République… Le pauvre en est réduit aux jeux de rôles afin de tenter de se persuader que le plan Trump pour Gaza est en fait le sien, se persuader aussi qu’il pèse tout de même un peu plus qu’une cacahuète dans le concert des nations. On lui souhaite malgré tout d’avoir encore une once d’autorité chez lui, les portes et fenêtres de son logis refermées, parce que c’est bien là le seul endroit où il peut se bercer de l’illusion d’en exercer une quelconque. Après tout, il n’est pas impossible, que animée d’une bienveillance quasi maternelle, Madame la première Dame veuille bien faire comme si… Qu’elle en soit félicitée.

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Cela dit, nous ne nous sentons pas tenus, nous autres, à autant de mansuétude. Nous, Français, citoyens, électeurs, contribuables, qui sommes en droit d’interpréter la plupart des initiatives,  des comportements de ce Résident comme à peu près autant de doigts d’honneurs qui nous sont adressés. Quand Donald Trump le charrie, quand il pointe son obsession puérile de jouer des coudes pour se retrouver en bonne place sur la photo, il lui met certes une claque, mais c’est surtout nous qui la recevons. Car ce Résident est devenu au fil du temps une humiliation pour la France, et donc pour nous, chacun d’entre nous. On pourrait ricaner, si ce n’était si triste.

Les deux font la paire

Et puis, il y a son prédécesseur, empêché de se représenter à la magistrature suprême pour cause de bilan calamiteux et d’incapacité avérée mais qui, tout content de lui, tout replet de contentement, tout rose d’auto-satisfaction, applaudit sur son banc de député à l’hallali de sa propre réforme, celle dont il était si fier quand il avait éventuellement encore une petite idée de ce que le sentiment de fierté peut être. En l’occurrence, magistral doigt d’honneur adressé à ses électeurs, sa majorité, sa ministre d’alors, Mme Touraine.

Bref, eux deux, le Résident et le Retoqué, font la paire.

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Et puis, dans ce registre du doigt d’honneur, il y a cette juge qui, nous dit-on, se situerait dans la mouvance du Syndicat de la Magistrature. Peut-être même y aurait-elle assumé des fonctions importantes. Oui, doigt d’honneur de la part de cette femme, mais, paradoxalement, contre ses propres convictions, contre les principes mêmes qu’elle et ses confrères de la paroisse précitée défendent bec et oncles depuis des lustres, depuis notamment 1985 où ledit syndicat prévoyait à terme l’abolition pure et simple des peines de prison, l’incarcération n’étant, selon sa doctrine, qu’une odieuse survivance des temps barbares où l’on pensait que punir avait encore du sens. Et pourtant, par le biais d’un jugement pour le moins sujet à interprétations, un ancien président de la République, ancien Chef de l’État, de notre État, va bel et bien s’y retrouver, en taule. Un président élu en son temps au suffrage universel par le peuple de France. Certes la légitimité électorale ne saurait impliquer l’impunité. Mais, il me semble qu’elle implique un certain sens de la mesure, ainsi que des égards. Si l’instance judiciaire ne souhaite pas les respecter, ces égards, pour la personne jugée, qu’elle se l’impose au moins pour la légitimité électorale incarnée. En d’autres termes, pour le citoyen, pour le corps électoral, bref pour le peuple de France. Tout simplement. Faire franchir les portes de la prison – et pour si peu – à un ancien président de notre République, c’est, qu’on le veuille ou non, un doigt d’honneur qu’on fait à la démocratie. Ni plus, ni moins.

Pour tout dire, entre doigt mouillé et doigts d’honneur cela fait beaucoup pour un seul et même pays, un seul et même peuple. Il paraît que nous adorons battre des records. Toutes sortes de records. Nous sommes donc en très bonne voie. C’est mon petit doigt mouillé qui me le dit. Alors…

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Tout ça pour ça !

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Prière du vendredi, Khan Younis, Bande de Gaza, 17 octobre 2025 © Jehad Alshrafi/AP/SIPA

Ruines et mensonges


L’exclamation de Mohamed Sifaoui résonne en moi comme un cri.
Un cri face au spectacle de la désolation à Gaza, à ce désastre que le Hamas a provoqué.

En frappant Israël, en assassinant plus de 1200 personnes, en capturant 245 otages, les prédateurs djihadistes ont sciemment détruit la Palestine.

Soixante-sept mille morts1. Des milliers de femmes et d’enfants écrasés sous les décombres. Des villes rasées, des familles pulvérisées. Un peuple vivant sous la terreur islamiste, condamné à l’exil ou à la peur.

Tout ça pour ça !

Pour un champ de ruines. Pour un peuple martyrisé deux fois. Par l’ennemi qu’il s’est désigné, et par les maîtres qu’il subit.   

Le 7 octobre 2023, le Hamas a cru accomplir l’exploit de l’histoire : infliger à Israël une humiliation absolue. Ce fut, pour quelques heures, la jubilation obscène d’un carnage présenté comme une victoire des opprimés sur leurs oppresseurs.

Mais cette victoire d’un jour fut le tombeau d’une nation en devenir. En une matinée, le Hamas a réduit à néant des décennies d’espoirs fragiles, de soutiens construits à travers le monde, malgré la reconnaissance diplomatique de ce vide qu’est l’Etat de Palestine.

Il a transformé Gaza en cimetière et la cause palestinienne en cause désespérée.

Car les terroristes du Hamas ne libèrent pas, ils sacrifient. Ils ne gouvernent pas, ils endoctrinent. Ils ne construisent pas, ils détruisent.

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Mais la tragédie ne s’arrête pas à Gaza.
Le 7-octobre a réveillé une autre bête : l’antisémitisme le plus abject.

En frappant Israël, le Hamas a ravivé cette vieille haine qu’on croyait contenue. Il l’a rhabillée du keffieh de la vertu, repeinte aux couleurs du progressisme, rendue fréquentable dans les universités et sur les plateaux télé.

Pour y parvenir, il a trouvé ici, chez nous une armée d’idiots utiles. Ceux qui, au nom de la justice, ont relayé sa propagande, qui ont sciemment confondu anticolonialisme et haine d’Israël, ont transformé la compassion en posture et la morale en arme idéologique.

Les mêmes qui, en prétendant défendre la Palestine, l’ont condamnée une seconde fois en célébrant ceux qui la détruisent, règlent aujourd’hui leurs comptes dans le sang à coup d’exécutions sommaires que d’aucuns trouveront toujours moyen d’expliquer.

Dans son livre, Arthur dit d’une voix douce et sidérée : « Je ne pensais pas me sentir aussi seul après le 7 octobre. »

Cette solitude, tant de Français juifs la partagent aujourd’hui. Elle ne vient pas seulement de l’abominable massacre, mais du silence qui l’a suivi.

Des amitiés effacées. Des indignations sélectives. De ce monde qui, sous prétexte de défendre les Palestiniens, s’est remis à haïr les juifs.

Tout ça pour ça.

Pour que le Hamas détruise la Palestine au nom de sa libération. Pour ressusciter aussi, dans le vacarme des slogans, la haine la plus vieille du monde.

Et pour qu’au bout du compte, des deux côtés du mur, il ne reste que des larmes à sécher.

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  1. Selon les chiffres donnés par le ministère de la Santé du Hamas le 18 octobre et repris par de nombreux médias. ↩︎

Cyril Bennasar, l’homme qui dit non

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Cyril Bennasar © Hannah Assouline

L’Affranchi, de notre ami Cyril Bennasar, est un roman jubilatoire. L’histoire d’un homme qui refuse de se soumettre à une société de servitudes, du matraquage de l’Urssaf à la propagande immigrationniste en passant par les diktats du néoféminisme. Une liberté de ton et une autodérision rares et savoureuses.


Si tout roman est une variation sur son titre ou son explicitation, L’Affranchi a pour premier mérite le direct, ce dernier mot entendu de façon polysémique, comme on disait à l’université de Vincennes, dans les années 1970, un lieu où l’on pensait encore, et dans une France où le peuple français pouvait encore se dire tel sans nationalisme ni réduction à l’« extrême droite ». L’affranchi dont il sera question ici est un homme qui, soucieux de son indépendance d’esprit, se délivre de ce qui l’entrave tout en continuant à vivre parmi un peuple d’esclaves, ou, si ce mot est trop direct, de citoyens plus ou moins flous, asservis aux mots d’ordre de ce qu’on appelle le Bien mais qui, dans un monde entièrement inversé, est l’exercice même du Mal.

Cyril Bennasar est de la génération qui suit la mienne et celle de son préfacier, Renaud Camus, donc pas tout à fait celle des boomers, comme on nous nomme en ce globish qui, comme les tags, les hijabs, les casquettes à l’envers, les mauvais romans et les « incivilités », est une des plaies du monde contemporain. Dire que Bennasar écrit direct, c’est se référer à la boxe, à ce coup de poing porté à distance dans l’axe direct de l’adversaire. Le direct est donc la caractéristique du style de Bennasar et de son narrateur, Pierre Schwab, qui dresse tout au long de son chemin, comme Stendhal, un miroir qui reflète à la fois son itinéraire et le langage qu’il renvoie à l’ennemi.

Ce dont Pierre Schwab, menuisier de son état, s’affranchit en premier lieu, c’est de l’Urssaf, organisme à connotation soviétique et dont il se résout à être radié pour ne pas faire bénéficier de ses contributions les « remplaçants » privilégiés par le « parti immigrationniste » au pouvoir. « Ce dispositif qui consiste à transférer l’argent de ceux qui se retroussent les manches vers ceux qui tendent la main n’a jamais vraiment eu mon adhésion, mais maintenant que les mains qui se tendent lèvent un poing qui tient un couteau, la solidarité n’aura plus mon agrément », surtout, je cite encore, pour des types débarqués du « bled » en clamant que le hijab est « une tenue française » et Mohamed un prénom bien de chez nous. À ce compte-là, la France ne sera bientôt plus qu’une région de l’Oumma, et le sabir arabo-franco-globish un langage supérieur à la langue de Proust. On est au cœur du problème et l’évoquer, c’est se dresser contre la néo-civilisation selon Netflix, Disney et Arte, Bible chatoyante du monde tel qu’on voudrait qu’il soit mais non tel qu’il est, et que la soumission des masses au Divertissement général accepte sans rechigner.

Être radié de l’Urssaf : un des fils conducteurs de ce roman qui s’ouvre sur un bel hommage à Anne, qui vient de mourir et qui avait révélé au narrateur son pouvoir littéraire, sur Radio libertaire, avant que Schwab en soit exclu pour hérésie antiraciste, les « anars » étant aussi vertueux que les wokistes. Non content d’être un mâle juif, Schwab refuse le monde tel qu’on nous le vante pour mieux lui vendre notre âme, notre civilisation. Ce refus n’est pas une position de belle âme blessée : Schwab le manifeste publiquement en retouchant telle fresque consacrée à un « victime » devenue « iconique » de prétendues violences policières, comme le sont ces épouvantables chanteuses « issues de l’immigration », notamment celle qui, quoique pesant un quintal, s’« approprie » le prénom d’Yseult, tandis que les Blanches cultivent la « laideur pour échapper au diktat du séduisant ou de sexy ». Certaines des actions schwabiennes vont jusqu’à la confrontation directe avec des représentants de l’incivilité « décomplexée », pour reprendre une épithète dont la presse bien-pensante affuble ce qu’elle appelle l’« extrême droite ».

Le plus grand péché de notre narrateur est bien sûr son comportement avec les femmes. Dire qu’il les aime est d’emblée suspect de domination sexiste. Les scènes de sexe, comme on dit au cinéma, sont des plus crues, chacun des deux « partenaires » jouant son rôle, les corps ne pouvant plus tricher, les fantasmes féminins ne se souciant plus de féminisme, ni les masculins de « domination mâle ». Et quand le narrateur déclare : « C’est magique de mettre sa main dans la culotte d’une fille pour la première fois », on est d’autant plus d’accord avec lui qu’il ne fait que citer non pas Miller ou Bukowski mais Mathieu Amalric, dans un film de Desplechin. Amalric, Desplechin : on est bien loin de la « faschospère »… Si on ne peut citer ici sans danger ni éclater de rire devant ce à quoi Schwab voue le personnel politique féminin actuel, on l’écoutera donner la formule de son hétérosexualité : « Le type de relations que je préfère avec les femmes, c’est : Moi Tarzan, toi Jane. » Que les scènes érotiques soient à ce point réussies montre aussi combien Bennasar est dans le vrai – la chose étant bien plus difficile à écrire qu’on ne croit, faites-en l’expérience avec les romanciers contemporains, même les libertins autoproclamés qui semblent, à côté de Bennnasar, des euphémistes qui ont anticipé la domination féministe du monde éditorial et du roman, qu’ils tirent du côté du vertueux, là où Bennasar nous rappelle à l’ordre naturel des choses.

Ainsi, sans militer pour personne, mais refusant la « propagande des immigrationnistes assurée par des LGBT », l’existence de Schwab est celle d’un être libre dans un monde hyperconnecté et en proie à cette servitude non seulement volontaire mais qui cherche son propre néant : l’aveuglement rejoint le consumérisme, l’antiracisme et le néo-féminisme dans le nihilisme du Bien. Évoquer ici Houellebecq serait réduire Schwab à une posture de citoyen un peu lunaire ; plus drôle que déprimé ou acerbe, Schwab est plutôt du côté de Muray, et ce que ce roman révèle ou rappelle, c’est une réalité qu’abhorrent les écrivains auto-émasculés de la « rentrée littéraire » : la vérité sur la France et sur le monde, à travers la vérité sur soi, non pas dans un miroir esthétique où se coiffer à la rebelle, le cou ceint d’un keffieh, mais en se montrant tel qu’on est, avec une autodérision dont les imbéciles font les frais.

L’Affranchi, Cyril Bennasar (préf. Renaud Camus), Périphérique, 2025.

Victor Jestin: addict!

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L'écrivain français Victor Jestin © Jean-Philippe Baltel / Flammarion

Dans La mauvaise joueuse Victor Jestin se glisse dans la peau d’une femme et décrypte les mécanismes de l’addiction. Un roman impossible à lâcher.


Victor Jestin. Retenez bien le nom de cet écrivain. Il ira loin. À trente ans et des poussières, le jeune homme a déjà commis deux romans. Le premier, La chaleur, s’est vu attribué en 2019 le Prix Femina des lycéens. Le second, L’homme qui danse, a confirmé d’indéniables qualités. Un sens du rythme, un univers, une voix. Le troisième, La mauvaise joueuse, séduit par son étrangeté.

Envie irrésistible

Un soir, Maud, la trentaine, un compagnon, un projet de bébé, un métier qui lui plaît, prend sa voiture pour rentrer chez elle. Dans son sac, un portable que lui a confié un collègue de travail et un jeu: Candy Crush. « Il fallait trier des lignes de bonbons pour faire des combinaisons ». Elle tente de penser à autre chose, essaye de résister, puis, malgré elle, commence à jouer jusqu’à ce qu’elle percute quelque chose. Une personne ? Un animal ? Elle l’ignore mais paniquée prend la fuite. Commence alors une longue errance pavée de tentations pour celle qui vient de rechuter dans une très vieille addiction: le jeu. Petite déjà Maud jouait. Rien d’inquiétant chez une enfant. Le contraire l’eût été. Personne n’imagine donc que les choses pourraient mal tourner. Surtout pas le père, joueur à ses heures. Les chiens ne font pas des chats. Maud pousse la porte d’un bowling, s’intègre dans un groupe. « J’enchaînais les strikes. J’avais le geste et la confiance. J’étais bien. Tout allait bien ». Jusqu’à ce qu’elle perde. Hurlement. Sidération des autres joueurs. Puis il y aura le flipper, les fléchettes, les échecs et le reste. A chaque fois le même scénario se répète. L’envie irrépressible. La volonté de ne pas céder qui vole en éclat. L’excitation à son comble. Le désir de gagner à tout prix. Puis, quelle que soit l’issue du jeu, le sentiment de souillure et de honte jusqu’à la prochaine fois. Pour la narratrice, jeune femme mal dans sa peau, jouer revient à faire taire ses démons le temps d’une partie. Sentiment de puissance temporaire qui n’est pas sans rappeler le temps béni de l’enfance. « L’enfant qui joue habite une aire qu’il quitte avec difficulté » rappelle le psychanalyste Donald Winnicott en exergue du livre. Pour Maud rien n’a changé.

Folie

Victor Jestin, avec une justesse qui permet de penser qu’il a lui-même été confronté au problème, raconte à la première personne l’enfer de l’addiction. Une addiction d’autant plus sournoise qu’elle est sous-estimée. L’on souligne volontiers les ravages des jeux d’argent ou des jeux vidéo, beaucoup moins ceux du Monopoly ou du tir à la carabine. C’est pourtant un même processus qui est à l’œuvre et que l’écrivain décrypte à la perfection. De son écriture précise, quasi-chirurgicale, il brosse le portrait d’une jeune femme à la lisière de la folie dans laquelle elle ne verse pourtant jamais. C’est la grande force de ce roman que de se tenir sur la ligne de crête. Maud est une jeune femme comme les autres ou presque. Et ce presque tient le lecteur en haleine pensant 150 pages. Haletant, troublant, Mauvaise joueuse est un roman dérangeant. Et de fait addictif !

143 pages.

La mauvaise joueuse

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Kolyma, l’autre nom de l’enfer

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L'écrivain et neurologue Antoine Sénanque © JF PAGA / Grasset

André Malraux, à propos des camps d’extermination nazis, avait dit que c’était Satan qui avait reparu sur terre. Son terrible constat pourrait s’appliquer au Goulag de la Kolyma, région du grand Est sibérien, aux confins de la Russie, où le froid peut atteindre -60°C.

Crématoire blanc

L’auteur du roman Adieu Kolyma, Antoine Sénanque (notre photo), nous décrit avec précision les conditions de vie des prisonniers et des prisonnières, qu’ils soient politiques ou de droit commun. La souffrance et la mort s’y côtoient dans l’indifférence de Dieu. Le froid rend la situation insupportable, et pourtant, il arrive qu’on finisse par sortir de ce que les rescapés appellent « le crématoire blanc ». Des rescapés détruits à tout jamais. Comme le résume l’auteur avec cette phrase définitive : « La Kolyma n’a ni volonté, ni sentiment. Elle est le lieu du rien. »

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Plusieurs personnages vont se retrouver dans ce cercle dantesque. Leurs destins sont liés, et comme dans une tragédie, le crime et la vengeance sont de puissants moteurs. L’héroïne se nomme Sylla Bach, elle est « née de mort inconnue ». Cette orpheline a choisi le nom de Bach par passion pour la musique. Cette femme d’environ quarante ans, de petite taille, aux yeux noirs et aux cheveux bruns qu’elle tresse en natte, a passé neuf ans à la Kolyma, de quoi effacer en elle toute trace de bonté. Elle est aussi froide que le sol gelé qui refuse les cadavres. Elle est devenue « la tueuse de chiennes », entendez qu’elle tue d’une balle dans la nuque les hommes ou les femmes devenus des « balances », des « vendus », des collabos qui frayent avec l’administration du camp. À la Kolyma, elle croise les frères Vadas, originaires de la Transylvanie, chefs d’un redoutable clan mafieux, à la tête d’un réseau de prostitution ainsi que d’importantes mines d’or de la région. L’avenir de Sylla dépend désormais des deux frères. Au Goulag, même si l’amour n’est plus qu’un mot vide de sens, elle va faire la rencontre d’une infirmière prénommée Kassia. Une histoire sensuelle se noue entre elles, quasi mystique. Au cours du récit, on apprend que Kassia est veuve d’un soldat fusillé pour trahison et qu’elle a accouché en prison d’un fils rapidement emporté par la fièvre. « Il n’avait pas eu droit à une tombe, raconte Antoine Sénanque. Il était resté six mois collé avec les cadavres des autres enfants, bûches humaines entassées dehors contre le mur de la crèche en attendant le dégel. La glace avait formé un caveau transparent autour de son corps. » L’auteur ajoute que sa mère avait le droit de venir le voir. La cruauté est sans limite.

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Budapest, 1956

Tous ces personnages, plus quelques autres, dont le vieux Varlam, tanneur bolchevick, lui aussi rescapé du Goulag, qui a recueilli Sylla dans un orphelinat, se retrouvent en 1956 dans Budapest ravagée par la répression soviétique. L’insurrection menée par des hommes libres s’achève dans un bain de sang. Budapest est humide et grise. Les staliniens vont pourtant s’évertuer à évoquer, poings levés, le fameux Grand Soir. Sylla, la criminelle tatouée, condamnée à survivre, continue d’aimer à distance Kassia, menacée par les frères Vadas qui sont persuadés que « la tueuse de chiennes » les a trahis. Le dénouement de cette intrigue complexe et documentée a pour cadre la ville de Madagan, cœur du territoire contrôlé par l’ange déchu nommé Satan. Elle fait face à l’impavide mer d’Okhotsk qui se moque pas mal de l’abjection des hommes.

Après avoir refermé Adieu Kolyma, on s’interroge : est-il encore possible de croire en l’homme, comme l’affirmait Soljenitsyne, ou est-il à peu près certain que son rachat est devenu impossible, comme le pensait Chalamov, auteur des Récits de la Kolyma ?

Pour éviter de répondre, on coupait la langue des traitres au goulag de la Kolyma.

Antoine Sénanque, Adieu Kolyma, Grasset. 400 pages.

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Révolution en sous-sol

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Les Justes, d’Albert Camus, mise en scène Maxime d’Aboville © SEBASTIEN TOUBON

Les Justes d’Albert Camus fomentent leur attentat sur les planches du théâtre de Poche-Montparnasse. Un texte grave qui continue d’alerter sur les ravages du nihilisme.


La critique bouda Les Justes à sa sortie en 1949. La droite se méfiait d’Albert Camus qui n’était pas son ami et les communistes le trouvaient trop critique envers la révolution bolchévique. Mais la pièce, portée par Maria Casarès, Serge Reggiani et Michel Bouquet, ne fut pas un four pour autant.

Kaliayev, Stepan, Boris et Dora sont des socialistes révolutionnaires qui, dans ce Moscou de 1905, se préparent à assassiner le grand-duc Serge, oncle du tsar Nicolas II et raide gouverneur de la ville.

Maxime d’Aboville, qui endosse pour la première fois le rôle de metteur en scène, offre une lecture sobre et éclairée de la pièce. Camus avait placé ses personnages dans les hauteurs d’un appartement : nous les retrouvons ici dans un souterrain. D’un soupirail, ils observent la rue et attendent le passage du grand-duc. En ressort une vision qui dévoile l’action d’une façon nouvelle. Si la sécheresse du texte peut rendre l’interprétation parfois aride, chacun des comédiens témoigne habilement de la fièvre de ces possédés politiques. Toutefois, quand le grand-duc arrive flanqué d’épouse et d’enfants, la vieille question de la fin et des moyens, de l’omelette et des œufs oppose Stepan et Kaliayev.

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Sur scène, les quatre comédiens se partagent habilement huit rôles. Et nous observons certaines de ces âmes damnées qui ne croient pas au diable. Peu de place au rire : Camus n’était pas un grand auteur comique et ces personnages sont habités par l’esprit de sérieux. Peut-il en être autrement ? La frivolité, la légèreté, la douceur et la tendresse ne sont que l’apanage de leurs ennemis. L’amour, pourtant, existe : jusqu’à ce que le crime sépare Dora et son amant. L’attentat perpétré, Kaliayev s’écrit : « À bas le tsar ! À bas le gouvernement ! Vive le parti socialiste révolutionnaire ! » Cette histoire vraie, ce fait divers, est montée sur les planches au moment où Sartre règne sur une bonne partie de l’intelligentsia parisienne. Et il ne reste alors plus beaucoup de temps avant qu’une fâcherie signe la fin de son amitié avec Camus : la parution de L’Homme révolté, qui prolonge la réflexion des Justes.

Fidèles à l’œuvre, la mise en scène et l’interprétation ajoutent une dimension surnaturelle à l’ensemble. On devine, au-dessus, les yeux célestes d’un Bernanos, ou plus encore d’un Dostoïevski, auteur qu’admira longtemps Camus, au point d’adapter au théâtre ses Démons, dix ans après cette pièce.

Aujourd’hui, on ne se déchire plus à la sortie des salles, ni même dans les rubriques des journaux. Mais au milieu des spectateurs qui sortent du Poche-Montparnasse, on a la sensation de ne pas être tout à fait le seul à craindre que le nihilisme et la bêtise fassent de nouveau entendre leur fureur.


Les Justes, théâtre de Poche-Montparnasse, du mardi au samedi à 19 h, le dimanche à 15 h. Renseignements et réservations : www.theatredepochemontparnasse.com/spectacle/les-justes/

Podcast: Trump versus Maduro; Russie et Syrie; Jacques de Molay

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Donald Trump annonce un accord avec le géant pharmaceutique allemand, Merck KGaA, Maison Blanche, Washington, le 16/10/25. Francis Chung - Pool via CNP/DPA/SIPA Nicolas Maduro lors d'une conférence de presse, Caracas, 15/9/25. CHINE NOUVELLE/SIPA Jacques de Molay, Grand Maitre des Templiers, 23/04/2018. MARY EVANS/SIPA

Avec Harold Hyman et Jeremy Stubbs.


Harold Hyman, grand spécialiste des relations internationales, nous explique pourquoi il pense que Donald Trump va lancer une opération pour faire tomber le régime de Nicolas Maduro au Venezuela. Le président américain a déjà donné des ordres pour bombarder des bateaux vénézuéliens qui – selon des sources d’informations qui restent confidentielles – transporteraient de la drogue. Maintenant, il a autorisé la CIA à conduire des opérations sur le sol vénézuélien. Cette annonce laisse présager un possible coup d’Etat contre Maduro selon le modèle déjà utilisé contre le dictateur panaméen, Manuel Noriega, en 1989-1990. Trump ne met pas à exécution toutes ses menaces, mais il le fait suffisamment pour que Maduro risque bel et bien de se voir déstabilisé.

Le journaliste franco-américain spécialiste des affaires internationales Harold Hyman. Photo D.R.

La Russie de Vladimir Poutine soutenait militairement le dictateur syrien, Bachar al-Assad. Aujourd’hui, elle noue des relations avec le nouveau régime syrien. Il est peu probable que Poutine livre Bachar, qui s’est réfugié à Moscou, au nouveau leader, Ahmed al-Charaa, mais le rétablissement des relations permettra aux Russes de garder une présence militaire en Syrie.

Coulommiers n’est pas qu’un fromage. Cette ville en Seine et Marne abrite une des commanderies des Templiers les mieux conservées de France, dans un ensemble qui comporte aussi une chapelle. Les Français peuvent connaître le récit de la fin des Templiers à travers les Rois Maudits, véritable chef-d’oeuvre télévisuelle des années 1970. Or les leçons à tirer de l’histoire de cet ordre qui, organisation supranationale, a succombé à la montée des nations modernes sont multiples.

Système de santé: un remède de cheval

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Le Khoo Teck Puat Hospital de Singapour, illustration d’un système de santé fondé sur la responsabilisation individuelle et la régulation publique © Dreamstime

Plus les dépenses de santé explosent, plus le taux de satisfaction des patients s’effondre. La France devrait prendre exemple sur Singapour, les Pays-Bas et Taïwan qui parviennent à mieux soigner et à moindre coût. En mêlant gestion privée et régulation publique, ces pays responsabilisent leurs citoyens.


Cela s’appelle jeter de l’argent par les fenêtres. Alors qu’en France les dépenses de santé représentent 12 % du produit intérieur brut, soit l’un des ratios les plus élevés de la planète, le taux de satisfaction des patients parvient seulement à se hisser dans la moyenne basse des pays industrialisés, avec une piteuse 21e place sur 38 au sein de l’OCDE.

Responsabilisation

La France qui a longtemps fait figure de référence en matière médicale est désormais largement distancée par des pays comme Singapour, les Pays-Bas ou Taïwan. Comment parviennent-ils à soigner mieux que nous et à moindre coût ? Petit inventaire des recettes qui marchent.

Tout d’abord direction Singapour. Là-bas les dépenses de santé de la population sont couvertes par des assurances privées, auxquelles chacun doit obligatoirement souscrire, même s’il existe par ailleurs une caisse publique destinée à prendre en charge les soins des plus démunis. La plupart des habitants ont donc un compte santé individuel, ce qui les responsabilise et évite les gaspillages. De son côté, l’État, loin d’abdiquer son rôle, subventionne massivement les hôpitaux et contrôle les tarifs.

Le contraste avec notre pays est saisissant. En 2019, les Singapouriens ont dépensé environ 2 370 euros par habitant pour leur santé, contre près de 5 130 euros en France. Pourtant, les résultats sanitaires sont comparables avec des indicateurs d’espérance de vie et de mortalité infantile très proches. Caroline, expatriée à Singapour, témoigne : « L’accès aux soins est rapide. Il faut moins de quarante-huit heures pour décrocher un rendez-vous. Prélèvements, examens, vaccins et médicaments ont souvent lieu dans le même cabinet médical. Cela évite des allers-retours chronophages. La qualité médicale est perçue comme excellente, à condition toutefois de disposer d’une bonne couverture privée. »

Bons élèves

Rendons-nous maintenant aux Pays-Bas, qui ont amélioré depuis une vingtaine d’années leur régime de santé pour aboutir à un modèle considéré à présent par divers observateurs comme le plus performant d’Europe. Depuis la réforme de 2006, chaque résident, qu’il soit néerlandais ou immigré, est tenu de prendre une assurance médicale auprès d’une compagnie privée, librement choisie mais strictement encadrée. Le contenu du contrat est défini par le ministère de la Santé, qui impose le périmètre de la couverture standard ainsi qu’une grille tarifaire unique, avec l’interdiction de refuser les mauvais dossiers médicaux.

Les cotisations sont composées d’une prime mensuelle fixe (environ 140 euros par adulte) et d’une contribution proportionnelle au revenu, versée via les impôts, ce qui permet d’introduire une part de progressivité. Une franchise annuelle obligatoire de 385 euros s’applique à la plupart des soins, incitant à un usage mesuré du système. L’État vient en aide aux classes populaires en leur versant une allocation santé, dont bénéficient environ 40 % des ménages. Cette architecture hybride, privée dans la gestion, publique dans la régulation, permet aux Pays-Bas d’obtenir des résultats très élevés en termes d’accessibilité, de satisfaction des patients et d’indicateurs de santé, tout en contenant les délais d’attente et les coûts.

Dernier bon élève en matière de santé publique : Taïwan. Depuis 1995, l’île a mis en place un système d’assurance-maladie très étatisé, avec un organisme public qui couvre la quasi-totalité de la population, y compris les résidents étrangers, et qui centralise le financement des soins. Le régime est alimenté par trois sources : des cotisations salariales (proportionnelles aux revenus), des contributions d’employeurs et des subventions publiques. Le modèle a donc quelque ressemblance avec le nôtre, à la différence près que les actes de soin, eux, sont assurés presque totalement par le secteur privé. Les médecins et les hôpitaux négocient ainsi chaque année leurs tarifs avec l’administration, ce qui évite les gaspillages.

Cette formule présente toutefois un inconvénient : pour maintenir de faibles cotisations, les autorités ont longtemps sous-indexé les actes médicaux, ce qui a mis en difficulté les établissements de santé les plus fragiles. En 2023, une injection de 24 milliards de dollars taïwanais (près de 700 millions d’euros) a été nécessaire pour remettre à flot le secteur. Conscientes de ce point faible, les autorités, qui se refusent à remettre en cause le principe fondamental d’un système universel centré sur la qualité des soins, sont condamnée à opérer régulièrement des ajustements financiers.

De ces trois exemples, la France doit tirer plusieurs leçons. La première est qu’il n’y a pas de solution magique, mais que des marges d’ajustement existent. La seconde est qu’on peut diversifier les sources de financement en favorisant des assurances complémentaires individuelles, avec des contributions modulées selon les risques, sans pour autant renoncer à un panier de soins essentiels garanti par l’État.

Les Français n’ont pas une idée juste du coût de leur santé. Le ticket modérateur est largement effacé par les complémentaires, ce qui donne aux patients le sentiment d’être soignés gracieusement et encourage la surconsommation. Un système de franchise, comme aux Pays-Bas, même symbolique, aurait le mérite de responsabiliser. Quant aux dispositifs spécifiques, comme l’aide médicale d’État, leur logique d’accès inconditionnel mérite d’être repensée dans un souci d’équité et de soutenabilité.

La solidarité doit évidemment rester une boussole en France, mais elle ne peut se concevoir sans une exigence de responsabilité. Lors de notre enquête, un expatrié a résumé la situation à Singapour : « Chacun doit évaluer son risque à couvrir et payer en fonction des risques qu’il souhaite éviter. » Dans une France où la gratuité a été érigée en dogme, cette philosophie peut paraître iconoclaste. Elle est pourtant la condition d’une reconstruction réaliste et durable de notre modèle social.

Djihad lesbien

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"La Petite Dernière" 2025 © Ad Vitam June films Katuh studio Arte France mk2films

Si voir un film vous racontant qu’il n’est pas facile d’être banlieusarde musulmane et lesbienne vous dit…


« Tu vas l’avoir ton bac, inch Allah ! », se moque un élève. Fatima, petite dernière des trois sœurs élevées par leur maman maghrébine (papa est peu présent) dans une barre d’immeuble, théâtre familier des banlieues dites ‘’sensibles’’, suit sagement sa Terminale, classe peuplée d’une meute bigarrée, graveleuse et quasi-analphabète, typique de la jeune pousse hexagonale d’aujourd’hui.

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Pieuse, la demoiselle se refuse obstinément aux avances timorées du chaste chevalier servant, son jeune coreligionnaire enamouré, lequel rêve juste noce et procréation à la clef. C’est que la belle et ombrageuse Fatima, footballeuse à ses heures malgré les crises d’asthme dont elle est assaillie depuis l’enfance, dissimule le secret de sa vie: elle arde pour les filles et non pour les garçons. Sacrifiant aux sites de rencontres, la voilà, croit-elle, sur le chemin de l’émancipation (quitte à mentir systématiquement à la question sempiternelle qu’on lui fait : « – tu es de quelle origine ? », elle se prétend tour à tour Egyptienne, Algérienne, Marocaine)… Hélas, Fatima ne tombe décidément jamais sur la bonne – une femme mûre débauchée, une Coréenne dépressive…

Passe l’été: le film nous a propulsé en automne. Fatima, ayant intégré la fac de philo, s’est liée avec quelques jeunes congénères de mœurs légères. (Reste assez douteuse, dans le film, la vraisemblance de cette teuf bisexuelle en appartement, à laquelle se joindra l’héroïne –  mais passons.) Pour se forcer à rentrer dans la norme, elle retente le coup avec son soupirant: échec prévisible. Prévaut la loi du silence, dans cet environnement socio-confessionnel hostile, où même l’imam de la Mosquée de Paris, consulté par elle dans les larmes, s’avère incapable de lui tenir un autre discours que celui, formaté, de la- nature- qui- fait- bien- les-choses et de la vertu de la prière pour regagner le droit chemin tracé par le prophète : le lesbianisme n’est pas soluble dans le décalogue. Quant à maman, elle ne comprendrait pas, pense (à tort) Fatima. Bref, ni la famille ni la foi ne viendront-elles à son secours ? Dernier plan du film, Fatima pique obstinément des têtes dans le ballon rond.

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Tiré parait-il d’un roman signé Fatima Daas, c’est le troisième long métrage de Hafsia Herzi, également comédienne – elle avait le rôle principal dans Borgo, thriller plutôt réussi de Stéphane Demoustier –  où jouait également Michel Fau. La crudité vaguement écœurante et quelque peu forcée de La petite dernière serait rédhibitoire si la douceur, l’émouvante beauté juvénile de Nadia Melliti, dans le rôle-titre, ne venait en tempérer le réalisme appuyé.

La Petite dernière

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La Petite dernière. Film de Hafsia Herzi. Avec Nadia Melliti. France, couleur, 2025.Durée : 1h47
En salle le 22 octobre.

Allemagne: une liberté antidémocratique?

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DR.

La « démocratie combative » (streitbare Demokratie) est une doctrine de la Constitution allemande qui permet à l’État de se défendre activement contre les ennemis de la démocratie, même quand ceux-ci utilisent les libertés démocratiques pour la détruire… Elle autorise ainsi des mesures comme l’interdiction de partis ou d’organisations anticonstitutionnels et la restriction de certains droits fondamentaux pour protéger l’Allemagne…


À Cologne, le 6 septembre, CDU, SPD, les Verts, Die Linke… sept partis politiques allemands en campagne électorale renouvelaient un « pacte d’équité » qui les engageait à taire toute critique de l’immigration. Sans surprise, le 14 septembre, l’AfD, ce parti anti-immigration créé en 2013, le seul qui n’avait pas signé le pacte d’équité, faisait un carton aux élections locales de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, le Land le plus peuplé d’Allemagne de l’Ouest.

La « démocratie combative », doctrine inscrite dans la Constitution allemande de 1949, prévoit de tuer dans l’œuf toute atteinte aux institutions. Et s’appuie pour ce faire sur un arsenal législatif et institutionnel d’une efficacité toute germanique. Le code criminel punit incitation à la rébellion et diffamation de la classe politique. Le Bureau de protection de la Constitution débusque toute activité potentiellement antidémocratique. Les lois contre les discours de haine se sont corsées pour bâillonner tout propos dissident à consonance populiste, d’extrême droite, islamophobe.

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Ainsi la liberté d’expression, garantie par la Constitution, est-elle sapée pour protéger… la Constitution. « De plus en plus de citoyens sont punis de lourdes amendes voire de peines de prison pour propos délictueux. Le cas le plus emblématique est celui de Michael Stürzenberger, critique radical de l’islam politique, condamné pour propos islamophobes après avoir été lui-même gravement blessé lors de l’attentat islamiste de Mannheim en mai 2024 », note Sabine Beppler-Spahl, présidente du Freiblickinstitut, groupe de réflexion berlinois dédié à la défense de la liberté d’expression. Attentat au cours duquel un Afghan avait poignardé quatre personnes et tué un officier de police. Les procureurs épluchent les propos en ligne, constituent des dossiers, diligentent des raids à l’aube chez les auteurs de propos illicites, avec confiscation d’ordinateur et de téléphone. « On commence par vouloir la justice et on finit par organiser une police », écrivait Camus, dans Les Justes). En attendant, on dirait bien que la « démocratie combative », c’est la démocratie contre le peuple !

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Doigt mouillé et doigt d’honneur

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Le leader de l'extrème gauche Jean-Luc Mélenchon adresse un doigt d'honneur au journaliste Benjamin Duhamel en quittant le studio de France inter, lundi 13 octobre 2025. Capture TMC / Quotidien.

Des gestes plus ou moins républicains, plus ou moins démocratiques


Voilà que M. Mélenchon, décidément au mieux de sa forme, érige le doigt d’honneur en argument politique opposable aux journalistes qui auraient l’incroyable audace de ne pas se prosterner devant lui, qui se permettraient de trouver à redire sur ses inepties à répétition, qui oseraient ne pas apprécier les saillies insultantes, méprisantes dont, de plus en plus, il se plaît à émailler ses diatribes : « Vous ne savez pas, taisez-vous. Quand on est ce que vous êtes, on ne peut pas comprendre… » etc., etc.

Si j’étais résident de la République…

Et puis, il y a M. Lecornu qui, quant à lui, met en œuvre une forme nouvelle de politique, quelque chose qui doit être selon lui en parfaite cohérence avec la rupture promise, la politique au doigt mouillé. Sauf que – pardon pour la rupture – c’est ce que nous avons en France depuis l’avènement de sa majesté Macron premier. D’aucuns pensaient avoir élu un président de la République, ils se retrouvent avec une ombre, un pâle Résident de la République… Le pauvre en est réduit aux jeux de rôles afin de tenter de se persuader que le plan Trump pour Gaza est en fait le sien, se persuader aussi qu’il pèse tout de même un peu plus qu’une cacahuète dans le concert des nations. On lui souhaite malgré tout d’avoir encore une once d’autorité chez lui, les portes et fenêtres de son logis refermées, parce que c’est bien là le seul endroit où il peut se bercer de l’illusion d’en exercer une quelconque. Après tout, il n’est pas impossible, que animée d’une bienveillance quasi maternelle, Madame la première Dame veuille bien faire comme si… Qu’elle en soit félicitée.

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Cela dit, nous ne nous sentons pas tenus, nous autres, à autant de mansuétude. Nous, Français, citoyens, électeurs, contribuables, qui sommes en droit d’interpréter la plupart des initiatives,  des comportements de ce Résident comme à peu près autant de doigts d’honneurs qui nous sont adressés. Quand Donald Trump le charrie, quand il pointe son obsession puérile de jouer des coudes pour se retrouver en bonne place sur la photo, il lui met certes une claque, mais c’est surtout nous qui la recevons. Car ce Résident est devenu au fil du temps une humiliation pour la France, et donc pour nous, chacun d’entre nous. On pourrait ricaner, si ce n’était si triste.

Les deux font la paire

Et puis, il y a son prédécesseur, empêché de se représenter à la magistrature suprême pour cause de bilan calamiteux et d’incapacité avérée mais qui, tout content de lui, tout replet de contentement, tout rose d’auto-satisfaction, applaudit sur son banc de député à l’hallali de sa propre réforme, celle dont il était si fier quand il avait éventuellement encore une petite idée de ce que le sentiment de fierté peut être. En l’occurrence, magistral doigt d’honneur adressé à ses électeurs, sa majorité, sa ministre d’alors, Mme Touraine.

Bref, eux deux, le Résident et le Retoqué, font la paire.

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Et puis, dans ce registre du doigt d’honneur, il y a cette juge qui, nous dit-on, se situerait dans la mouvance du Syndicat de la Magistrature. Peut-être même y aurait-elle assumé des fonctions importantes. Oui, doigt d’honneur de la part de cette femme, mais, paradoxalement, contre ses propres convictions, contre les principes mêmes qu’elle et ses confrères de la paroisse précitée défendent bec et oncles depuis des lustres, depuis notamment 1985 où ledit syndicat prévoyait à terme l’abolition pure et simple des peines de prison, l’incarcération n’étant, selon sa doctrine, qu’une odieuse survivance des temps barbares où l’on pensait que punir avait encore du sens. Et pourtant, par le biais d’un jugement pour le moins sujet à interprétations, un ancien président de la République, ancien Chef de l’État, de notre État, va bel et bien s’y retrouver, en taule. Un président élu en son temps au suffrage universel par le peuple de France. Certes la légitimité électorale ne saurait impliquer l’impunité. Mais, il me semble qu’elle implique un certain sens de la mesure, ainsi que des égards. Si l’instance judiciaire ne souhaite pas les respecter, ces égards, pour la personne jugée, qu’elle se l’impose au moins pour la légitimité électorale incarnée. En d’autres termes, pour le citoyen, pour le corps électoral, bref pour le peuple de France. Tout simplement. Faire franchir les portes de la prison – et pour si peu – à un ancien président de notre République, c’est, qu’on le veuille ou non, un doigt d’honneur qu’on fait à la démocratie. Ni plus, ni moins.

Pour tout dire, entre doigt mouillé et doigts d’honneur cela fait beaucoup pour un seul et même pays, un seul et même peuple. Il paraît que nous adorons battre des records. Toutes sortes de records. Nous sommes donc en très bonne voie. C’est mon petit doigt mouillé qui me le dit. Alors…

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