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Débat raté de Joe Biden: même des médias démocrates demandent maintenant son départ

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« Bad debate nights happen » observe Barack Obama. Reste que les voix se multiplient appelant le président américain à se désister, et des noms de remplaçants potentiels circulent déjà. Mais pour l’instant, Joe Biden tient bon, et maintient la candidature à sa réélection. Le prochain débat face à Trump aura lieu en septembre.


Le premier débat opposant les deux candidats, Donald Trump et Joe Biden, a largement tourné en faveur du candidat républicain. Or cette victoire ressemble plus à une défaite de la part de l’actuel président américain qui, déboussolé, s’est même vu attaqué par les médias de son propre camp qui demandent son remplacement par un autre démocrate.

C’était un débat à sens unique. Face à un Donald Trump sûr de lui-même, ne craignant pas de réaffirmer ses positions sur les élections de 2021, s’avançait un Joe Biden malade (comme l’a confirmé un communiqué de la Maison-Blanche quelque temps après le début du débat[1]), impuissant et bien souvent incompréhensible.

Le candidat démocrate a payé cher la déroute occasionnée par ce mauvais débat, nouveau signe de sa faiblesse. À 81 ans pourtant, il était essentiel pour Joe Biden de montrer à l’ensemble de ses partisans qu’il a les capacités de tenir sa place à la Maison-Blanche pour les quatre prochaines années. Malgré lui, ce n’est pas l’image qu’il a montrée à l’ensemble de la nation américaine.

Joe Biden : un président affaibli

Joe Biden est sorti de ce débat encore plus affaibli qu’il ne l’était en y entrant. Un mois plus tôt, une étude menée par Gallup présentait déjà le président sortant comme le président américain le moins bien coté de l’histoire des États-Unis au treizième mois de son premier mandat (cf. notre tableau ci-dessous). La situation alarmante de sa cote de popularité, qui n’a fait que baisser lors des quatre dernières années, est aussi à souligner[2].

Le taux d’approbation des présidents américains lors de leur dernier semestre à la Maison-Blanche (seulement sur leur premier terme électoral). © Gallup


Mais s’il partait déjà en position de vaincu, le débat du 28 juin n’a fait qu’empirer son image, les internautes ne se privant pas de ridiculiser encore plus le candidat démocrate à travers de nombreux memes. Les vidéos d’un Biden désorienté, incapable de finir ses phrases ou même de quitter le plateau télé sans aide, tournent en boucle sur les réseaux.

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La vidéo la plus connue est certainement celle avec cette pique lancée par Donald Trump à la suite d’une énième phrase incompréhensible du président américain : « I really don’t know what he said at the end of that sentence. And I don’t think he knows what he said, either ». Mais si Biden a tant souffert de la comparaison avec son homologue républicain, c’est bel et bien son camp qui en a subi les conséquences.

La réaction du camp démocrate

Au lendemain du débat, Joe Biden se retrouve accablé par de nombreux médias de son propre camp, analysant la situation comme catastrophique. Pour certains, comme John King, correspondant national en chef de CNN, le débat n’a fait qu’accentuer la panique dans le camp démocrate : « There is a deep, wide, and very aggressive panic in the Democratic Party »[3]. Cette panique généralisée a même poussé les démocrates à chercher des alternatives en vue des élections de novembre. Ainsi, les noms de Gavin Newsome, actuel gouverneur de Californie, et celui de Gretchen Whitmer, actuel gouverneur du Michigan, sont sortis, même si l’actuelle vice-présidente de Biden, Kamala Harris, reste en position de tête. Dans la même soirée, le New York Times, pourtant média à tendance démocrate, n’a pas hésité à appeler le président Biden à partir : « To serve his country, president Biden should leave the race »[4].

Depuis vendredi dernier, les tribunes appelant le président Biden à laisser sa place se sont multipliées. Que ce soit le NY Times, The Hill, The Chicago Tribune, The Atlanta Journal-Constitution ou encore The New Yorker, pour eux, c’est clair, le camp démocrate doit ouvrir les yeux et remplacer au plus vite un Joe Biden souffrant. Selon une toute récente étude menée par Reuters et Ipsos datant du mardi 2 juillet, soit quatre jours après le débat, un démocrate sur trois pense que l’actuel candidat du parti démocrate devrait abandonner au profit d’un autre candidat[5]. Malgré cela, aucun autre candidat hypothétique n’apparaît assez puissant pour faire tomber Donald Trump.

Comment rebondir pour les démocrates

Si le camp démocrate semble s’être remis de ce « mauvais débat », comme le qualifiait Barack Obama sur X (« Bad debate nights happen »[6]), c’est bien plutôt qu’il tente de…

La fin de l’article est à retrouver sur le site de la revue Conflits


[1] Biden has a cold, sources says

[2] Biden’s 13th-Quarter Approval Average Lowest Historically

[3] https://x.com/_waleedshahid/status/1806528042291896360

[4] Opinion | To Serve His Country, President Biden Should Leave the Race – The New York Times

[5]https://www.reuters.com/world/us/one-three-democrats-think-biden-should-quit-race-reutersipsos-poll-finds-2024-07-02/

[6]https://x.com/BarackObama/status/1806758633230709017?ref_src=twsrc%5Egoogle%7Ctwcamp%5Eserp%7Ctwgr%5Etweet%7Ctwtr%5Etrue

Chocs et désistements

Depuis le dimanche 9 juin, il y a moins d’un mois, nous avons subi une série de chocs et de surprises. Elles ont ébranlé certaines de mes convictions… La chronique politique de Richard Prasquier


Le premier choc ne fut pas le score du RN aux élections européennes, parfaitement conforme aux prévisions, mais évidemment l’annonce par le président de la République de la dissolution de l’Assemblée nationale. Je ne vais pas m’appesantir sur les ressorts probables de cette décision qui d’emblée m’a paru funeste comme elle l’a paru au commun des mortels. Nul doute que les historiens et les psychanalystes en feront un objet d’études. Le deuxième choc, ce fut la création dès le lendemain du Nouveau Front populaire entre LFI, le PS, les écologistes, les communistes et même le NPA, le groupuscule des extrêmes. Des gens qui s’insultaient copieusement et dont les positions sont parfaitement hétéroclites pouvaient faire un programme d’union auquel peu d’entre eux devaient croire qu’il pût aboutir à autre chose qu’un séisme économique, alors que les macroniens et les Républicains qui n’ont pas suivi Éric Ciotti, n’arrivaient même pas à passer un simple accord électoral, ce qui les a mis en loques pour le second tour, où ils seront souvent absents alors qu’ils représentent 40% de l’électorat. Des résultats du premier tour, je retiens deux images, et c’est mon troisième choc : la Place de la République couverte de drapeaux palestiniens et algériens et Jean-Luc Mélenchon appelant au barrage républicain contre le Rassemblement national. À ses côtés, une jeune femme en keffieh, Rima Hassan, qui venait d’accuser l’armée israélienne d’entrainer des chiens pour violer les prisonniers palestiniens. Pour Mélenchon, cette diffamation lui convient, ce qui compte c’est que Rima Hassan est très populaire chez les Insoumis, malgré ou plutôt à cause de ses mensonges. L’homme qui, à propos de la phrase ignoble qualifiant la mort de policiers de vote en moins pour le RN, a dit qu’on avait bien le droit de rigoler, vit dans un monde sans vérité où les mots n’importent que s’ils peuvent rapprocher du pouvoir. Ce pouvoir, chacun comprend que dans le Nouveau Front Populaire, c’est lui qui l’exerce, quoi qu’en disent ses ternes comparses, et que l’antisémitisme ne gêne en rien ses nombreux et jeunes partisans, puisqu’il porte le nom d’antisionisme et que le sionisme, chaque Insoumis le sait, c’est le nazisme.

Paris, 30 juin 2024. DR.

À Roubaix, un désistement incompréhensible de la majorité sortante

C’est ensuite que j’ai subi mon quatrième choc. À Roubaix, trois candidats sont qualifiés au second tour. Le LFI, c’est David Guiraud. Il est célèbre depuis ses propos particulièrement abjects envers les Israéliens prononcés à Tunis en novembre. Il y a ajouté plus tard des allusions aux « dragons célestes », personnages de mangas qui servent de nom de code pour parler des Juifs. Il tire sa connaissance du conflit israélo-arabe de sa fréquentation assidue de Dieudonné et Soral, deux personnages chez qui la haine des Juifs sert de passerelle entre l’extrême droite et l’extrême gauche. Son adversaire RN est un garçon de 21 ans, Ethan Leys, qui, en raison du harcèlement et des menaces de mort qu’il reçoit, et pour lesquels il dépose plainte, se terre et fait une campagne a minima. Il y a un troisième candidat qualifié, Tarik Mekki, du parti présidentiel, mais il se retire de la triangulaire en faveur de David Guiraud et explique que ce dernier incarne des valeurs plus proches des siennes que celles portées par le candidat du Rassemblement national. Sans commentaires…

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On dit que Tarik Mekki n’est qu’un candidat « soutenu » par Ensemble mais qu’il n’est membre d’aucun des partis de la coalition. Mais, on aurait au moins aimé une critique des dirigeants de cette coalition. Rien… M. Stéphane Séjourné, délégué général d’Ensemble et futur ex-Ministre des Affaires Étrangères, est particulièrement silencieux sur le sujet, tout à son bonheur d’être bien placé dans la circonscription sans risque qu’il s’est généreusement octroyée pour ces élections. Une soixantaine de candidats Ensemble se sont désistés pour le FNP, et parmi eux à plusieurs reprises pour un candidat LFI, ce qui facilite par réciprocité le sauvetage de candidats tels que Gérald Darmanin ou Elisabeth Borne. Certains diront que c’est de la bonne politique. Raymond Aron a rappelé que la politique est amorale, et souvent immorale. Des personnalités d’Ensemble ont heureusement protesté contre ces désistements en faveur du LFI. Pour moi, c’est une forfaiture. Soutenir David Guiraud ou Louis Boyard, qui a refusé la moindre critique du Hamas après le 7 octobre, signifie que l’on considère la lutte contre l’antisémitisme comme un thème complètement secondaire. Les Juifs ont connu cela tout au long de leur histoire. C’est pourquoi l’État d’Israël fut créé.

Les intrigantes noces des Juifs et du RN

Devant le danger représenté par LFI, le temps était peut-être venu de regarder différemment le Rassemblement national. Toute ma vie, j’ai tenu le parti de Jean-Marie Le Pen en abomination, mais il fallait cependant admettre que le discours de Marine Le Pen diffère depuis plusieurs années de celui de son père. Dans un récent article du Figaro, elle s’exprime de façon impeccable sur la collaboration, l’antisémitisme et la Shoah. Les paroles des dirigeants du RN après les événements du 7 octobre ont montré une empathie pour Israël qu’on aurait aimé trouver ailleurs. Petit accroc quand Bardella estime que Jean-Marie Le Pen n’est pas antisémite. Il se corrige vite, trop vite peut-être pour qu’on croie en la solidité de ses convictions. Je me suis rappelé de La Main du Diable, le livre de Jonathan Hayoun et Judith Cohen Solal sorti il y a cinq ans qui concluait que le discours contre l’antisémitisme n’était qu’une façade. Il y avait aussi le long compagnonnage de Marine le Pen avec les pires gudards du Front National, Loustau et Chatillon, les préposés à la castagne et à l’agit prop, les parrains, d’ailleurs, de Soral et Dieudonné. Mais on nous assurait que ces personnages avaient perdu leur influence.

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Certains Juifs, en colère contre l’impuissance envers l’emprise islamiste sur notre société et la haine d’Israël qu’elle véhicule, ont voté pour le RN dès le premier tour. En ce qui me concerne, j’ai toujours pensé au contraire que malgré les agacements, les frustrations et les colères, c’est dans les partis traditionnels que se trouvent les valeurs humanistes qui représentent les espoirs les plus solides pour Israël et les Juifs. Mais l’arrivée de LFI au pouvoir impliquerait que ceux-ci fassent leurs valises, sauf à devenir des dhimmis, interdits d’expression sous l’effet de cette cancel culture que des esprits dérangés prennent pour le summum de la démocratie. C’est pourquoi la mise en équivalence des deux extrémismes de droite et de gauche m’a paru dépassée: entre un candidat LFI et un candidat RN, je choisirais aujourd’hui le RN  et je ne voterais pas blanc car c’est voter pour le futur vainqueur et rien d’autre.

Mais, et c’est là mon cinquième choc, je sais aujourd’hui que je serais peut-être naïf. L’enquête du journaliste Pierre Stéphane Fort sur la face cachée de Jordan Bardella et sur l’influence déterminante de Frédéric Chatillon sur son parcours politique, enquête qu’a présentée Caroline Fourest dans Franc-Tireur, suggère que les fondamentaux n’ont malheureusement pas changé. Que peut-on en conclure? Dans un milieu catholique, que les Juifs ne doivent pas donner au Rassemblement national le Bon Dieu sans confession. En milieu juif, je dirais qu’il faudra se fier aux actes plutôt qu’aux paroles. 

Charles Pasqua disait, avec le cynisme goguenard dont il était coutumier, que les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Mais il arrive aussi que les paroles obligent et qu’on adapte ses actes aux paroles qu’on a prononcées parfois avec légèreté. En dehors de certains obsessionnels manipulateurs, les individus n’aiment pas se révéler incohérents ou hypocrites dans notre culture dont la dissimulation (certains diront la taqiya…) ne fait pas encore partie. L’hypocrisie, dit La Rochefoucauld, est l’hommage que le vice rend à la vertu. À force d’être hypocrite on finit parfois par devenir vertueux. Le Rassemblement national prétend désormais être un rempart contre l’antisémitisme. S’il vient au pouvoir, nous observerons ses actions et nous ne l’estimerons pas à l’aune de nos préjugés.

Judith Magre, une vie à jouer

Judith Magre a tout donné au théâtre et au cinéma. Elle a travaillé avec Julien Duvivier et Sacha Guitry, Jean Vilar et Gaby Morlay, Fernandel et Jean Poiret, jusqu’à François Ozon et Paul Verhoeven. Et à 97 ans, elle continue de brûler les planches ! Rencontre avec une actrice qui ne se prive de rien.


Judith Magre est une reine des planches. Un monstre de théâtre. À 97 ans, elle est l’histoire du théâtre. Des aventures et des époques, elle en a traversé. Jean-Louis Barrault, Claude Régy, Jean Le Poulain, Jacques Charon, Jean Vilar, Jorge Lavelli ou encore Georges Wilson l’ont mise en scène. Au cinéma aussi ! On l’a vue tourner sous la direction de Sacha Guitry, Julien Duvivier, Louis Malle, René Clair, Claude Lelouch ou plus récemment François Ozon et Paul Verhoeven. Elle a partagé la scène avec Jacqueline Maillan, Madeleine Renaud, Laurent Terzieff, Denise Grey, Suzanne Flon, Charles Denner, Jean-Louis Trintignant, Jean Poiret, Michel Serrault et Gaby Morlay. Depuis ses débuts, à la fin des années 1940, elle n’a jamais arrêté un seul instant. Jouer, jouer et jouer encore. Quand elle n’est pas sur scène, elle a l’impression d’être « un tas inutile ». Mais Judith Magre est avant tout une curiosité, une créature. Une apparition ! Elle intrigue, elle fascine. Elle distille le mystère. Son visage est un masque antique. On ne sait ce qui se cache derrière. On s’interroge. C’est un masque de théâtre. Judith Magre n’est pas une actrice, c’est l’Actrice. Elle est là, sur les planches, elle profère. Elle prête son corps, sa voix et sa musique aux personnages et aux textes qu’elle incarne. La psychologie des personnages, ce n’est pas son truc. Elle croit aux mots. À une journaliste qui lui demandait comment elle s’était préparée pour jouer au théâtre le rôle de la sublime putain et écrivain Grisélidis Réal, en 2014, elle avait répondu : « On m’a donné un texte à dire. Vous savez, les mots, ce n’est pas innocent. » Elle est une femme d’instinct. Elle apprend son texte laborieusement, elle déteste cela. Et lorsqu’enfin il a imprimé sa mémoire, c’est le miracle. Le miracle des acteurs, des grands. Elle est. C’est fait. D’ailleurs, elle a très peu suivi de cours de théâtre. Seulement trois mois au cours Simon ! C’est sur scène qu’elle a tout appris, en jouant. Et, peut-être, en regardant les autres. 

La première fois que j’ai vu Judith Magre, c’était en 2013, dans Dramuscules de Thomas Bernhard. Je me souviens d’un grand frisson parcourant mon corps lors de son entrée en scène et de ses premières répliques. Elle possède cette chose inexplicable : la présence. Il suffit qu’elle soit sur une scène pour que la magie opère, pour que théâtre il y ait. C’est une sorcière. Elle envoûte le spectateur. Comme si elle lui jetait un sort. Sa voix grave et profonde, si particulière, et la cadence mécanique de ses mots décortiqués hypnotisent. Elle charme le public, ce tas de serpents. Judith Magre a tout fait, en tout cas beaucoup. Le confort ? Elle ne connaît pas ! Elle s’engouffre dans les aventures, aujourd’hui encore. Elle a joué le boulevard, la comédie, la tragédie et le drame bourgeois. Les mots d’Eschyle, Sartre, Racine, Shakespeare, Molière, Giraudoux, Anouilh, Claudel, Vauthier, Tennessee Williams, Tchekhov, Bourdet, Ray Cooney, Camus, Copi, Cocteau, Barillet et Grédy, Koltès ou encore Jean-Marie Besset sont sortis de sa bouche teintés de sa voix. Elle a chanté aussi. Un album de chanson française produit par Jacques Canetti. Judith Magre est inclassable. C’est d’ailleurs au cabaret qu’elle s’est fait remarquer. Elle jouait à La Fontaine des Quatre-Saisons le spectacle « Marie-Chantal » de Jacques Chazot, aux côtés de Guy Bedos. Voilà maintenant près de quatre-vingts ans que chaque soir – ou presque – inlassablement, elle se retrouve fardée, sous les projecteurs, pour accomplir ce geste magnifique et absurde : jouer.

Aujourd’hui encore, chaque lundi, elle retrouve la scène du Poche-Montparnasse sur laquelle elle joue les grands monologues des tragédies de Racine. Tour à tour, elle incarne Hermione, Bérénice, Athalie, Phèdre, Agrippine et Roxane. Assise sur un vieux fauteuil de style, dans sa grande robe de velours noir, elle est une apparition éternelle. Son récital de monologues raciniens est plus qu’un simple spectacle. C’est un rite, une messe, un culte dont elle est la déesse. Ses adorateurs, réunis dans l’ombre, profitent encore et encore de son apparition magique. Ils profitent de cette particularité, de cette chose étrange, de cette sensation unique : Judith Magre. 

Judith Magre et Laurent Terzieff dans Nicomède de Corneille, 1964. © AGIP/Bridgeman Images

Elle trouvera que j’en fais trop ; tant pis ! C’est la vérité.

Pour Causeur, je me rends chez elle. Il est 15 heures. Judith hésite entre du champagne et du whisky. Mais il n’est que 15 heures. Qu’importe, Judith veut un whisky. Moi aussi ! Et la bouteille nous accompagne tout l’après-midi. « J’aime boire ! J’ai toujours aimé ça. Le whisky et le champagne. C’est mon petit plaisir ! Et… le caviar ! » Qu’importe l’heure, qu’importe l’âge et le « comme il faut ». Judith Magre est une femme libre, sans tabou. « Je fais ce que je veux, et je ne veux pas qu’on m’emmerde ! » Et ce qu’elle ne veut pas, elle ne le fait pas. Les enfants, par exemple ! Comme Carmen, « libre elle est née, libre elle mourra ». Elle vit pour son art et pour son plaisir. Comme Tosca qui chante « Vissi d’arte, vissi d’amore », elle vit d’art et d’amour. Et la retraite, Judith ? « La retraite ?! 97 ans, c’est un peu tard pour prendre sa retraite ! »


Causeur. Vous êtes ce que l’on appelle une personnalité. Vous avez une voix particulière, une diction et une musicalité bien à vous. Pensez-vous qu’une personnalité, ça se travaille, ça se construit ? Les influences sont-elles importantes ?

Judith Magre. On subit l’influence de tout et de tout le monde. Forcément ! Je n’ai jamais cherché à imiter les grands acteurs que j’ai vus, mais ils ont forcément influencé ma personnalité. 

Qui étaient les acteurs qui vous fascinaient ?

Raimu, Jouvet, Gaby Morlay, Michel Simon… Je garde un grand souvenir de Laurence Olivier et Vivien Leigh que j’avais vus jouer ensemble au Théâtre de l’Odéon dans Titus Andronicus de Shakespeare. J’y étais allée avec Julien Duvivier pour qui je tournais à ce moment-là L’Homme à l’imperméable aux côtés de Fernandel et Bernard Blier. J’admirais aussi beaucoup Marie Bell.

Vous avez vu jouer Marie Bell ? 

Oui ! Je l’ai même bien connue. J’ai joué dans le théâtre qu’elle dirigeait. On s’aimait beaucoup. Et surtout, on a bu beaucoup de coups ensemble. On rigolait bien. On garde aujourd’hui l’image de la tragédienne, mais c’était une bonne femme très marrante. J’ai connu tellement de gens, de grands acteurs, de grands auteurs… quand on les connaît dans la vie, quand on devient amis avec eux, ils deviennent des amis comme les autres. Sartre par exemple ! J’ai joué trois pièces de lui. Nous sommes devenus très proches. Je l’admirais beaucoup, mais quand j’étais avec lui on ne pensait qu’a rire et à boire.

Vous avez souvent joué la tragédie ?

Non, très peu. J’ai joué Bajazet pour la télévision. Phèdre, en tournée. Et Horace de Corneille pour la télévision aussi. Ce n’est pas ma spécialité. Je n’ai d’ailleurs pas de spécialité. J’ai fait tout et n’importe quoi, selon ce qu’on me proposait. Si les propositions me plaisaient, quel que soit le style, je les acceptais.

Quel rapport avez-vous à l’alexandrin ?

Pas de rapport spécial ! Je respecte ses douze pieds et voilà tout. Je me souviens que lorsque Maurice Escande – qui était un acteur extraordinaire – jouait l’alexandrin, quand il avait un trou de texte, comme il ne pouvait pas improviser afin de respecter le nombre de pieds, disait « tatatatata… » avec le bon nombre de « ta » pour ne pas casser la musique !

Parlons de l’actualité… Vous avez signé la tribune de soutien à Gérard Depardieu. Cela vous a-t-il causé des ennuis ? 

Sûrement pas ! Personne ne m’a emmerdée. D’ailleurs, si on avait essayé… (Rires.) Mais qui voulez-vous qui m’emmerde ? Dans le théâtre dans lequel je jouais à ce moment-là, le Poche-Montparnasse, personne n’a fait la moindre remarque. Notez que dans ce théâtre, dans lequel plusieurs spectacles se jouent en même temps, toutes les actrices ont alors signé : Myriam Boyer, Brigitte Fossey et moi. Gérard Depardieu est un ami. Je l’ai bien connu. Pour moi, ce n’est pas un violeur, point. Je l’aime.

Vous, on ne vous a pas embêtée. Mais beaucoup de signataires ont eu des pressions de leur agent, de directeurs de théâtre, de producteurs…

Même si j’avais été dans cette situation, je n’aurais pas retiré ma signature. J’ai signé, j’ai signé. Point. Il y en a qui ont la trouille, ça les regarde. Je ne peux pas me mettre à leur place. Une fois qu’on a signé, comment peut-on retirer sa signature ? Franchement… c’est ridicule.

Que vous inspire la moralisation de la vie artistique ?

Je ne me suis jamais vraiment préoccupée de la morale. Ni de la mienne, ni de celle des autres ! Je n’ai jamais fait de mal à personne. Mais là, ce qui se passe dépasse la morale. Je ne peux pas comprendre qu’on vive avec un mec pendant cinq ans puis, qu’un beau jour, on se rende compte qu’on était sous emprise, qu’on n’était pas consentante. Tout cela est pathétique. Et ça détruit des vies. La connerie, la méchanceté et la haine ont toujours existé. MeToo est le mode d’expression actuelle de toute cette horreur.

Que pensez-vous de la notion d’emprise ?

C’est tellement con. On découvre la lune ! Quand on est amoureux, on est sous emprise. C’est ça l’amour.

Dans votre vie d’actrice, vous n’avez jamais été victime d’agression sexuelle ?

Jamais. On ne m’a même jamais mis la main aux fesses, et pourtant elles étaient belles ! Et si quelqu’un l’avait mise, je lui aurais demandé de la retirer. Sans en être choquée. J’ai toujours été une femme libre et ne me suis jamais sentie la victime de qui que ce soit.

En parlant de liberté, avez-vous vécu Mai 68 comme une libération, notamment sexuelle ?

J’ai toujours été libérée sexuellement : je n’ai pas attendu Mai 68 ! J’ai toujours fait ce que je voulais. Je n’attends pas les modes ou les autorisations pour faire ce qui me plaît.

Vous êtes anti-MeToo, mais autrefois, vous étiez féministe.

Moi féministe ? Non !

Vous aviez pourtant signé le « Manifeste des 343 salopes » en faveur de l’avortement.

Ah, oui ! Oui… bon. Je l’avais signé pour faire plaisir à ma copine Simone de Beauvoir. Et puis, je trouve que c’est horrible d’être enceinte quand on ne l’a pas désiré, et de ne pas pouvoir s’en débarrasser. Mais, à mon sens, plutôt que de faire de la pub pour l’avortement, on devrait en faire pour les moyens contraceptifs. En dehors de cela, je n’ai jamais été engagée dans le combat féministe.

Revenons-en à la morale. Vous avez connu Louis-Ferdinand Céline, non ?

Oui, très bien. J’allais souvent chez lui, à Meudon, avec Marcel Aymé. Parfois avec Roger Nimier. J’ai passé des moments extraordinaires avec lui. C’est l’être le plus brillant et le plus généreux que j’ai connu. Tout ce qu’il racontait était passionnant, fascinant. Il m’avait offert une petite chienne perdue qu’il avait recueillie. Il m’avait dit : « Je vous donne cette chienne, ça va vous faire le caractère. » Je l’ai gardée pendant vingt ans.

Vous n’avez jamais été gênée de nouer une relation amicale avec lui, sachant les accusations d’antisémitisme dont il faisait l’objet ?

Je ne l’ai jamais entendu prononcer la moindre phrase antisémite. Pourtant j’ai beaucoup parlé avec lui. Je n’ai pas lu les pamphlets dans lesquels il faisait, paraît-il, profession d’antisémitisme. Et de toute façon, je ne juge qu’avec ce que je vois. Ce qu’il a écrit, c’est une chose. Mais l’être que j’avais en face de moi était extraordinaire, intellectuellement et humainement. C’est tout.

Nous parlons dans ce numéro de Causeur de Roman Polanski. Si, aujourd’hui, il vous proposait un rôle, l’accepteriez-vous ?

Tout de suite ! Je trouve que c’est un être magnifique et, en plus, un génie. Tout ce qui lui arrive me dégoûte. C’est immonde. Je l’aime, je l’admire, point.

Mais vous est-il arrivé de rencontrer et d’admirer des salauds ?

Non. Tous les génies que j’ai rencontrés étaient des gens formidables. Avec parfois des défauts, des caractères particuliers. Mais pas des salauds, non.

Auriez-vous pu admirer un salaud ? La morale tient-elle une place dans votre admiration ? Plus généralement, pensez-vous qu’un génie puisse aussi être un salaud ?

Je ne peux parler que de mon expérience. J’ai eu la chance de rencontrer quelques génies qui n’étaient pas des salauds. J’ai donc tendance à croire que les génies sont plutôt des êtres rares et d’une grande qualité humaine. D’une grande générosité.

Claude Lanzman – qui a été votre mari – ne vous a jamais reproché votre amitié avec Céline ?

Non. Il ne m’a jamais fait la morale là-dessus.

Comme beaucoup de gens, êtes-vous inquiète de la tournure que prend le monde ?

Inquiète ? À mon âge ? Qu’est-ce que vous voulez que ça me foute !


À voir

« Judith prend Racine au Poche », Théâtre de Poche-Montparnasse. Tous les lundis à 19 heures, tél. : 01 45 44 50 21, theatredepoche-montparnasse.com

Pendant ce temps, aux Pays-Bas, «l’union nationale» prend les commandes

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Il n’y a pas qu’en France où intellectuels, artistes et politiques de gauche poussent des cris d’orfraie contre l’horreur qu’impliquerait un gouvernement « d’extrême droite ». Aux Pays-Bas également, ils sont dans le plus grand désarroi, le peuple ayant ignoré, lors des élections législatives de 2023, leurs consignes de vote « anti-fascistes ».


Témoin l’entrée en fonctions, ce mardi 2 juillet, de la très droitière coalition gouvernementale sortie des urnes. Gouvernement qui porte le sceau, mais pas le nom, de M. Geert Wilders. Le champion anti-immigration batave est jugé trop clivant pour être Premier ministre, poste auquel son succès électoral lui donnait cependant droit. « Voici le gouvernement de la honte nationale! » tonna l’autre jour un professeur de l’université d’Amsterdam, Thomas von der Dunk. Et d’énumérer longuement, dans le journal NRC, les dangers qui selon lui planent désormais sur la démocratie néerlandaise. Seraient gravement menacées les libertés d’expression, de la presse, académiques et culturelles. L’indépendance de la justice, l’Etat de droit et les « minorités ethniques » en prendraient aussi pour leur grade, à le croire. Selon M. Von der Dunk, la théorie du « grand remplacement » guiderait les pas du gouvernement du nouveau Premier ministre Dick Schoof,  ancien patron des services de renseignement. Un autre enseignant, de l’université de Leyde cette fois-ci, n’avait pas craint de son côté d’établir un parallèle entre l’ambiance politique aux Pays-Bas et celle régnant dans l’Allemagne de 1933… Une collègue à lui prévoit un régime autoritaire calqué sur le modèle hongrois, pour « preuve » l’amitié entre M. Wilders, dont l’épouse est hongroise, et le Premier ministre hongrois Viktor Orbán… Un autre universitaire encore a relevé des « préférences raciales » dans les posters électoraux du Parti pour la Liberté (PVV) de M. Wilders, « ne montrant que des Néerlandais hyper blancs ». Drôle de reproche pour accabler M. Wilders toutefois, homme de ce qui s’appelait jadis de « sang mêlé », indonésien et néerlandais.

Le « vivre-ensemble » sonné

On a eu beau bien chercher, dans les projets de la coalition quadripartite (PVV-VVD-NSC-BBB), aucune atteinte aux libertés fondamentales n’y figure. Le voudraient-ils, que la Constitution en empêcherait Wilders et compagnie. Le Conseil d’État néerlandais, équivalent du Conseil Constitutionnel, y veillera également. Les surdiplômés en état d’alerte anti-fasciste prennent donc le peuple pour des ignares. Mépris de classe de ce que M. Wilders appelle la gauche aigrie ? Mais ne les moquons pas (trop) et montrons un minimum de compassion envers celles et ceux dont les opinions lénifiantes sur l’immigration furent partagées par une bonne partie des médias néerlandais. Et cela depuis plusieurs décennies, au point que le multiculturalisme et vivre-ensemble imposés prirent l’allure d’une doctrine d’État.

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Avec le gouvernement Wilders-qui-ne-dit-pas-son-nom, il y a effectivement comme un parfum de revanche dans l’air, marqué par la fin de l’hégémonie culturelle de la gauche communautariste et de ses alliés de la droite molle. Celle-ci est personnifiée par le Premier ministre démissionnaire M. Mark Rutte, qui gouverna pendant près de 14 ans d’affilée avant d’être récemment désigné Secrétaire général de l’Otan. Son règne a vu les populations autochtones des grandes villes néerlandaises se réduire comme peau de chagrin au bénéfice d’immigrés non-européens et de leurs descendants, désormais majoritaires. Ce qui avait à plusieurs reprises amené des parlementaires du parti de M. Wilders à fustiger le « grand remplacement », bravant ainsi un tabou dans le petit monde politico-médiatique. Parmi ces politiciens honnis, on trouve… la nouvelle ministre des Migrations et de l’Asile, Mme Marjolein Faber. Laquelle, dans un passé récent et comme députée du parti PVV, avait accusé M. Rutte de ne rien faire contre l’immigration nord-africaine et de dérouler ainsi un « agenda d’antisémitisme, de terrorisme et de grand remplacement de la population néerlandaise ». En néerlandais le mot omvolking, changer de peuple, résume généralement la définition de Renaud Camus. Mme Faber s’était aussi illustrée en dirigeant une manifestation contre le maire de la ville d’Arnhem, M. Ahmed Marcouch, né au Maroc. La nouvelle ministre y déroula une bannière avec les mots « Pas d’Arnhemmistan, on perd notre pays! »

Décidément, la gauche néerlandaise ne cesse d’avaler des couleuvres. Car la nouvelle ministre du Commerce Extérieur et de l’Aide au Développement, Mme Reinette Klever, a, elle aussi, longtemps défendu cette théorie du grand remplacement. Comme parlementaire du PVV, elle s’était en plus distinguée en dressant un hit-parade des étrangers fraudeurs, selon elle, de l’Assurance Maladie. Les gens provenant des Antilles néerlandaises seraient les champions incontestés dans ce domaine, suivis des Marocains, des Turcs et des Surinamais. Etrangers qui, avec d’autres migrants et demandeurs d’asile, coupables de surcroît, selon la désormais ministre, « d’inonder le pays d’un tas de maladies exotiques ». Notons toutefois l’esprit de compromis de la ministre de l’Aide au Développement ! Car cette fameuse Aide, il y a encore quelques années, elle voulait l’abolir pour son inutilité supposée et les possibilités de fraude ou de corruption dans les pays qui en sont les destinataires…

La dernière provocation de M. Wilders

Peu avant leur installation, devant des parlementaires généralement hostiles, Mesdames Klever et Faber avaient pris leur distance avec ce fameux mot, omvolking, à connotation trop sulfureuse voire nazie, le remplaçant par « développements démographiques préoccupants ». Un geste d’apaisement envers des parlementaires constitués en Inquisition linguistique ces derniers temps en Hollande. Le nouveau vent réac soufflant sur les Pays-Bas est personnifié également par le président de la Chambre Basse du Parlement, M. Martin Bosma, l’intellectuel maison du PVV. Ce pourfendeur du « racisme anti-Blanc », quand il était député, voit d’un mauvais œil les cérémonies annuelles autour de l’abolition de l’esclavage dans d’anciennes colonies néerlandaises. Son parti exige d’ailleurs la révocation des excuses officielles pour l’esclavage, prononcées l’année dernière par le roi Willem-Alexander. Pas étonnant alors, que des immigrés des ex-colonies exigèrent et obtinrent que M. Bosma ne fût pas présent le 1er juillet pendant la commémoration de l’abolition, bien que son statut l’y oblige. Pour chambrer les perpétuels indignés du passé colonial néerlandais, M. Wilders proposa sur X de remplacer M. Bosma, et de prendre la parole lors de la cérémonie à Amsterdam… Ce qui aurait sûrement dégénéré en émeutes dans la capitale, qui compte un vaste quartier noir. M. Wilders devra s’abstenir de pareilles provocations à l’avenir, s’il tient à maintenir unie « sa » coalition, laquelle a promis de mener « la plus stricte politique d’asile et immigration jamais vue aux Pays-Bas ». Son parti a comme partenaires les libéraux conservateurs du Parti Populaire pour la Liberté et la Démocratie (VVD), les chrétiens-démocrates du Nouveau Contrat Social (NSC) et le Mouvement Citoyens-Paysans (BBB). Une députée du VVD a clamé quelques jours avant de prêter serment comme ministre qu’elle « ne tolérerait plus aucune allusion » au fameux grand remplacement. Elle menaça ainsi implicitement M. Wilders d’une crise… de colère, de larmes ou de gouvernement. Ce n’était pas très clair.

Taxe sur la fast fashion, le streaming musical et les livres d’occasion: une dissolution qui a du bon?

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Personne n’aime les impôts, à part peut-être les fonctionnaires publics, mais que dire des nouveaux impôts punitifs imaginés par nos gouvernants ? Dans leurs cartons, une taxe sur les livres d’occasion, le streaming musical ou encore la « fast fashion ». Censés entraver l’essor de plateformes étrangères (Amazon, Spotify, Shein, etc.), ces taxes ont surtout pour effet d’entrainer une augmentation des prix, tout en se révélant nocives pour l’environnement. Et si la nouvelle Assemblée avait le bon goût d’enterrer ces projets?


Le premier économiste à avoir inventé un impôt punitif est un Anglais, Arthur Cecil Pigou. Professeur de l’école d’économie de l’Université de Cambridge, Pigou s’intéresse à l’économie du « bien-être » et aux effets que peut en tirer la société. En 1920, dans une étude restée célèbre, The Economics of Welfare, il développe le concept d’« externalité », qui décrit l’effet indirect, positif ou non, d’une transaction privée ou d’une législation, comme la qualité de l’air ou de l’eau polluée par une usine. Pigou a une idée pour ces externalités négatives : les soumettre à un impôt. Dans l’histoire de l’économie, il porte le nom d’impôt Pigouvien.

Impôts et taxes : une passion française

Celui-ci enchante les socialistes français quand ils arrivent au pouvoir, en 1981. Sous le règne de François Mitterrand est conçu le premier impôt Pigouvien super turbo, l’ISF, l’impôt de solidarité sur la fortune. Jamais, pourtant, il n’avait été prévu que l’impôt devienne « une punition » pour les riches, pas davantage pour les gros mangeurs, les buveurs de sodas sucrés, les fumeurs ou les conducteurs de véhicules diesel. L’usage punitif de la taxation est une dérive aussi condamnable que dangereuse. Taxer les paquets de cigarettes car elles nuisent à la santé, ou le diesel car il pollue l’atmosphère, sont deux exemples qui ont entraîné, le premier un marché noir du tabac, le second la révolte des gilets jaunes. 

Dérives punitives

Mais le refus d’admettre cette vérité continue à régner sur les esprits de nos élites bureaucratiques. Au prétexte de freiner le déferlement d’acteurs étrangers surpuissants, le législateur a imaginé une série de nouvelles taxes qui devraient surtout avoir pour effet de grever davantage encore le budget des ménages. Il souhaite ainsi s’attaquer aux vêtements bon marché qu’achètent en ligne les ménages les plus modestes : un malus de 50% pourrait être imposé, dans la limite de 10 euros par article, sur les ventes des entreprises de la « fast fashion » qui produisent à bas prix des modèles fabriqués à un rythme accéléré. Objectif assumé : infléchir les ventes des géants du prêt à porter que sont Shein et Temu en France.

Mauvais calculs

Si chacun conviendra qu’il est important de réduire l’impact d’un secteur responsable, à lui seul, de 10% des émissions globales, la méthode qui consiste à matraquer les classes populaires est-elle la bonne ? Le précédent gilets jaunes n’a-t-il pas vacciné nos caciques ? Surtout, s’en prendre simultanément à Temu et Shein participe d’une méconnaissance des modèles de ces deux sociétés. Si la première produit énormément dans l’espoir d’écouler un maximum d’articles, elle génère de fait des quantités colossales d’invendus, qui seront envoyés au pilon et donc gaspillés, entrainant une pollution évitable.

Shein pour sa part ne produit que de petites salves d’articles pour en tester l’accueil, puis, s’ils s’écoulent, en réinjecte la bonne quantité sur le marché pour répondre à la demande. Un modèle à la demande de rupture sur un marché où la logique de l’offre a longtemps dominé qui, s’il n’est pas exempt de défauts, permet en tout cas de réduire à la portion congrue les invendus, et donc les émissions. En réalité, ce n’est pas d’une taxe sur la « fast fashion » dont le secteur a besoin, la rapidité de production ou de livraison des vêtements ne constituant pas le cœur du problème, mais d’une taxe sur la mode peu scurpuleuse, indifférente à son impact sur l’environnement.

Il en va de même pour le livre d’occasion, un marché de 350 millions d’euros, en croissance depuis plusieurs années, soudain dans le collimateur d’Emmanuel Macron qui a annoncé en avril une taxe à la vente de 3%. On se demande pourquoi. Voilà un secteur dynamique et des revendeurs indépendants « punis » sans raison. Ces derniers ne font aucune concurrence déloyale aux libraires, ils écoulent surtout sur le marché les invendus des éditeurs. Coïncidence ? Un sondage Ipsos du 12 avril annonçait que le décrochage de la lecture chez les 15 -25 ans s’accentue.

Le marché du livre d’occasion, en valorisant la seconde main, permet en outre de limiter l’impact du secteur de l’édition qui, de l’aveu même du CNL, « possède une empreinte environnementale forte ». Tant qu’on y est, pourquoi ne pas taxer également les vêtements de seconde main, histoire d’alimenter davantage encore le problème que l’on prétend combattre ? Idem pour le streaming musical, plébiscité car pratique et économique, et qui a l’avantage de moins polluer que les formats analogiques. Si une microtaxe risque de détourner les plus jeunes et les classes populaires de la musique, les Français aisés s’en acquitteront sans problème, et auront même le loisir de s’en remettre aux CDs et vinyls. En définitive, ces taxes punitives, en plus de frapper durement les pauvres, s’avèrent délétères pour l’environnement. L’occasion est belle de les dissoudre elles-aussi.

Portrait d’un journaliste aux abois

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Dans les rédactions, conscient que beaucoup trop de téléspectateurs ou d’auditeurs ont voté RN, et qu’il ne peut pas indéfiniment leur cracher au visage, l’éditorialiste politique type désespère de ne pas voir advenir un « front républicain » plus franc, comme d’habitude…


Il était déjà journaliste sur une grande chaîne du service public quand Jordan Bardella adhérait au Front national. C’était en 2012. Il orchestrait alors une campagne médiatique féroce contre le Nicolas Sarkozy de Patrick Buisson, celui qui faisait l’éloge de la nation. Il avait pointé publiquement, dans un édito demeuré célèbre, les similitudes inquiétantes entre son discours et celui de l’extrême-droite ; puis, il avait interrogé des historiens, des politologues et des analystes, d’une neutralité d’acier, qui tous avaient diagnostiqué chez le président-candidat une poussée de pétainisme, maladie habituelle des courses électorales ; enfin, il s’était demandé si ce candidat était toujours dans le champ républicain. Il avait conclu sa chronique par une question ouverte aux auditeurs, posée d’une voix grave et théâtrale : fallait-il interdire à cet homme de se présenter à l’élection présidentielle ?

Quelle époque !… François Hollande avait triomphé. En cinq ans, l’insécurité avait explosé ; l’immigration était devenue incontrôlable ; le peuple se divisait, la dette s’envolait, l’école s’effondrait. Mais lui vivait sur un nuage doré… Tantôt à la télé, tantôt à la radio, il prêchait la moraline, applaudissant aux grandes décisions d’un chef de l’État qui avait depuis longtemps abandonné le socialisme pour le sociétal, conspuant sans relâche, avec la meute, la « droite », et surtout « l’extrême-droite » qui montait dangereusement — mais toujours dans le strict respect de la neutralité du service public.

L’accession au pouvoir d’Emmanuel Macron avait été la première ombre portée à son existence radieuse. Il s’en était vite accommodé, cependant ; car ce bon bourgeois fort bien engoncé dans un monde à son image, dont la vie paraissait devoir s’écouler jusqu’à son terme dans une sécurité relative, trouvait la social-démocratie merveilleuse. Jusqu’alors le système, par une complexité d’horloge, s’était maintenu grâce à l’illusion démocratique de l’alternance ; les mêmes élites parvenaient au pouvoir ; et lorsque leurs faux débats entraînaient une division trop importante favorable aux extrêmes, — comme en 2002 —, ils instituaient entre eux le « cordon sanitaire », et au nom de la démocratie, protégeaient ainsi leurs privilèges : cela s’appelait le théâtre antifasciste (L. Jospin). Seulement, ce théâtre, pour fonctionner, devait demeurer caché ; c’était comme un tour de magie dont il ne fallait pas dévoiler les ficelles ; aussi notre brave journaliste en voulait-il à Macron d’avoir levé le rideau sur la grande arnaque : c’était ouvrir la porte aux oppositions véritables !

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Depuis 2017, en vérité, son moral était en berne. Lui qui pensait d’ordinaire par manichéisme — les résistants et les collabos, la gauche humaniste et la droite autoritaire, la République et le fascisme —, ne savait plus comment résoudre ce paradoxe, que la démocratie qu’il adulait (c’est-à-dire le vote majoritaire) menait le Rassemblement national « aux portes du pouvoir ». Démocrate, il commençait à douter de la démocratie ; et en même temps qu’il appelait furieusement à l’interdiction de ce parti qu’il jugeait contraire aux « valeurs républicaines » (sans trop savoir pourquoi, ni à quoi correspondaient ces valeurs), il se demandait si le peuple était si sage… Fallait-il vraiment accorder le droit de vote à la France périphérique ? Au fond, il n’était pas contre un permis de voter distribué aux habitants des centres villes, — propriétaires d’une trottinette électrique.

Il aimait rappeler à ses invités les propos polémiques de Jean-Marie Le Pen, et le petit frisson qu’il sentait courir dans son dos, à chaque fois qu’il les réécoutait ; mais il le faisait avec moins de conviction qu’avant, reconnaissant bien que l’argument fonctionnait mal… même ses auditeurs de gauche n’y croyaient plus !

Parfois le soir, seul dans son lit, les heures de grande angoisse, il pensait que la dédiabolisation du Rassemblement national n’était peut-être pas un mythe, et même que ce parti disait des choses vraies… Il frémissait ! Le lendemain, comme pour se racheter, il relayait frénétiquement les poncifs les plus éculés, rappelant l’origine de ses fondateurs, l’accusant pêle-mêle de racisme et de transphobie, d’antisémitisme et d’alliance avec la Russie : no pasarán ! Évidemment, il ne connaissait ni Holeindre, ni Déat, ni Doriot ; ou du moins, il ne voulait pas trop les connaître : la neutralité du service public a ses limites.

Ces derniers temps, il est triste. La dissolution l’inquiète, il ne comprend pas son président, il a peur pour sa place. Il contemple avec horreur le RN parvenir en voie finale de normalisation, il se sent dépassé par la jeunesse qui se polarise. Où sont passés les humanistes et les démocrates ? Même la gauche parfois le terrifie — et lui qui croyait que l’antisémitisme était d’extrême-droite !… Il sent bien que sa voix tremblotte à la radio ; il perd ses auditeurs : même ceux de gauche, qui l’accusent de complaisance avec le camp du « libéralisme autoritaire ». À force d’opposer les mêmes reproches à ses invités, sur la binationalité, sur le voile, d’entendre les mêmes réponses, il se fatigue lui-même ; ses prêches, qu’il répète comme un mantra, ne convainquent plus personne… et il se désespère, jour après jour, de ne pas voir advenir le front républicain habituel, celui qu’il avait toujours connu… Serait-ce le retour prochain des heures les plus sombres de notre histoire ? Ah ! Comme il regrette le temps de François Hollande !

Entrons en économie de guerre

Le passage à l’économie de guerre n’est pas qu’un effort demandé à nos compatriotes mais une opportunité stratégique pour notre pays. Il s’agit de bâtir un nouveau modèle industriel cohérent avec la volonté de retrouver une place centrale dans le concert des nations.


Depuis le retour du tragique sur notre continent, les capitales européennes tentent de tourner la page des deux grandes erreurs commises depuis la chute du Mur de Berlin : la démilitarisation et la désindustrialisation. À contrecourant des choix effectués depuis 1991, le thème du passage à une économie de guerre est devenu récurrent sur le plan médiatique et politique. Seulement, pour passer à une économie de guerre, nous avons besoin d’une industrie productive, ce qui ne se décrète pas. Un activisme fort et un cap clair sont nécessaires pour soutenir notre économie en ruine et l’effort de guerre ukrainien.

Besoin stratégique et économique

Le conflit entre l’Ukraine et la Russie tourne en faveur de Vladimir Poutine. Sans aide occidentale supplémentaire, l’Ukraine se dirige vers une défaite cuisante malgré l’héroïsme de ses soldats. Depuis le début de la guerre, seuls les États-Unis ont été capables de lui fournir les armes nécessaires. Cependant, le dernier paquet d’aide de 61 milliards de dollars adopté en avril devrait être le dernier accordé par Washington avant janvier 2025. Et actuellement, les Européens ne peuvent se substituer à l’aide américaine. La seule solution pour soutenir l’Ukraine serait que nous passions à une économie de guerre afin de prioriser et d’intensifier notre production.

L’industrie française souffre des mauvais choix faits depuis des décennies alors que c’est un secteur clé de la prospérité. L’industrie est la clé pour répondre efficacement aux crises en tout genre, d’une guerre à une pandémie mondiale. Nous avons vu lors du coronavirus que notre désarmement industriel nous avait empêchés d’offrir une réponse cohérente et rapide à la crise, à la différence d’autres pays qui n’avaient pas sacrifié leur industrie. Ce n’est pas seulement notre base industrielle de défense qui bénéficierait d’un soutien massif, mais l’ensemble de notre économie. En effet, le soutien à l’effort de guerre suppose une implication de l’industrie textile, des industries de raffinage ou encore des industries automobiles ; autant de secteurs qui souffrent en France depuis trop d’années. De plus, les innovations réalisées dans l’industrie de défense ont toujours des débouchés dans le civil.

Un moment propice

Depuis la chute du Mur de Berlin, les Européens ont cru pouvoir s’appuyer sur les dividendes de la paix et la protection offerte par les États-Unis. Pourtant, le monde n’a jamais connu autant de crises et de conflits, et le regard américain s’est détourné de l’Europe au profit de la zone indopacifique. Nous avons changé d’époque et les Européens doivent se réveiller. En nous berçant d’illusions, nous nous sommes progressivement désarmés et nous n’avons plus la capacité d’assurer notre défense et de promouvoir notre indépendance stratégique. Ainsi, nos dépenses militaires sont passées de 3,2% du PIB en 1980, à 1,8% en 2019. Basculer en économie de guerre permettrait de retourner ce cycle négatif pour nous adapter à cette nouvelle ère : celle d’un monde reposant sur la souveraineté d’empires en concurrence pour assoir leur domination.

Alors que notre économie est dans un état déplorable, le passage à l’économie de guerre permettrait de mettre l’accent sur l’industrie de défense qui demeure un des points forts de notre économie. Depuis l’année dernière, la France est le deuxième exportateur mondial d’armes, jouissant de belles réussites comme le Rafale ou le canon CAESAR. Investir dans notre complexe militaro-industriel nous permettrait de sécuriser notre position dominante en Europe, d’autant que dans ce contexte, d’autres pays vont augmenter leurs dépenses militaires.

Une stratégie claire, des actes forts

À la différence des États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale, nous devons bâtir une économie de guerre à la française, en phase avec notre époque et nos enjeux. Avec le départ des Britanniques de l’Union européenne, la France doit retrouver un rôle central sur les volets diplomatiques et militaires. D’une part, nous sommes le seul pays européen capable de passer rapidement en économie de guerre grâce à nos atouts comme le nucléaire et notre complexe militaro-industriel exportateur. D’autre part, notre puissance diplomatique, avec notamment notre siège au Conseil de sécurité de l’ONU, et notre armée, nous permettraient de jouer un rôle majeur dans cette nouvelle stratégie.

Mais une économie de guerre ne se contente pas de belles paroles, elle doit s’accompagner d’un activisme politique fort qui doit se traduire par des investissements conséquents. Plus que de faire peser la responsabilité de cette économie sur les seuls industriels, il est nécessaire de créer les conditions favorables à une montée en gamme et permettre une production plus importante. Cela suppose un effort supplémentaire des dépenses militaires pour atteindre au moins 3% du PIB. De plus, nous devons faire sauter au moins trois verrous – et non des moindres : une fiscalité moins importante, une augmentation du temps de travail, opérer un choc de simplification avec moins de normes contraignantes.

Le passage à l’économie de guerre n’est pas qu’un effort demandé à nos compatriotes mais une opportunité stratégique et économique pour notre pays. Il s’agit de bâtir un nouveau modèle industriel cohérent avec la volonté de retrouver une place centrale dans le concert des nations. Comme le rappelait Bismarck, la diplomatie sans les armes, c’est comme la musique sans les instruments. Charge à nous de construire nos armes pour rejouer notre partition dans cette nouvelle ère géopolitique.

Tour: Cavendish le cabochard joyau de la couronne cycliste

Et encore « une nouvelle fois » de plus sur cette 111ème édition du Tour de France…


Très probablement, un de ses ancêtres ne peut qu’être le célèbre corsaire homonyme[1]… En filou flibustier des lignes d’arrivée, le cabochard mais sympathique Mark Cavendish, natif de l’île de Man, située en mer d’Irlande à égale distance de la Grande Bretagne et de l’Irlande, d’à peine 572 km2, que rien ne prédisposait dans son enfance à devenir coureur cycliste, s’est imposé  pour la 35ème fois sur le Tour, mercredi, à Saint Vulbas (Ain), bien entendu au sprint puisque c’est sa spécialité. Il bat du même coup le record des victoires d’étapes qu’il partageait avec Eddy Merckx (voir notre encadré en fin d’article), dit le Cannibale tellement celui-ci était insatiable de podium et surtout de la première marche.

De plus ce succès, qui semblait pour la plupart des chroniqueurs de la geste vélocipédique inatteignable, a pour lui une douce saveur de revanche. Il a devancé le Belge Jasper Philipsen de 13 ans son cadet, sans doute le sprinteur contemporain le plus affûté, qui, l’an dernier, à Bordeaux, l’avait privé justement de ce record. Cavendish avait fait second derrière lui. Le lendemain, de cette déception, le 8 juillet, il chutait lourdement à 60 km de l’arrivée de l’étape Libourne-Limoges dont la victoire était à sa portée.

Touché à la clavicule, il abandonnait les larmes aux yeux. Son rêve d’être l’unique détenteur de ce record, joyau de la couronne cycliste ;  le monde du vélo a bien des parentés avec l’Ancien régime avec ses rois de la Montagne, du Contre-la-montre, des Sprints, ses ducs, les capitaines de route, ses barons, les protecteurs du leader, et ses valets, les porteurs d’eau (dits les « gregario » en italien – les grégaires en français), qui descendent à la voiture du directeur sportif s’approvisionner en bidons pour étancher la pépie du reste de l’équipe.

La retraite attendra

Le 23 mai 2023 alors qu’il participait au Giro, à l’issue de la deuxième étape, il avait annoncé son intention de prendre sa retraite à la fin de la saison. Donc ce 110ème Tour auquel il allait s’aligner serait son dernier. Mais, au terme de celle-ci, au lieu de confirmer son retrait, il se ravisait : à la surprise générale, il révélait qu’il allait revenir sur la Grande boucle avec la ferme détermination de monter à l’abordage du record des victoires d’étapes.

Pourtant ce retour sur le Tour, sa 15ème participation (trois de moins que le record des 18 détenu par le Français Sylvain Chavanel), avait commencé pour lui sous les pires auspices. Dès l’entame de la première étape dont le départ a été donné à Florence, à la première bosse, il décrochait et terminait à l’agonie, entouré de ses équipiers, à près de 40 mn de Bardet, le vainqueur à Rimini ; rebelote le lendemain, avec 25 mn de retard, il évitait de justesse l’élimination ; à l’arrivée à Turin, il ne participait même pas au sprint massif remporté par l’Erythréen Girmay, le premier Africain noir à gagner une étape[2] ; pour les commentateurs, il ne faisait plus le moindre doute : la « boule de nerf » ainsi que L’Equipe l’avait qualifié était émoussée, le record n’était plus à sa portée ; à la 4ème étape, celle du col du Galibier, il franchit la ligne avec 36 bonnes minutes de débours, échappant de peu au couperet des délais.

Bilan, en quatre jours, il accuse un retard de 1h37’50’’, et se retrouve 170ème au général, devançant de quatre places la « lanterne rouge » (dernier), son dévoué serviteur, son chien de garde, le Danois Michael Morkov.

Il se faufile parmi les grosses cuisses

Puis, miracle à la relative courte 5ème étape, 177,4 km entre Saint-Jean-de Maurienne Saint-Vulbas, à 39 ans et 41 jours, ce qui fait de lui le second plus âgé du peloton, et celui qui cumule le plus de participations, le bougon et inusable « Cav », comme il est surnommé dans le milieu, recouvre l’explosivité de ses jeunes années, au point même de faire sauter sa chaîne et son dérailleur juste en franchissant la ligne avec une bonne longueur d’avance sur le second. Dès lors, on peut se demander si sa galère du début n’a pas été à la fois un cirque pour leurrer ses rivaux et une tactique pour s’économiser. Le vélo, comme la guerre, c’est l’art de la roublardise.

Il a mené son sprint en main de maître. Son équipe a monté son train à une bonne dizaine de kilomètres de l’arrivée et s’est maintenue aux avants postes pour l’amener aux 300 mètres. Le train consiste à se mettre tous les coureurs de l’équipe en ligne pour lancer le sprinteur en s’écartant les uns après les autres. Le dernier à s’écarter est appelé le poisson pilote dont la tâche est de propulser son sprinteur à l’approche des 100/150 m. Or, d’après les vues d’hélicoptères, Cavendish avait perdu le sien aux 300/400 mètres, se retrouvant enfermé dans la meute des « grosses cuisses » (nom donné aux sprinteurs). Logiquement, il était piégé mais, en habile héritier de ses débuts en course de vitesse sur la piste, avec une audace téméraire, il a su se faufiler entre les roues de ses adversaires à l’instar d’une souris qui fuit, se rabattre de la droite de la chaussée sur la gauche pour fermer la porte le long des balustrades et mettre une, deux, trois longueurs à ses suivants. Un cas d’école, ce sprint…

Cavendish a débuté sa carrière sur les vélodromes. Le cyclisme sur route était peu pratiqué à cette époque en Grande Bretagne. Il sera même deux fois champion du monde en Américaine (2005 et 2008 en équipe notamment avec Bradey Wiggins, premier Anglais à gagner le Tour de France en 2012). En 2005, il s’essaie à la route. Il remporte dès cette première année 11 victoires, un record pour un débutant professionnel.

Sa première étape sur le Tour, il l’a gagnée le 9 juillet 2008 à Châteauroux. En tout, il en capitalise 55 sur les trois Grands tours (France, Italie et Espagne), probablement un record aussi. Il fait aussi partie de ce club très fermé des 25 coureurs qui ont revêtu le maillot de leader dans les trois Grands tours. Il cumule en tout 168 victoires, toutes au sprint ce qui fait de lui le meilleur de cette spécialité qui allie subtilité et brutalité. Les grands sprinteurs sont des trompe-la-mort. À plus de 70km/h, ils foncent sans protection hormis celle du casque coude-à-coude vers une victoire qui leur échappe souvent. Gagner un sprint, c’est un orgasme…

Le record de Cavendish a éclipsé deux événements de cette 5ème étape. Pour la première fois, un coureur Africain noir, Biniam Girmay, vainqueur déjà pour une première fois d’une étape du Tour à Turin, lundi, a revêtu mercredi le maillot vert du classement aux points grâce à une 9ème place. Son ambition est de rallier Nice, arrivée du Tour, avec… Ce qui serait une première fois historique : un Noir en vert… L’autre événement, c’est Pogacar, détenteur du jaune et grand favori, qui a évité de justesse une chute qui aurait pu avoir de lourdes conséquences pour lui, voire provoquer son abandon. Dû à un moment d’inattention, il a failli de très peu heurter un panneau de signalisation placé en l’entrée d’un plot situé au milieu de chaussée. Pour l’esquiver, il a fait un écart qui a entraîné la chute, sans gravité, de cinq coureurs qui étaient dans son sillage… Est-ce le signe prémonitoire que la chance est avec lui, que le mauvais sort l’épargnera ?… 


Le record des victoires d’étapes sur le Tour de France qu’a établi mercredi Mark Cavendish a une particularité : il les a toutes gagnées
au sprint à la différence de tous autres coureurs qui figurent au palmarès. Ce qui fait de lui l’incontestable meilleur sprinteur de tous les temps. Son record risque fort de tenir très longtemps. Il paraît même la durée des carrières de plus en plus courtes éternel.

Voici la liste des plus nombreux vainqueurs d’étape.
1- Marck Cavendish : 35
2- Eddy Merckx : 34
3- Bernard Hinault : 28
4- André Leducq (vainqueur du Tour en 1930 et 32) : 25
5- André Darrigade (le Cavendish des années 50/60) :22
(…)
9 – Jacques Anquetil : 16
(…)
12 – Tajed Pogacar : 12 (pour le moment)

    


[1] Thomas Cavendish (1560-1592), intrépide corsaire anglais, surnommé Le Navigateur, le troisième marin avoir réalisé une circumnavigation autour du monde après celles, la deuxième de Francis Drake (1540-1596), et de la première de Magellan-Elcano. Il est aussi le premier corsaire à avoir arraisonné le prétendu imprenable Galion de Manille qui ramenait de fabuleuses richesses de toutes sortes des Philippines au Mexique, deux possessions espagnoles.

[2] https://www.causeur.fr/tour-de-france-biniam-girmay-richard-carapaz-286753

Le front républicain anti-RN a trouvé son hymne!

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Les rappeurs entrent dans le jeu politique, en apportant leur soutien au front républicain avec un hymne enlevé: No Pasarán. Fulgurante créativité ! Reste que quand vos « punchlines » sont plus partagées par Bardella, Le Pen et Ciotti que par ceux que vous soutenez, c’est que vous avez peut-être raté quelque chose… Complotisme, insultes misogynes, glorification de l’ultra-violence et couplets à la limite de l’antisémitisme: les artistes des «quartiers populaires» ont fait très fort.


Proclamé le 30 juin à 20h01, le « Front Républicain contre le RN » ne cesse d’inspirer des réalisations artistiques à sa mesure ! Ainsi, le soir même de son instauration, ses militants mettaient à jour la statue de la République (voir photos ci-dessous), place du même nom, l’entourant de drapeaux algériens et palestiniens (Pardon ? Ah, non, pas de drapeaux français. Pour quoi faire ? Il est ici question de République, pas de France) et l’ornant d’inscriptions à la gloire de l’Idéal Républicain : « ACAB, PALESTINE, FUCK ISRAEL, NIK LE RN, A bas l’état et les partis, Pays de fachos pays de la honte, FREE GAZA, BRULER TOUS, NFP, ANTIFA, Mort aux Faf, NIQUE BARDELLA, NIQUE LA BAC, HERE IS PALESTINE. »

Parfaite représentation de la République telle que la veut le Front Républicain ! Cette merveilleuse alliance, allant de Raphaël Arnault, qui au soir du 7 octobre fit l’éloge du Hamas, jusqu’à Emmanuel Macron, qui fit chasser Israël du salon Eurosatory et autorisa l’ambassadeur de France à l’ONU à rendre hommage au Boucher de Téhéran – en passant par Nicole Belloubet, qui voulut rétablir le délit de blasphème et condamner Mila, Nassira El Moaddem, qui qualifie la France de « pays de racistes dégénérés », Eric Dupond-Moretti, qui déclara que défendre Abdelkader Merah était « un honneur », et Rima Hassan, qui affirme que « Israël a des chiens entraînés pour violer des Palestiniens dans les centres de détention. »

Mais les arts visuels ne suffisent pas. Dès l’origine, cette allégorie sublime de la République idéale, réunissant dans ses bras aimants Jean-Luc Mélenchon (ancien du PS), Emmanuel Macron (ancien du PS) et Gabriel Attal (ancien du PS), sous la sage égide du Conseil Constitutionnel de Laurent Fabius (du PS) et l’œil vigilant de la Cour des Comptes de Pierre Moscovici (du PS), fut accompagnée de mélopées telles que : « Qui sème la haagrah récolte l’intifada » ou encore « Israël casse-toi, la Palestine n’est pas à toi ». S’y ajoute désormais un chant qui mérite de devenir l’hymne du Front Républicain, un chant d’audace, de non-conformisme, de révolte engagée, d’esprit de résistance, un chant qui restera la mise en mots et en musique ultime des Valeurs de la République, à l’évocation enchanteresse et salvifique desquelles quiconque n’est pas un populiste, complotiste, nostalgique du bruit des bottes du ventre toujours fécond des heures les plus sombres, ne peut que se mobiliser pour s’opposer aux hordes démoniaques du RN.

Un chant, disais-je, ou plutôt un immortel cantique, composé par vingt rappeurs et nommé : No Pasarán. Fulgurante créativité.

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La presse (subventionnée) ne s’y est pas trompée : « Bourré de punchlines incisives » pour Le Parisien, « Une variété d’angles assez enthousiasmante » nous dit Libé« Incisif dans ses paroles » d’après France Info, « Pari risqué mais au moins tenté » aux yeux du Monde, et cette analyse des Inrocks « Si l’on a pu parfois reprocher au rap français son mutisme politique, ayant tendance à centrer dorénavant son propos sur la quête de fric, tout en l’émaillant d’insultes graveleuses et misogynes à souhait, il semble que la scène actuelle se soit ressaisie. »

Et avouons que ce ressaisissement est… saisissant. Jugez-en, lecteurs, à ce florilège de citations tirées de l’œuvre (pardon, de l’Œuvre) :

« Pour les p’tits frères on s’inquiète » sur fond d’images de la mort de Nahel.

« Ferme les frontières mais la dope remontera de Marbella. »

« Si les fachos passent, je vais sortir avec big calibre. »

« J’recharge le kalachnikov en Louis Vuitton comme Ramzan Kadyrov », les gardiens du temple de tout ce qui est républicain (front, arc, champ, valeurs, printemps), qui voient des complots russes partout mais de l’ingérence qatarie nulle part, apprécieront à sa juste valeur cette référence de leurs nouveaux alliés…

« Nique l’imam Chalgoumi et ceux qui suivent le Sheitan à tout prix. »

« Marine et Marion les putes, un coup de bâton sur ces chiennes en rut. »

« Espèce de franc-maçon tu te nourris du sang que tu consommes », sans doute un hommage (républicain, bien sûr) au grand maître du Grand Orient de France qui a écrit que « Tout doit être fait pour empêcher que l’extrême droite ne devienne majoritaire dimanche prochain à l’Assemblée nationale », et fait donc partie du même Front Républicain que les 20 rappeurs.

« Dans leurs ambassades c’est le sheytan qui les passionne » : référence religieuse normale, c’est de l’Église que l’État républicain du Front Républicain est séparé, pas de la mosquée (surtout quand cette mosquée banalise auprès des enfants les conversions forcées et la violence contre les apostats, mais bref).

« Normal que Sheythanyahou soit le blanc qui assure leur contact » avec la photo de Benyamin Netanyahou pour ceux qui n’auraient pas compris.

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« Les bavures tous ces policiers adorent ça. »

« Et mon cœur est en Palestine. »

« J’récite ma haine contre leur électorat » : le Front Républicain, c’est connu, lutte contre la haine sauf quand il s’agit de haïr les douze millions d’électeurs du RN, là c’est différent, parce que c’est pas pareil.

« Vive la Palestine de la Seine au Jourdain. »

« Sa mère faut pas qu’ils passent, y’a mon pote sous OQTF. »

Parmi les auteurs, on citera Alkpote qualifiant Laurent Ruquier de « monstruosité qui pue le sperme » et de « pute homosexuelle » et rappant « allons brûler les locaux de Charlie Hebdo »« j’encule les sionistes »« j’repense à Mostefaï et Coulibaly », ou Fianso « j’repasse avec le pompe devant la mezouza ». Mais ils sont engagés contre le RN, donc tout va bien, et puis vous n’avez pas les codes, il serait absurde de surinterpréter ce qui n’est que licence poétique, tout ça.

On me dira que je fais du mauvais esprit. Que ce clip de rap n’est qu’un clip de rap, qui n’engage que ses auteurs (et encore). Que tous ceux qui appellent à « faire barrage » n’en partagent pas forcément tout le message (même si… le fait qu’ils tentent tous de faire croire à leurs électeurs que la sauvegarde de la République impose de soutenir le parti de Rima Hassan, David Guiraud et Louis Boyard contre celui de Malika Sorel, Guillaume Bigot et Charles Prats en dit très long sur eux). Certes, certes.

Alors je vais être sérieux.

Le 7 octobre a été une abomination sans nom. Au cri de « Allah akbar », une horreur comparable aux sacrifices humains que les carthaginois offraient à Moloch. Le jour même, le Hamas en a diffusé les images. Le jour même, la surenchère dans le sadisme était évidente : ce groupe terroriste islamiste venait d’assassiner, de torturer, de violer des femmes et des hommes sous les yeux de leurs conjoints, des parents sous les yeux de leurs enfants, des enfants sous les yeux de leurs parents, encore et encore, avant de tous les enlever ou les massacrer. Et de s’en vanter à la face du monde.

Eh bien. Le Front Républicain contre le RN, c’est quand le président de la République et le Premier ministre font alliance avec un homme, Raphaël Arnault, qui le 7 octobre a écrit : « 75 ans de colonialisme, de racisme et d’attaques meurtrières de l’État israélien. À tout instant : solidarité avec le peuple palestinien. Aujourd’hui, la résistance palestinienne a lancé une offensive sans précédent sur l’État colonial d’Israël. Les représailles ne se sont pas fait attendre (….) Cette violence n’a qu’une seule racine : le projet colonial israélien. (etc) » Voilà ce qu’est le Front Républicain. Pensez-y, dimanche. Le 7 juillet, souvenez-vous du 7 octobre.

La France doit affronter son antisémitisme croissant

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Le témoignage poignant de Mme Sharren Haskel, membre de la Knesset en Israël, dont la grand-mère de 88 ans vient d’être victime d’une agression dans le Val-d’Oise. La vieille dame dit avoir été rouée de coups, et traitée de « sale juive », à Saint-Brice-sous-Forêt la semaine dernière. Une enquête a été ouverte par le parquet de Pontoise et des investigations sont en cours, rapporte Le Figaro.


Alors qu’une grand-mère de 88 ans gisait sur le sol froid de Saint-Brice en région parisienne, brutalement battue pour la simple raison qu’elle était juive, nous sommes rappelés à une sombre réalité. La France, pays renommé pour ses valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, échoue à protéger ses citoyens juifs. L’attaque violente contre ma grand-mère n’est pas un incident isolé mais fait partie d’une tendance omniprésente et croissante de violences antisémites qui a saisi le pays.

Après avoir quitté le Maroc, ma famille a trouvé refuge en France, espérant y trouver sécurité et acceptation. Depuis un certain temps, ma grand-mère, comme de nombreux autres juifs en France, a fait face à un harcèlement et une violence constants. Les rues, les métros et même les déplacements ordinaires à la Poste sont parfois devenus dangereux, marqués par des agressions, des crachats et des injures haineuses.

Cette agression continue découle d’un problème plus profond : la montée des idéologies islamistes radicales qui ont pris racine dans certaines parties de l’Europe, en particulier en France. Les gouvernements français successifs ont fermé les yeux sur cette menace croissante, échouant à protéger les communautés des attaques terroristes, de la violence quotidienne et du racisme systémique. Cette négligence a enhardi les groupes extrémistes, faisant de la France un point focal pour leurs agendas haineux.

Mon parcours personnel souligne cette triste réalité. À seulement neuf ans, je me suis retrouvée dans une bagarre à la gare de Sarcelles, défendant mon cousin d’une attaque. En tant que membre de la Knesset en Israël aujourd’hui, combattre l’antisémitisme n’est pas seulement un devoir ; c’est une mission née de l’expérience personnelle. En Israël, les enfants juifs sont à l’abri de la haine que j’ai rencontrée pour la première fois à Paris à l’âge de sept ans, lorsqu’un enfant m’a traité de « sale juive » et m’a craché dessus dans un terrain de jeu.

Le massacre du 7 octobre, marqué par une brutalité inimaginable, est un appel au réveil pour chaque citoyen français. Ces actes odieux font partie d’un agenda plus large de l’islamisme radical dirigé par l’Iran, visant la domination mondiale. Les images horribles du 7 octobre devraient servir de rappel frappant des conséquences lorsque de telles idéologies sont laissées sans contrôle.

Il est temps que les institutions juives françaises se fassent respecter et fassent respecter la population juive française. Il est temps d’exiger l’arrêt de la propagande anti-israélienne d’État – l’Agence France Presse et les médias publics français en tête – qui a nourri cet antisémitisme croissant. L’acte antisémite qui a frappé ma grand-mère a été dissimulé pour éviter de faire monter le Rassemblement national au moment des élections et faire le jeu du gouvernement actuel qui s’allie maintenant avec les pires antisémites de la LFI. Ce silence sur ces actes antisémites doit cesser.

La France doit reconnaître que bien qu’Israël soit en première ligne, la menace plane également sur l’Europe. L’histoire a montré que la violence antisémite précède souvent des troubles sociétaux plus larges. Les juifs sont fréquemment les premières cibles, mais ils ne sont jamais les derniers. Si la France ne peut pas protéger sa population juive, la communauté française au sens large est maintenant en danger.

Mon appel aux habitants de la France est sans équivoque : défendez la diversité, protégez les minorités et soyez ferme contre l’intolérance. L’avenir de votre nation dépend de votre capacité à maintenir ces valeurs. Si la France échoue à protéger ses citoyens juifs, elle échouera inévitablement à protéger sa propre identité et son intégrité.

Je vais exhorter ma grand-mère à nous rejoindre en Israël, pays dans lequel elle aurait dû venir depuis bien longtemps. Mais que ceci serve d’avertissement : lorsque les juifs seront partis, les Français autochtones seront les prochains à devoir partir ou se soumettre. La France doit agir de manière décisive, en veillant à ce que ses principes de liberté, d’égalité et de fraternité ne soient pas seulement des mots, mais une réalité vécue pour tous ses citoyens, quelle que soit leur foi ou leur origine. Il est temps pour la France d’affronter son antisémitisme croissant avec la force et la détermination que son histoire et sa culture exigent.

Débat raté de Joe Biden: même des médias démocrates demandent maintenant son départ

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Le président amércain Joe Biden et sa femme Jill, à la fin du débat l'opposant à Donald Trump retransmis sur CNN, Atlanta, 28 juin 2024 © Gerald Herbert/AP/SIPA

« Bad debate nights happen » observe Barack Obama. Reste que les voix se multiplient appelant le président américain à se désister, et des noms de remplaçants potentiels circulent déjà. Mais pour l’instant, Joe Biden tient bon, et maintient la candidature à sa réélection. Le prochain débat face à Trump aura lieu en septembre.


Le premier débat opposant les deux candidats, Donald Trump et Joe Biden, a largement tourné en faveur du candidat républicain. Or cette victoire ressemble plus à une défaite de la part de l’actuel président américain qui, déboussolé, s’est même vu attaqué par les médias de son propre camp qui demandent son remplacement par un autre démocrate.

C’était un débat à sens unique. Face à un Donald Trump sûr de lui-même, ne craignant pas de réaffirmer ses positions sur les élections de 2021, s’avançait un Joe Biden malade (comme l’a confirmé un communiqué de la Maison-Blanche quelque temps après le début du débat[1]), impuissant et bien souvent incompréhensible.

Le candidat démocrate a payé cher la déroute occasionnée par ce mauvais débat, nouveau signe de sa faiblesse. À 81 ans pourtant, il était essentiel pour Joe Biden de montrer à l’ensemble de ses partisans qu’il a les capacités de tenir sa place à la Maison-Blanche pour les quatre prochaines années. Malgré lui, ce n’est pas l’image qu’il a montrée à l’ensemble de la nation américaine.

Joe Biden : un président affaibli

Joe Biden est sorti de ce débat encore plus affaibli qu’il ne l’était en y entrant. Un mois plus tôt, une étude menée par Gallup présentait déjà le président sortant comme le président américain le moins bien coté de l’histoire des États-Unis au treizième mois de son premier mandat (cf. notre tableau ci-dessous). La situation alarmante de sa cote de popularité, qui n’a fait que baisser lors des quatre dernières années, est aussi à souligner[2].

Le taux d’approbation des présidents américains lors de leur dernier semestre à la Maison-Blanche (seulement sur leur premier terme électoral). © Gallup


Mais s’il partait déjà en position de vaincu, le débat du 28 juin n’a fait qu’empirer son image, les internautes ne se privant pas de ridiculiser encore plus le candidat démocrate à travers de nombreux memes. Les vidéos d’un Biden désorienté, incapable de finir ses phrases ou même de quitter le plateau télé sans aide, tournent en boucle sur les réseaux.

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La vidéo la plus connue est certainement celle avec cette pique lancée par Donald Trump à la suite d’une énième phrase incompréhensible du président américain : « I really don’t know what he said at the end of that sentence. And I don’t think he knows what he said, either ». Mais si Biden a tant souffert de la comparaison avec son homologue républicain, c’est bel et bien son camp qui en a subi les conséquences.

La réaction du camp démocrate

Au lendemain du débat, Joe Biden se retrouve accablé par de nombreux médias de son propre camp, analysant la situation comme catastrophique. Pour certains, comme John King, correspondant national en chef de CNN, le débat n’a fait qu’accentuer la panique dans le camp démocrate : « There is a deep, wide, and very aggressive panic in the Democratic Party »[3]. Cette panique généralisée a même poussé les démocrates à chercher des alternatives en vue des élections de novembre. Ainsi, les noms de Gavin Newsome, actuel gouverneur de Californie, et celui de Gretchen Whitmer, actuel gouverneur du Michigan, sont sortis, même si l’actuelle vice-présidente de Biden, Kamala Harris, reste en position de tête. Dans la même soirée, le New York Times, pourtant média à tendance démocrate, n’a pas hésité à appeler le président Biden à partir : « To serve his country, president Biden should leave the race »[4].

Depuis vendredi dernier, les tribunes appelant le président Biden à laisser sa place se sont multipliées. Que ce soit le NY Times, The Hill, The Chicago Tribune, The Atlanta Journal-Constitution ou encore The New Yorker, pour eux, c’est clair, le camp démocrate doit ouvrir les yeux et remplacer au plus vite un Joe Biden souffrant. Selon une toute récente étude menée par Reuters et Ipsos datant du mardi 2 juillet, soit quatre jours après le débat, un démocrate sur trois pense que l’actuel candidat du parti démocrate devrait abandonner au profit d’un autre candidat[5]. Malgré cela, aucun autre candidat hypothétique n’apparaît assez puissant pour faire tomber Donald Trump.

Comment rebondir pour les démocrates

Si le camp démocrate semble s’être remis de ce « mauvais débat », comme le qualifiait Barack Obama sur X (« Bad debate nights happen »[6]), c’est bien plutôt qu’il tente de…

La fin de l’article est à retrouver sur le site de la revue Conflits


[1] Biden has a cold, sources says

[2] Biden’s 13th-Quarter Approval Average Lowest Historically

[3] https://x.com/_waleedshahid/status/1806528042291896360

[4] Opinion | To Serve His Country, President Biden Should Leave the Race – The New York Times

[5]https://www.reuters.com/world/us/one-three-democrats-think-biden-should-quit-race-reutersipsos-poll-finds-2024-07-02/

[6]https://x.com/BarackObama/status/1806758633230709017?ref_src=twsrc%5Egoogle%7Ctwcamp%5Eserp%7Ctwgr%5Etweet%7Ctwtr%5Etrue

Chocs et désistements

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Le député LFI islamo-gauchiste David Guiraud (ici photographié en avril à Roubaix) bénéficiera du retrait du candidat soutenu par Macron dans sa circonscription dimanche © FRANCOIS GREUEZ/SIPA

Depuis le dimanche 9 juin, il y a moins d’un mois, nous avons subi une série de chocs et de surprises. Elles ont ébranlé certaines de mes convictions… La chronique politique de Richard Prasquier


Le premier choc ne fut pas le score du RN aux élections européennes, parfaitement conforme aux prévisions, mais évidemment l’annonce par le président de la République de la dissolution de l’Assemblée nationale. Je ne vais pas m’appesantir sur les ressorts probables de cette décision qui d’emblée m’a paru funeste comme elle l’a paru au commun des mortels. Nul doute que les historiens et les psychanalystes en feront un objet d’études. Le deuxième choc, ce fut la création dès le lendemain du Nouveau Front populaire entre LFI, le PS, les écologistes, les communistes et même le NPA, le groupuscule des extrêmes. Des gens qui s’insultaient copieusement et dont les positions sont parfaitement hétéroclites pouvaient faire un programme d’union auquel peu d’entre eux devaient croire qu’il pût aboutir à autre chose qu’un séisme économique, alors que les macroniens et les Républicains qui n’ont pas suivi Éric Ciotti, n’arrivaient même pas à passer un simple accord électoral, ce qui les a mis en loques pour le second tour, où ils seront souvent absents alors qu’ils représentent 40% de l’électorat. Des résultats du premier tour, je retiens deux images, et c’est mon troisième choc : la Place de la République couverte de drapeaux palestiniens et algériens et Jean-Luc Mélenchon appelant au barrage républicain contre le Rassemblement national. À ses côtés, une jeune femme en keffieh, Rima Hassan, qui venait d’accuser l’armée israélienne d’entrainer des chiens pour violer les prisonniers palestiniens. Pour Mélenchon, cette diffamation lui convient, ce qui compte c’est que Rima Hassan est très populaire chez les Insoumis, malgré ou plutôt à cause de ses mensonges. L’homme qui, à propos de la phrase ignoble qualifiant la mort de policiers de vote en moins pour le RN, a dit qu’on avait bien le droit de rigoler, vit dans un monde sans vérité où les mots n’importent que s’ils peuvent rapprocher du pouvoir. Ce pouvoir, chacun comprend que dans le Nouveau Front Populaire, c’est lui qui l’exerce, quoi qu’en disent ses ternes comparses, et que l’antisémitisme ne gêne en rien ses nombreux et jeunes partisans, puisqu’il porte le nom d’antisionisme et que le sionisme, chaque Insoumis le sait, c’est le nazisme.

Paris, 30 juin 2024. DR.

À Roubaix, un désistement incompréhensible de la majorité sortante

C’est ensuite que j’ai subi mon quatrième choc. À Roubaix, trois candidats sont qualifiés au second tour. Le LFI, c’est David Guiraud. Il est célèbre depuis ses propos particulièrement abjects envers les Israéliens prononcés à Tunis en novembre. Il y a ajouté plus tard des allusions aux « dragons célestes », personnages de mangas qui servent de nom de code pour parler des Juifs. Il tire sa connaissance du conflit israélo-arabe de sa fréquentation assidue de Dieudonné et Soral, deux personnages chez qui la haine des Juifs sert de passerelle entre l’extrême droite et l’extrême gauche. Son adversaire RN est un garçon de 21 ans, Ethan Leys, qui, en raison du harcèlement et des menaces de mort qu’il reçoit, et pour lesquels il dépose plainte, se terre et fait une campagne a minima. Il y a un troisième candidat qualifié, Tarik Mekki, du parti présidentiel, mais il se retire de la triangulaire en faveur de David Guiraud et explique que ce dernier incarne des valeurs plus proches des siennes que celles portées par le candidat du Rassemblement national. Sans commentaires…

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On dit que Tarik Mekki n’est qu’un candidat « soutenu » par Ensemble mais qu’il n’est membre d’aucun des partis de la coalition. Mais, on aurait au moins aimé une critique des dirigeants de cette coalition. Rien… M. Stéphane Séjourné, délégué général d’Ensemble et futur ex-Ministre des Affaires Étrangères, est particulièrement silencieux sur le sujet, tout à son bonheur d’être bien placé dans la circonscription sans risque qu’il s’est généreusement octroyée pour ces élections. Une soixantaine de candidats Ensemble se sont désistés pour le FNP, et parmi eux à plusieurs reprises pour un candidat LFI, ce qui facilite par réciprocité le sauvetage de candidats tels que Gérald Darmanin ou Elisabeth Borne. Certains diront que c’est de la bonne politique. Raymond Aron a rappelé que la politique est amorale, et souvent immorale. Des personnalités d’Ensemble ont heureusement protesté contre ces désistements en faveur du LFI. Pour moi, c’est une forfaiture. Soutenir David Guiraud ou Louis Boyard, qui a refusé la moindre critique du Hamas après le 7 octobre, signifie que l’on considère la lutte contre l’antisémitisme comme un thème complètement secondaire. Les Juifs ont connu cela tout au long de leur histoire. C’est pourquoi l’État d’Israël fut créé.

Les intrigantes noces des Juifs et du RN

Devant le danger représenté par LFI, le temps était peut-être venu de regarder différemment le Rassemblement national. Toute ma vie, j’ai tenu le parti de Jean-Marie Le Pen en abomination, mais il fallait cependant admettre que le discours de Marine Le Pen diffère depuis plusieurs années de celui de son père. Dans un récent article du Figaro, elle s’exprime de façon impeccable sur la collaboration, l’antisémitisme et la Shoah. Les paroles des dirigeants du RN après les événements du 7 octobre ont montré une empathie pour Israël qu’on aurait aimé trouver ailleurs. Petit accroc quand Bardella estime que Jean-Marie Le Pen n’est pas antisémite. Il se corrige vite, trop vite peut-être pour qu’on croie en la solidité de ses convictions. Je me suis rappelé de La Main du Diable, le livre de Jonathan Hayoun et Judith Cohen Solal sorti il y a cinq ans qui concluait que le discours contre l’antisémitisme n’était qu’une façade. Il y avait aussi le long compagnonnage de Marine le Pen avec les pires gudards du Front National, Loustau et Chatillon, les préposés à la castagne et à l’agit prop, les parrains, d’ailleurs, de Soral et Dieudonné. Mais on nous assurait que ces personnages avaient perdu leur influence.

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Certains Juifs, en colère contre l’impuissance envers l’emprise islamiste sur notre société et la haine d’Israël qu’elle véhicule, ont voté pour le RN dès le premier tour. En ce qui me concerne, j’ai toujours pensé au contraire que malgré les agacements, les frustrations et les colères, c’est dans les partis traditionnels que se trouvent les valeurs humanistes qui représentent les espoirs les plus solides pour Israël et les Juifs. Mais l’arrivée de LFI au pouvoir impliquerait que ceux-ci fassent leurs valises, sauf à devenir des dhimmis, interdits d’expression sous l’effet de cette cancel culture que des esprits dérangés prennent pour le summum de la démocratie. C’est pourquoi la mise en équivalence des deux extrémismes de droite et de gauche m’a paru dépassée: entre un candidat LFI et un candidat RN, je choisirais aujourd’hui le RN  et je ne voterais pas blanc car c’est voter pour le futur vainqueur et rien d’autre.

Mais, et c’est là mon cinquième choc, je sais aujourd’hui que je serais peut-être naïf. L’enquête du journaliste Pierre Stéphane Fort sur la face cachée de Jordan Bardella et sur l’influence déterminante de Frédéric Chatillon sur son parcours politique, enquête qu’a présentée Caroline Fourest dans Franc-Tireur, suggère que les fondamentaux n’ont malheureusement pas changé. Que peut-on en conclure? Dans un milieu catholique, que les Juifs ne doivent pas donner au Rassemblement national le Bon Dieu sans confession. En milieu juif, je dirais qu’il faudra se fier aux actes plutôt qu’aux paroles. 

Charles Pasqua disait, avec le cynisme goguenard dont il était coutumier, que les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Mais il arrive aussi que les paroles obligent et qu’on adapte ses actes aux paroles qu’on a prononcées parfois avec légèreté. En dehors de certains obsessionnels manipulateurs, les individus n’aiment pas se révéler incohérents ou hypocrites dans notre culture dont la dissimulation (certains diront la taqiya…) ne fait pas encore partie. L’hypocrisie, dit La Rochefoucauld, est l’hommage que le vice rend à la vertu. À force d’être hypocrite on finit parfois par devenir vertueux. Le Rassemblement national prétend désormais être un rempart contre l’antisémitisme. S’il vient au pouvoir, nous observerons ses actions et nous ne l’estimerons pas à l’aune de nos préjugés.

La main du diable: Comment l'extrême droite a voulu séduire les Juifs de France

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Judith Magre, une vie à jouer

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Judith Magre joue les monologues de Racine, Théâtre du Poche-Montparnasse, 2024. © Sébastian Toubon

Judith Magre a tout donné au théâtre et au cinéma. Elle a travaillé avec Julien Duvivier et Sacha Guitry, Jean Vilar et Gaby Morlay, Fernandel et Jean Poiret, jusqu’à François Ozon et Paul Verhoeven. Et à 97 ans, elle continue de brûler les planches ! Rencontre avec une actrice qui ne se prive de rien.


Judith Magre est une reine des planches. Un monstre de théâtre. À 97 ans, elle est l’histoire du théâtre. Des aventures et des époques, elle en a traversé. Jean-Louis Barrault, Claude Régy, Jean Le Poulain, Jacques Charon, Jean Vilar, Jorge Lavelli ou encore Georges Wilson l’ont mise en scène. Au cinéma aussi ! On l’a vue tourner sous la direction de Sacha Guitry, Julien Duvivier, Louis Malle, René Clair, Claude Lelouch ou plus récemment François Ozon et Paul Verhoeven. Elle a partagé la scène avec Jacqueline Maillan, Madeleine Renaud, Laurent Terzieff, Denise Grey, Suzanne Flon, Charles Denner, Jean-Louis Trintignant, Jean Poiret, Michel Serrault et Gaby Morlay. Depuis ses débuts, à la fin des années 1940, elle n’a jamais arrêté un seul instant. Jouer, jouer et jouer encore. Quand elle n’est pas sur scène, elle a l’impression d’être « un tas inutile ». Mais Judith Magre est avant tout une curiosité, une créature. Une apparition ! Elle intrigue, elle fascine. Elle distille le mystère. Son visage est un masque antique. On ne sait ce qui se cache derrière. On s’interroge. C’est un masque de théâtre. Judith Magre n’est pas une actrice, c’est l’Actrice. Elle est là, sur les planches, elle profère. Elle prête son corps, sa voix et sa musique aux personnages et aux textes qu’elle incarne. La psychologie des personnages, ce n’est pas son truc. Elle croit aux mots. À une journaliste qui lui demandait comment elle s’était préparée pour jouer au théâtre le rôle de la sublime putain et écrivain Grisélidis Réal, en 2014, elle avait répondu : « On m’a donné un texte à dire. Vous savez, les mots, ce n’est pas innocent. » Elle est une femme d’instinct. Elle apprend son texte laborieusement, elle déteste cela. Et lorsqu’enfin il a imprimé sa mémoire, c’est le miracle. Le miracle des acteurs, des grands. Elle est. C’est fait. D’ailleurs, elle a très peu suivi de cours de théâtre. Seulement trois mois au cours Simon ! C’est sur scène qu’elle a tout appris, en jouant. Et, peut-être, en regardant les autres. 

La première fois que j’ai vu Judith Magre, c’était en 2013, dans Dramuscules de Thomas Bernhard. Je me souviens d’un grand frisson parcourant mon corps lors de son entrée en scène et de ses premières répliques. Elle possède cette chose inexplicable : la présence. Il suffit qu’elle soit sur une scène pour que la magie opère, pour que théâtre il y ait. C’est une sorcière. Elle envoûte le spectateur. Comme si elle lui jetait un sort. Sa voix grave et profonde, si particulière, et la cadence mécanique de ses mots décortiqués hypnotisent. Elle charme le public, ce tas de serpents. Judith Magre a tout fait, en tout cas beaucoup. Le confort ? Elle ne connaît pas ! Elle s’engouffre dans les aventures, aujourd’hui encore. Elle a joué le boulevard, la comédie, la tragédie et le drame bourgeois. Les mots d’Eschyle, Sartre, Racine, Shakespeare, Molière, Giraudoux, Anouilh, Claudel, Vauthier, Tennessee Williams, Tchekhov, Bourdet, Ray Cooney, Camus, Copi, Cocteau, Barillet et Grédy, Koltès ou encore Jean-Marie Besset sont sortis de sa bouche teintés de sa voix. Elle a chanté aussi. Un album de chanson française produit par Jacques Canetti. Judith Magre est inclassable. C’est d’ailleurs au cabaret qu’elle s’est fait remarquer. Elle jouait à La Fontaine des Quatre-Saisons le spectacle « Marie-Chantal » de Jacques Chazot, aux côtés de Guy Bedos. Voilà maintenant près de quatre-vingts ans que chaque soir – ou presque – inlassablement, elle se retrouve fardée, sous les projecteurs, pour accomplir ce geste magnifique et absurde : jouer.

Aujourd’hui encore, chaque lundi, elle retrouve la scène du Poche-Montparnasse sur laquelle elle joue les grands monologues des tragédies de Racine. Tour à tour, elle incarne Hermione, Bérénice, Athalie, Phèdre, Agrippine et Roxane. Assise sur un vieux fauteuil de style, dans sa grande robe de velours noir, elle est une apparition éternelle. Son récital de monologues raciniens est plus qu’un simple spectacle. C’est un rite, une messe, un culte dont elle est la déesse. Ses adorateurs, réunis dans l’ombre, profitent encore et encore de son apparition magique. Ils profitent de cette particularité, de cette chose étrange, de cette sensation unique : Judith Magre. 

Judith Magre et Laurent Terzieff dans Nicomède de Corneille, 1964. © AGIP/Bridgeman Images

Elle trouvera que j’en fais trop ; tant pis ! C’est la vérité.

Pour Causeur, je me rends chez elle. Il est 15 heures. Judith hésite entre du champagne et du whisky. Mais il n’est que 15 heures. Qu’importe, Judith veut un whisky. Moi aussi ! Et la bouteille nous accompagne tout l’après-midi. « J’aime boire ! J’ai toujours aimé ça. Le whisky et le champagne. C’est mon petit plaisir ! Et… le caviar ! » Qu’importe l’heure, qu’importe l’âge et le « comme il faut ». Judith Magre est une femme libre, sans tabou. « Je fais ce que je veux, et je ne veux pas qu’on m’emmerde ! » Et ce qu’elle ne veut pas, elle ne le fait pas. Les enfants, par exemple ! Comme Carmen, « libre elle est née, libre elle mourra ». Elle vit pour son art et pour son plaisir. Comme Tosca qui chante « Vissi d’arte, vissi d’amore », elle vit d’art et d’amour. Et la retraite, Judith ? « La retraite ?! 97 ans, c’est un peu tard pour prendre sa retraite ! »


Causeur. Vous êtes ce que l’on appelle une personnalité. Vous avez une voix particulière, une diction et une musicalité bien à vous. Pensez-vous qu’une personnalité, ça se travaille, ça se construit ? Les influences sont-elles importantes ?

Judith Magre. On subit l’influence de tout et de tout le monde. Forcément ! Je n’ai jamais cherché à imiter les grands acteurs que j’ai vus, mais ils ont forcément influencé ma personnalité. 

Qui étaient les acteurs qui vous fascinaient ?

Raimu, Jouvet, Gaby Morlay, Michel Simon… Je garde un grand souvenir de Laurence Olivier et Vivien Leigh que j’avais vus jouer ensemble au Théâtre de l’Odéon dans Titus Andronicus de Shakespeare. J’y étais allée avec Julien Duvivier pour qui je tournais à ce moment-là L’Homme à l’imperméable aux côtés de Fernandel et Bernard Blier. J’admirais aussi beaucoup Marie Bell.

Vous avez vu jouer Marie Bell ? 

Oui ! Je l’ai même bien connue. J’ai joué dans le théâtre qu’elle dirigeait. On s’aimait beaucoup. Et surtout, on a bu beaucoup de coups ensemble. On rigolait bien. On garde aujourd’hui l’image de la tragédienne, mais c’était une bonne femme très marrante. J’ai connu tellement de gens, de grands acteurs, de grands auteurs… quand on les connaît dans la vie, quand on devient amis avec eux, ils deviennent des amis comme les autres. Sartre par exemple ! J’ai joué trois pièces de lui. Nous sommes devenus très proches. Je l’admirais beaucoup, mais quand j’étais avec lui on ne pensait qu’a rire et à boire.

Vous avez souvent joué la tragédie ?

Non, très peu. J’ai joué Bajazet pour la télévision. Phèdre, en tournée. Et Horace de Corneille pour la télévision aussi. Ce n’est pas ma spécialité. Je n’ai d’ailleurs pas de spécialité. J’ai fait tout et n’importe quoi, selon ce qu’on me proposait. Si les propositions me plaisaient, quel que soit le style, je les acceptais.

Quel rapport avez-vous à l’alexandrin ?

Pas de rapport spécial ! Je respecte ses douze pieds et voilà tout. Je me souviens que lorsque Maurice Escande – qui était un acteur extraordinaire – jouait l’alexandrin, quand il avait un trou de texte, comme il ne pouvait pas improviser afin de respecter le nombre de pieds, disait « tatatatata… » avec le bon nombre de « ta » pour ne pas casser la musique !

Parlons de l’actualité… Vous avez signé la tribune de soutien à Gérard Depardieu. Cela vous a-t-il causé des ennuis ? 

Sûrement pas ! Personne ne m’a emmerdée. D’ailleurs, si on avait essayé… (Rires.) Mais qui voulez-vous qui m’emmerde ? Dans le théâtre dans lequel je jouais à ce moment-là, le Poche-Montparnasse, personne n’a fait la moindre remarque. Notez que dans ce théâtre, dans lequel plusieurs spectacles se jouent en même temps, toutes les actrices ont alors signé : Myriam Boyer, Brigitte Fossey et moi. Gérard Depardieu est un ami. Je l’ai bien connu. Pour moi, ce n’est pas un violeur, point. Je l’aime.

Vous, on ne vous a pas embêtée. Mais beaucoup de signataires ont eu des pressions de leur agent, de directeurs de théâtre, de producteurs…

Même si j’avais été dans cette situation, je n’aurais pas retiré ma signature. J’ai signé, j’ai signé. Point. Il y en a qui ont la trouille, ça les regarde. Je ne peux pas me mettre à leur place. Une fois qu’on a signé, comment peut-on retirer sa signature ? Franchement… c’est ridicule.

Que vous inspire la moralisation de la vie artistique ?

Je ne me suis jamais vraiment préoccupée de la morale. Ni de la mienne, ni de celle des autres ! Je n’ai jamais fait de mal à personne. Mais là, ce qui se passe dépasse la morale. Je ne peux pas comprendre qu’on vive avec un mec pendant cinq ans puis, qu’un beau jour, on se rende compte qu’on était sous emprise, qu’on n’était pas consentante. Tout cela est pathétique. Et ça détruit des vies. La connerie, la méchanceté et la haine ont toujours existé. MeToo est le mode d’expression actuelle de toute cette horreur.

Que pensez-vous de la notion d’emprise ?

C’est tellement con. On découvre la lune ! Quand on est amoureux, on est sous emprise. C’est ça l’amour.

Dans votre vie d’actrice, vous n’avez jamais été victime d’agression sexuelle ?

Jamais. On ne m’a même jamais mis la main aux fesses, et pourtant elles étaient belles ! Et si quelqu’un l’avait mise, je lui aurais demandé de la retirer. Sans en être choquée. J’ai toujours été une femme libre et ne me suis jamais sentie la victime de qui que ce soit.

En parlant de liberté, avez-vous vécu Mai 68 comme une libération, notamment sexuelle ?

J’ai toujours été libérée sexuellement : je n’ai pas attendu Mai 68 ! J’ai toujours fait ce que je voulais. Je n’attends pas les modes ou les autorisations pour faire ce qui me plaît.

Vous êtes anti-MeToo, mais autrefois, vous étiez féministe.

Moi féministe ? Non !

Vous aviez pourtant signé le « Manifeste des 343 salopes » en faveur de l’avortement.

Ah, oui ! Oui… bon. Je l’avais signé pour faire plaisir à ma copine Simone de Beauvoir. Et puis, je trouve que c’est horrible d’être enceinte quand on ne l’a pas désiré, et de ne pas pouvoir s’en débarrasser. Mais, à mon sens, plutôt que de faire de la pub pour l’avortement, on devrait en faire pour les moyens contraceptifs. En dehors de cela, je n’ai jamais été engagée dans le combat féministe.

Revenons-en à la morale. Vous avez connu Louis-Ferdinand Céline, non ?

Oui, très bien. J’allais souvent chez lui, à Meudon, avec Marcel Aymé. Parfois avec Roger Nimier. J’ai passé des moments extraordinaires avec lui. C’est l’être le plus brillant et le plus généreux que j’ai connu. Tout ce qu’il racontait était passionnant, fascinant. Il m’avait offert une petite chienne perdue qu’il avait recueillie. Il m’avait dit : « Je vous donne cette chienne, ça va vous faire le caractère. » Je l’ai gardée pendant vingt ans.

Vous n’avez jamais été gênée de nouer une relation amicale avec lui, sachant les accusations d’antisémitisme dont il faisait l’objet ?

Je ne l’ai jamais entendu prononcer la moindre phrase antisémite. Pourtant j’ai beaucoup parlé avec lui. Je n’ai pas lu les pamphlets dans lesquels il faisait, paraît-il, profession d’antisémitisme. Et de toute façon, je ne juge qu’avec ce que je vois. Ce qu’il a écrit, c’est une chose. Mais l’être que j’avais en face de moi était extraordinaire, intellectuellement et humainement. C’est tout.

Nous parlons dans ce numéro de Causeur de Roman Polanski. Si, aujourd’hui, il vous proposait un rôle, l’accepteriez-vous ?

Tout de suite ! Je trouve que c’est un être magnifique et, en plus, un génie. Tout ce qui lui arrive me dégoûte. C’est immonde. Je l’aime, je l’admire, point.

Mais vous est-il arrivé de rencontrer et d’admirer des salauds ?

Non. Tous les génies que j’ai rencontrés étaient des gens formidables. Avec parfois des défauts, des caractères particuliers. Mais pas des salauds, non.

Auriez-vous pu admirer un salaud ? La morale tient-elle une place dans votre admiration ? Plus généralement, pensez-vous qu’un génie puisse aussi être un salaud ?

Je ne peux parler que de mon expérience. J’ai eu la chance de rencontrer quelques génies qui n’étaient pas des salauds. J’ai donc tendance à croire que les génies sont plutôt des êtres rares et d’une grande qualité humaine. D’une grande générosité.

Claude Lanzman – qui a été votre mari – ne vous a jamais reproché votre amitié avec Céline ?

Non. Il ne m’a jamais fait la morale là-dessus.

Comme beaucoup de gens, êtes-vous inquiète de la tournure que prend le monde ?

Inquiète ? À mon âge ? Qu’est-ce que vous voulez que ça me foute !


À voir

« Judith prend Racine au Poche », Théâtre de Poche-Montparnasse. Tous les lundis à 19 heures, tél. : 01 45 44 50 21, theatredepoche-montparnasse.com

Pendant ce temps, aux Pays-Bas, «l’union nationale» prend les commandes

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La nouvelle ministre néerlandaise de l'Asile et de la Migration Marjolein Faber © John Beckmann/Orange Pictures/Sh/SIPA

Il n’y a pas qu’en France où intellectuels, artistes et politiques de gauche poussent des cris d’orfraie contre l’horreur qu’impliquerait un gouvernement « d’extrême droite ». Aux Pays-Bas également, ils sont dans le plus grand désarroi, le peuple ayant ignoré, lors des élections législatives de 2023, leurs consignes de vote « anti-fascistes ».


Témoin l’entrée en fonctions, ce mardi 2 juillet, de la très droitière coalition gouvernementale sortie des urnes. Gouvernement qui porte le sceau, mais pas le nom, de M. Geert Wilders. Le champion anti-immigration batave est jugé trop clivant pour être Premier ministre, poste auquel son succès électoral lui donnait cependant droit. « Voici le gouvernement de la honte nationale! » tonna l’autre jour un professeur de l’université d’Amsterdam, Thomas von der Dunk. Et d’énumérer longuement, dans le journal NRC, les dangers qui selon lui planent désormais sur la démocratie néerlandaise. Seraient gravement menacées les libertés d’expression, de la presse, académiques et culturelles. L’indépendance de la justice, l’Etat de droit et les « minorités ethniques » en prendraient aussi pour leur grade, à le croire. Selon M. Von der Dunk, la théorie du « grand remplacement » guiderait les pas du gouvernement du nouveau Premier ministre Dick Schoof,  ancien patron des services de renseignement. Un autre enseignant, de l’université de Leyde cette fois-ci, n’avait pas craint de son côté d’établir un parallèle entre l’ambiance politique aux Pays-Bas et celle régnant dans l’Allemagne de 1933… Une collègue à lui prévoit un régime autoritaire calqué sur le modèle hongrois, pour « preuve » l’amitié entre M. Wilders, dont l’épouse est hongroise, et le Premier ministre hongrois Viktor Orbán… Un autre universitaire encore a relevé des « préférences raciales » dans les posters électoraux du Parti pour la Liberté (PVV) de M. Wilders, « ne montrant que des Néerlandais hyper blancs ». Drôle de reproche pour accabler M. Wilders toutefois, homme de ce qui s’appelait jadis de « sang mêlé », indonésien et néerlandais.

Le « vivre-ensemble » sonné

On a eu beau bien chercher, dans les projets de la coalition quadripartite (PVV-VVD-NSC-BBB), aucune atteinte aux libertés fondamentales n’y figure. Le voudraient-ils, que la Constitution en empêcherait Wilders et compagnie. Le Conseil d’État néerlandais, équivalent du Conseil Constitutionnel, y veillera également. Les surdiplômés en état d’alerte anti-fasciste prennent donc le peuple pour des ignares. Mépris de classe de ce que M. Wilders appelle la gauche aigrie ? Mais ne les moquons pas (trop) et montrons un minimum de compassion envers celles et ceux dont les opinions lénifiantes sur l’immigration furent partagées par une bonne partie des médias néerlandais. Et cela depuis plusieurs décennies, au point que le multiculturalisme et vivre-ensemble imposés prirent l’allure d’une doctrine d’État.

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Avec le gouvernement Wilders-qui-ne-dit-pas-son-nom, il y a effectivement comme un parfum de revanche dans l’air, marqué par la fin de l’hégémonie culturelle de la gauche communautariste et de ses alliés de la droite molle. Celle-ci est personnifiée par le Premier ministre démissionnaire M. Mark Rutte, qui gouverna pendant près de 14 ans d’affilée avant d’être récemment désigné Secrétaire général de l’Otan. Son règne a vu les populations autochtones des grandes villes néerlandaises se réduire comme peau de chagrin au bénéfice d’immigrés non-européens et de leurs descendants, désormais majoritaires. Ce qui avait à plusieurs reprises amené des parlementaires du parti de M. Wilders à fustiger le « grand remplacement », bravant ainsi un tabou dans le petit monde politico-médiatique. Parmi ces politiciens honnis, on trouve… la nouvelle ministre des Migrations et de l’Asile, Mme Marjolein Faber. Laquelle, dans un passé récent et comme députée du parti PVV, avait accusé M. Rutte de ne rien faire contre l’immigration nord-africaine et de dérouler ainsi un « agenda d’antisémitisme, de terrorisme et de grand remplacement de la population néerlandaise ». En néerlandais le mot omvolking, changer de peuple, résume généralement la définition de Renaud Camus. Mme Faber s’était aussi illustrée en dirigeant une manifestation contre le maire de la ville d’Arnhem, M. Ahmed Marcouch, né au Maroc. La nouvelle ministre y déroula une bannière avec les mots « Pas d’Arnhemmistan, on perd notre pays! »

Décidément, la gauche néerlandaise ne cesse d’avaler des couleuvres. Car la nouvelle ministre du Commerce Extérieur et de l’Aide au Développement, Mme Reinette Klever, a, elle aussi, longtemps défendu cette théorie du grand remplacement. Comme parlementaire du PVV, elle s’était en plus distinguée en dressant un hit-parade des étrangers fraudeurs, selon elle, de l’Assurance Maladie. Les gens provenant des Antilles néerlandaises seraient les champions incontestés dans ce domaine, suivis des Marocains, des Turcs et des Surinamais. Etrangers qui, avec d’autres migrants et demandeurs d’asile, coupables de surcroît, selon la désormais ministre, « d’inonder le pays d’un tas de maladies exotiques ». Notons toutefois l’esprit de compromis de la ministre de l’Aide au Développement ! Car cette fameuse Aide, il y a encore quelques années, elle voulait l’abolir pour son inutilité supposée et les possibilités de fraude ou de corruption dans les pays qui en sont les destinataires…

La dernière provocation de M. Wilders

Peu avant leur installation, devant des parlementaires généralement hostiles, Mesdames Klever et Faber avaient pris leur distance avec ce fameux mot, omvolking, à connotation trop sulfureuse voire nazie, le remplaçant par « développements démographiques préoccupants ». Un geste d’apaisement envers des parlementaires constitués en Inquisition linguistique ces derniers temps en Hollande. Le nouveau vent réac soufflant sur les Pays-Bas est personnifié également par le président de la Chambre Basse du Parlement, M. Martin Bosma, l’intellectuel maison du PVV. Ce pourfendeur du « racisme anti-Blanc », quand il était député, voit d’un mauvais œil les cérémonies annuelles autour de l’abolition de l’esclavage dans d’anciennes colonies néerlandaises. Son parti exige d’ailleurs la révocation des excuses officielles pour l’esclavage, prononcées l’année dernière par le roi Willem-Alexander. Pas étonnant alors, que des immigrés des ex-colonies exigèrent et obtinrent que M. Bosma ne fût pas présent le 1er juillet pendant la commémoration de l’abolition, bien que son statut l’y oblige. Pour chambrer les perpétuels indignés du passé colonial néerlandais, M. Wilders proposa sur X de remplacer M. Bosma, et de prendre la parole lors de la cérémonie à Amsterdam… Ce qui aurait sûrement dégénéré en émeutes dans la capitale, qui compte un vaste quartier noir. M. Wilders devra s’abstenir de pareilles provocations à l’avenir, s’il tient à maintenir unie « sa » coalition, laquelle a promis de mener « la plus stricte politique d’asile et immigration jamais vue aux Pays-Bas ». Son parti a comme partenaires les libéraux conservateurs du Parti Populaire pour la Liberté et la Démocratie (VVD), les chrétiens-démocrates du Nouveau Contrat Social (NSC) et le Mouvement Citoyens-Paysans (BBB). Une députée du VVD a clamé quelques jours avant de prêter serment comme ministre qu’elle « ne tolérerait plus aucune allusion » au fameux grand remplacement. Elle menaça ainsi implicitement M. Wilders d’une crise… de colère, de larmes ou de gouvernement. Ce n’était pas très clair.

Taxe sur la fast fashion, le streaming musical et les livres d’occasion: une dissolution qui a du bon?

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© Jonathan Raa/Sipa USA/SIPA

Personne n’aime les impôts, à part peut-être les fonctionnaires publics, mais que dire des nouveaux impôts punitifs imaginés par nos gouvernants ? Dans leurs cartons, une taxe sur les livres d’occasion, le streaming musical ou encore la « fast fashion ». Censés entraver l’essor de plateformes étrangères (Amazon, Spotify, Shein, etc.), ces taxes ont surtout pour effet d’entrainer une augmentation des prix, tout en se révélant nocives pour l’environnement. Et si la nouvelle Assemblée avait le bon goût d’enterrer ces projets?


Le premier économiste à avoir inventé un impôt punitif est un Anglais, Arthur Cecil Pigou. Professeur de l’école d’économie de l’Université de Cambridge, Pigou s’intéresse à l’économie du « bien-être » et aux effets que peut en tirer la société. En 1920, dans une étude restée célèbre, The Economics of Welfare, il développe le concept d’« externalité », qui décrit l’effet indirect, positif ou non, d’une transaction privée ou d’une législation, comme la qualité de l’air ou de l’eau polluée par une usine. Pigou a une idée pour ces externalités négatives : les soumettre à un impôt. Dans l’histoire de l’économie, il porte le nom d’impôt Pigouvien.

Impôts et taxes : une passion française

Celui-ci enchante les socialistes français quand ils arrivent au pouvoir, en 1981. Sous le règne de François Mitterrand est conçu le premier impôt Pigouvien super turbo, l’ISF, l’impôt de solidarité sur la fortune. Jamais, pourtant, il n’avait été prévu que l’impôt devienne « une punition » pour les riches, pas davantage pour les gros mangeurs, les buveurs de sodas sucrés, les fumeurs ou les conducteurs de véhicules diesel. L’usage punitif de la taxation est une dérive aussi condamnable que dangereuse. Taxer les paquets de cigarettes car elles nuisent à la santé, ou le diesel car il pollue l’atmosphère, sont deux exemples qui ont entraîné, le premier un marché noir du tabac, le second la révolte des gilets jaunes. 

Dérives punitives

Mais le refus d’admettre cette vérité continue à régner sur les esprits de nos élites bureaucratiques. Au prétexte de freiner le déferlement d’acteurs étrangers surpuissants, le législateur a imaginé une série de nouvelles taxes qui devraient surtout avoir pour effet de grever davantage encore le budget des ménages. Il souhaite ainsi s’attaquer aux vêtements bon marché qu’achètent en ligne les ménages les plus modestes : un malus de 50% pourrait être imposé, dans la limite de 10 euros par article, sur les ventes des entreprises de la « fast fashion » qui produisent à bas prix des modèles fabriqués à un rythme accéléré. Objectif assumé : infléchir les ventes des géants du prêt à porter que sont Shein et Temu en France.

Mauvais calculs

Si chacun conviendra qu’il est important de réduire l’impact d’un secteur responsable, à lui seul, de 10% des émissions globales, la méthode qui consiste à matraquer les classes populaires est-elle la bonne ? Le précédent gilets jaunes n’a-t-il pas vacciné nos caciques ? Surtout, s’en prendre simultanément à Temu et Shein participe d’une méconnaissance des modèles de ces deux sociétés. Si la première produit énormément dans l’espoir d’écouler un maximum d’articles, elle génère de fait des quantités colossales d’invendus, qui seront envoyés au pilon et donc gaspillés, entrainant une pollution évitable.

Shein pour sa part ne produit que de petites salves d’articles pour en tester l’accueil, puis, s’ils s’écoulent, en réinjecte la bonne quantité sur le marché pour répondre à la demande. Un modèle à la demande de rupture sur un marché où la logique de l’offre a longtemps dominé qui, s’il n’est pas exempt de défauts, permet en tout cas de réduire à la portion congrue les invendus, et donc les émissions. En réalité, ce n’est pas d’une taxe sur la « fast fashion » dont le secteur a besoin, la rapidité de production ou de livraison des vêtements ne constituant pas le cœur du problème, mais d’une taxe sur la mode peu scurpuleuse, indifférente à son impact sur l’environnement.

Il en va de même pour le livre d’occasion, un marché de 350 millions d’euros, en croissance depuis plusieurs années, soudain dans le collimateur d’Emmanuel Macron qui a annoncé en avril une taxe à la vente de 3%. On se demande pourquoi. Voilà un secteur dynamique et des revendeurs indépendants « punis » sans raison. Ces derniers ne font aucune concurrence déloyale aux libraires, ils écoulent surtout sur le marché les invendus des éditeurs. Coïncidence ? Un sondage Ipsos du 12 avril annonçait que le décrochage de la lecture chez les 15 -25 ans s’accentue.

Le marché du livre d’occasion, en valorisant la seconde main, permet en outre de limiter l’impact du secteur de l’édition qui, de l’aveu même du CNL, « possède une empreinte environnementale forte ». Tant qu’on y est, pourquoi ne pas taxer également les vêtements de seconde main, histoire d’alimenter davantage encore le problème que l’on prétend combattre ? Idem pour le streaming musical, plébiscité car pratique et économique, et qui a l’avantage de moins polluer que les formats analogiques. Si une microtaxe risque de détourner les plus jeunes et les classes populaires de la musique, les Français aisés s’en acquitteront sans problème, et auront même le loisir de s’en remettre aux CDs et vinyls. En définitive, ces taxes punitives, en plus de frapper durement les pauvres, s’avèrent délétères pour l’environnement. L’occasion est belle de les dissoudre elles-aussi.

Portrait d’un journaliste aux abois

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Régie de LCI, 2012 © IBO/SIPA

Dans les rédactions, conscient que beaucoup trop de téléspectateurs ou d’auditeurs ont voté RN, et qu’il ne peut pas indéfiniment leur cracher au visage, l’éditorialiste politique type désespère de ne pas voir advenir un « front républicain » plus franc, comme d’habitude…


Il était déjà journaliste sur une grande chaîne du service public quand Jordan Bardella adhérait au Front national. C’était en 2012. Il orchestrait alors une campagne médiatique féroce contre le Nicolas Sarkozy de Patrick Buisson, celui qui faisait l’éloge de la nation. Il avait pointé publiquement, dans un édito demeuré célèbre, les similitudes inquiétantes entre son discours et celui de l’extrême-droite ; puis, il avait interrogé des historiens, des politologues et des analystes, d’une neutralité d’acier, qui tous avaient diagnostiqué chez le président-candidat une poussée de pétainisme, maladie habituelle des courses électorales ; enfin, il s’était demandé si ce candidat était toujours dans le champ républicain. Il avait conclu sa chronique par une question ouverte aux auditeurs, posée d’une voix grave et théâtrale : fallait-il interdire à cet homme de se présenter à l’élection présidentielle ?

Quelle époque !… François Hollande avait triomphé. En cinq ans, l’insécurité avait explosé ; l’immigration était devenue incontrôlable ; le peuple se divisait, la dette s’envolait, l’école s’effondrait. Mais lui vivait sur un nuage doré… Tantôt à la télé, tantôt à la radio, il prêchait la moraline, applaudissant aux grandes décisions d’un chef de l’État qui avait depuis longtemps abandonné le socialisme pour le sociétal, conspuant sans relâche, avec la meute, la « droite », et surtout « l’extrême-droite » qui montait dangereusement — mais toujours dans le strict respect de la neutralité du service public.

L’accession au pouvoir d’Emmanuel Macron avait été la première ombre portée à son existence radieuse. Il s’en était vite accommodé, cependant ; car ce bon bourgeois fort bien engoncé dans un monde à son image, dont la vie paraissait devoir s’écouler jusqu’à son terme dans une sécurité relative, trouvait la social-démocratie merveilleuse. Jusqu’alors le système, par une complexité d’horloge, s’était maintenu grâce à l’illusion démocratique de l’alternance ; les mêmes élites parvenaient au pouvoir ; et lorsque leurs faux débats entraînaient une division trop importante favorable aux extrêmes, — comme en 2002 —, ils instituaient entre eux le « cordon sanitaire », et au nom de la démocratie, protégeaient ainsi leurs privilèges : cela s’appelait le théâtre antifasciste (L. Jospin). Seulement, ce théâtre, pour fonctionner, devait demeurer caché ; c’était comme un tour de magie dont il ne fallait pas dévoiler les ficelles ; aussi notre brave journaliste en voulait-il à Macron d’avoir levé le rideau sur la grande arnaque : c’était ouvrir la porte aux oppositions véritables !

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Depuis 2017, en vérité, son moral était en berne. Lui qui pensait d’ordinaire par manichéisme — les résistants et les collabos, la gauche humaniste et la droite autoritaire, la République et le fascisme —, ne savait plus comment résoudre ce paradoxe, que la démocratie qu’il adulait (c’est-à-dire le vote majoritaire) menait le Rassemblement national « aux portes du pouvoir ». Démocrate, il commençait à douter de la démocratie ; et en même temps qu’il appelait furieusement à l’interdiction de ce parti qu’il jugeait contraire aux « valeurs républicaines » (sans trop savoir pourquoi, ni à quoi correspondaient ces valeurs), il se demandait si le peuple était si sage… Fallait-il vraiment accorder le droit de vote à la France périphérique ? Au fond, il n’était pas contre un permis de voter distribué aux habitants des centres villes, — propriétaires d’une trottinette électrique.

Il aimait rappeler à ses invités les propos polémiques de Jean-Marie Le Pen, et le petit frisson qu’il sentait courir dans son dos, à chaque fois qu’il les réécoutait ; mais il le faisait avec moins de conviction qu’avant, reconnaissant bien que l’argument fonctionnait mal… même ses auditeurs de gauche n’y croyaient plus !

Parfois le soir, seul dans son lit, les heures de grande angoisse, il pensait que la dédiabolisation du Rassemblement national n’était peut-être pas un mythe, et même que ce parti disait des choses vraies… Il frémissait ! Le lendemain, comme pour se racheter, il relayait frénétiquement les poncifs les plus éculés, rappelant l’origine de ses fondateurs, l’accusant pêle-mêle de racisme et de transphobie, d’antisémitisme et d’alliance avec la Russie : no pasarán ! Évidemment, il ne connaissait ni Holeindre, ni Déat, ni Doriot ; ou du moins, il ne voulait pas trop les connaître : la neutralité du service public a ses limites.

Ces derniers temps, il est triste. La dissolution l’inquiète, il ne comprend pas son président, il a peur pour sa place. Il contemple avec horreur le RN parvenir en voie finale de normalisation, il se sent dépassé par la jeunesse qui se polarise. Où sont passés les humanistes et les démocrates ? Même la gauche parfois le terrifie — et lui qui croyait que l’antisémitisme était d’extrême-droite !… Il sent bien que sa voix tremblotte à la radio ; il perd ses auditeurs : même ceux de gauche, qui l’accusent de complaisance avec le camp du « libéralisme autoritaire ». À force d’opposer les mêmes reproches à ses invités, sur la binationalité, sur le voile, d’entendre les mêmes réponses, il se fatigue lui-même ; ses prêches, qu’il répète comme un mantra, ne convainquent plus personne… et il se désespère, jour après jour, de ne pas voir advenir le front républicain habituel, celui qu’il avait toujours connu… Serait-ce le retour prochain des heures les plus sombres de notre histoire ? Ah ! Comme il regrette le temps de François Hollande !

Entrons en économie de guerre

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Un drône exposé sur le stand du ministère des Armées, lors du salon Eurosatory, Villepinte, 17 juin 2024 © Tom Nicholson/Shutterstock/SIPA

Le passage à l’économie de guerre n’est pas qu’un effort demandé à nos compatriotes mais une opportunité stratégique pour notre pays. Il s’agit de bâtir un nouveau modèle industriel cohérent avec la volonté de retrouver une place centrale dans le concert des nations.


Depuis le retour du tragique sur notre continent, les capitales européennes tentent de tourner la page des deux grandes erreurs commises depuis la chute du Mur de Berlin : la démilitarisation et la désindustrialisation. À contrecourant des choix effectués depuis 1991, le thème du passage à une économie de guerre est devenu récurrent sur le plan médiatique et politique. Seulement, pour passer à une économie de guerre, nous avons besoin d’une industrie productive, ce qui ne se décrète pas. Un activisme fort et un cap clair sont nécessaires pour soutenir notre économie en ruine et l’effort de guerre ukrainien.

Besoin stratégique et économique

Le conflit entre l’Ukraine et la Russie tourne en faveur de Vladimir Poutine. Sans aide occidentale supplémentaire, l’Ukraine se dirige vers une défaite cuisante malgré l’héroïsme de ses soldats. Depuis le début de la guerre, seuls les États-Unis ont été capables de lui fournir les armes nécessaires. Cependant, le dernier paquet d’aide de 61 milliards de dollars adopté en avril devrait être le dernier accordé par Washington avant janvier 2025. Et actuellement, les Européens ne peuvent se substituer à l’aide américaine. La seule solution pour soutenir l’Ukraine serait que nous passions à une économie de guerre afin de prioriser et d’intensifier notre production.

L’industrie française souffre des mauvais choix faits depuis des décennies alors que c’est un secteur clé de la prospérité. L’industrie est la clé pour répondre efficacement aux crises en tout genre, d’une guerre à une pandémie mondiale. Nous avons vu lors du coronavirus que notre désarmement industriel nous avait empêchés d’offrir une réponse cohérente et rapide à la crise, à la différence d’autres pays qui n’avaient pas sacrifié leur industrie. Ce n’est pas seulement notre base industrielle de défense qui bénéficierait d’un soutien massif, mais l’ensemble de notre économie. En effet, le soutien à l’effort de guerre suppose une implication de l’industrie textile, des industries de raffinage ou encore des industries automobiles ; autant de secteurs qui souffrent en France depuis trop d’années. De plus, les innovations réalisées dans l’industrie de défense ont toujours des débouchés dans le civil.

Un moment propice

Depuis la chute du Mur de Berlin, les Européens ont cru pouvoir s’appuyer sur les dividendes de la paix et la protection offerte par les États-Unis. Pourtant, le monde n’a jamais connu autant de crises et de conflits, et le regard américain s’est détourné de l’Europe au profit de la zone indopacifique. Nous avons changé d’époque et les Européens doivent se réveiller. En nous berçant d’illusions, nous nous sommes progressivement désarmés et nous n’avons plus la capacité d’assurer notre défense et de promouvoir notre indépendance stratégique. Ainsi, nos dépenses militaires sont passées de 3,2% du PIB en 1980, à 1,8% en 2019. Basculer en économie de guerre permettrait de retourner ce cycle négatif pour nous adapter à cette nouvelle ère : celle d’un monde reposant sur la souveraineté d’empires en concurrence pour assoir leur domination.

Alors que notre économie est dans un état déplorable, le passage à l’économie de guerre permettrait de mettre l’accent sur l’industrie de défense qui demeure un des points forts de notre économie. Depuis l’année dernière, la France est le deuxième exportateur mondial d’armes, jouissant de belles réussites comme le Rafale ou le canon CAESAR. Investir dans notre complexe militaro-industriel nous permettrait de sécuriser notre position dominante en Europe, d’autant que dans ce contexte, d’autres pays vont augmenter leurs dépenses militaires.

Une stratégie claire, des actes forts

À la différence des États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale, nous devons bâtir une économie de guerre à la française, en phase avec notre époque et nos enjeux. Avec le départ des Britanniques de l’Union européenne, la France doit retrouver un rôle central sur les volets diplomatiques et militaires. D’une part, nous sommes le seul pays européen capable de passer rapidement en économie de guerre grâce à nos atouts comme le nucléaire et notre complexe militaro-industriel exportateur. D’autre part, notre puissance diplomatique, avec notamment notre siège au Conseil de sécurité de l’ONU, et notre armée, nous permettraient de jouer un rôle majeur dans cette nouvelle stratégie.

Mais une économie de guerre ne se contente pas de belles paroles, elle doit s’accompagner d’un activisme politique fort qui doit se traduire par des investissements conséquents. Plus que de faire peser la responsabilité de cette économie sur les seuls industriels, il est nécessaire de créer les conditions favorables à une montée en gamme et permettre une production plus importante. Cela suppose un effort supplémentaire des dépenses militaires pour atteindre au moins 3% du PIB. De plus, nous devons faire sauter au moins trois verrous – et non des moindres : une fiscalité moins importante, une augmentation du temps de travail, opérer un choc de simplification avec moins de normes contraignantes.

Le passage à l’économie de guerre n’est pas qu’un effort demandé à nos compatriotes mais une opportunité stratégique et économique pour notre pays. Il s’agit de bâtir un nouveau modèle industriel cohérent avec la volonté de retrouver une place centrale dans le concert des nations. Comme le rappelait Bismarck, la diplomatie sans les armes, c’est comme la musique sans les instruments. Charge à nous de construire nos armes pour rejouer notre partition dans cette nouvelle ère géopolitique.

Tour: Cavendish le cabochard joyau de la couronne cycliste

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Mark Cavendish vainqueur à Saint-Vulbas (01), 3 juillet 2024 © jeep.vidon/SIPA

Et encore « une nouvelle fois » de plus sur cette 111ème édition du Tour de France…


Très probablement, un de ses ancêtres ne peut qu’être le célèbre corsaire homonyme[1]… En filou flibustier des lignes d’arrivée, le cabochard mais sympathique Mark Cavendish, natif de l’île de Man, située en mer d’Irlande à égale distance de la Grande Bretagne et de l’Irlande, d’à peine 572 km2, que rien ne prédisposait dans son enfance à devenir coureur cycliste, s’est imposé  pour la 35ème fois sur le Tour, mercredi, à Saint Vulbas (Ain), bien entendu au sprint puisque c’est sa spécialité. Il bat du même coup le record des victoires d’étapes qu’il partageait avec Eddy Merckx (voir notre encadré en fin d’article), dit le Cannibale tellement celui-ci était insatiable de podium et surtout de la première marche.

De plus ce succès, qui semblait pour la plupart des chroniqueurs de la geste vélocipédique inatteignable, a pour lui une douce saveur de revanche. Il a devancé le Belge Jasper Philipsen de 13 ans son cadet, sans doute le sprinteur contemporain le plus affûté, qui, l’an dernier, à Bordeaux, l’avait privé justement de ce record. Cavendish avait fait second derrière lui. Le lendemain, de cette déception, le 8 juillet, il chutait lourdement à 60 km de l’arrivée de l’étape Libourne-Limoges dont la victoire était à sa portée.

Touché à la clavicule, il abandonnait les larmes aux yeux. Son rêve d’être l’unique détenteur de ce record, joyau de la couronne cycliste ;  le monde du vélo a bien des parentés avec l’Ancien régime avec ses rois de la Montagne, du Contre-la-montre, des Sprints, ses ducs, les capitaines de route, ses barons, les protecteurs du leader, et ses valets, les porteurs d’eau (dits les « gregario » en italien – les grégaires en français), qui descendent à la voiture du directeur sportif s’approvisionner en bidons pour étancher la pépie du reste de l’équipe.

La retraite attendra

Le 23 mai 2023 alors qu’il participait au Giro, à l’issue de la deuxième étape, il avait annoncé son intention de prendre sa retraite à la fin de la saison. Donc ce 110ème Tour auquel il allait s’aligner serait son dernier. Mais, au terme de celle-ci, au lieu de confirmer son retrait, il se ravisait : à la surprise générale, il révélait qu’il allait revenir sur la Grande boucle avec la ferme détermination de monter à l’abordage du record des victoires d’étapes.

Pourtant ce retour sur le Tour, sa 15ème participation (trois de moins que le record des 18 détenu par le Français Sylvain Chavanel), avait commencé pour lui sous les pires auspices. Dès l’entame de la première étape dont le départ a été donné à Florence, à la première bosse, il décrochait et terminait à l’agonie, entouré de ses équipiers, à près de 40 mn de Bardet, le vainqueur à Rimini ; rebelote le lendemain, avec 25 mn de retard, il évitait de justesse l’élimination ; à l’arrivée à Turin, il ne participait même pas au sprint massif remporté par l’Erythréen Girmay, le premier Africain noir à gagner une étape[2] ; pour les commentateurs, il ne faisait plus le moindre doute : la « boule de nerf » ainsi que L’Equipe l’avait qualifié était émoussée, le record n’était plus à sa portée ; à la 4ème étape, celle du col du Galibier, il franchit la ligne avec 36 bonnes minutes de débours, échappant de peu au couperet des délais.

Bilan, en quatre jours, il accuse un retard de 1h37’50’’, et se retrouve 170ème au général, devançant de quatre places la « lanterne rouge » (dernier), son dévoué serviteur, son chien de garde, le Danois Michael Morkov.

Il se faufile parmi les grosses cuisses

Puis, miracle à la relative courte 5ème étape, 177,4 km entre Saint-Jean-de Maurienne Saint-Vulbas, à 39 ans et 41 jours, ce qui fait de lui le second plus âgé du peloton, et celui qui cumule le plus de participations, le bougon et inusable « Cav », comme il est surnommé dans le milieu, recouvre l’explosivité de ses jeunes années, au point même de faire sauter sa chaîne et son dérailleur juste en franchissant la ligne avec une bonne longueur d’avance sur le second. Dès lors, on peut se demander si sa galère du début n’a pas été à la fois un cirque pour leurrer ses rivaux et une tactique pour s’économiser. Le vélo, comme la guerre, c’est l’art de la roublardise.

Il a mené son sprint en main de maître. Son équipe a monté son train à une bonne dizaine de kilomètres de l’arrivée et s’est maintenue aux avants postes pour l’amener aux 300 mètres. Le train consiste à se mettre tous les coureurs de l’équipe en ligne pour lancer le sprinteur en s’écartant les uns après les autres. Le dernier à s’écarter est appelé le poisson pilote dont la tâche est de propulser son sprinteur à l’approche des 100/150 m. Or, d’après les vues d’hélicoptères, Cavendish avait perdu le sien aux 300/400 mètres, se retrouvant enfermé dans la meute des « grosses cuisses » (nom donné aux sprinteurs). Logiquement, il était piégé mais, en habile héritier de ses débuts en course de vitesse sur la piste, avec une audace téméraire, il a su se faufiler entre les roues de ses adversaires à l’instar d’une souris qui fuit, se rabattre de la droite de la chaussée sur la gauche pour fermer la porte le long des balustrades et mettre une, deux, trois longueurs à ses suivants. Un cas d’école, ce sprint…

Cavendish a débuté sa carrière sur les vélodromes. Le cyclisme sur route était peu pratiqué à cette époque en Grande Bretagne. Il sera même deux fois champion du monde en Américaine (2005 et 2008 en équipe notamment avec Bradey Wiggins, premier Anglais à gagner le Tour de France en 2012). En 2005, il s’essaie à la route. Il remporte dès cette première année 11 victoires, un record pour un débutant professionnel.

Sa première étape sur le Tour, il l’a gagnée le 9 juillet 2008 à Châteauroux. En tout, il en capitalise 55 sur les trois Grands tours (France, Italie et Espagne), probablement un record aussi. Il fait aussi partie de ce club très fermé des 25 coureurs qui ont revêtu le maillot de leader dans les trois Grands tours. Il cumule en tout 168 victoires, toutes au sprint ce qui fait de lui le meilleur de cette spécialité qui allie subtilité et brutalité. Les grands sprinteurs sont des trompe-la-mort. À plus de 70km/h, ils foncent sans protection hormis celle du casque coude-à-coude vers une victoire qui leur échappe souvent. Gagner un sprint, c’est un orgasme…

Le record de Cavendish a éclipsé deux événements de cette 5ème étape. Pour la première fois, un coureur Africain noir, Biniam Girmay, vainqueur déjà pour une première fois d’une étape du Tour à Turin, lundi, a revêtu mercredi le maillot vert du classement aux points grâce à une 9ème place. Son ambition est de rallier Nice, arrivée du Tour, avec… Ce qui serait une première fois historique : un Noir en vert… L’autre événement, c’est Pogacar, détenteur du jaune et grand favori, qui a évité de justesse une chute qui aurait pu avoir de lourdes conséquences pour lui, voire provoquer son abandon. Dû à un moment d’inattention, il a failli de très peu heurter un panneau de signalisation placé en l’entrée d’un plot situé au milieu de chaussée. Pour l’esquiver, il a fait un écart qui a entraîné la chute, sans gravité, de cinq coureurs qui étaient dans son sillage… Est-ce le signe prémonitoire que la chance est avec lui, que le mauvais sort l’épargnera ?… 


Le record des victoires d’étapes sur le Tour de France qu’a établi mercredi Mark Cavendish a une particularité : il les a toutes gagnées
au sprint à la différence de tous autres coureurs qui figurent au palmarès. Ce qui fait de lui l’incontestable meilleur sprinteur de tous les temps. Son record risque fort de tenir très longtemps. Il paraît même la durée des carrières de plus en plus courtes éternel.

Voici la liste des plus nombreux vainqueurs d’étape.
1- Marck Cavendish : 35
2- Eddy Merckx : 34
3- Bernard Hinault : 28
4- André Leducq (vainqueur du Tour en 1930 et 32) : 25
5- André Darrigade (le Cavendish des années 50/60) :22
(…)
9 – Jacques Anquetil : 16
(…)
12 – Tajed Pogacar : 12 (pour le moment)

    


[1] Thomas Cavendish (1560-1592), intrépide corsaire anglais, surnommé Le Navigateur, le troisième marin avoir réalisé une circumnavigation autour du monde après celles, la deuxième de Francis Drake (1540-1596), et de la première de Magellan-Elcano. Il est aussi le premier corsaire à avoir arraisonné le prétendu imprenable Galion de Manille qui ramenait de fabuleuses richesses de toutes sortes des Philippines au Mexique, deux possessions espagnoles.

[2] https://www.causeur.fr/tour-de-france-biniam-girmay-richard-carapaz-286753

Le front républicain anti-RN a trouvé son hymne!

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Le rappeur Sofiane Zermani dit "Fianeso" en 2017 dans le studio de la radio Skyrock. Capture YouTube.

Les rappeurs entrent dans le jeu politique, en apportant leur soutien au front républicain avec un hymne enlevé: No Pasarán. Fulgurante créativité ! Reste que quand vos « punchlines » sont plus partagées par Bardella, Le Pen et Ciotti que par ceux que vous soutenez, c’est que vous avez peut-être raté quelque chose… Complotisme, insultes misogynes, glorification de l’ultra-violence et couplets à la limite de l’antisémitisme: les artistes des «quartiers populaires» ont fait très fort.


Proclamé le 30 juin à 20h01, le « Front Républicain contre le RN » ne cesse d’inspirer des réalisations artistiques à sa mesure ! Ainsi, le soir même de son instauration, ses militants mettaient à jour la statue de la République (voir photos ci-dessous), place du même nom, l’entourant de drapeaux algériens et palestiniens (Pardon ? Ah, non, pas de drapeaux français. Pour quoi faire ? Il est ici question de République, pas de France) et l’ornant d’inscriptions à la gloire de l’Idéal Républicain : « ACAB, PALESTINE, FUCK ISRAEL, NIK LE RN, A bas l’état et les partis, Pays de fachos pays de la honte, FREE GAZA, BRULER TOUS, NFP, ANTIFA, Mort aux Faf, NIQUE BARDELLA, NIQUE LA BAC, HERE IS PALESTINE. »

Parfaite représentation de la République telle que la veut le Front Républicain ! Cette merveilleuse alliance, allant de Raphaël Arnault, qui au soir du 7 octobre fit l’éloge du Hamas, jusqu’à Emmanuel Macron, qui fit chasser Israël du salon Eurosatory et autorisa l’ambassadeur de France à l’ONU à rendre hommage au Boucher de Téhéran – en passant par Nicole Belloubet, qui voulut rétablir le délit de blasphème et condamner Mila, Nassira El Moaddem, qui qualifie la France de « pays de racistes dégénérés », Eric Dupond-Moretti, qui déclara que défendre Abdelkader Merah était « un honneur », et Rima Hassan, qui affirme que « Israël a des chiens entraînés pour violer des Palestiniens dans les centres de détention. »

Mais les arts visuels ne suffisent pas. Dès l’origine, cette allégorie sublime de la République idéale, réunissant dans ses bras aimants Jean-Luc Mélenchon (ancien du PS), Emmanuel Macron (ancien du PS) et Gabriel Attal (ancien du PS), sous la sage égide du Conseil Constitutionnel de Laurent Fabius (du PS) et l’œil vigilant de la Cour des Comptes de Pierre Moscovici (du PS), fut accompagnée de mélopées telles que : « Qui sème la haagrah récolte l’intifada » ou encore « Israël casse-toi, la Palestine n’est pas à toi ». S’y ajoute désormais un chant qui mérite de devenir l’hymne du Front Républicain, un chant d’audace, de non-conformisme, de révolte engagée, d’esprit de résistance, un chant qui restera la mise en mots et en musique ultime des Valeurs de la République, à l’évocation enchanteresse et salvifique desquelles quiconque n’est pas un populiste, complotiste, nostalgique du bruit des bottes du ventre toujours fécond des heures les plus sombres, ne peut que se mobiliser pour s’opposer aux hordes démoniaques du RN.

Un chant, disais-je, ou plutôt un immortel cantique, composé par vingt rappeurs et nommé : No Pasarán. Fulgurante créativité.

A lire aussi: Jordan Bardella: «Je suis l’enfant de la génération 2005-2015»

La presse (subventionnée) ne s’y est pas trompée : « Bourré de punchlines incisives » pour Le Parisien, « Une variété d’angles assez enthousiasmante » nous dit Libé« Incisif dans ses paroles » d’après France Info, « Pari risqué mais au moins tenté » aux yeux du Monde, et cette analyse des Inrocks « Si l’on a pu parfois reprocher au rap français son mutisme politique, ayant tendance à centrer dorénavant son propos sur la quête de fric, tout en l’émaillant d’insultes graveleuses et misogynes à souhait, il semble que la scène actuelle se soit ressaisie. »

Et avouons que ce ressaisissement est… saisissant. Jugez-en, lecteurs, à ce florilège de citations tirées de l’œuvre (pardon, de l’Œuvre) :

« Pour les p’tits frères on s’inquiète » sur fond d’images de la mort de Nahel.

« Ferme les frontières mais la dope remontera de Marbella. »

« Si les fachos passent, je vais sortir avec big calibre. »

« J’recharge le kalachnikov en Louis Vuitton comme Ramzan Kadyrov », les gardiens du temple de tout ce qui est républicain (front, arc, champ, valeurs, printemps), qui voient des complots russes partout mais de l’ingérence qatarie nulle part, apprécieront à sa juste valeur cette référence de leurs nouveaux alliés…

« Nique l’imam Chalgoumi et ceux qui suivent le Sheitan à tout prix. »

« Marine et Marion les putes, un coup de bâton sur ces chiennes en rut. »

« Espèce de franc-maçon tu te nourris du sang que tu consommes », sans doute un hommage (républicain, bien sûr) au grand maître du Grand Orient de France qui a écrit que « Tout doit être fait pour empêcher que l’extrême droite ne devienne majoritaire dimanche prochain à l’Assemblée nationale », et fait donc partie du même Front Républicain que les 20 rappeurs.

« Dans leurs ambassades c’est le sheytan qui les passionne » : référence religieuse normale, c’est de l’Église que l’État républicain du Front Républicain est séparé, pas de la mosquée (surtout quand cette mosquée banalise auprès des enfants les conversions forcées et la violence contre les apostats, mais bref).

« Normal que Sheythanyahou soit le blanc qui assure leur contact » avec la photo de Benyamin Netanyahou pour ceux qui n’auraient pas compris.

A lire aussi, Didier Desrimais: Petit tour d’horizon des inquiétudes du «monde de la Culture»

« Les bavures tous ces policiers adorent ça. »

« Et mon cœur est en Palestine. »

« J’récite ma haine contre leur électorat » : le Front Républicain, c’est connu, lutte contre la haine sauf quand il s’agit de haïr les douze millions d’électeurs du RN, là c’est différent, parce que c’est pas pareil.

« Vive la Palestine de la Seine au Jourdain. »

« Sa mère faut pas qu’ils passent, y’a mon pote sous OQTF. »

Parmi les auteurs, on citera Alkpote qualifiant Laurent Ruquier de « monstruosité qui pue le sperme » et de « pute homosexuelle » et rappant « allons brûler les locaux de Charlie Hebdo »« j’encule les sionistes »« j’repense à Mostefaï et Coulibaly », ou Fianso « j’repasse avec le pompe devant la mezouza ». Mais ils sont engagés contre le RN, donc tout va bien, et puis vous n’avez pas les codes, il serait absurde de surinterpréter ce qui n’est que licence poétique, tout ça.

On me dira que je fais du mauvais esprit. Que ce clip de rap n’est qu’un clip de rap, qui n’engage que ses auteurs (et encore). Que tous ceux qui appellent à « faire barrage » n’en partagent pas forcément tout le message (même si… le fait qu’ils tentent tous de faire croire à leurs électeurs que la sauvegarde de la République impose de soutenir le parti de Rima Hassan, David Guiraud et Louis Boyard contre celui de Malika Sorel, Guillaume Bigot et Charles Prats en dit très long sur eux). Certes, certes.

Alors je vais être sérieux.

Le 7 octobre a été une abomination sans nom. Au cri de « Allah akbar », une horreur comparable aux sacrifices humains que les carthaginois offraient à Moloch. Le jour même, le Hamas en a diffusé les images. Le jour même, la surenchère dans le sadisme était évidente : ce groupe terroriste islamiste venait d’assassiner, de torturer, de violer des femmes et des hommes sous les yeux de leurs conjoints, des parents sous les yeux de leurs enfants, des enfants sous les yeux de leurs parents, encore et encore, avant de tous les enlever ou les massacrer. Et de s’en vanter à la face du monde.

Eh bien. Le Front Républicain contre le RN, c’est quand le président de la République et le Premier ministre font alliance avec un homme, Raphaël Arnault, qui le 7 octobre a écrit : « 75 ans de colonialisme, de racisme et d’attaques meurtrières de l’État israélien. À tout instant : solidarité avec le peuple palestinien. Aujourd’hui, la résistance palestinienne a lancé une offensive sans précédent sur l’État colonial d’Israël. Les représailles ne se sont pas fait attendre (….) Cette violence n’a qu’une seule racine : le projet colonial israélien. (etc) » Voilà ce qu’est le Front Républicain. Pensez-y, dimanche. Le 7 juillet, souvenez-vous du 7 octobre.

La France doit affronter son antisémitisme croissant

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Paris, 12 novembre 2023 © LIONEL GUERICOLAS / MPP/SIPA

Le témoignage poignant de Mme Sharren Haskel, membre de la Knesset en Israël, dont la grand-mère de 88 ans vient d’être victime d’une agression dans le Val-d’Oise. La vieille dame dit avoir été rouée de coups, et traitée de « sale juive », à Saint-Brice-sous-Forêt la semaine dernière. Une enquête a été ouverte par le parquet de Pontoise et des investigations sont en cours, rapporte Le Figaro.


Alors qu’une grand-mère de 88 ans gisait sur le sol froid de Saint-Brice en région parisienne, brutalement battue pour la simple raison qu’elle était juive, nous sommes rappelés à une sombre réalité. La France, pays renommé pour ses valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, échoue à protéger ses citoyens juifs. L’attaque violente contre ma grand-mère n’est pas un incident isolé mais fait partie d’une tendance omniprésente et croissante de violences antisémites qui a saisi le pays.

Après avoir quitté le Maroc, ma famille a trouvé refuge en France, espérant y trouver sécurité et acceptation. Depuis un certain temps, ma grand-mère, comme de nombreux autres juifs en France, a fait face à un harcèlement et une violence constants. Les rues, les métros et même les déplacements ordinaires à la Poste sont parfois devenus dangereux, marqués par des agressions, des crachats et des injures haineuses.

Cette agression continue découle d’un problème plus profond : la montée des idéologies islamistes radicales qui ont pris racine dans certaines parties de l’Europe, en particulier en France. Les gouvernements français successifs ont fermé les yeux sur cette menace croissante, échouant à protéger les communautés des attaques terroristes, de la violence quotidienne et du racisme systémique. Cette négligence a enhardi les groupes extrémistes, faisant de la France un point focal pour leurs agendas haineux.

Mon parcours personnel souligne cette triste réalité. À seulement neuf ans, je me suis retrouvée dans une bagarre à la gare de Sarcelles, défendant mon cousin d’une attaque. En tant que membre de la Knesset en Israël aujourd’hui, combattre l’antisémitisme n’est pas seulement un devoir ; c’est une mission née de l’expérience personnelle. En Israël, les enfants juifs sont à l’abri de la haine que j’ai rencontrée pour la première fois à Paris à l’âge de sept ans, lorsqu’un enfant m’a traité de « sale juive » et m’a craché dessus dans un terrain de jeu.

Le massacre du 7 octobre, marqué par une brutalité inimaginable, est un appel au réveil pour chaque citoyen français. Ces actes odieux font partie d’un agenda plus large de l’islamisme radical dirigé par l’Iran, visant la domination mondiale. Les images horribles du 7 octobre devraient servir de rappel frappant des conséquences lorsque de telles idéologies sont laissées sans contrôle.

Il est temps que les institutions juives françaises se fassent respecter et fassent respecter la population juive française. Il est temps d’exiger l’arrêt de la propagande anti-israélienne d’État – l’Agence France Presse et les médias publics français en tête – qui a nourri cet antisémitisme croissant. L’acte antisémite qui a frappé ma grand-mère a été dissimulé pour éviter de faire monter le Rassemblement national au moment des élections et faire le jeu du gouvernement actuel qui s’allie maintenant avec les pires antisémites de la LFI. Ce silence sur ces actes antisémites doit cesser.

La France doit reconnaître que bien qu’Israël soit en première ligne, la menace plane également sur l’Europe. L’histoire a montré que la violence antisémite précède souvent des troubles sociétaux plus larges. Les juifs sont fréquemment les premières cibles, mais ils ne sont jamais les derniers. Si la France ne peut pas protéger sa population juive, la communauté française au sens large est maintenant en danger.

Mon appel aux habitants de la France est sans équivoque : défendez la diversité, protégez les minorités et soyez ferme contre l’intolérance. L’avenir de votre nation dépend de votre capacité à maintenir ces valeurs. Si la France échoue à protéger ses citoyens juifs, elle échouera inévitablement à protéger sa propre identité et son intégrité.

Je vais exhorter ma grand-mère à nous rejoindre en Israël, pays dans lequel elle aurait dû venir depuis bien longtemps. Mais que ceci serve d’avertissement : lorsque les juifs seront partis, les Français autochtones seront les prochains à devoir partir ou se soumettre. La France doit agir de manière décisive, en veillant à ce que ses principes de liberté, d’égalité et de fraternité ne soient pas seulement des mots, mais une réalité vécue pour tous ses citoyens, quelle que soit leur foi ou leur origine. Il est temps pour la France d’affronter son antisémitisme croissant avec la force et la détermination que son histoire et sa culture exigent.