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Attention, sol glissant

On sort de certains spectacles en se disant : tout ça pour ça ? C’est le cas de « Ink », de et avec Dimitris Papaioannou. Si la performance des danseurs est remarquable, on cherche la cohérence de l’ensemble…


C’est donc cela, le travail de Dimitris Papaioannou ! Ce n’est donc que cela !

Voilà tant d’années qu’on lui tresse des couronnes de laurier, qu’on lui adresse d’exaltants dithyrambes, comme cela se faisait jadis à Athènes pour les athlètes, les poètes ou les sculpteurs. Mais ce que l’on découvre dans ce spectacle qui aura fait le tour du monde apparaît bien confus et bien peu convaincant. 

H2O

La mise en scène d’«Ink » est assurément d’une saisissante complexité technique. Pour ses deux interprètes, (Suka Horn et Dimitris Papaioannou), elle représente un défi permanent. Leur tâche est d’une telle difficulté que l’on ne peut que s’incliner devant des performances physiques et une endurance à couper le souffle.

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Obscur comme l’encre, cerné de rideaux noirs légers comme un souffle, prêts à se dissoudre dans l’air ou à se gonfler de façon spectaculaire, le plateau suffoque sous un lancinant jet d’eau qui l’envahit, le noie et nous noie avec lui. Gainé de noir dans des vêtements détrempés, chose fort imprudente, soit dit en passant, si l’on est sujet aux rhumatismes, Dimitris Papaioannou règne, un peu laborieusement d’ailleurs, sur cet univers de robinets, de tuyaux et de sphères où l’eau est omniprésente, débordante, asphyxiante même, avant que n’apparaisse le corps nu de sa victime rampant sous de transparentes plaques de plastique qui recouvrent le sol noyé. Et le voir, ce corps nu, évoluer péniblement, puis être violemment maintenu dans sa prison semi-rigide, est presque une torture pour le spectateur.  

Avis de recherche : cohérence et propos du spectacle…

Tout l’ouvrage est une succession sibylline de tableaux sans unité évidente. Et même si leur exécution périlleuse force l’admiration, il est difficile de ne pas se dire qu’ils ne sont qu’une suite d’idées trouvées pêle-mêle au cours de manipulations, d’improvisations, d’essais désormais emboîtés bout à bout sans grand souci de cohérence, sans qu’ils soient soutenus par un propos solide. Entre les deux protagonistes, unis dans un rapport de force à première vue malsain, comme teinté de sadisme ou de rude sexualité, il faut que règne une complicité aussi intime qu’intense pour mener à bien ce parcours scénique d’une difficulté inouïe. L’âpreté de certaines scènes, la difficulté de répondre aux embûches auxquelles se heurte principalement l’homme nu, en impose. Recourant parfois à des trucs un peu éculés, mais assurément très efficaces, ou tout au contraire à des images extrêmement originales et voulues superbes qui font appel à la virtuosité de Horn, Papaioannou donne toutefois le sentiment pénible qu’elles se succèdent, ces scènes, sans véritable raison, avec une certaine gratuité.

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Il serait difficile, dans « Ink », de ne pas voir exposée toute une fantasmagorie sexuelle où l’on apprend que la présence d’une pieuvre (factice) faisant office de cache-sexe pour l’homme nu est le symbole d’une libido brûlante. Mais, sans être une vieille fille puritaine et frustrée, faut-il vraiment devoir admirer le fait que l’homme en noir extirpe un slip de son bas-ventre pour le lancer à l’homme nu qui s’en couvrira furtivement avant de le relancer à son dominateur qui le glissera à nouveau sur son sexe ? Faut-il qu’un metteur-en-scène expose si crûment des pulsions à peine voilées ou sublimées et que l’on doive saluer sans réserve cette franchise imposée ? Et faut-il que l’on soit à ce point amoureux de soi-même pour exposer sans fard l’étrangeté d’une sexualité complexe ? La liberté de tout dire, de tout montrer est certes fondamentale au théâtre. Mais en user sans limite est parfois lassant. À l’image de la plupart des productions actuelles, lesquelles ne manquent pas cependant de rencontrer un vif succès public à une époque où l’on se satisfait de la seule apparence, sans trop se questionner sur le fond des choses, « Ink » apparaît comme dépourvu de substance.  Comme un étalage narcissique que ne rachète pas vraiment l’engagement des interprètes.


« Ink », de Dimitris Papaioannou. Jusqu’au 15 mai.
Théâtre de la Ville : 01 42 74 22 77.

Finlande: la faute au mâle blanc

‘Comment décourager un homme en trois étapes’: le tutoriel anti-viols venu du Nord qui a fait éclater de rire les Scandinaves et contribué à la montée du très populiste Parti des Finlandais.


Comment une femme peut-elle décourager un agresseur sexuel ? Des vidéos tournées en Finlande apportent une réponse. Un clip datant de 2020 et posté sur TikTok est redevenu viral à la fin du mois de mars de cette année. Il montre trois femmes à lunettes et deux hommes baraqués qui se dandinent sur une musique sortie d’un jeu vidéo des années 1980. Avec une chorégraphie répétitive, censée démontrer des gestes de refus, les danseurs chantent en boucle la même formule en anglais permettant aux femmes de calmer les ardeurs de tout assaillant potentiel : « Stop ! Don’t touch me there ! This is my no-no square. » (« Arrêtez ! Ne me touchez pas là ! Ceci est mon espace vital interdit. ») La vidéo a été réalisée à la suite d’un scandale qui a éclaté fin 2018 à Oulu, la plus grande ville du nord de la Finlande. Une bande de demandeurs d’asile, originaires du Moyen-Orient et d’Asie centrale, perpétrait des viols collectifs sur des filles mineures. L’année suivante, une étude commandée par le gouvernement finlandais a trouvé que les individus nés à l’étranger étaient surreprésentés parmi les accusés de viol. Bien que ne constituant que 7 % de la population, ils représentaient 38 % des suspects. La vidéo de 2020 avait un précédent.

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Une autre, diffusée sur la télévision publique en 2016, mais devenue virale cette année en même temps que la première, montrait comment décourager un agresseur en trois étapes. Une jeune blonde qui longe une rue enneigée où elle est poursuivie par un homme (blanc, naturellement) se retourne et dit : « Non ! » Face à l’insistance de son poursuivant, elle brandit sa main protégée du froid par une moufle pour le stopper. Quand il passe outre, elle réussit enfin à le chasser en le repoussant avec son sac à main. Ce clip a été diffusé en réaction à un autre scandale concernant des agressions sexuelles commises par des migrants lors des célébrations du Nouvel An à Helsinki en 2015. Quand ces vidéos ont suscité l’hilarité des internautes autour de la planète cette année, beaucoup ont cru à un poisson d’avril, tellement ce type de message est éloigné de la réalité. La mollesse de la réaction des autorités à l’époque a contribué à la montée du très populiste Parti des Finlandais, aujourd’hui présent dans la coalition de droite qui gouverne le pays.

Franchement, Monsieur le président, la ménopause est-elle une mission régalienne?

Emmanuel Macron est décidément sur tous les fronts, voilà qu’il annonce la mise en place d’une mission parlementaire sur la ménopause.


Au moment où l’égalité hommes femmes, un objectif louable, mobilise entre autres tout ce que le féminisme compte de pasionarias, le gouvernement et tout particulièrement le président de la République ne souhaitent pas être en reste ! Le magazine Elle a publié une interview d’Emmanuel Macron qui ne sait plus où donner de la tête pour protéger la femme, cette espèce animale en danger, incapable de se prendre en main, ignorante de son propre corps, en proie à un corps médical qui n’est pas toujours à la hauteur et ne saurait pas nous informer. On hésite entre irritation et ricanement, stupéfaites devant cette condescendance qui frise l’abus de position dominante.

Les femmes françaises doivent être parées pour le « réarmement démographique » !

Au lendemain de la visite du président chinois, le président de la République, chef de guerre, face à des élections europénnes qu’il ne maîtrise pas, doit-il vraiment s’attacher brusquement aux questions les plus intimes du sexe féminin, dans une réflexion sur le bas-ventre ? Oui, car la condition féminine est menacée de risques gynécologiques, entend-on ! Risques tels qu’ils nécessitent de mobiliser l’Assemblée nationale pour qu’elle instaure incessamment une « mission parlementaire sur la ménopause » (sic). Nous devrions déjà être assistées pour nos règles douloureuses, ignorées semble-t-il des patrons et patronnes ! Il faut donc que l’on nous accorde un jour de congé en complément du télétravail possible pour nos menstruations… comme si depuis toujours cette question ne s’était pas réglée – c’est le cas de le dire ! – entre salariés et employeurs ? Mettons de côté les vraies pathologies comme l’endométriose qui font très justement l’objet de l’attention des médecins. Au point où l’on en est, on s’attend à ce que des « ièlles» ou transgenres crient à la discrimination : qui sont les femmes ? Il vaut mieux en rire qu’en pleurer…

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Tout cela aurait, semble-t-il, un objectif sous-jacent plus subtil : ne faudrait-il pas nous remettre en bonne condition de pondeuses et donc veiller sur nos organes ? Le président nous a averties : nous ne produisons plus assez de bébés, le taux de reproduction diminue, mais l’État veille. Ainsi allons-nous dès l’âge de 20 ans faire un « check-up de fertilité » (obligatoire ?!) contrôlant notre réserve ovarienne et, parité oblige, un spermogramme pour l’espèce dite masculine.

On va par ailleurs mettre le paquet pour donner envie de bébés et pour que les pères aident mieux les mères dès la naissance du bébé avec un congé de paternité plus adapté et mieux payé, un peu moins long semble-t-il. Sur le sujet, on n’a rien demandé à personne : ni aux femmes, ni aux futurs pères, ni aux employeurs, ni aux jeunes couples… Et le désir dans tout cela ? On attend avec intérêt une intervention en la matière, est-ce que cela passera avant le projet européen de dissuasion nucléaire ?

L’État ira-t-il jusqu’à s’occuper du planning de nos weekends?

Toujours dans ce bel élan, et toujours dans Elle, le président de la République s’emporte contre ces pères irresponsables qui, divorcés ou séparés, ne respectent pas leur devoir de père en ne prenant pas les enfants lorsqu’il y a garde partagée ; il faudrait le leur imposer et on serait a priori toutes d’accord sur leur responsabilité, mais comment ? il fallait sans doute qu’Emmanuel Macron s’en saisisse avec une conviction inversement proportionnelle à son irréalisme confondant, car sans lui rien n’avance, qu’on se le dise ! Donc, on va peut-être punir ces pères inconscients ? « Devoir de visite obligatoire », car c’est « intolérable » ajoute le chef de famille (pardon le chef de l’État), que la maman qui avait un projet pour le week-end doive y renoncer parce que le père ne vient pas chercher les enfants le vendredi soir (sic). Personne ne sait comment le gouvernement va résoudre la question. La presse féminine et les psychologues sont en alerte, car c’est négliger un problème beaucoup plus grave que doivent affronter les mères et les enfants : le désintérêt voire le non-amour du père pour ses enfants. Lutter contre cela est mission quasi impossible, et en outre difficile et dangereux, car faut-il forcer les pères indifférents ou hostiles à s’occuper d’enfants ? Et les mères : sont-elles vraiment toutes des saintes ? Quels traumatismes risque-t-on d’infliger à l’enfant ? Quelles mauvaises relations peuvent s’établir pendant des prises en charges non consenties mais forcées ? Vaste sujet. Pendant ce temps-là, on agit pour faciliter l’accès à l’avortement au maximum.

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Ces interventions civilisationnelles, cet autoritarisme physiologique, cette absence de pudeur, cette vision matérialiste pseudo-médicale imposée dans ce qu’il y a de plus intime, sont pour beaucoup extrêmement choquants. Il y a une forme de bonne éducation à ne pas s’épancher sur ses maux de ventre en général, hommes ou femmes !

Rajoutez à cela un peu d’éducation sexuelle dès l’âge de cinq ans à l’école, histoire entre autres de s’assurer que l’enfant assume et choisit bien son sexe, et nous basculons  dans un monde sans repères, dépourvu de bon sens, d’intimité et de responsabilité individuelle. Tout se vaut et tout se revendique. Le pire étant que nous sommes menacés « en même temps » par un monde qui flirte avec la décadence, la guerre, le racisme et la haine. Alors, Monsieur le président de la République, n’outrepassez pas votre rôle et ce pour quoi nous vous avons élu : s’il vous plaît, occupez-vous de ce qui vous concerne, il y a tellement à faire ! N’abaissez pas la fonction présidentielle en vous transformant en homme à tout faire. Faites-vous si peu confiance aux Françaises, aux entrepreneuses, aux médecins, aux citoyens ? Comme dirait l’autre : le général De Gaulle ne nous parlait pas de nos règles !

Prison: une réforme nécessaire et urgente


Tout le monde en convient : de nos jours, pour les délinquants de tout acabit, pour les terroristes et apprentis terroristes, la vie humaine ne pèse pas plus qu’une cacahuète desséchée. Autrement dit rien. On égorge, on viole, on flingue, on massacre à coups de poings, à coups de pieds, à coups de manche de pioche et de batte de base-ball, on défigure, on cogne à tout-va pour un oui, pour un non. Pour un refus de clope, pour un regard mal interprété, une jupe trop courte, une chevelure trop libre, un rouge à lèvres trop rouge, un cabas de vieille dame, le fond de poche du petit vieux qui passe par là, etc, etc. On se déchaîne sur la compagne, l’ex-compagne, ou encore celle qui ne le sera jamais parce qu’elle ose dire non. Et on la tabasse à mort. Pour la punir. La punir de quoi ? D’être une femme. Et de ne pas se résigner à n’être que ce que ces monstres voudraient qu’elle soit, une chose, un élément de cheptel ? Car, oui, nous en sommes arrivés à ce point de régression barbare. Et puis retentit ici et là, de plus en plus souvent, le concerto pour kalachnikov et Glock 42, agrémenté d’entractes barbecue où l’on crame le pourri du clan d’en face, le gêneur dans le jeu de la grande distribution, genre came à tous les étages.

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La vie, donc, ne vaut plus rien. (Si ce n’est d’être vécue, voulons-nous croire encore.) Il est donc temps de la re-sacraliser. Ni plus ni moins. Re-sacraliser l’intégrité physique de tout individu. On prêchera lâchement que c’est affaire d’éducation, que c’est à l’école d’y pourvoir. Soit, ce n’est pas faux. Mais le résultat risque de se faire attendre. Au moins une ou deux bonnes générations si ce n’est davantage. Il y a, me semble-t-il, une manière de s’y prendre beaucoup plus efficace et surtout plus rapide. Il s’agit tout bonnement de dissocier toute atteinte à l’intégrité physique des autres formes de délits et de crimes. En clair, dès qu’il y a coups, plaies et bosses, sang versé, atteinte sexuelle ou autre, bref dès que l’intégrité physique aura été, si peu que ce soit, menacée, altérée, le coupable devra être bien certain qu’il aura à purger sa peine non pas, comme aujourd’hui,  dans un établissement où se mêle le tout-venant,  mais dans une prison spécifique, régie par des règlements disciplinaires – draconiens – eux aussi spécifiques, une taule tenue par un personnel pénitentiaire spécialement formé. Histoire de bien montrer à tous et à chacun – je dis bien à tous et à chacun, à chaque citoyen, turbulent, paisible ou potentiellement délinquant – que s’en prendre physiquement à une personne, ou pire encore attenter à sa vie, n’est absolument pas de même nature que tout autre délit. Et c’est bien cette différence de nature qui, selon moi, doit fonder, justifier, légitimer la différence de traitement pénitentiaire. Cela, dès la première violence physique. Il faut en effet impérativement que notre société se donne les moyens de faire bien comprendre au citoyen qu’écoper, même à durée égale, d’une peine de prison pour vol de bijoux à l’étalage n’a rien à voir avec une incarcération pour coups et blessures. Encore une fois, il s’agit d’une différence de nature. Or, aujourd’hui, rien n’est fait pour matérialiser cette différence pourtant abyssale dans l’esprit du public. Commençons donc par ce chantier-là. Ce serait déjà un premier pas considérable. Le président de la République a trois ans devant lui pour s’y coller. Voilà bien une réforme qui lui permettrait d’entrer pour de bon dans l’histoire, lui qui, nous dit-on, en rêve à longueur de nuits. Et de jours.

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Jérôme Fourquet: par ici, la sortie de l’Histoire!

Dans une note intitulée « L’État-guichet, un modèle à bout de souffle dans une France qui a cessé de produire », Jérôme Fourquet dressait hier un tableau accablant de notre économie dans Le Figaro. Les analyses du sondeur vedette de l’IFOP sur l’état du pays plongent notre directrice de la rédaction dans une sévère dépression.


À la fin de la lecture de cette note[1], on a tendance à se dire que c’est mort. Depuis 40 ans, on se raconte des histoires !
Le titre de l’étude est « L’État-guichet, un modèle à bout de souffle dans une France qui a cessé de produire », mais cela aurait aussi bien pu être « La France soviétisée ». Nous vivons dans une réalité parallèle, dans un monde presque aussi fantasmé que celui du plan quinquennal de Staline. Dans cette réalité parallèle, la production de richesses ne dépend pas de capacités individuelles et collectives concrètes mais d’une décision venue d’en haut. À la fin, il suffit toujours d’ajouter des zéros à la dette pour être à l’équilibre. La différence avec l’URSS, c’est que « Big Brother » est gentil. Il prend soin de nous. Et il peut vivre à crédit.

Deux tendances lourdes et mortifères

Ce modèle, assumé par tous les gouvernements de gauche comme de droite depuis 50 ans, et que Jérôme Fourquet qualifie de « stato-consumériste », articule deux tendances :
– La croyance séculaire dans la toute-puissance de l’État, qui, il est vrai, a construit la nation en France;
– Le choix d’une économie plutôt fondée sur la consommation que sur la production.
Comme nous ne produisons pas assez de valeur ajoutée par rapport à que nous consommons, nous subventionnons à tour de bras. C’est la logique du chèque, du guichet. Avec à la clé de multiples usines à gaz qui s’empilent les unes sur les autres, et un enfer bureaucratique pour tous. À ce titre, je renvoie le lecteur à l’impayable paragraphe sur le bonus de réparation textile dernièrement mis en place par le gouvernement dans le texte publié par Le Figaro. Oui, des énarques ont travaillé là-dessus ! Et désormais en France, si vous faites réparer votre jean, vous avez droit à 4,32€, sûrement après avoir rempli un formulaire de dix pages.

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Le résultat de cette mécanique implacable est inévitable : puisqu’on consomme plus que ce qu’on produit, il faut emprunter. Et à la fin, on vend les bijoux de famille (40% du CAC40 est ainsi détenu par des non-résidents). Toute l’arnaque de la communication autour de « Choose France » est là. Dans ce cadre, notre attractivité signifie en réalité : « Venez chez nous, il y a des affaires à faire. On brade, et vous pourrez toujours délocaliser plus tard ».

Pourquoi la France a-t-elle fait pareils choix ?

Parce que c’était facile, pardi ! Et surtout, parce que nous citoyens le demandions. Il est trop simple de tout mettre sur le dos des gouvernants, lesquels n’ont fait que céder à nos demandes en permanence. Dorénavant, nous passons notre temps à leur présenter l’interminable liste de nos droits acquis. Il ne s’agit plus seulement des droits fondamentaux comme la sécurité, la liberté d’aller et venir ou la liberté de s’exprimer, mais le droit au logement, au bonheur, au diplôme, et au travail mais pas trop. Voilà la grande affaire des Français depuis 40 ans: travailler moins. Rappelons qu’à partir de 1981, les trois gouvernements de Pierre Mauroy avaient mis en place un ministère du Temps libre.
Nous sommes drogués à la dépense publique. Comme l’écrit Jérôme Fourquet, « le métabolisme profond de la société française ne sait plus fonctionner sans cet apport ». Evidemment, cela a eu des effets anthropologiques : cela nous a fait perdre collectivement le goût de l’effort et nous a transformés en récriminateurs à qui la société doit toujours quelque chose. Nous hurlons à la mort pour six mois de travail en plus (souvenez-vous de la dernière réforme des retraites, en 2023) ou dix euros d’alloc’ en moins (souvenez-vous du psychodrame des APL, en 2021). Et nous habillons nos ressentiments de considérations sur l’égalité, véritable obsession française.
Ce mensonge orwellien d’un pays qui peut s’affranchir des pesanteurs et rapports de forces de l’économie n’a pas été imposé d’en haut, mais il est célébré par la gauche triomphante et est accepté par tous.
Si nous sommes en train de sortir de l’Histoire, c’est parce que depuis 40 ans, nous avons tous préféré nous raconter des histoires.

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Elisabeth Lévy : « Depuis 40 ans, on se raconte des histoires »

Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio dans la matinale


[1] https://www.lefigaro.fr/vox/economie/jerome-fourquet-l-etat-guichet-un-modele-a-bout-de-souffle-dans-une-france-qui-a-cesse-de-produire-20240512

Donald Trump: vous reprendrez bien une autre casserole judiciaire…

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Même s’il était condamné dans le cadre de l’affaire Stormy Daniels à New York, ce qui demeure le plus probable, Donald Trump fera appel et les démocrates vont échouer à se débarrasser de lui de la sorte. Il faudra qu’ils passent par les électeurs pour cela ! Le point complet sur les procédures en cours contre le candidat républicain à l’élection présidentielle américaine.


Depuis plusieurs semaines se tient à Manhattan, arrondissement de New York, le deuxième procès contre Donald Trump. L’ancien président est accusé d’un crime qui pourrait lui valoir 136 ans de prison. Quel est ce crime ? Personne n’est capable de le dire. Pas même le procureur du parquet de Manhattan, Alvin Bragg, qui a pourtant décidé de porter le dossier devant la justice. Car le crime en question n’est pas mentionné dans l’acte d’accusation. C’est l’une des nombreuses incongruités de cette affaire.

Une autre de ces incongruités est que les grands médias américains, très majoritairement anti-Trump, qui avaient juré, promis, et juré encore, de ne jamais, mais vraiment jamais, faire de la publicité à Trump en parlant de lui, même en mal, couvrent chaque péripétie du procès et ce depuis la première minute de sélection des jurés. Toutes les grandes chaines de télévision, ABC, CBS, CNN, et MSNBC ainsi que les grands quotidiens comme le New York Times et le Washington Post couvrent le procès dans ses moindres détails, utilisant chaque témoignage pour condamner à l’avance et humilier au passage l’homme qu’ils détestent par-dessus tout, Donald Trump.  

Une autre de ces incongruités est que ce procès et ces attaques incessantes n’ont (pour l’instant) aucune incidence sur les intentons de votes des Américains pour la présidentielle du 5 novembre prochain. Au contraire. Elles renforceraient plutôt le soutien des électeurs à l’ancien président. Trump devance Biden dans tous les sondages, au plan national ainsi que dans les Etats clés, avec une avance de un à neuf points. Dans ces mêmes sondages, Trump gagne aussi du terrain chez tous les groupes d’électeurs, y compris les femmes, les jeunes, les hispaniques et les Noirs, quatre piliers de la coalition Démocrate.

Trump adore se victimiser

Trump, pour l’instant, encaisse les coups sans trop broncher. Tenu d’assister au procès in extenso, il passe ses journées à se morfondre sur le banc des accusés au lieu de sillonner le pays comme le demande une campagne présidentielle. Il crie à une persécution politique et râle contre le juge, qui, au passage, lui a imposé plusieurs  baillons  (« gag orders »), c’est-à-dire lui a intimé l’ordre de ne pas s’exprimer, ni oralement, ni par écrit, sur le procès sous peine d’incarcération. Tous les soirs, à la sortie du tribunal, Trump dénonce devant les caméras, une parodie de justice orchestrée par le pouvoir démocrate et les apparences ne lui donnent pas forcément tort…

Point positif, ces poursuites sont, sans doute, les dernières qui pourront se tenir avant l’élection. Autre petit point positif, Trump a parfois réussi à retourner les circonstances à son avantage. Il a  profité de sa présence forcée à New York pour faire des apparitions publiques à Harlem ou ailleurs, et recevant à chaque fois un accueil plus que chaleureux. Dès qu’il retrouve sa liberté de mouvement, il reprend ses grands meetings de campagne et il profite de gros événements, pas forcément politiques, pour tester sa popularité. Le dimanche 5 mai, il a ainsi fait une apparition remarquée lors du Grand Prix de Formule 1 de Miami, recevant une ovation du public qui chantait « U.S.A , U.S.A.», et visitant le stand McLaren, juste avant que cette équipe ne remporte la course…

Dès le lendemain il était de retour à New York pour un procès qui en dit beaucoup plus sur la politisation de la justice aux Etats-Unis, et sur la tactique des Démocrates pour faire réélire Joe Biden, que sur les comptes de campagnes de Donald Trump en 2016.

Retour sur le cirque médiatico-judiciaire en efflorescence aux Etats-Unis

Le procès de Manhattan est le deuxième procès de Trump à New York.

A l’automne 2023, la « Trump organisation » a été poursuivie par l’Etat de New York et son procureur (« Attorney General ») Letitia James pour avoir surévalué les valeurs de ses sociétés pendant des années et ainsi obtenu des prêts bancaires plus favorables. Il n’y avait eu aucune victime, ni aucun détournement de fonds,  dans les fautes imputées à Donald Trump mais le juge lui avait néanmoins infligé une amende sans précédent de 355 millions de dollars. Amende rapidement réduite à 175 millions de dollars, ce qui reste néanmoins un record, mais a permis à Donald Trump de faire appel du jugement.

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Cette fois Donald Trump est accusé d’avoir falsifié les comptes de sa campagne présidentielle de 2016 pour masquer un paiement de cent trente mille dollars à une certaine Stephanie Clifford, alias Stormy Daniels, ancienne star du cinéma pornographique américain. Cet argent a servi à acheter son silence quant à une supposée liaison sexuelle qu’elle aurait eue avec Donald Trump en 2006. Trump a toujours nié cette liaison. Daniels… pas toujours. Mais l’important n’est pas là. Car avoir une liaison sexuelle hors mariage n’est pas un crime. Même aux Etats-Unis. C’est une affaire privée. Les affaires de cœur, ou de sexe, de Donald Trump étaient connues avant 2016 et ont été copieusement exploitées par les médias pour le décrédibiliser. Sans succès. Ce n’est donc pas ce possible adultère qui vaut à Trump d’être poursuivi ici. Acheter le silence d’une personne n’est pas non plus un crime. Ni même un délit. D’autres présidents, en leurs temps, ont cherché à acheter le silence de femmes encombrantes.  Un certain Bill Clinton l’a fait avec une dénommée Paula Jones en 1992. Sans succès au passage. Et il en payé le prix politique. Mais il n’a jamais été poursuivi en justice pour cela, et encore moins accusé de crime. Payer pour le silence de ses employés et associés est même une chose courante aux Etats-Unis. De nombreuses sociétés font signer à leurs dirigeants des « accords de non-divulgation »  (« Non Disclosure Agreements »  ou NDAs en anglais), leur interdisant de divulguer à l’extérieur et parfois même à l’intérieur de la compagnie, les termes de leurs contrats ou d’autres informations propres à la société… Ce qu’on reproche à Donald Trump est d’avoir dissimulé ce paiement en le faisant passer pour des « frais d’avocats » répartis en une dizaine de versements de dix mille à quinze mille dollars à son avocat d’alors Michael Cohen. Cohen avait avancé les cent trente mille dollars prévus pour Miss Clifford et Donald Trump l’a remboursé progressivement.

Conspirations

Cela n’est cependant pas un crime. C’est tout au plus un délit. La différence étant qu’un crime est passible de prison, pas un délit. C’est même un délit mineur. Il aurait été plus grave de laisser sa campagne rembourser Michael Cohen car Trump aurait alors utilisé de l’argent de sa campagne pour résoudre une affaire strictement privée, ce qui est interdit par les règles électorales. Trump était donc coincé. Il n’avait pas de bonne solution. Mais surtout, la somme est dérisoire. Dans un budget de campagne présidentielle, qui dépasse le milliard de dollars, elle représente 0,00013%. D’ailleurs l’ancien procureur de Manhattan avait renoncé à poursuivre Trump pour ce délit. Au point de laisser expirer le délai de prescription, qui est de deux ans. Ce délit ayant eu lieu en 2016, il a cessé d’être sanctionnable à partir de 2019. Son successeur Alvin Bragg, élu en 2021, n’en a eu cure. Il a littéralement ressuscité ce délit quatre ans après sa date d’expiration. Comment a-t-il fait ? En liant le délit à un crime plus important. Quel crime ? Encore une fois, il est  impossible de le dire précisément car Alvin Bragg ne l’a pas indiqué dans son acte d’accusation. Mais le procès a permis de supposer que le crime en question était d’avoir interféré avec la campagne présidentielle de 2016. Selon Alvin Bragg, en dissimulant son paiement à Stormy Daniels, Trump a dissimulé des informations aux électeurs Américains ce qui constitue une interférence dans la campagne électorale.

C’est ce qu’a affirmé le parquet en ouverture du procès. « Ce procès est celui d’une conspiration et d’une campagne de dissimulation » a lancé le 22 avril 2024 Matthew Delangelo, premier conseiller du procureur. « Donald Trump a orchestré un complot criminel pour corrompre le scrutin présidentiel de 2016. Ensuite il a caché ce complot criminel en falsifiant à plusieurs reprises ses comptes d’affaires à New York» a poursuivi ce même Delangelo, sans apporter la moindre preuve de ce qu’il avançait. Car de toute façon il n’a pas à le faire. La loi de New York précise qu’en l’occurrence il suffit à un accusé d’avoir eu « l’intention » de commettre un crime pour être tenu pénalement responsable de ce qu’il a fait en lien avec ce crime…

Au passage, avant de rejoindre l’équipe du procureur Alvin Bragg, en décembre 2022, Delangelo était le numéro trois du département de la Justice américain. Il avait été nommé à ce poste par le président Joe Biden. Il l’a quitté pour prendre en main les poursuites engagées contre le probable adversaire de Joe Biden à la présidentielle de 2024. Pour quiconque veut encore croire à l’indépendance de la justice américaine et prétendre que le procès en cours à Manhattan n’est pas une affaire politique gérée en ultime instance par l’administration Biden, la mutation de Delangelo est problématique…

Quant à la théorie du complot avancée par l’accusation, elle est carrément tirée par les cheveux. La preuve en est que les faits avaient fait l’objet d’une enquête menée par le bureau fédéral de district sud de New York en 2018, et qu’à l’issue de l’enquête ses agents avaient renoncé à poursuivre Donald Trump. D’abord parce qu’il était alors président en exercice, mais aussi parce que le principal témoin de l’affaire Michael Cohen, l’ancien avocat de Donald Trump,  n’était pas considéré comme fiable. Cohen venait de plaider coupable à des accusations d’évasion fiscale et se trouvait alors en prison !

Get Trump !

Alvin Bragg a fait fi de telles carences. A peine élu procureur de Manhattan en novembre 2021, il s’est lancé à tombeau ouvert dans le dossier Trump avec un objectif, le faire tomber ! Il faut dire qu’il s’y était engagé auprès des électeurs. Comme Letitia James, la procureure générale de l’Etat de New York, Bragg a construit sa campagne électorale autour d’une promesse unique : « get Trump », se faire Trump. Peu importait le motif. Comme le disait Lavrenti Béria, chef de la police secrète de Staline, « montrez-moi le coupable, je vous fournirai le crime… »

Et c’est ainsi que depuis le 15 avril Donald Trump passe ses journées dans un tribunal de Manhattan au lieu de faire campagne à travers le pays. Sa présence est requise. Imposée par le juge, un certain Juan Merchan qui a même refusé à Donald Trump le droit de s’absenter pour assister à la remise de diplôme de son fils Baron, bientôt bachelier.

La fille du juge Merchan, Loren Merchan, âgée de 35 ans,  est présidente de « Authentic Campaign », une firme spécialisée dans le markéting politique digital. Elle compte parmi ses clients la vice-président Kamala Harris pour qui elle a travaillé en 2020, lors de la campagne présidentielle contre Trump, ainsi que nombre d’élus démocrates, dont Ilhan Omar représentante du Minnesota, Adam Schiff de Californie, et Hakeem Jeffries de New York, tous les trois des acteurs politiques de premier plan viscéralement anti-Trump. Quand Trump a soulevé la question mettant en doute l’impartialité du Juge Merchan, ce dernier lui a imposé le premier de ses nombreux « ordres de bâillon » (gag order) lui interdisant, de parler, entre autres, de l’activisme de sa fille en faveur du parti Démocrate…

L’ancien président américain et principal candidat d’opposition de l’élection présidentielle à venir, est donc accusé d’un crime qui ne lui a pas été spécifié, retenu de force devant un tribunal, et n’ayant pas le droit de parler pour sa propre défense. Les autres participants au procès pouvant eux l’attaquer et le vilipender à tout va. Tout cela dans le pays qui se prétend toujours la première démocratie dans le monde… Chacun jugera !

Les Américains, eux, semblent avoir déjà tiré leurs conclusions et suivent avec une bonne dose d’incrédulité, les péripéties de ce procès hors norme. Ce qui n’empêche pas les principaux médias d’en rajouter, convaincus que montrer Trump en accusé et faire écho à toutes les histoires salaces le concernant, est essentiel pour décourager les électeurs de voter pour lui le 5 novembre.  

Détails croustillants

Cela s’est vérifié avec le long témoignage et contre-interrogatoire de Stormy Daniels, elle-même ! L’ancienne star du X, aujourd’hui âgé de 45 ans, est venue à la barre raconter dans le détail sa rencontre avec Trump en 2006. Les journaux ne se sont pas privés de reproduire les détails les plus croustillants de son récit. Jusqu’au pyjama de Trump ! Le très réputé New York Times (qui, certes, n’est plus ce qu’il était) livrant même les propos de la star « sans filtre », histoire de reproduire tel quel son vocabulaire coloré… Le problème est que ce témoignage, outre son côté salace, ce que même le juge Merchan a concédé –  « certains détails n’étaient pas nécessaires » a-t-il fait remarqué au procureur interrogeant Daniels – était largement hors-sujet. Les détails de l’entrevue entre Trump et Daniels en 2006, ne sont pas le sujet du procès. Loin de là. Ils ne sont même pas reconnus comme crédibles. Encore moins comme véridiques. Daniels ayant changé plusieurs fois son récit des faits alors que Trump les a toujours niés en bloc.

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Si le témoignage a souligné que les médias américains étaient toujours aussi racoleurs et friands de commérages sexuels, il a souligné surtout la fragilité et la faiblesse du dossier présenté par l’accusation. Connaître la couleur du pyjama de Trump en 2006 n’aide pas à convaincre un juré que ce même Trump a conspiré pour détourner l’élection présidentielle de 2016… Du coup, après quatre semaines de procès, ceux qui croyaient à une condamnation automatique de Trump à l’issue de la procédure, en viennent à s’interroger sur la possibilité d’un jury divisé et même d’un procès annulé pour vice de forme. Un acquittement semble hors de portée. Le district de Manhattan a voté à 88% contre Trump en 2020 et les jurés du procès sont tous issus de ce district. Mais une telle issue serait une victoire exceptionnelle pour Trump et un désaveu cinglant de la stratégie Démocrate de passer par les cours de justice pour disqualifier Donald Trump de la présidentielle 2024. Quel que soit le verdict, Donald Trump fera appel. La procédure prendra des mois, voire des années. Peu de chances donc que de ce procès, résulte l’incarcération de Trump. Par contre la possibilité d’une condamnation demeure, même si elle ne serait pas définitive. C’est bien sûr l’objectif initial du procureur Bragg et de tous les Démocrates qui le soutiennent : pouvoir accoler au nom de Donald Trump les qualificatifs de « criminel condamné » et de le faire ad nauseam, tout au long de la campagne électorale à venir. Ce procès est leur dernière chance d’y parvenir. Donald Trump est visé par trois autres poursuites mais ces trois affaires sont en train de filer en quenouille.

En Géorgie, les poursuites engagées contre Donald Trump et dix-sept de ses collaborateurs pour association de malfaiteurs dans le cadre de la contestation des résultats de l’élection de 2020 sont suspendues en l’attente d’une décision sur le maintien de la procureur Fani Willis. Celle-ci s’est fait officiellement réprimander pour sa mauvaise conduite du dossier – notamment pour avoir engagé son amant aux frais de l’Etat pour conduire l’instruction, ce qui constitue un conflit d’intérêt et potentiellement un détournement de fonds publics -. Elle a perdu sa crédibilité et pourrait se voir disqualifiée.  

Un camion de déménagement devant la résidence de Donald Trump de Mar-A-Lago, le 18 janvier 2021, Palm Beach en Floride © Terry Renna/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22531435_000003.

En Floride, les poursuites contre Donald Trump dans le cadre de sa rétention de documents classifiés ont été également suspendues sine-die par la juge en charge du dossier après la découverte que l’accusation avait manipulé certaines pièces à convictions, notamment lors du raid du FBI sur Mar a Lago, la résidence de Donald Trump en Floride, en août 2022. Le procureur en charge de ce dossier est Jack Smith, procureur spécial, nommé par le ministre de la Justice de Joe Biden, Merrick Garland. Il comptait beaucoup sur cette affaire pour amener Trump devant les tribunaux cet été et c’est lui qui se retrouve sous le coup de soupçons publics.

A Washington D.C., l’enquête menée par ce même procureur spécial Jack Smith sur les événements du 6 janvier 2021, et sur la responsabilité de Donald Trump dans l’assaut contre le Capitole, est suspendue à une décision de la Cour suprême des Etats-Unis concernant l’étendue de l’immunité présidentielle. Si une majorité des neuf juges reconnaît cette immunité au président, l’enquête s’arrêtera définitivement.  Et même si la cour suprême ne reconnaît pas totalement cette immunité, la question sera renvoyée à une cour d’appel pour des précisions. Avec pour conséquence immédiate de rendre tout procès contre Trump impossible avant l’élection.

Le calvaire que Donald Trump endure donc à New York est très vraisemblablement le dernier de cette saison électorale. Malgré leur détournement des institutions judiciaires et leur politisation de la justice, les Démocrates vont échouer à se débarrasser de Trump. Il faudra qu’ils passent par les électeurs pour cela. Comme il se doit dans toute démocratie digne de ce nom.

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Enfin un Scrabble pour la génération Z

Baisse du niveau. La société américaine Mattel va éditer une nouvelle version du Scrabble. Le nouveau jeu, nommé « Scrabble coopératif », sera évidemment plus inclusif et plus simple.


En attendant le jeu d’échecs limité à trois pièces, le bridge sans annonces, voici le Scrabble Together. Une variante du célèbre jeu qui fête ses 75 ans d’existence. Il s’agit, précise Mattel, l’éditeur, d’une version moins « intimidante » destinée aux personnes au vocabulaire riquiqui. Cela s’inscrit donc dans la croisade actuelle visant à la normalisation de l’ignorance. L’affaire s’accompagne évidemment de la mise en œuvre de son corollaire stratégique, le nivellement par le bas. C’est vrai à l’école de la République, c’est vrai désormais pour le Scrabble. La nouvelle version se présente sous la forme d’un plateau double-face. L’une pour les joueurs traditionnels, l’autre pour ceux de la génération Z, considérés plus faibles et moins portés sur la performance. D’ailleurs, on joue par équipe. C’est mieux pour le partage équitable de la médiocrité. Mieux aussi pour la sacro-sainte égalité : exit le triomphe individuel. Des niveaux différents et un système de scores simplifié complètent le dispositif. Des cartes sont à disposition qui suggèrent des astuces et des défis. Ceux-ci consistent moins à pondre un joli mot qu’à en placer un à tel ou tel endroit du plateau. Malin. Un jeu de mots où les mots n’ont plus l’importance première, il fallait y penser. Toto l’analphabète en rêvait, Mattel l’a fait.

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Toutefois, la tâche ne s’annonce pas si simple. Bien des termes d’un usage courant dans cette génération sont désormais interdits. En effet, sont exclus depuis un an de L’Officiel du Scrabble, la bible des joueurs, certains mots à « caractère haineux, irrespectueux des valeurs humaines et des nouvelles sensibilités de notre monde ». Le faiblard du langage devra donc renoncer à lopette, enculeur, gogol, goudou, tarlouse, nègre, nabot, poufiasse. Alors que le concurrent mieux nanti côté vocabulaire pourra « scorer grave », lui, avec lâche, sodomite, idiot, lesbienne, inverti, racisé, gnome, mégère… Qui ira dire encore après cela que niveler par le bas suffit à réduire les inégalités ?

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Jean-Pierre Obin, le lanceur d’alerte

Il y a vingt ans, l’inspecteur général mettait les pieds dans le plat en rédigeant un rapport sur les signes religieux à l’école. Depuis, la tendance s’est accentuée, les violences ont explosé, et une nouvelle génération de profs conteste à son tour la laïcité.


* Jean-Pierre Obin a été inspecteur général de l’Éducation nationale et professeur des universités associé. Il est l’auteur de plusieurs rapports ministériels dont le fameux « rapport Obin » de 2004 sur « Les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires », ainsi que de nombreux ouvrages dont Comment on a laissé l’islamisme pénétrer l’école (Hermann 2020, Prix Jean-Zay) et Les profs ont peur (L’Observatoire, 2023).

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Causeur. Que vous inspirent le meurtre de Shemseddine à Viry-Châtillon et le passage à tabac de Samara à Montpellier ?

Jean-Pierre Obin. D’abord, j’observe qu’on est passé des insultes et bagarres aux meurtres ou tentatives de meurtre, encouragées sur les réseaux sociaux. Nous avons tous peur pour nos enfants et petits-enfants. Ensuite, cette violence trouve fréquemment une justification dans les préceptes religieux, les coutumes communautaires. Entre Samara et sa copine, il y avait une sombre affaire de jalousie, teintée d’un aspect religieux. Contrairement à Samara, la copine ne pouvait pas s’habiller à l’européenne et se maquiller. Certes, il n’y a pas que dans la tradition musulmane que les frères se prennent pour les gardiens de la vertu des sœurs. Reste que la religion musulmane, dans ses composantes les plus radicales, devient un paramètre important de la vie des jeunes dans les quartiers.

Il y a vingt ans paraissait votre rapport sur « Les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires ». Qu’est-ce qui a changé en vingt ans ?

Outre le niveau de violence, la jeunesse des agresseurs, souvent âgés de 15 ans ou moins. On sort des couteaux, on se met à dix sur un, on laisse pour mort, on tue. Cela n’existait pas en 2004. En revanche, on observait déjà le contrôle de la sexualité des filles par les garçons, singulièrement par les frères.

Le phénomène s’est structuré. Aujourd’hui il y a, en particulier sur TikTok, une offensive délibérée contre l’École.

La propagande islamiste est passée de l’âge des cassettes audio et des opuscules de prédicateurs mal traduits de l’arabe à celui des réseaux sociaux où les influenceurs ont le même âge et les mêmes codes langagiers et culturels que les jeunes qu’ils ciblent. Cette propagande endogène est bien plus efficace.

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A-t-on des raisons d’espérer ? La reconquête a-t-elle commencé ?

Certains ministres, Jean-Michel Blanquer et Gabriel Attal, ont nommé l’islamisme, reconnu sa pénétration dans l’École et proposé des pistes d’action pour l’enrayer. Avec parfois un succès mitigé. Je pense à cette cellule de contre-propagande créée au sein du CIPDR (comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation). Elle a dû être fermée. Je crois que ses membres avaient été sérieusement menacés, mais cela s’est réglé de manière obscure. En revanche, l’interdiction de l’abaya, qu’on attendait depuis longtemps, est une réussite.

Comme vous le suggériez, Jean-Michel Blanquer a instauré des formations à la laïcité pour les personnels de l’Éducation nationale. Qu’en est-il advenu ?

Ce qui a marché, c’est la formation des formateurs. En deux ans, grâce notamment à Pierre-Henri Tavoillot, plus d’un millier ont été formés dans des universités. Mais leur mobilisation pour former les personnels a été inégale d’une académie à l’autre. Certains recteurs ont traîné les pieds, en attendant, disait l’un d’eux, le prochain ministre. Et cela a été Pap Ndiaye, qui a superbement ignoré ce projet. Certaines formations se sont arrêtées. Puis Gabriel Attal les a relancées et a secoué les recteurs pour qu’ils le fassent. Le Conseil des sages de la laïcité a été pérennisé. Aujourd’hui, plus de la moitié des enseignants ont bénéficié de trois jours de formation. Cependant, soyons réalistes, beaucoup de jeunes profs ne comprennent toujours rien à la laïcité.

Parlons-en du Conseil des sages ! Un de ses membres, Alain Policar a dénoncé la loi de 2004 sur RFI…

Pap Ndiaye a essayé de détourner ce Conseil vers l’antiracisme, parce que la laïcité, disons qu’il ne connaissait pas bien. Finalement Dominique Schnapper est restée présidente, Alain Seksig, secrétaire général, et on n’entend plus Alain Policar.

Très critiquée par de nombreux professeurs, dénoncée par les Insoumis, la grande loi de 2004 est devenue le symbole de l’islamophobie française. Faut-il la renforcer ?

Cette loi est très claire. Sauf à l’étendre à l’université, voire, comme le réclame le RN, à l’ensemble de l’espace public, je ne vois pas comment on la renforcerait. L’important, c’est qu’à l’école, elle soit appliquée d’une main qui ne tremble pas. Cela a été rappelé aux recteurs. Dans certains établissements, on l’a vu au lycée Maurice-Ravel, cela demande un certain courage. Il ne faut pas seulement transmettre la laïcité aux personnels éducatifs, mais aussi leur apprendre à traiter les incidents dans leur classe ou leur établissement.

Certains établissements proposent même aux professeurs des cours d’autodéfense !

Oui…

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En 2002, Les Territoires perdus de la République s’était heurté à un déni militant. Depuis, a-t-on au moins ouvert les yeux ?

Oui et non. Après deux profs assassinés au nom de l’idéologie islamiste, il est difficile de nier complètement la pénétration islamiste de l’École et l’existence du « pas de vague ». Mais à gauche, si on condamne le terrorisme – on ne peut pas faire autrement –, on préfère faire l’impasse sur l’idéologie qui le légitime. Comme le dit Hugo Micheron, l’oubli succède vite à la colère. Quant aux professeurs que j’ai interrogés, ils expriment une forme de prudence – « je n’ai pas envie qu’on m’oblige à rendre hommage à Samuel Paty, parce que je ne sais pas faire, et que j’ai peur d’un incident ». Ce n’est pas un déni, c’est un refus. C’est très triste.

On a fait des lois, des proclamations, des marches blanches, on a édicté des chartes, nommé des référents. Et pourtant, on ne cesse de perdre du terrain.

Pas uniquement. La prise de conscience du danger islamiste est de plus en plus vive dans la société française et dans la classe politique, à l’exception de LFI et d’une partie des écolos.

Et de pas mal de professeurs !

Oui, car les professeurs votent en majorité pour LFI et les écolos, mais ils ne sont pas représentatifs de la société française. Ni même de toute la gauche : il y a une gauche républicaine qui rassemble le PC, le PRG, la Convention de Bernard Cazeneuve et une partie du PS. Jérôme Guedj semble désormais très solide sur ses positions laïques.

Depuis que la Nupes a explosé !

Mais elle a explosé sur ces sujets ! Je reviens aux professeurs. Ils sont très partagés. D’un côté, ils sont pris dans leur allégeance politique et syndicale, et de l’autre, ils souffrent de la situation. Paradoxalement, ce sont les plus jeunes qui s’autocensurent le plus. Un tiers des professeurs de moins de 30 ans souhaite abroger le principe de laïcité pour les professeurs eux-mêmes, c’est-à-dire accepter qu’ils puissent enseigner en voile ou en kippa. Et la moitié ne voudrait pas être nommé dans un établissement portant le nom de Samuel Paty.

© Hannah Assouline

Nicole Belloubet avait dit n’importe quoi sur l’affaire Mila. Dans l’affaire du lycée Ravel, elle est allée sur place très vite, a mis en place la protection fonctionnelle. Croyez-vous à sa « conversion » ?

Je n’ai pas de croyance dans ce domaine. Je l’ai un peu côtoyée quand elle était rectrice de Toulouse. C’est une femme sincère, engagée, de gauche. Quand elle a prétendu qu’en insultant le prophète de l’islam, Mila avait attenté à la liberté de conscience, elle s’est fait remonter les bretelles dans la journée. Elle a donc reconnu sa bourde et rappelé que le blasphème n’existait plus depuis la Révolution. Mais sa pensée spontanée, c’est ce qu’elle a dit au départ.

A-t-on raison d’invoquer en permanence la laïcité ? Ne faudrait-il pas plutôt expliquer qu’en France, chacun doit accepter qu’on se moque de sa religion ?

Certains professeurs le font, mais on ne peut pas se contenter de provoquer ainsi les élèves musulmans sans autre forme de pédagogie, sans leur expliquer pourquoi ils doivent accepter les caricatures. On doit être prudents. Pour en revenir à Nicole Belloubet, ce n’est pas un choix de Gabriel Attal, mais d’Emmanuel Macron. Or, ils ne sont pas sur la même longueur d’onde concernant la laïcité. Belloubet est le reflet de cette ambiguïté.

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Macron est-il, selon vous, un authentique multiculturaliste ?

Il est libéral, profondément libéral. Il a hésité trois ans avant de prononcer le discours des Mureaux. Puis il a nommé Pap Ndiaye. Il n’est jamais sorti du « en même temps », de l’ambivalence.

À Viry-Châtillon, Gabriel Attal a promis de rétablir l’autorité. Pour la énième fois…  

En tout cas le « pas de vague », c’est-à-dire le refus de l’exercice de l’autorité, vient du haut et « ruisselle » vers le bas. Les professeurs ne se sentent pas soutenus par les chefs d’établissement, qui ne se sentent pas soutenus par leur hiérarchie, c’est-à-dire le rectorat. Un Premier ministre déterminé qui assure ses agents de son soutien, c’est important. Trois femmes voilées ont été expulsées d’un collège dans l’académie de Dijon : l’inspecteur d’académie a demandé au principal de s’excuser auprès d’elles, et le recteur l’a désavoué dans la journée. Il y a des recteurs courageux… ou sensibles à l’air du temps.

Au-delà de la question de la laïcité, l’Éducation nationale est imprégnée par une idéologie de la bienveillance qui érige la tolérance en principe d’éducation…

Oui. Et cette idéologie est parfaitement délétère. L’éducation, c’est un adulte qui exerce une autorité fondée sur le savoir, sur un enfant qui a besoin de cette autorité pour grandir. Ce point de vue est contesté, y compris parmi les enseignants, rappelez-vous la levée de boucliers contre la psychologue Caroline Goldman et son livre File dans ta chambre. Certes, beaucoup de gens, notamment chez les CPE, savent que les élèves ont besoin d’un cadre de règles, clair et stable, pour apprendre. Je ne connais pas le rapport de forces entre les deux tendances, mais l’idéologie de la bienveillance est encore vivace.

La fuite vers le privé avait-elle commencé en 2004 ?

En proportion, il n’y a pas plus d’élèves dans le privé qu’à l’époque. Ce qui s’est passé, c’est le remplacement des classes moyennes et populaires qui choisissaient le privé pour des raisons religieuses par des classes supérieures qui cherchent d’abord à fuir les classes populaires et les enfants d’immigrés. Comme il a davantage de demandes, le privé a le choix et il prend les meilleurs. Et le secrétaire général de l’enseignement catholique feint ensuite benoîtement de découvrir que les meilleurs sont les plus riches. Résultat, le taux de boursiers a chuté de moitié : le privé est devenu une école de classe.

Vous voulez importer le désastre du public dans le privé ?

Contrairement aux idées reçues, toutes choses égales par ailleurs, le privé ne fait pas mieux réussir ses élèves.

À part les assassinats de professeurs.

Ils en ont eu un aussi, en 2023, mais pas islamiste.

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Il y a aussi beaucoup de musulmans dans l’école catholique.

Oui, de plus en plus, et parfois des musulmans intégristes. Ils préfèrent une école religieuse, serait-elle catholique, à une école laïque.

Vous prônez donc l’instauration de critères sociaux : une loi SRU de l’école ?

Mais oui, puisque l’État paye ! Le contrat qui les lie doit préserver l’intérêt des deux parties. Celui de la puissance publique est de ne pas concentrer dans les mêmes endroits les élèves les plus en difficulté. Répartir la charge du fléau social à mesure des efforts demandés au contribuable français, c’est la justice même.

Public ou privé, il faut aussi s’attaquer à la formation des professeurs.

C’est une urgence ! Il faut réformer radicalement les Inspe[1]. Quand Sarkozy a fermé les IUFM en 2007, il a décidé que leurs étudiants seraient confiés aux universités. La Rue de Grenelle a depuis perdu la main sur la formation des professeurs. En réalité, personne ne contrôle ce qui se passe dans les Inspe. J’y ai enseigné jusqu’en 2018, personne ne m’a jamais demandé ce que je faisais. L’Inspe est un bateau ivre. Il faut que l’Éducation nationale, futur employeur, reprenne la main sur la formation de ses personnels.

Peut-on enrayer l’offensive islamiste sans révolution de notre politique migratoire ?

Dès lors qu’un immigré sur deux est de confession musulmane et que l’islamisme sévit par définition au sein de l’islam, l’immigration aggrave en effet mécaniquement le phénomène. Dans mon précédent livre, j’expliquais, chiffres à l’appui, que l’islam allait devenir en une génération la première religion de France pour arriver à 15 % environ de la population, moins si l’on compte seulement les Français. Or, ceux-là plus encore que les autres, on ne doit pas les abandonner aux islamistes.

Mais justement, on a laissé tomber Samara !

Oui ! Et sa mère a eu peur au point de revenir sur ses déclarations. Les professeurs observent que seule une minorité de leurs élèves musulmans perturbe les cours et proclame son hostilité à nos mœurs, mais que les autres se taisent. Que pensent-ils ? Il est probable qu’une partie approuve silencieusement, mais que les autres ont peur. Envers tous ces jeunes musulmans qui veulent adopter notre culture et nos valeurs, nous avons un devoir de protection.

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[1] Institut national supérieur du professorat et de l’éducation.

La Pat’Patrouille à la rescousse de Valérie Hayer

Emmanuel Macron et Gabriel Attal volent à la rescousse de Valérie Hayer et délivrent un message politique fort : vivent l’Europe, les d’jeuns, la diversité et la fête !


La semaine dernière, Emmanuel Macron et Gabriel Attal ont battu la campagne des européennes pour prêter main forte à leur tête de liste, en difficulté. Seule ou confrontée à ses adversaires, Valérie Hayer débite mécaniquement le discours européiste éculé de la Macronie. Agaçant plus qu’elle ne séduit, elle multiplie les bourdes avec une innocence désarmante. La dernière en date ?  Se faire tirer le portrait aux côtés de militants néo-nazis. Le but de l’exécutif : couvrir la voix de leur candidate calamiteuse à défaut de pouvoir la bâillonner ; rallier la jeunesse et la diversité. Le risque encouru : lasser l’électorat des retraités (qui leur est acquis) par une célébration forcenée du multiculturalisme festif et l’injonction à se fondre dans l’Europe. Dans l’exercice, Emmanuel Macron se révèle tel qu’en lui-même, tristement prévisible, démagogue et racoleur.  Gabriel Attal, malléable et inféodé à son maître, se met au diapason.

Jul et Mbappé rallient la macronie

Comme Néron, notre président aime les jeux et la fête ; sait allumer le feu comme personne. C’est donc sans bouder son plaisir qu’il s’est rendu dans la cité phocéenne malgré un agenda chargé (réception du président chinois et commémoration du 8 mai 1945) pour réceptionner la flamme olympique. Notre amateur de redoute tenait là l’occasion rêvée pour fédérer des électeurs encore moroses, indifférents voire dubitatifs ou hostiles. C’est donc en se trémoussant sur la chanson du rappeur Jul qu’il les a exhortés à communier dans la pride : « Ces Jeux de Paris, il faut montrer que c’est un moment d’unité, qu’on en est capable et qu’on peut en être fier. » Notre thaumaturge a même promis de subtiliser Mbappé au Real Madrid, le temps des Jeux.

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Les femmes et les enfants d’abord !

Samedi 11 mai, c’est dans une longue vidéo diffusée sur X, Instagram et TiK Tok qu’Emmanuel Macron, président des d’jeuns, nous a joué un lamentable numéro de mauvais youtubeur. Sous couvert de répondre aux questions posées par Charlie le Beau Gosse et ses copains tout juste pubères, notre ravi a réussi la prouesse de s’auto-interviewer avec puérilité ; notre naïf imaginait sans doute faire gober sa grossière propagande pro-UE. Voici quelques-unes des mesures (attendues par tous) qu’il propose : instauration de la majorité numérique à quinze ans, diplôme commun européen, un plan à mille milliards d’euros pour le climat, l’intelligence artificielle et les efforts de défense. L’Europe, selon lui, joue son avenir en Ukraine, aussi, il appelle de ses vœux la création d’une armée de défense européenne. Qu’on se rassure, il n’est pas question d’entrer en guerre contre la Russie, mais de « dissuader » Moscou tout en « aidant » l’Ukraine ; ni vu ni connu, je t’embrouille. On a eu droit, aussi, au sempiternel couplet contre les extrêmes droites « qui sont sur des logiques de peur, de colère, de ressentiment », « jouent beaucoup plus sur l’émotion négative que l’argument » et « avancent masquées » pour nous sortir de l’Europe. Notre bougre qui est sur tous les fronts, n’en a pas pour autant oublié les vieilles : dans l’hebdomadaire ELLE, il s’est engagé à œuvrer pour leur faciliter la ménopause « un vrai tabou de la société, avec tout ce qu’elle entraîne de déséquilibres hormonaux et de pathologies. » « Je souhaite qu’une mission parlementaire se saisisse de la question (…) ».

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« Le J c’est le S. »

Pour ce qui est de Gabriel Attal, on le connaissait martial et ferme (dans les mots, en tout cas.) Le magistral : « Tu casses, tu répares ; tu salis, tu nettoies ; tu défies l’autorité, on t’apprend à la respecter » lui avait attiré l’indéfectible sympathie des vieux cons. C’est donc avec consternation qu’on l’a vu remiser le verbe mâle et guerrier auquel il nous avait habitué pour copiner, aussi bon démagogue que son maître, avec les d’jeuns qu’il nous avait expliqué vouloir mater. Il a donc témoigné, sur X, sa proximité avec le rappeur Jul, notre allumeur de chaudron olympique adulé par la jeunesse, et a déclaré la fête ouverte : « Le J c’est le S. La flamme est arrivée. Que la fête commence ! » La fermeté à l’école c’est bien ; mais la fête c’est mieux et surtout, c’est bien plus vendeur.

Le champion Florent Manaudou et le chanteur Jul, Marseille, 8 mai 2024 © DOMINIQUE JACOVIDES -POOL/SIPA

Puis, lors de la célébration de l’abolition de l’esclavage, à La Rochelle, Gabriel Attal flanqué de Nicole Belloubet nous a servi un discours de repentance à la Macron : « Trop longtemps un voile a été jeté sur ce passé. » « Le reconnaître ça n’est pas s’affaiblir, au contraire, c’est grandir. » Souhaitant qu’une « grande exposition nationale sur la mémoire de l’esclavage puisse se tenir en 2026 pour le 25e anniversaire de l’adoption de la loi sur la reconnaissance de l’esclavage comme crime contre l’humanité. », le Premier ministre a également annoncé la création prochaine d’un label spécifique pour les lieux de mémoire de l’esclavage. Il n’a pas omis, bien sûr, de mettre en garde contre « le piège de ceux qui jouent la montée des fièvres. »

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L’entreprise de séduction de nos duettistes risque bien de se révéler contre-productive et de ne servir qu’à consolider l’avance de Jordan Bardella. Il faut s’en amuser : « Ce n’est que le début du grand ménage. Plus de nostalgies mortifères ! Vive la Fête ! L’oubli dans la joie ! Cette époque affiche complet, mais ce serait très ingrat de s’en plaindre. Particules que nous sommes ! Fragments ! Nous devons tout à notre multitude. » Philippe Muray, L’Empire du Bien

«Dieu le fit», un roman juste et secret

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Après Le silence des matriochkas, Anne Bassi revient avec une sublime fresque romanesque qui nous transporte, entre 1942 et les années 70/80, d’un petit village de la Drôme provençale, haut lieu de la Résistance, vers le monde parisien de la Justice, pour nous livrer avec finesse le secret (ou plutôt les secrets) d’un homme et nous remémorer avec justesse un évènement capital de la grande Histoire de Dieulefit (26), lieu où se sont illustrés de nombreux « Justes parmi les Nations ».


Dans Les Misérables, Victor Hugo écrivait que « personne ne garde un secret comme un enfant ». Avec ce deuxième roman, l’on peut dire sans hésiter qu’Anne Bassi n’a pas son pareil pour partager, faire surgir, révéler les secrets du passé qui marquent inconsciemment ses personnages et changent à jamais leurs vies une fois révélés. Secrets de femme dans son premier roman ; secrets d’un « fils » d’agriculteurs dieulefitois devenu ténor du barreau de Paris dans ce nouveau roman. Dans les deux cas, secrets remontant à l’enfance, traversant les générations et jalonnant l’Histoire.

L’histoire d’un homme ordinaire aux origines extraordinaires

« Le jour de ma naissance, le 11 octobre 1943, Maman fête ses cinquante-sept ans ». Ainsi commence le récit d’Anne Bassi ; le décor est planté, le trouble jeté. Avec une écriture directe et incisive, par touches délicates et flashbacks maitrisés, l’écrivaine emmène le lecteur, en même temps que son héros, vers la révélation progressive de l’identité de celui-ci.
Enfant heureux et choyé, d’une intelligence rare décelée très tôt par un instituteur bienveillant, ayant grandi au milieu d’une Nature qu’il affectionne (et que l’auteur, passionnée de randonnée, décrit avec des mots toujours justes – « Nous baissons la tête devant les branches que le vent courbe. Nous rêvons, le ruisseau murmure et nous écoutons la forêt »), Christophe Lemaire quitte son village natal et change de condition sociale : par vocation et rejet de l’injustice (celle frappant ses parents endettés et cruellement poursuivis par des huissiers sans scrupule), il devient avocat.

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Elle-même avocate de formation, Anne Bassi nous propose alors le portrait d’un univers qu’elle connait parfaitement et nous invite, derrière le décor feutré et parfois violent de celui-ci, à suivre l’ascension fulgurante et la réussite rastignanesque de Christophe, entre séduction (des femmes auxquelles le héros ne veut pas s’attacher), jeux de pouvoir (auprès des clients, dirigeants d’entreprises et hommes politiques que Christophe côtoie) et amitié (de la famille Lavoué qui lui offre sa première chance professionnelle dans la capitale ou de son mentor Jacques Rivière qui en fera son associé).
Mais Christophe n’oublie pas ses origines. Ou plutôt une rencontre fortuite jaillie du passé (celle de son ami d’enfance Ferdinand) va lui faire découvrir ses origines qu’il a ignorées pendant plus de 40 ans et qui vont bouleverser sa vie. Avec un style alerte, mêlant habilement enquête de type policier, recherches généalogiques et références historiques, Anne Bassi pousse son héros, avec l’aide précieuse d’une autre amie d’enfance, Jeanne, à rechercher, à tout prix, sa véritable identité – et à l’accepter – et en même temps, à apprendre l’histoire de Dieulefit.

L’Histoire d’un village exceptionnel en des temps tragiques

Attachée aux secrets de famille et à la transmission du passé et de sa mémoire, Anne Bassi, au-delà de la destinée des hommes et des femmes qui habitent ses romans, nous montre une nouvelle fois qu’elle est également très sensible à l’importance de l’œuvre du temps et des lieux dans lesquels ces personnages évoluent pour la découverte de ces secrets. Ainsi en était-il du Silence des matriochkas où l’auteur nous faisait voyager de Kiev à Berlin puis à Paris entre 1885 et nos jours.
Cette dimension essentielle temps / espace se retrouve dans Dieu le fit, qui porte un titre destructuré et évidemment évocateur de ce village provençal, recensant à peine 1.200 personnes au début de la Seconde Guerre mondiale, et nous fait traverser 40 ans de la vie d’un homme et de l’Histoire.
Car au-delà du simple destin personnel du héros et de sa bouleversante quête identitaire, c’est bien à un voyage à travers le Temps et la mémoire auquel Anne Bassi nous convie dans son dernier roman. L’auteur nous rappelle – ou nous apprend – que Dieulefit a été à l’époque un haut lieu de la Résistance, dont plusieurs habitants ont été reconnus « Justes parmi les Nations », un lieu de fraternité et de solidarité unique à une période trouble de l’Histoire de France : composé de catholiques et de protestants, le village n’a dénoncé aucun juif, aucun étranger pendant la guerre.

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L’auteur nous rappelle aussi – ou nous apprend encore – le sauvetage des enfants juifs de Vénissieux en août 1942. Sauvetage spectaculaire de 108 enfants réalisé grâce à une interprétation habile – et justement rappelée par Anne Bassi – de la loi pour que les parents qui allaient être tragiquement déportés vers les camps de la mort sauvent leurs enfants en signant une délégation de paternité mais aussi grâce au courage de nombreux héros anonymes, en particulier des femmes qui se retrouvent dans le livre et sont désormais des personnages historiques (Marguerite Soubeyran, Simone Monnier, Catherine Krafft) ou ont été inspirées de faits réels, comme celui de Jeanne, secrétaire de Mairie à Dieulefit pendant la guerre et qui a falsifié de nombreuses pièces d’identité pour sauver la vie des enfants menacés.
« Je suis né sous une bonne étoile ». Telle est la première phrase du livre d’Anne Bassi. Son héros a réussi à trouver la sienne. C’est tout ce que l’on souhaite à Dieu le fit aujourd’hui.

Dieu le fit, Anne Bassi, Editions marque-pages

Attention, sol glissant

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© Julian Mommert

On sort de certains spectacles en se disant : tout ça pour ça ? C’est le cas de « Ink », de et avec Dimitris Papaioannou. Si la performance des danseurs est remarquable, on cherche la cohérence de l’ensemble…


C’est donc cela, le travail de Dimitris Papaioannou ! Ce n’est donc que cela !

Voilà tant d’années qu’on lui tresse des couronnes de laurier, qu’on lui adresse d’exaltants dithyrambes, comme cela se faisait jadis à Athènes pour les athlètes, les poètes ou les sculpteurs. Mais ce que l’on découvre dans ce spectacle qui aura fait le tour du monde apparaît bien confus et bien peu convaincant. 

H2O

La mise en scène d’«Ink » est assurément d’une saisissante complexité technique. Pour ses deux interprètes, (Suka Horn et Dimitris Papaioannou), elle représente un défi permanent. Leur tâche est d’une telle difficulté que l’on ne peut que s’incliner devant des performances physiques et une endurance à couper le souffle.

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Obscur comme l’encre, cerné de rideaux noirs légers comme un souffle, prêts à se dissoudre dans l’air ou à se gonfler de façon spectaculaire, le plateau suffoque sous un lancinant jet d’eau qui l’envahit, le noie et nous noie avec lui. Gainé de noir dans des vêtements détrempés, chose fort imprudente, soit dit en passant, si l’on est sujet aux rhumatismes, Dimitris Papaioannou règne, un peu laborieusement d’ailleurs, sur cet univers de robinets, de tuyaux et de sphères où l’eau est omniprésente, débordante, asphyxiante même, avant que n’apparaisse le corps nu de sa victime rampant sous de transparentes plaques de plastique qui recouvrent le sol noyé. Et le voir, ce corps nu, évoluer péniblement, puis être violemment maintenu dans sa prison semi-rigide, est presque une torture pour le spectateur.  

Avis de recherche : cohérence et propos du spectacle…

Tout l’ouvrage est une succession sibylline de tableaux sans unité évidente. Et même si leur exécution périlleuse force l’admiration, il est difficile de ne pas se dire qu’ils ne sont qu’une suite d’idées trouvées pêle-mêle au cours de manipulations, d’improvisations, d’essais désormais emboîtés bout à bout sans grand souci de cohérence, sans qu’ils soient soutenus par un propos solide. Entre les deux protagonistes, unis dans un rapport de force à première vue malsain, comme teinté de sadisme ou de rude sexualité, il faut que règne une complicité aussi intime qu’intense pour mener à bien ce parcours scénique d’une difficulté inouïe. L’âpreté de certaines scènes, la difficulté de répondre aux embûches auxquelles se heurte principalement l’homme nu, en impose. Recourant parfois à des trucs un peu éculés, mais assurément très efficaces, ou tout au contraire à des images extrêmement originales et voulues superbes qui font appel à la virtuosité de Horn, Papaioannou donne toutefois le sentiment pénible qu’elles se succèdent, ces scènes, sans véritable raison, avec une certaine gratuité.

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Il serait difficile, dans « Ink », de ne pas voir exposée toute une fantasmagorie sexuelle où l’on apprend que la présence d’une pieuvre (factice) faisant office de cache-sexe pour l’homme nu est le symbole d’une libido brûlante. Mais, sans être une vieille fille puritaine et frustrée, faut-il vraiment devoir admirer le fait que l’homme en noir extirpe un slip de son bas-ventre pour le lancer à l’homme nu qui s’en couvrira furtivement avant de le relancer à son dominateur qui le glissera à nouveau sur son sexe ? Faut-il qu’un metteur-en-scène expose si crûment des pulsions à peine voilées ou sublimées et que l’on doive saluer sans réserve cette franchise imposée ? Et faut-il que l’on soit à ce point amoureux de soi-même pour exposer sans fard l’étrangeté d’une sexualité complexe ? La liberté de tout dire, de tout montrer est certes fondamentale au théâtre. Mais en user sans limite est parfois lassant. À l’image de la plupart des productions actuelles, lesquelles ne manquent pas cependant de rencontrer un vif succès public à une époque où l’on se satisfait de la seule apparence, sans trop se questionner sur le fond des choses, « Ink » apparaît comme dépourvu de substance.  Comme un étalage narcissique que ne rachète pas vraiment l’engagement des interprètes.


« Ink », de Dimitris Papaioannou. Jusqu’au 15 mai.
Théâtre de la Ville : 01 42 74 22 77.

Finlande: la faute au mâle blanc

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D.R

‘Comment décourager un homme en trois étapes’: le tutoriel anti-viols venu du Nord qui a fait éclater de rire les Scandinaves et contribué à la montée du très populiste Parti des Finlandais.


Comment une femme peut-elle décourager un agresseur sexuel ? Des vidéos tournées en Finlande apportent une réponse. Un clip datant de 2020 et posté sur TikTok est redevenu viral à la fin du mois de mars de cette année. Il montre trois femmes à lunettes et deux hommes baraqués qui se dandinent sur une musique sortie d’un jeu vidéo des années 1980. Avec une chorégraphie répétitive, censée démontrer des gestes de refus, les danseurs chantent en boucle la même formule en anglais permettant aux femmes de calmer les ardeurs de tout assaillant potentiel : « Stop ! Don’t touch me there ! This is my no-no square. » (« Arrêtez ! Ne me touchez pas là ! Ceci est mon espace vital interdit. ») La vidéo a été réalisée à la suite d’un scandale qui a éclaté fin 2018 à Oulu, la plus grande ville du nord de la Finlande. Une bande de demandeurs d’asile, originaires du Moyen-Orient et d’Asie centrale, perpétrait des viols collectifs sur des filles mineures. L’année suivante, une étude commandée par le gouvernement finlandais a trouvé que les individus nés à l’étranger étaient surreprésentés parmi les accusés de viol. Bien que ne constituant que 7 % de la population, ils représentaient 38 % des suspects. La vidéo de 2020 avait un précédent.

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Une autre, diffusée sur la télévision publique en 2016, mais devenue virale cette année en même temps que la première, montrait comment décourager un agresseur en trois étapes. Une jeune blonde qui longe une rue enneigée où elle est poursuivie par un homme (blanc, naturellement) se retourne et dit : « Non ! » Face à l’insistance de son poursuivant, elle brandit sa main protégée du froid par une moufle pour le stopper. Quand il passe outre, elle réussit enfin à le chasser en le repoussant avec son sac à main. Ce clip a été diffusé en réaction à un autre scandale concernant des agressions sexuelles commises par des migrants lors des célébrations du Nouvel An à Helsinki en 2015. Quand ces vidéos ont suscité l’hilarité des internautes autour de la planète cette année, beaucoup ont cru à un poisson d’avril, tellement ce type de message est éloigné de la réalité. La mollesse de la réaction des autorités à l’époque a contribué à la montée du très populiste Parti des Finlandais, aujourd’hui présent dans la coalition de droite qui gouverne le pays.

Franchement, Monsieur le président, la ménopause est-elle une mission régalienne?

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© Unsplash

Emmanuel Macron est décidément sur tous les fronts, voilà qu’il annonce la mise en place d’une mission parlementaire sur la ménopause.


Au moment où l’égalité hommes femmes, un objectif louable, mobilise entre autres tout ce que le féminisme compte de pasionarias, le gouvernement et tout particulièrement le président de la République ne souhaitent pas être en reste ! Le magazine Elle a publié une interview d’Emmanuel Macron qui ne sait plus où donner de la tête pour protéger la femme, cette espèce animale en danger, incapable de se prendre en main, ignorante de son propre corps, en proie à un corps médical qui n’est pas toujours à la hauteur et ne saurait pas nous informer. On hésite entre irritation et ricanement, stupéfaites devant cette condescendance qui frise l’abus de position dominante.

Les femmes françaises doivent être parées pour le « réarmement démographique » !

Au lendemain de la visite du président chinois, le président de la République, chef de guerre, face à des élections europénnes qu’il ne maîtrise pas, doit-il vraiment s’attacher brusquement aux questions les plus intimes du sexe féminin, dans une réflexion sur le bas-ventre ? Oui, car la condition féminine est menacée de risques gynécologiques, entend-on ! Risques tels qu’ils nécessitent de mobiliser l’Assemblée nationale pour qu’elle instaure incessamment une « mission parlementaire sur la ménopause » (sic). Nous devrions déjà être assistées pour nos règles douloureuses, ignorées semble-t-il des patrons et patronnes ! Il faut donc que l’on nous accorde un jour de congé en complément du télétravail possible pour nos menstruations… comme si depuis toujours cette question ne s’était pas réglée – c’est le cas de le dire ! – entre salariés et employeurs ? Mettons de côté les vraies pathologies comme l’endométriose qui font très justement l’objet de l’attention des médecins. Au point où l’on en est, on s’attend à ce que des « ièlles» ou transgenres crient à la discrimination : qui sont les femmes ? Il vaut mieux en rire qu’en pleurer…

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Tout cela aurait, semble-t-il, un objectif sous-jacent plus subtil : ne faudrait-il pas nous remettre en bonne condition de pondeuses et donc veiller sur nos organes ? Le président nous a averties : nous ne produisons plus assez de bébés, le taux de reproduction diminue, mais l’État veille. Ainsi allons-nous dès l’âge de 20 ans faire un « check-up de fertilité » (obligatoire ?!) contrôlant notre réserve ovarienne et, parité oblige, un spermogramme pour l’espèce dite masculine.

On va par ailleurs mettre le paquet pour donner envie de bébés et pour que les pères aident mieux les mères dès la naissance du bébé avec un congé de paternité plus adapté et mieux payé, un peu moins long semble-t-il. Sur le sujet, on n’a rien demandé à personne : ni aux femmes, ni aux futurs pères, ni aux employeurs, ni aux jeunes couples… Et le désir dans tout cela ? On attend avec intérêt une intervention en la matière, est-ce que cela passera avant le projet européen de dissuasion nucléaire ?

L’État ira-t-il jusqu’à s’occuper du planning de nos weekends?

Toujours dans ce bel élan, et toujours dans Elle, le président de la République s’emporte contre ces pères irresponsables qui, divorcés ou séparés, ne respectent pas leur devoir de père en ne prenant pas les enfants lorsqu’il y a garde partagée ; il faudrait le leur imposer et on serait a priori toutes d’accord sur leur responsabilité, mais comment ? il fallait sans doute qu’Emmanuel Macron s’en saisisse avec une conviction inversement proportionnelle à son irréalisme confondant, car sans lui rien n’avance, qu’on se le dise ! Donc, on va peut-être punir ces pères inconscients ? « Devoir de visite obligatoire », car c’est « intolérable » ajoute le chef de famille (pardon le chef de l’État), que la maman qui avait un projet pour le week-end doive y renoncer parce que le père ne vient pas chercher les enfants le vendredi soir (sic). Personne ne sait comment le gouvernement va résoudre la question. La presse féminine et les psychologues sont en alerte, car c’est négliger un problème beaucoup plus grave que doivent affronter les mères et les enfants : le désintérêt voire le non-amour du père pour ses enfants. Lutter contre cela est mission quasi impossible, et en outre difficile et dangereux, car faut-il forcer les pères indifférents ou hostiles à s’occuper d’enfants ? Et les mères : sont-elles vraiment toutes des saintes ? Quels traumatismes risque-t-on d’infliger à l’enfant ? Quelles mauvaises relations peuvent s’établir pendant des prises en charges non consenties mais forcées ? Vaste sujet. Pendant ce temps-là, on agit pour faciliter l’accès à l’avortement au maximum.

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Ces interventions civilisationnelles, cet autoritarisme physiologique, cette absence de pudeur, cette vision matérialiste pseudo-médicale imposée dans ce qu’il y a de plus intime, sont pour beaucoup extrêmement choquants. Il y a une forme de bonne éducation à ne pas s’épancher sur ses maux de ventre en général, hommes ou femmes !

Rajoutez à cela un peu d’éducation sexuelle dès l’âge de cinq ans à l’école, histoire entre autres de s’assurer que l’enfant assume et choisit bien son sexe, et nous basculons  dans un monde sans repères, dépourvu de bon sens, d’intimité et de responsabilité individuelle. Tout se vaut et tout se revendique. Le pire étant que nous sommes menacés « en même temps » par un monde qui flirte avec la décadence, la guerre, le racisme et la haine. Alors, Monsieur le président de la République, n’outrepassez pas votre rôle et ce pour quoi nous vous avons élu : s’il vous plaît, occupez-vous de ce qui vous concerne, il y a tellement à faire ! N’abaissez pas la fonction présidentielle en vous transformant en homme à tout faire. Faites-vous si peu confiance aux Françaises, aux entrepreneuses, aux médecins, aux citoyens ? Comme dirait l’autre : le général De Gaulle ne nous parlait pas de nos règles !

Prison: une réforme nécessaire et urgente

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Image d'illustration Unsplash

Tout le monde en convient : de nos jours, pour les délinquants de tout acabit, pour les terroristes et apprentis terroristes, la vie humaine ne pèse pas plus qu’une cacahuète desséchée. Autrement dit rien. On égorge, on viole, on flingue, on massacre à coups de poings, à coups de pieds, à coups de manche de pioche et de batte de base-ball, on défigure, on cogne à tout-va pour un oui, pour un non. Pour un refus de clope, pour un regard mal interprété, une jupe trop courte, une chevelure trop libre, un rouge à lèvres trop rouge, un cabas de vieille dame, le fond de poche du petit vieux qui passe par là, etc, etc. On se déchaîne sur la compagne, l’ex-compagne, ou encore celle qui ne le sera jamais parce qu’elle ose dire non. Et on la tabasse à mort. Pour la punir. La punir de quoi ? D’être une femme. Et de ne pas se résigner à n’être que ce que ces monstres voudraient qu’elle soit, une chose, un élément de cheptel ? Car, oui, nous en sommes arrivés à ce point de régression barbare. Et puis retentit ici et là, de plus en plus souvent, le concerto pour kalachnikov et Glock 42, agrémenté d’entractes barbecue où l’on crame le pourri du clan d’en face, le gêneur dans le jeu de la grande distribution, genre came à tous les étages.

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La vie, donc, ne vaut plus rien. (Si ce n’est d’être vécue, voulons-nous croire encore.) Il est donc temps de la re-sacraliser. Ni plus ni moins. Re-sacraliser l’intégrité physique de tout individu. On prêchera lâchement que c’est affaire d’éducation, que c’est à l’école d’y pourvoir. Soit, ce n’est pas faux. Mais le résultat risque de se faire attendre. Au moins une ou deux bonnes générations si ce n’est davantage. Il y a, me semble-t-il, une manière de s’y prendre beaucoup plus efficace et surtout plus rapide. Il s’agit tout bonnement de dissocier toute atteinte à l’intégrité physique des autres formes de délits et de crimes. En clair, dès qu’il y a coups, plaies et bosses, sang versé, atteinte sexuelle ou autre, bref dès que l’intégrité physique aura été, si peu que ce soit, menacée, altérée, le coupable devra être bien certain qu’il aura à purger sa peine non pas, comme aujourd’hui,  dans un établissement où se mêle le tout-venant,  mais dans une prison spécifique, régie par des règlements disciplinaires – draconiens – eux aussi spécifiques, une taule tenue par un personnel pénitentiaire spécialement formé. Histoire de bien montrer à tous et à chacun – je dis bien à tous et à chacun, à chaque citoyen, turbulent, paisible ou potentiellement délinquant – que s’en prendre physiquement à une personne, ou pire encore attenter à sa vie, n’est absolument pas de même nature que tout autre délit. Et c’est bien cette différence de nature qui, selon moi, doit fonder, justifier, légitimer la différence de traitement pénitentiaire. Cela, dès la première violence physique. Il faut en effet impérativement que notre société se donne les moyens de faire bien comprendre au citoyen qu’écoper, même à durée égale, d’une peine de prison pour vol de bijoux à l’étalage n’a rien à voir avec une incarcération pour coups et blessures. Encore une fois, il s’agit d’une différence de nature. Or, aujourd’hui, rien n’est fait pour matérialiser cette différence pourtant abyssale dans l’esprit du public. Commençons donc par ce chantier-là. Ce serait déjà un premier pas considérable. Le président de la République a trois ans devant lui pour s’y coller. Voilà bien une réforme qui lui permettrait d’entrer pour de bon dans l’histoire, lui qui, nous dit-on, en rêve à longueur de nuits. Et de jours.

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Jérôme Fourquet: par ici, la sortie de l’Histoire!

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Jérôme Fourquet © Hannah Assouline

Dans une note intitulée « L’État-guichet, un modèle à bout de souffle dans une France qui a cessé de produire », Jérôme Fourquet dressait hier un tableau accablant de notre économie dans Le Figaro. Les analyses du sondeur vedette de l’IFOP sur l’état du pays plongent notre directrice de la rédaction dans une sévère dépression.


À la fin de la lecture de cette note[1], on a tendance à se dire que c’est mort. Depuis 40 ans, on se raconte des histoires !
Le titre de l’étude est « L’État-guichet, un modèle à bout de souffle dans une France qui a cessé de produire », mais cela aurait aussi bien pu être « La France soviétisée ». Nous vivons dans une réalité parallèle, dans un monde presque aussi fantasmé que celui du plan quinquennal de Staline. Dans cette réalité parallèle, la production de richesses ne dépend pas de capacités individuelles et collectives concrètes mais d’une décision venue d’en haut. À la fin, il suffit toujours d’ajouter des zéros à la dette pour être à l’équilibre. La différence avec l’URSS, c’est que « Big Brother » est gentil. Il prend soin de nous. Et il peut vivre à crédit.

Deux tendances lourdes et mortifères

Ce modèle, assumé par tous les gouvernements de gauche comme de droite depuis 50 ans, et que Jérôme Fourquet qualifie de « stato-consumériste », articule deux tendances :
– La croyance séculaire dans la toute-puissance de l’État, qui, il est vrai, a construit la nation en France;
– Le choix d’une économie plutôt fondée sur la consommation que sur la production.
Comme nous ne produisons pas assez de valeur ajoutée par rapport à que nous consommons, nous subventionnons à tour de bras. C’est la logique du chèque, du guichet. Avec à la clé de multiples usines à gaz qui s’empilent les unes sur les autres, et un enfer bureaucratique pour tous. À ce titre, je renvoie le lecteur à l’impayable paragraphe sur le bonus de réparation textile dernièrement mis en place par le gouvernement dans le texte publié par Le Figaro. Oui, des énarques ont travaillé là-dessus ! Et désormais en France, si vous faites réparer votre jean, vous avez droit à 4,32€, sûrement après avoir rempli un formulaire de dix pages.

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Le résultat de cette mécanique implacable est inévitable : puisqu’on consomme plus que ce qu’on produit, il faut emprunter. Et à la fin, on vend les bijoux de famille (40% du CAC40 est ainsi détenu par des non-résidents). Toute l’arnaque de la communication autour de « Choose France » est là. Dans ce cadre, notre attractivité signifie en réalité : « Venez chez nous, il y a des affaires à faire. On brade, et vous pourrez toujours délocaliser plus tard ».

Pourquoi la France a-t-elle fait pareils choix ?

Parce que c’était facile, pardi ! Et surtout, parce que nous citoyens le demandions. Il est trop simple de tout mettre sur le dos des gouvernants, lesquels n’ont fait que céder à nos demandes en permanence. Dorénavant, nous passons notre temps à leur présenter l’interminable liste de nos droits acquis. Il ne s’agit plus seulement des droits fondamentaux comme la sécurité, la liberté d’aller et venir ou la liberté de s’exprimer, mais le droit au logement, au bonheur, au diplôme, et au travail mais pas trop. Voilà la grande affaire des Français depuis 40 ans: travailler moins. Rappelons qu’à partir de 1981, les trois gouvernements de Pierre Mauroy avaient mis en place un ministère du Temps libre.
Nous sommes drogués à la dépense publique. Comme l’écrit Jérôme Fourquet, « le métabolisme profond de la société française ne sait plus fonctionner sans cet apport ». Evidemment, cela a eu des effets anthropologiques : cela nous a fait perdre collectivement le goût de l’effort et nous a transformés en récriminateurs à qui la société doit toujours quelque chose. Nous hurlons à la mort pour six mois de travail en plus (souvenez-vous de la dernière réforme des retraites, en 2023) ou dix euros d’alloc’ en moins (souvenez-vous du psychodrame des APL, en 2021). Et nous habillons nos ressentiments de considérations sur l’égalité, véritable obsession française.
Ce mensonge orwellien d’un pays qui peut s’affranchir des pesanteurs et rapports de forces de l’économie n’a pas été imposé d’en haut, mais il est célébré par la gauche triomphante et est accepté par tous.
Si nous sommes en train de sortir de l’Histoire, c’est parce que depuis 40 ans, nous avons tous préféré nous raconter des histoires.

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Elisabeth Lévy : « Depuis 40 ans, on se raconte des histoires »

Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio dans la matinale


[1] https://www.lefigaro.fr/vox/economie/jerome-fourquet-l-etat-guichet-un-modele-a-bout-de-souffle-dans-une-france-qui-a-cesse-de-produire-20240512

Donald Trump: vous reprendrez bien une autre casserole judiciaire…

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Donald Trump arrive au tribunal, New York, 30 avril 2024 © Justin LanePool via USA TODAY NETWORK/Sipa USA/SIPA

Même s’il était condamné dans le cadre de l’affaire Stormy Daniels à New York, ce qui demeure le plus probable, Donald Trump fera appel et les démocrates vont échouer à se débarrasser de lui de la sorte. Il faudra qu’ils passent par les électeurs pour cela ! Le point complet sur les procédures en cours contre le candidat républicain à l’élection présidentielle américaine.


Depuis plusieurs semaines se tient à Manhattan, arrondissement de New York, le deuxième procès contre Donald Trump. L’ancien président est accusé d’un crime qui pourrait lui valoir 136 ans de prison. Quel est ce crime ? Personne n’est capable de le dire. Pas même le procureur du parquet de Manhattan, Alvin Bragg, qui a pourtant décidé de porter le dossier devant la justice. Car le crime en question n’est pas mentionné dans l’acte d’accusation. C’est l’une des nombreuses incongruités de cette affaire.

Une autre de ces incongruités est que les grands médias américains, très majoritairement anti-Trump, qui avaient juré, promis, et juré encore, de ne jamais, mais vraiment jamais, faire de la publicité à Trump en parlant de lui, même en mal, couvrent chaque péripétie du procès et ce depuis la première minute de sélection des jurés. Toutes les grandes chaines de télévision, ABC, CBS, CNN, et MSNBC ainsi que les grands quotidiens comme le New York Times et le Washington Post couvrent le procès dans ses moindres détails, utilisant chaque témoignage pour condamner à l’avance et humilier au passage l’homme qu’ils détestent par-dessus tout, Donald Trump.  

Une autre de ces incongruités est que ce procès et ces attaques incessantes n’ont (pour l’instant) aucune incidence sur les intentons de votes des Américains pour la présidentielle du 5 novembre prochain. Au contraire. Elles renforceraient plutôt le soutien des électeurs à l’ancien président. Trump devance Biden dans tous les sondages, au plan national ainsi que dans les Etats clés, avec une avance de un à neuf points. Dans ces mêmes sondages, Trump gagne aussi du terrain chez tous les groupes d’électeurs, y compris les femmes, les jeunes, les hispaniques et les Noirs, quatre piliers de la coalition Démocrate.

Trump adore se victimiser

Trump, pour l’instant, encaisse les coups sans trop broncher. Tenu d’assister au procès in extenso, il passe ses journées à se morfondre sur le banc des accusés au lieu de sillonner le pays comme le demande une campagne présidentielle. Il crie à une persécution politique et râle contre le juge, qui, au passage, lui a imposé plusieurs  baillons  (« gag orders »), c’est-à-dire lui a intimé l’ordre de ne pas s’exprimer, ni oralement, ni par écrit, sur le procès sous peine d’incarcération. Tous les soirs, à la sortie du tribunal, Trump dénonce devant les caméras, une parodie de justice orchestrée par le pouvoir démocrate et les apparences ne lui donnent pas forcément tort…

Point positif, ces poursuites sont, sans doute, les dernières qui pourront se tenir avant l’élection. Autre petit point positif, Trump a parfois réussi à retourner les circonstances à son avantage. Il a  profité de sa présence forcée à New York pour faire des apparitions publiques à Harlem ou ailleurs, et recevant à chaque fois un accueil plus que chaleureux. Dès qu’il retrouve sa liberté de mouvement, il reprend ses grands meetings de campagne et il profite de gros événements, pas forcément politiques, pour tester sa popularité. Le dimanche 5 mai, il a ainsi fait une apparition remarquée lors du Grand Prix de Formule 1 de Miami, recevant une ovation du public qui chantait « U.S.A , U.S.A.», et visitant le stand McLaren, juste avant que cette équipe ne remporte la course…

Dès le lendemain il était de retour à New York pour un procès qui en dit beaucoup plus sur la politisation de la justice aux Etats-Unis, et sur la tactique des Démocrates pour faire réélire Joe Biden, que sur les comptes de campagnes de Donald Trump en 2016.

Retour sur le cirque médiatico-judiciaire en efflorescence aux Etats-Unis

Le procès de Manhattan est le deuxième procès de Trump à New York.

A l’automne 2023, la « Trump organisation » a été poursuivie par l’Etat de New York et son procureur (« Attorney General ») Letitia James pour avoir surévalué les valeurs de ses sociétés pendant des années et ainsi obtenu des prêts bancaires plus favorables. Il n’y avait eu aucune victime, ni aucun détournement de fonds,  dans les fautes imputées à Donald Trump mais le juge lui avait néanmoins infligé une amende sans précédent de 355 millions de dollars. Amende rapidement réduite à 175 millions de dollars, ce qui reste néanmoins un record, mais a permis à Donald Trump de faire appel du jugement.

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Cette fois Donald Trump est accusé d’avoir falsifié les comptes de sa campagne présidentielle de 2016 pour masquer un paiement de cent trente mille dollars à une certaine Stephanie Clifford, alias Stormy Daniels, ancienne star du cinéma pornographique américain. Cet argent a servi à acheter son silence quant à une supposée liaison sexuelle qu’elle aurait eue avec Donald Trump en 2006. Trump a toujours nié cette liaison. Daniels… pas toujours. Mais l’important n’est pas là. Car avoir une liaison sexuelle hors mariage n’est pas un crime. Même aux Etats-Unis. C’est une affaire privée. Les affaires de cœur, ou de sexe, de Donald Trump étaient connues avant 2016 et ont été copieusement exploitées par les médias pour le décrédibiliser. Sans succès. Ce n’est donc pas ce possible adultère qui vaut à Trump d’être poursuivi ici. Acheter le silence d’une personne n’est pas non plus un crime. Ni même un délit. D’autres présidents, en leurs temps, ont cherché à acheter le silence de femmes encombrantes.  Un certain Bill Clinton l’a fait avec une dénommée Paula Jones en 1992. Sans succès au passage. Et il en payé le prix politique. Mais il n’a jamais été poursuivi en justice pour cela, et encore moins accusé de crime. Payer pour le silence de ses employés et associés est même une chose courante aux Etats-Unis. De nombreuses sociétés font signer à leurs dirigeants des « accords de non-divulgation »  (« Non Disclosure Agreements »  ou NDAs en anglais), leur interdisant de divulguer à l’extérieur et parfois même à l’intérieur de la compagnie, les termes de leurs contrats ou d’autres informations propres à la société… Ce qu’on reproche à Donald Trump est d’avoir dissimulé ce paiement en le faisant passer pour des « frais d’avocats » répartis en une dizaine de versements de dix mille à quinze mille dollars à son avocat d’alors Michael Cohen. Cohen avait avancé les cent trente mille dollars prévus pour Miss Clifford et Donald Trump l’a remboursé progressivement.

Conspirations

Cela n’est cependant pas un crime. C’est tout au plus un délit. La différence étant qu’un crime est passible de prison, pas un délit. C’est même un délit mineur. Il aurait été plus grave de laisser sa campagne rembourser Michael Cohen car Trump aurait alors utilisé de l’argent de sa campagne pour résoudre une affaire strictement privée, ce qui est interdit par les règles électorales. Trump était donc coincé. Il n’avait pas de bonne solution. Mais surtout, la somme est dérisoire. Dans un budget de campagne présidentielle, qui dépasse le milliard de dollars, elle représente 0,00013%. D’ailleurs l’ancien procureur de Manhattan avait renoncé à poursuivre Trump pour ce délit. Au point de laisser expirer le délai de prescription, qui est de deux ans. Ce délit ayant eu lieu en 2016, il a cessé d’être sanctionnable à partir de 2019. Son successeur Alvin Bragg, élu en 2021, n’en a eu cure. Il a littéralement ressuscité ce délit quatre ans après sa date d’expiration. Comment a-t-il fait ? En liant le délit à un crime plus important. Quel crime ? Encore une fois, il est  impossible de le dire précisément car Alvin Bragg ne l’a pas indiqué dans son acte d’accusation. Mais le procès a permis de supposer que le crime en question était d’avoir interféré avec la campagne présidentielle de 2016. Selon Alvin Bragg, en dissimulant son paiement à Stormy Daniels, Trump a dissimulé des informations aux électeurs Américains ce qui constitue une interférence dans la campagne électorale.

C’est ce qu’a affirmé le parquet en ouverture du procès. « Ce procès est celui d’une conspiration et d’une campagne de dissimulation » a lancé le 22 avril 2024 Matthew Delangelo, premier conseiller du procureur. « Donald Trump a orchestré un complot criminel pour corrompre le scrutin présidentiel de 2016. Ensuite il a caché ce complot criminel en falsifiant à plusieurs reprises ses comptes d’affaires à New York» a poursuivi ce même Delangelo, sans apporter la moindre preuve de ce qu’il avançait. Car de toute façon il n’a pas à le faire. La loi de New York précise qu’en l’occurrence il suffit à un accusé d’avoir eu « l’intention » de commettre un crime pour être tenu pénalement responsable de ce qu’il a fait en lien avec ce crime…

Au passage, avant de rejoindre l’équipe du procureur Alvin Bragg, en décembre 2022, Delangelo était le numéro trois du département de la Justice américain. Il avait été nommé à ce poste par le président Joe Biden. Il l’a quitté pour prendre en main les poursuites engagées contre le probable adversaire de Joe Biden à la présidentielle de 2024. Pour quiconque veut encore croire à l’indépendance de la justice américaine et prétendre que le procès en cours à Manhattan n’est pas une affaire politique gérée en ultime instance par l’administration Biden, la mutation de Delangelo est problématique…

Quant à la théorie du complot avancée par l’accusation, elle est carrément tirée par les cheveux. La preuve en est que les faits avaient fait l’objet d’une enquête menée par le bureau fédéral de district sud de New York en 2018, et qu’à l’issue de l’enquête ses agents avaient renoncé à poursuivre Donald Trump. D’abord parce qu’il était alors président en exercice, mais aussi parce que le principal témoin de l’affaire Michael Cohen, l’ancien avocat de Donald Trump,  n’était pas considéré comme fiable. Cohen venait de plaider coupable à des accusations d’évasion fiscale et se trouvait alors en prison !

Get Trump !

Alvin Bragg a fait fi de telles carences. A peine élu procureur de Manhattan en novembre 2021, il s’est lancé à tombeau ouvert dans le dossier Trump avec un objectif, le faire tomber ! Il faut dire qu’il s’y était engagé auprès des électeurs. Comme Letitia James, la procureure générale de l’Etat de New York, Bragg a construit sa campagne électorale autour d’une promesse unique : « get Trump », se faire Trump. Peu importait le motif. Comme le disait Lavrenti Béria, chef de la police secrète de Staline, « montrez-moi le coupable, je vous fournirai le crime… »

Et c’est ainsi que depuis le 15 avril Donald Trump passe ses journées dans un tribunal de Manhattan au lieu de faire campagne à travers le pays. Sa présence est requise. Imposée par le juge, un certain Juan Merchan qui a même refusé à Donald Trump le droit de s’absenter pour assister à la remise de diplôme de son fils Baron, bientôt bachelier.

La fille du juge Merchan, Loren Merchan, âgée de 35 ans,  est présidente de « Authentic Campaign », une firme spécialisée dans le markéting politique digital. Elle compte parmi ses clients la vice-président Kamala Harris pour qui elle a travaillé en 2020, lors de la campagne présidentielle contre Trump, ainsi que nombre d’élus démocrates, dont Ilhan Omar représentante du Minnesota, Adam Schiff de Californie, et Hakeem Jeffries de New York, tous les trois des acteurs politiques de premier plan viscéralement anti-Trump. Quand Trump a soulevé la question mettant en doute l’impartialité du Juge Merchan, ce dernier lui a imposé le premier de ses nombreux « ordres de bâillon » (gag order) lui interdisant, de parler, entre autres, de l’activisme de sa fille en faveur du parti Démocrate…

L’ancien président américain et principal candidat d’opposition de l’élection présidentielle à venir, est donc accusé d’un crime qui ne lui a pas été spécifié, retenu de force devant un tribunal, et n’ayant pas le droit de parler pour sa propre défense. Les autres participants au procès pouvant eux l’attaquer et le vilipender à tout va. Tout cela dans le pays qui se prétend toujours la première démocratie dans le monde… Chacun jugera !

Les Américains, eux, semblent avoir déjà tiré leurs conclusions et suivent avec une bonne dose d’incrédulité, les péripéties de ce procès hors norme. Ce qui n’empêche pas les principaux médias d’en rajouter, convaincus que montrer Trump en accusé et faire écho à toutes les histoires salaces le concernant, est essentiel pour décourager les électeurs de voter pour lui le 5 novembre.  

Détails croustillants

Cela s’est vérifié avec le long témoignage et contre-interrogatoire de Stormy Daniels, elle-même ! L’ancienne star du X, aujourd’hui âgé de 45 ans, est venue à la barre raconter dans le détail sa rencontre avec Trump en 2006. Les journaux ne se sont pas privés de reproduire les détails les plus croustillants de son récit. Jusqu’au pyjama de Trump ! Le très réputé New York Times (qui, certes, n’est plus ce qu’il était) livrant même les propos de la star « sans filtre », histoire de reproduire tel quel son vocabulaire coloré… Le problème est que ce témoignage, outre son côté salace, ce que même le juge Merchan a concédé –  « certains détails n’étaient pas nécessaires » a-t-il fait remarqué au procureur interrogeant Daniels – était largement hors-sujet. Les détails de l’entrevue entre Trump et Daniels en 2006, ne sont pas le sujet du procès. Loin de là. Ils ne sont même pas reconnus comme crédibles. Encore moins comme véridiques. Daniels ayant changé plusieurs fois son récit des faits alors que Trump les a toujours niés en bloc.

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Si le témoignage a souligné que les médias américains étaient toujours aussi racoleurs et friands de commérages sexuels, il a souligné surtout la fragilité et la faiblesse du dossier présenté par l’accusation. Connaître la couleur du pyjama de Trump en 2006 n’aide pas à convaincre un juré que ce même Trump a conspiré pour détourner l’élection présidentielle de 2016… Du coup, après quatre semaines de procès, ceux qui croyaient à une condamnation automatique de Trump à l’issue de la procédure, en viennent à s’interroger sur la possibilité d’un jury divisé et même d’un procès annulé pour vice de forme. Un acquittement semble hors de portée. Le district de Manhattan a voté à 88% contre Trump en 2020 et les jurés du procès sont tous issus de ce district. Mais une telle issue serait une victoire exceptionnelle pour Trump et un désaveu cinglant de la stratégie Démocrate de passer par les cours de justice pour disqualifier Donald Trump de la présidentielle 2024. Quel que soit le verdict, Donald Trump fera appel. La procédure prendra des mois, voire des années. Peu de chances donc que de ce procès, résulte l’incarcération de Trump. Par contre la possibilité d’une condamnation demeure, même si elle ne serait pas définitive. C’est bien sûr l’objectif initial du procureur Bragg et de tous les Démocrates qui le soutiennent : pouvoir accoler au nom de Donald Trump les qualificatifs de « criminel condamné » et de le faire ad nauseam, tout au long de la campagne électorale à venir. Ce procès est leur dernière chance d’y parvenir. Donald Trump est visé par trois autres poursuites mais ces trois affaires sont en train de filer en quenouille.

En Géorgie, les poursuites engagées contre Donald Trump et dix-sept de ses collaborateurs pour association de malfaiteurs dans le cadre de la contestation des résultats de l’élection de 2020 sont suspendues en l’attente d’une décision sur le maintien de la procureur Fani Willis. Celle-ci s’est fait officiellement réprimander pour sa mauvaise conduite du dossier – notamment pour avoir engagé son amant aux frais de l’Etat pour conduire l’instruction, ce qui constitue un conflit d’intérêt et potentiellement un détournement de fonds publics -. Elle a perdu sa crédibilité et pourrait se voir disqualifiée.  

Un camion de déménagement devant la résidence de Donald Trump de Mar-A-Lago, le 18 janvier 2021, Palm Beach en Floride © Terry Renna/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22531435_000003.

En Floride, les poursuites contre Donald Trump dans le cadre de sa rétention de documents classifiés ont été également suspendues sine-die par la juge en charge du dossier après la découverte que l’accusation avait manipulé certaines pièces à convictions, notamment lors du raid du FBI sur Mar a Lago, la résidence de Donald Trump en Floride, en août 2022. Le procureur en charge de ce dossier est Jack Smith, procureur spécial, nommé par le ministre de la Justice de Joe Biden, Merrick Garland. Il comptait beaucoup sur cette affaire pour amener Trump devant les tribunaux cet été et c’est lui qui se retrouve sous le coup de soupçons publics.

A Washington D.C., l’enquête menée par ce même procureur spécial Jack Smith sur les événements du 6 janvier 2021, et sur la responsabilité de Donald Trump dans l’assaut contre le Capitole, est suspendue à une décision de la Cour suprême des Etats-Unis concernant l’étendue de l’immunité présidentielle. Si une majorité des neuf juges reconnaît cette immunité au président, l’enquête s’arrêtera définitivement.  Et même si la cour suprême ne reconnaît pas totalement cette immunité, la question sera renvoyée à une cour d’appel pour des précisions. Avec pour conséquence immédiate de rendre tout procès contre Trump impossible avant l’élection.

Le calvaire que Donald Trump endure donc à New York est très vraisemblablement le dernier de cette saison électorale. Malgré leur détournement des institutions judiciaires et leur politisation de la justice, les Démocrates vont échouer à se débarrasser de Trump. Il faudra qu’ils passent par les électeurs pour cela. Comme il se doit dans toute démocratie digne de ce nom.

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Enfin un Scrabble pour la génération Z

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D.R

Baisse du niveau. La société américaine Mattel va éditer une nouvelle version du Scrabble. Le nouveau jeu, nommé « Scrabble coopératif », sera évidemment plus inclusif et plus simple.


En attendant le jeu d’échecs limité à trois pièces, le bridge sans annonces, voici le Scrabble Together. Une variante du célèbre jeu qui fête ses 75 ans d’existence. Il s’agit, précise Mattel, l’éditeur, d’une version moins « intimidante » destinée aux personnes au vocabulaire riquiqui. Cela s’inscrit donc dans la croisade actuelle visant à la normalisation de l’ignorance. L’affaire s’accompagne évidemment de la mise en œuvre de son corollaire stratégique, le nivellement par le bas. C’est vrai à l’école de la République, c’est vrai désormais pour le Scrabble. La nouvelle version se présente sous la forme d’un plateau double-face. L’une pour les joueurs traditionnels, l’autre pour ceux de la génération Z, considérés plus faibles et moins portés sur la performance. D’ailleurs, on joue par équipe. C’est mieux pour le partage équitable de la médiocrité. Mieux aussi pour la sacro-sainte égalité : exit le triomphe individuel. Des niveaux différents et un système de scores simplifié complètent le dispositif. Des cartes sont à disposition qui suggèrent des astuces et des défis. Ceux-ci consistent moins à pondre un joli mot qu’à en placer un à tel ou tel endroit du plateau. Malin. Un jeu de mots où les mots n’ont plus l’importance première, il fallait y penser. Toto l’analphabète en rêvait, Mattel l’a fait.

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Toutefois, la tâche ne s’annonce pas si simple. Bien des termes d’un usage courant dans cette génération sont désormais interdits. En effet, sont exclus depuis un an de L’Officiel du Scrabble, la bible des joueurs, certains mots à « caractère haineux, irrespectueux des valeurs humaines et des nouvelles sensibilités de notre monde ». Le faiblard du langage devra donc renoncer à lopette, enculeur, gogol, goudou, tarlouse, nègre, nabot, poufiasse. Alors que le concurrent mieux nanti côté vocabulaire pourra « scorer grave », lui, avec lâche, sodomite, idiot, lesbienne, inverti, racisé, gnome, mégère… Qui ira dire encore après cela que niveler par le bas suffit à réduire les inégalités ?

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Jean-Pierre Obin, le lanceur d’alerte

Jean-Pierre Obin. © Hannah Assouline

Il y a vingt ans, l’inspecteur général mettait les pieds dans le plat en rédigeant un rapport sur les signes religieux à l’école. Depuis, la tendance s’est accentuée, les violences ont explosé, et une nouvelle génération de profs conteste à son tour la laïcité.


* Jean-Pierre Obin a été inspecteur général de l’Éducation nationale et professeur des universités associé. Il est l’auteur de plusieurs rapports ministériels dont le fameux « rapport Obin » de 2004 sur « Les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires », ainsi que de nombreux ouvrages dont Comment on a laissé l’islamisme pénétrer l’école (Hermann 2020, Prix Jean-Zay) et Les profs ont peur (L’Observatoire, 2023).

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Causeur. Que vous inspirent le meurtre de Shemseddine à Viry-Châtillon et le passage à tabac de Samara à Montpellier ?

Jean-Pierre Obin. D’abord, j’observe qu’on est passé des insultes et bagarres aux meurtres ou tentatives de meurtre, encouragées sur les réseaux sociaux. Nous avons tous peur pour nos enfants et petits-enfants. Ensuite, cette violence trouve fréquemment une justification dans les préceptes religieux, les coutumes communautaires. Entre Samara et sa copine, il y avait une sombre affaire de jalousie, teintée d’un aspect religieux. Contrairement à Samara, la copine ne pouvait pas s’habiller à l’européenne et se maquiller. Certes, il n’y a pas que dans la tradition musulmane que les frères se prennent pour les gardiens de la vertu des sœurs. Reste que la religion musulmane, dans ses composantes les plus radicales, devient un paramètre important de la vie des jeunes dans les quartiers.

Il y a vingt ans paraissait votre rapport sur « Les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires ». Qu’est-ce qui a changé en vingt ans ?

Outre le niveau de violence, la jeunesse des agresseurs, souvent âgés de 15 ans ou moins. On sort des couteaux, on se met à dix sur un, on laisse pour mort, on tue. Cela n’existait pas en 2004. En revanche, on observait déjà le contrôle de la sexualité des filles par les garçons, singulièrement par les frères.

Le phénomène s’est structuré. Aujourd’hui il y a, en particulier sur TikTok, une offensive délibérée contre l’École.

La propagande islamiste est passée de l’âge des cassettes audio et des opuscules de prédicateurs mal traduits de l’arabe à celui des réseaux sociaux où les influenceurs ont le même âge et les mêmes codes langagiers et culturels que les jeunes qu’ils ciblent. Cette propagande endogène est bien plus efficace.

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A-t-on des raisons d’espérer ? La reconquête a-t-elle commencé ?

Certains ministres, Jean-Michel Blanquer et Gabriel Attal, ont nommé l’islamisme, reconnu sa pénétration dans l’École et proposé des pistes d’action pour l’enrayer. Avec parfois un succès mitigé. Je pense à cette cellule de contre-propagande créée au sein du CIPDR (comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation). Elle a dû être fermée. Je crois que ses membres avaient été sérieusement menacés, mais cela s’est réglé de manière obscure. En revanche, l’interdiction de l’abaya, qu’on attendait depuis longtemps, est une réussite.

Comme vous le suggériez, Jean-Michel Blanquer a instauré des formations à la laïcité pour les personnels de l’Éducation nationale. Qu’en est-il advenu ?

Ce qui a marché, c’est la formation des formateurs. En deux ans, grâce notamment à Pierre-Henri Tavoillot, plus d’un millier ont été formés dans des universités. Mais leur mobilisation pour former les personnels a été inégale d’une académie à l’autre. Certains recteurs ont traîné les pieds, en attendant, disait l’un d’eux, le prochain ministre. Et cela a été Pap Ndiaye, qui a superbement ignoré ce projet. Certaines formations se sont arrêtées. Puis Gabriel Attal les a relancées et a secoué les recteurs pour qu’ils le fassent. Le Conseil des sages de la laïcité a été pérennisé. Aujourd’hui, plus de la moitié des enseignants ont bénéficié de trois jours de formation. Cependant, soyons réalistes, beaucoup de jeunes profs ne comprennent toujours rien à la laïcité.

Parlons-en du Conseil des sages ! Un de ses membres, Alain Policar a dénoncé la loi de 2004 sur RFI…

Pap Ndiaye a essayé de détourner ce Conseil vers l’antiracisme, parce que la laïcité, disons qu’il ne connaissait pas bien. Finalement Dominique Schnapper est restée présidente, Alain Seksig, secrétaire général, et on n’entend plus Alain Policar.

Très critiquée par de nombreux professeurs, dénoncée par les Insoumis, la grande loi de 2004 est devenue le symbole de l’islamophobie française. Faut-il la renforcer ?

Cette loi est très claire. Sauf à l’étendre à l’université, voire, comme le réclame le RN, à l’ensemble de l’espace public, je ne vois pas comment on la renforcerait. L’important, c’est qu’à l’école, elle soit appliquée d’une main qui ne tremble pas. Cela a été rappelé aux recteurs. Dans certains établissements, on l’a vu au lycée Maurice-Ravel, cela demande un certain courage. Il ne faut pas seulement transmettre la laïcité aux personnels éducatifs, mais aussi leur apprendre à traiter les incidents dans leur classe ou leur établissement.

Certains établissements proposent même aux professeurs des cours d’autodéfense !

Oui…

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En 2002, Les Territoires perdus de la République s’était heurté à un déni militant. Depuis, a-t-on au moins ouvert les yeux ?

Oui et non. Après deux profs assassinés au nom de l’idéologie islamiste, il est difficile de nier complètement la pénétration islamiste de l’École et l’existence du « pas de vague ». Mais à gauche, si on condamne le terrorisme – on ne peut pas faire autrement –, on préfère faire l’impasse sur l’idéologie qui le légitime. Comme le dit Hugo Micheron, l’oubli succède vite à la colère. Quant aux professeurs que j’ai interrogés, ils expriment une forme de prudence – « je n’ai pas envie qu’on m’oblige à rendre hommage à Samuel Paty, parce que je ne sais pas faire, et que j’ai peur d’un incident ». Ce n’est pas un déni, c’est un refus. C’est très triste.

On a fait des lois, des proclamations, des marches blanches, on a édicté des chartes, nommé des référents. Et pourtant, on ne cesse de perdre du terrain.

Pas uniquement. La prise de conscience du danger islamiste est de plus en plus vive dans la société française et dans la classe politique, à l’exception de LFI et d’une partie des écolos.

Et de pas mal de professeurs !

Oui, car les professeurs votent en majorité pour LFI et les écolos, mais ils ne sont pas représentatifs de la société française. Ni même de toute la gauche : il y a une gauche républicaine qui rassemble le PC, le PRG, la Convention de Bernard Cazeneuve et une partie du PS. Jérôme Guedj semble désormais très solide sur ses positions laïques.

Depuis que la Nupes a explosé !

Mais elle a explosé sur ces sujets ! Je reviens aux professeurs. Ils sont très partagés. D’un côté, ils sont pris dans leur allégeance politique et syndicale, et de l’autre, ils souffrent de la situation. Paradoxalement, ce sont les plus jeunes qui s’autocensurent le plus. Un tiers des professeurs de moins de 30 ans souhaite abroger le principe de laïcité pour les professeurs eux-mêmes, c’est-à-dire accepter qu’ils puissent enseigner en voile ou en kippa. Et la moitié ne voudrait pas être nommé dans un établissement portant le nom de Samuel Paty.

© Hannah Assouline

Nicole Belloubet avait dit n’importe quoi sur l’affaire Mila. Dans l’affaire du lycée Ravel, elle est allée sur place très vite, a mis en place la protection fonctionnelle. Croyez-vous à sa « conversion » ?

Je n’ai pas de croyance dans ce domaine. Je l’ai un peu côtoyée quand elle était rectrice de Toulouse. C’est une femme sincère, engagée, de gauche. Quand elle a prétendu qu’en insultant le prophète de l’islam, Mila avait attenté à la liberté de conscience, elle s’est fait remonter les bretelles dans la journée. Elle a donc reconnu sa bourde et rappelé que le blasphème n’existait plus depuis la Révolution. Mais sa pensée spontanée, c’est ce qu’elle a dit au départ.

A-t-on raison d’invoquer en permanence la laïcité ? Ne faudrait-il pas plutôt expliquer qu’en France, chacun doit accepter qu’on se moque de sa religion ?

Certains professeurs le font, mais on ne peut pas se contenter de provoquer ainsi les élèves musulmans sans autre forme de pédagogie, sans leur expliquer pourquoi ils doivent accepter les caricatures. On doit être prudents. Pour en revenir à Nicole Belloubet, ce n’est pas un choix de Gabriel Attal, mais d’Emmanuel Macron. Or, ils ne sont pas sur la même longueur d’onde concernant la laïcité. Belloubet est le reflet de cette ambiguïté.

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Macron est-il, selon vous, un authentique multiculturaliste ?

Il est libéral, profondément libéral. Il a hésité trois ans avant de prononcer le discours des Mureaux. Puis il a nommé Pap Ndiaye. Il n’est jamais sorti du « en même temps », de l’ambivalence.

À Viry-Châtillon, Gabriel Attal a promis de rétablir l’autorité. Pour la énième fois…  

En tout cas le « pas de vague », c’est-à-dire le refus de l’exercice de l’autorité, vient du haut et « ruisselle » vers le bas. Les professeurs ne se sentent pas soutenus par les chefs d’établissement, qui ne se sentent pas soutenus par leur hiérarchie, c’est-à-dire le rectorat. Un Premier ministre déterminé qui assure ses agents de son soutien, c’est important. Trois femmes voilées ont été expulsées d’un collège dans l’académie de Dijon : l’inspecteur d’académie a demandé au principal de s’excuser auprès d’elles, et le recteur l’a désavoué dans la journée. Il y a des recteurs courageux… ou sensibles à l’air du temps.

Au-delà de la question de la laïcité, l’Éducation nationale est imprégnée par une idéologie de la bienveillance qui érige la tolérance en principe d’éducation…

Oui. Et cette idéologie est parfaitement délétère. L’éducation, c’est un adulte qui exerce une autorité fondée sur le savoir, sur un enfant qui a besoin de cette autorité pour grandir. Ce point de vue est contesté, y compris parmi les enseignants, rappelez-vous la levée de boucliers contre la psychologue Caroline Goldman et son livre File dans ta chambre. Certes, beaucoup de gens, notamment chez les CPE, savent que les élèves ont besoin d’un cadre de règles, clair et stable, pour apprendre. Je ne connais pas le rapport de forces entre les deux tendances, mais l’idéologie de la bienveillance est encore vivace.

La fuite vers le privé avait-elle commencé en 2004 ?

En proportion, il n’y a pas plus d’élèves dans le privé qu’à l’époque. Ce qui s’est passé, c’est le remplacement des classes moyennes et populaires qui choisissaient le privé pour des raisons religieuses par des classes supérieures qui cherchent d’abord à fuir les classes populaires et les enfants d’immigrés. Comme il a davantage de demandes, le privé a le choix et il prend les meilleurs. Et le secrétaire général de l’enseignement catholique feint ensuite benoîtement de découvrir que les meilleurs sont les plus riches. Résultat, le taux de boursiers a chuté de moitié : le privé est devenu une école de classe.

Vous voulez importer le désastre du public dans le privé ?

Contrairement aux idées reçues, toutes choses égales par ailleurs, le privé ne fait pas mieux réussir ses élèves.

À part les assassinats de professeurs.

Ils en ont eu un aussi, en 2023, mais pas islamiste.

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Il y a aussi beaucoup de musulmans dans l’école catholique.

Oui, de plus en plus, et parfois des musulmans intégristes. Ils préfèrent une école religieuse, serait-elle catholique, à une école laïque.

Vous prônez donc l’instauration de critères sociaux : une loi SRU de l’école ?

Mais oui, puisque l’État paye ! Le contrat qui les lie doit préserver l’intérêt des deux parties. Celui de la puissance publique est de ne pas concentrer dans les mêmes endroits les élèves les plus en difficulté. Répartir la charge du fléau social à mesure des efforts demandés au contribuable français, c’est la justice même.

Public ou privé, il faut aussi s’attaquer à la formation des professeurs.

C’est une urgence ! Il faut réformer radicalement les Inspe[1]. Quand Sarkozy a fermé les IUFM en 2007, il a décidé que leurs étudiants seraient confiés aux universités. La Rue de Grenelle a depuis perdu la main sur la formation des professeurs. En réalité, personne ne contrôle ce qui se passe dans les Inspe. J’y ai enseigné jusqu’en 2018, personne ne m’a jamais demandé ce que je faisais. L’Inspe est un bateau ivre. Il faut que l’Éducation nationale, futur employeur, reprenne la main sur la formation de ses personnels.

Peut-on enrayer l’offensive islamiste sans révolution de notre politique migratoire ?

Dès lors qu’un immigré sur deux est de confession musulmane et que l’islamisme sévit par définition au sein de l’islam, l’immigration aggrave en effet mécaniquement le phénomène. Dans mon précédent livre, j’expliquais, chiffres à l’appui, que l’islam allait devenir en une génération la première religion de France pour arriver à 15 % environ de la population, moins si l’on compte seulement les Français. Or, ceux-là plus encore que les autres, on ne doit pas les abandonner aux islamistes.

Mais justement, on a laissé tomber Samara !

Oui ! Et sa mère a eu peur au point de revenir sur ses déclarations. Les professeurs observent que seule une minorité de leurs élèves musulmans perturbe les cours et proclame son hostilité à nos mœurs, mais que les autres se taisent. Que pensent-ils ? Il est probable qu’une partie approuve silencieusement, mais que les autres ont peur. Envers tous ces jeunes musulmans qui veulent adopter notre culture et nos valeurs, nous avons un devoir de protection.

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[1] Institut national supérieur du professorat et de l’éducation.

La Pat’Patrouille à la rescousse de Valérie Hayer

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© Jacques Witt/SIPA

Emmanuel Macron et Gabriel Attal volent à la rescousse de Valérie Hayer et délivrent un message politique fort : vivent l’Europe, les d’jeuns, la diversité et la fête !


La semaine dernière, Emmanuel Macron et Gabriel Attal ont battu la campagne des européennes pour prêter main forte à leur tête de liste, en difficulté. Seule ou confrontée à ses adversaires, Valérie Hayer débite mécaniquement le discours européiste éculé de la Macronie. Agaçant plus qu’elle ne séduit, elle multiplie les bourdes avec une innocence désarmante. La dernière en date ?  Se faire tirer le portrait aux côtés de militants néo-nazis. Le but de l’exécutif : couvrir la voix de leur candidate calamiteuse à défaut de pouvoir la bâillonner ; rallier la jeunesse et la diversité. Le risque encouru : lasser l’électorat des retraités (qui leur est acquis) par une célébration forcenée du multiculturalisme festif et l’injonction à se fondre dans l’Europe. Dans l’exercice, Emmanuel Macron se révèle tel qu’en lui-même, tristement prévisible, démagogue et racoleur.  Gabriel Attal, malléable et inféodé à son maître, se met au diapason.

Jul et Mbappé rallient la macronie

Comme Néron, notre président aime les jeux et la fête ; sait allumer le feu comme personne. C’est donc sans bouder son plaisir qu’il s’est rendu dans la cité phocéenne malgré un agenda chargé (réception du président chinois et commémoration du 8 mai 1945) pour réceptionner la flamme olympique. Notre amateur de redoute tenait là l’occasion rêvée pour fédérer des électeurs encore moroses, indifférents voire dubitatifs ou hostiles. C’est donc en se trémoussant sur la chanson du rappeur Jul qu’il les a exhortés à communier dans la pride : « Ces Jeux de Paris, il faut montrer que c’est un moment d’unité, qu’on en est capable et qu’on peut en être fier. » Notre thaumaturge a même promis de subtiliser Mbappé au Real Madrid, le temps des Jeux.

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Les femmes et les enfants d’abord !

Samedi 11 mai, c’est dans une longue vidéo diffusée sur X, Instagram et TiK Tok qu’Emmanuel Macron, président des d’jeuns, nous a joué un lamentable numéro de mauvais youtubeur. Sous couvert de répondre aux questions posées par Charlie le Beau Gosse et ses copains tout juste pubères, notre ravi a réussi la prouesse de s’auto-interviewer avec puérilité ; notre naïf imaginait sans doute faire gober sa grossière propagande pro-UE. Voici quelques-unes des mesures (attendues par tous) qu’il propose : instauration de la majorité numérique à quinze ans, diplôme commun européen, un plan à mille milliards d’euros pour le climat, l’intelligence artificielle et les efforts de défense. L’Europe, selon lui, joue son avenir en Ukraine, aussi, il appelle de ses vœux la création d’une armée de défense européenne. Qu’on se rassure, il n’est pas question d’entrer en guerre contre la Russie, mais de « dissuader » Moscou tout en « aidant » l’Ukraine ; ni vu ni connu, je t’embrouille. On a eu droit, aussi, au sempiternel couplet contre les extrêmes droites « qui sont sur des logiques de peur, de colère, de ressentiment », « jouent beaucoup plus sur l’émotion négative que l’argument » et « avancent masquées » pour nous sortir de l’Europe. Notre bougre qui est sur tous les fronts, n’en a pas pour autant oublié les vieilles : dans l’hebdomadaire ELLE, il s’est engagé à œuvrer pour leur faciliter la ménopause « un vrai tabou de la société, avec tout ce qu’elle entraîne de déséquilibres hormonaux et de pathologies. » « Je souhaite qu’une mission parlementaire se saisisse de la question (…) ».

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« Le J c’est le S. »

Pour ce qui est de Gabriel Attal, on le connaissait martial et ferme (dans les mots, en tout cas.) Le magistral : « Tu casses, tu répares ; tu salis, tu nettoies ; tu défies l’autorité, on t’apprend à la respecter » lui avait attiré l’indéfectible sympathie des vieux cons. C’est donc avec consternation qu’on l’a vu remiser le verbe mâle et guerrier auquel il nous avait habitué pour copiner, aussi bon démagogue que son maître, avec les d’jeuns qu’il nous avait expliqué vouloir mater. Il a donc témoigné, sur X, sa proximité avec le rappeur Jul, notre allumeur de chaudron olympique adulé par la jeunesse, et a déclaré la fête ouverte : « Le J c’est le S. La flamme est arrivée. Que la fête commence ! » La fermeté à l’école c’est bien ; mais la fête c’est mieux et surtout, c’est bien plus vendeur.

Le champion Florent Manaudou et le chanteur Jul, Marseille, 8 mai 2024 © DOMINIQUE JACOVIDES -POOL/SIPA

Puis, lors de la célébration de l’abolition de l’esclavage, à La Rochelle, Gabriel Attal flanqué de Nicole Belloubet nous a servi un discours de repentance à la Macron : « Trop longtemps un voile a été jeté sur ce passé. » « Le reconnaître ça n’est pas s’affaiblir, au contraire, c’est grandir. » Souhaitant qu’une « grande exposition nationale sur la mémoire de l’esclavage puisse se tenir en 2026 pour le 25e anniversaire de l’adoption de la loi sur la reconnaissance de l’esclavage comme crime contre l’humanité. », le Premier ministre a également annoncé la création prochaine d’un label spécifique pour les lieux de mémoire de l’esclavage. Il n’a pas omis, bien sûr, de mettre en garde contre « le piège de ceux qui jouent la montée des fièvres. »

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L’entreprise de séduction de nos duettistes risque bien de se révéler contre-productive et de ne servir qu’à consolider l’avance de Jordan Bardella. Il faut s’en amuser : « Ce n’est que le début du grand ménage. Plus de nostalgies mortifères ! Vive la Fête ! L’oubli dans la joie ! Cette époque affiche complet, mais ce serait très ingrat de s’en plaindre. Particules que nous sommes ! Fragments ! Nous devons tout à notre multitude. » Philippe Muray, L’Empire du Bien

«Dieu le fit», un roman juste et secret

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Anne Bassi. © D.R.

Après Le silence des matriochkas, Anne Bassi revient avec une sublime fresque romanesque qui nous transporte, entre 1942 et les années 70/80, d’un petit village de la Drôme provençale, haut lieu de la Résistance, vers le monde parisien de la Justice, pour nous livrer avec finesse le secret (ou plutôt les secrets) d’un homme et nous remémorer avec justesse un évènement capital de la grande Histoire de Dieulefit (26), lieu où se sont illustrés de nombreux « Justes parmi les Nations ».


Dans Les Misérables, Victor Hugo écrivait que « personne ne garde un secret comme un enfant ». Avec ce deuxième roman, l’on peut dire sans hésiter qu’Anne Bassi n’a pas son pareil pour partager, faire surgir, révéler les secrets du passé qui marquent inconsciemment ses personnages et changent à jamais leurs vies une fois révélés. Secrets de femme dans son premier roman ; secrets d’un « fils » d’agriculteurs dieulefitois devenu ténor du barreau de Paris dans ce nouveau roman. Dans les deux cas, secrets remontant à l’enfance, traversant les générations et jalonnant l’Histoire.

L’histoire d’un homme ordinaire aux origines extraordinaires

« Le jour de ma naissance, le 11 octobre 1943, Maman fête ses cinquante-sept ans ». Ainsi commence le récit d’Anne Bassi ; le décor est planté, le trouble jeté. Avec une écriture directe et incisive, par touches délicates et flashbacks maitrisés, l’écrivaine emmène le lecteur, en même temps que son héros, vers la révélation progressive de l’identité de celui-ci.
Enfant heureux et choyé, d’une intelligence rare décelée très tôt par un instituteur bienveillant, ayant grandi au milieu d’une Nature qu’il affectionne (et que l’auteur, passionnée de randonnée, décrit avec des mots toujours justes – « Nous baissons la tête devant les branches que le vent courbe. Nous rêvons, le ruisseau murmure et nous écoutons la forêt »), Christophe Lemaire quitte son village natal et change de condition sociale : par vocation et rejet de l’injustice (celle frappant ses parents endettés et cruellement poursuivis par des huissiers sans scrupule), il devient avocat.

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Elle-même avocate de formation, Anne Bassi nous propose alors le portrait d’un univers qu’elle connait parfaitement et nous invite, derrière le décor feutré et parfois violent de celui-ci, à suivre l’ascension fulgurante et la réussite rastignanesque de Christophe, entre séduction (des femmes auxquelles le héros ne veut pas s’attacher), jeux de pouvoir (auprès des clients, dirigeants d’entreprises et hommes politiques que Christophe côtoie) et amitié (de la famille Lavoué qui lui offre sa première chance professionnelle dans la capitale ou de son mentor Jacques Rivière qui en fera son associé).
Mais Christophe n’oublie pas ses origines. Ou plutôt une rencontre fortuite jaillie du passé (celle de son ami d’enfance Ferdinand) va lui faire découvrir ses origines qu’il a ignorées pendant plus de 40 ans et qui vont bouleverser sa vie. Avec un style alerte, mêlant habilement enquête de type policier, recherches généalogiques et références historiques, Anne Bassi pousse son héros, avec l’aide précieuse d’une autre amie d’enfance, Jeanne, à rechercher, à tout prix, sa véritable identité – et à l’accepter – et en même temps, à apprendre l’histoire de Dieulefit.

L’Histoire d’un village exceptionnel en des temps tragiques

Attachée aux secrets de famille et à la transmission du passé et de sa mémoire, Anne Bassi, au-delà de la destinée des hommes et des femmes qui habitent ses romans, nous montre une nouvelle fois qu’elle est également très sensible à l’importance de l’œuvre du temps et des lieux dans lesquels ces personnages évoluent pour la découverte de ces secrets. Ainsi en était-il du Silence des matriochkas où l’auteur nous faisait voyager de Kiev à Berlin puis à Paris entre 1885 et nos jours.
Cette dimension essentielle temps / espace se retrouve dans Dieu le fit, qui porte un titre destructuré et évidemment évocateur de ce village provençal, recensant à peine 1.200 personnes au début de la Seconde Guerre mondiale, et nous fait traverser 40 ans de la vie d’un homme et de l’Histoire.
Car au-delà du simple destin personnel du héros et de sa bouleversante quête identitaire, c’est bien à un voyage à travers le Temps et la mémoire auquel Anne Bassi nous convie dans son dernier roman. L’auteur nous rappelle – ou nous apprend – que Dieulefit a été à l’époque un haut lieu de la Résistance, dont plusieurs habitants ont été reconnus « Justes parmi les Nations », un lieu de fraternité et de solidarité unique à une période trouble de l’Histoire de France : composé de catholiques et de protestants, le village n’a dénoncé aucun juif, aucun étranger pendant la guerre.

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L’auteur nous rappelle aussi – ou nous apprend encore – le sauvetage des enfants juifs de Vénissieux en août 1942. Sauvetage spectaculaire de 108 enfants réalisé grâce à une interprétation habile – et justement rappelée par Anne Bassi – de la loi pour que les parents qui allaient être tragiquement déportés vers les camps de la mort sauvent leurs enfants en signant une délégation de paternité mais aussi grâce au courage de nombreux héros anonymes, en particulier des femmes qui se retrouvent dans le livre et sont désormais des personnages historiques (Marguerite Soubeyran, Simone Monnier, Catherine Krafft) ou ont été inspirées de faits réels, comme celui de Jeanne, secrétaire de Mairie à Dieulefit pendant la guerre et qui a falsifié de nombreuses pièces d’identité pour sauver la vie des enfants menacés.
« Je suis né sous une bonne étoile ». Telle est la première phrase du livre d’Anne Bassi. Son héros a réussi à trouver la sienne. C’est tout ce que l’on souhaite à Dieu le fit aujourd’hui.

Dieu le fit, Anne Bassi, Editions marque-pages