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Bac 2024: en chute libre

La cuvée 2024 du bac est aussi navrante que les précédentes. Et les copies des épreuves de français confirment une situation alarmante: les jeunes Français ne maîtrisent pas notre langue. Une ignorance couverte par le ministère de l’Éducation qui pipeaute les moyennes générales. Attention: les exemples qui suivent piquent les yeux!


Toutes les fins de printemps se ressemblent pour les profs : les copies de bac arrivent en même temps que les coquelicots dans les prés… en moins joli. Le cru 2024 n’est pas décevant, et seuls des extraits prélevés sur le lot peuvent convaincre les plus sceptiques du niveau qu’on a atteint. Ce n’est pas la première fois que j’exerce cette pénible recension, mais la répétition a des vertus pédagogiques. (Précisons qu’il s’agit d’élèves de série générale – le haut du panier.)

Conjugaison, grammaire et vocabulaire approximatifs, mais correction bienveillante

Petite cueillette orthographique donc, au hasard des copies : les mots les plus courants ne sont pas maîtrisés, comme « journé », « tonalitée », « dimention », « adolessant », « délesser », « transparêtre », « la plus parts », « l’orsque »… Rimbaud, dont le nom figure en toutes lettres sur le sujet, a aussi passé un sale quart d’heure : « Rimbeau », « Rimbeaud », « Rimbau »… Ce pauvre Arthur, d’ailleurs, « s émancipie » (en tout cas lui, au même âge que nos futurs bacheliers, connaissait la langue française).

L’orthographe grammaticale n’est pas davantage assimilée : « ces sentiments ce sont dévelloper », « ces ordres sont très contestaient », « leur amour est séparer par une barrière qui l’est empêche d’être enssemble ». On est presque surpris quand on a la chance de tomber sur une phrase écrite correctement.

La conjugaison ? « Ophélie se noye » et « nous essayrons » témoignent du naufrage. La syntaxe, pas mieux : « Claire de Duras laisse au lecteur la capacité à celui-ci de réfléchir », « on sent un amour dont il meurt d’envie de partagé avec elle », « c’est un moment de remise en question, sur si elle peut faire partie de son cœur », « Edouard à su nous fair rentré dans son histoire d’amour ainsi que de nous questionner à comment à-t-il réussi à prouver son amour ».

Presque toutes les copies présentent des défaillances linguistiques majeures et, bien évidemment, les inspecteurs chargés des consignes de correction prennent soin de rappeler que seul doit être pénalisé l’usage d’une langue nuisible à la compréhension. Or, tout ce que je viens de citer est compréhensible (si si, je vous assure, avec un peu d’entraînement). D’ailleurs, pour toujours plus de « bienveillance » (je reprends la novlangue officielle, la bienveillance étant devenue la version présentable de la démission), une nouveauté est apparue cette année : une icône signale les copies d’élèves disposant d’aménagements (tiers-temps, assistance humaine, usage d’un ordinateur…) en raison de tel ou tel handicap dûment reconnu par l’institution. Là où certains professeurs se réjouissent, je ne vois que rupture d’égalité : le profil du candidat doit nous rester inconnu et n’orienter en rien notre jugement. Ce qui compte, c’est la qualité intrinsèque du travail, et non celui qui l’a produit. Tout est fait, dans la scolarité comme à l’examen, pour assigner l’élève à un statut de victime : clairement, ce n’est pas lui qui doit se hisser à un niveau d’exigence (à supposer qu’il existe encore), c’est la notation qui doit prendre en compte son profil et s’y adapter.

Ai-je évoqué les lacunes lexicales (« vagabondeur », « codes sociétaires », « vulgarisme »), les erreurs grammaticales (« l’adjectif “loin” », « l’adverbe “moment” »), ou encore l’inculture crasse que révèle la mention de Napoléon II et de la Naissance de Vénus de Bonnifacci – sans doute un boulanger corse ?

Que dire aussi de ces passages lunaires : « Claire de Duras est un romancier du Moyen Age au xixe siècle », « le registre lyrique bat son plein grêt », « le silence exprime l’ouïe », « la duchesse réfléchit, ce qui est un privilège que seule la noblesse détient », « la métaphore “ciel d’azur” désigne un ciel assombri », « le lieu forme l’intérieur du cadre par l’isotopie du château » (je ne me laisse pas impressionner par un mot savant, qu’on se le dise !). Justement, en ce qui concerne le cadre évoqué par Claire de Duras dans son texte, il s’agit d’un château dans une campagne française, jugée « exotique » par certains, quand d’autres y voient des « éléments naturels importants pour l’écosystème ».

Du côté de la dissertation, on trouve de semblables incongruités : « nous pourrions nous demander si le receuil des Fleurs du mal de Baudelaire aussi est-il allé plus loin », « les français sont en pleine guerre contre la Prusse qui sont bien plus supèrieur », « le jeune poète découvre un renouveau d’émotions à tout va dont-il laisse un intérêt léger avec l’amour d’un été ». On invente « des césures à l’hémistiche au début des vers », « un poème écrit en prose mais avec des vers » (M. Jourdain, sors de ce corps !).

Toute la subtilité dialectique se trouve condensée dans cette annonce de plan : « Nous traiterons cela dans une première partie où oui Rimbaud ira loin ensuit non Rimbaud n’ira pas loin et enfin une conclusion. »

7.5 sur 20

J’ai souffert… mais j’ai aussi bien ri. « Rimbaud arretra la poésie et se tournera vers le trafic d’arme ». Après un entretien chez le conseiller d’orientation ? Son œuvre sera publiée après sa mort, « post-parthum ». Et n’oublions pas qu’il fut surnommé « l’homme aux semelles devant » ; Verlaine a dû se marrer dans sa tombe.

Mon lot de copies a obtenu 7,5 de moyenne. L’inspection a fixé un objectif de 10, afin de s’aligner sur les résultats de la session 2023 (je n’admets toujours pas cette logique soviétique, qui consiste à évaluer sans tenir compte de la qualité réelle des copies…). L’examen perd son sens, sa valeur et son crédit. L’élève est méprisé parce qu’on le trompe. Le professeur est humilié parce qu’on s’assoit sur son expertise. Et celui qui ne souscrit pas à cette gigantesque escroquerie est sommé de rentrer dans le rang.

On s’est émerveillé de l’âge de la plus jeune candidate au bac cette année. Je ne préjuge pas des qualités de cette petite fille, mais comment s’étonner qu’on puisse s’y présenter à neuf ans quand on mesure l’effondrement du niveau ? Les copies parlent d’elles-mêmes, et d’ici peu ce devrait être jouable pour un enfant de cinq ans.

Le Nouveau Front populaire et nos taux de mélanine

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Le racisme anti-blanc, ça suffit !


Je suis Martin Luther King : « Je rêve que mes quatre petits enfants vivent un jour dans une nation où ils ne seront pas jugés sur la couleur de leur peau, mais sur la valeur de leur caractère ».
Les élections législatives se sont soldées par un mariage malheureux entre les   carpettes de tout poil et le NFP issu d’une improbable hybridation. Depuis cette union malheureuse contractée dans un réflexe pavlovien pour faire barrage à « l’esssstrême-droite », la France divisée comme jamais danse au-dessus du volcan : d’un hymen contre-nature est née l’insoluble tripartition politique du pays entre macronistes, tenants du NFP et partisans du RN. S’il va de soi que les représentants de ces forces politiques briguant le pouvoir se font les coups les plus tordus, c’est toutefois aux sectateurs de LFI, déchirés, que revient la palme du sordide. Sans foi ni loi, mantes religieuses, ils se dévorent entre eux voire   s’auto-attaquent, en bons scorpions. Il s’agit pour dominer et régner de tirer la couverture à soi, au besoin en l’arrachant avec les dents. Aussi on a vu certains affidés séditieux de la joyeuse bande en accuser d’autres de perpétuer le « privilège blanc » pour entretenir un « racisme d’Etat » au détriment des minorités. Les langues bifides s’agitent ; assurément, les serpents sifflent sur nos têtes. Ainsi, Rokhaya Diallo, papesse de l’indigénisme et soutien des suppôts du sieur Mélenchon a souligné la blanchitude des députés du Nouveau Front populaire et Mediapart n’a pas manqué de contribuer utilement au débat. Dans cette séquence, le pathétique, le comique et le tragique fusionnent.

Rokhaya Diallo éteint la lumière

Lundi 8 juillet, donc, sur BFM TV, Rokhaya Diallo, papesse woke et thuriféraire d’un féminisme aussi sélectif que le tri (le féminisme wokisant dont la devise est : « Dis-moi qui te viole et je te dirai si je te défends »), antiraciste patentée – sauf quand il est question des Blancs – a interpellé Manuel Bompard sur la composition ethnique du groupe des députés élus sous la bannière NFP.  Elle s’est déclarée « éblouie » par la « photo de famille » desdits élus posant sur les marches du Palais Bourbon et a précisé : « On ne peut pas dire que les personnes des quartiers populaires soient visibles et pourtant c’est elles qui se mobilisent pour LFI ou pour le NFP. » L’avocat Charles Consigny, présent sur le plateau et recouvrant opportunément un semblant de courage mâtiné d’une louable indignation a dénoncé des propos susceptibles de tomber sous le coup de la justice. Pourtant, loin d’être intimidée par la révolte inattendue de l’avocat, la militante antiraciste l’a raillé. Dans une allusion limpide à la notion woke de « white tears », Rokhaya Diallo a pointé chez Charles Consigny une réaction larmoyante, indue, voire hystérique à des assertions incontestables: « Il est choqué parce que je dis qu’en politique française, les personnes non blanches ne sont pas représentées ! J’ai l’impression que j’ai fait pleurer Charles Consigny ». Mediapart, comme pour faire chorus, a alors publié un graphique déconcertant qui révélait combien chaque parti siégeant à l’Assemblée nationale comptait de « députés issus de la diversité » et de « députés ultramarins racisés ». Voilà l’idée de communauté nationale pulvérisée ; concassées les sacro-saintes « valeurs de la République » dont on n’a de cesse de nous rebattre les oreilles.

Dévoiement

Il s’agit ici, bien sûr, comme ça se pratique aux États-Unis, d’accréditer auprès des décérébrés (en poussant le bouchon très loin et mémère dans les orties) l’idée qu’ils ne seraient représentés justement que par ceux qui appartiennent à leur groupe religieux, ethnique ou sexuel. Mobilisons-nous pour comptabiliser les « minorités » dans chaque assemblée, corps de métier ou représentation !  Que pareille démarche aille à l’encontre d’un idéal républicain français qui valorise l’individu non pas pour ce qu’il est mais pour ce qu’il fait ; on s’en tape ! Cette nouvelle guignolade aussi sinistre que comique aurait dû m’arracher un sourire et me toucher une paupière sans faire bouger l’autre, mon dessein n’étant plus, depuis belle lurette, « de rompre en visière à tout le genre humain. ». Il s’avère pourtant que cette injonction réitérée à la discrimination – dont on se demande bien en quoi elle est positive – représente une vraie menace pour la paix civile française tant elle nourrit chez une partie de la population une défiance croissante vis-à-vis de l’école, de la police, de la justice comme de la représentation nationale. Aussi, je m’indigne contre cette gauche dévoyée qui sera responsable si on la laisse faire – le drame de Crépol l’atteste – d’une poussée de violence dévastatrice chez ceux qui contestent le mode de vie français. Cette gauche infâme qui se contente de séduire des électeurs « issus de la diversité » et des « minorités » sans vouloir ni émanciper ni agréger précipite en effet le face-à-face entre factions prédit par feu Gérard Collomb. Si nous ne nous ne sonnons pas rapidement la fin de partie, au Pays des Lumières redevenu celui du silex, il sera bientôt dangereux d’être mâle de plus de cinquante ans, Blanc, Chrétien ou Juif. Le racisme anti-blanc, ça suffit !
Pour mémoire, dans BIG OTHER, sa préface à l’édition 2011 du Camp des Saints, Jean Raspail écrivait : « (…) s’agite une redoutable phalange issue du camp de notre nation, et néanmoins tout entière engagée au service volontaire de l’Autre : BIG OTHER… Le premier soin de Big Other a été de tordre le cou au « Français de souche », pour déblayer définitivement le terrain. Ce que je ne parviens pas à admettre, et qui me plonge dans un abîme de perplexité furieuse et désolée, c’est pourquoi tant de Français (…) concourent aveuglément, méthodiquement, voire cyniquement, à l’immolation d’un certaine France -évitons le qualificatif d’éternelle qui les révulse – sur l’autel de l’humanisme exacerbé. »  

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Le porno et la tribu

Elon Musk reproche au New York Times d’avancer que des Amazoniens sont devenus accros au porno à cause de son réseau Starlink.


Le 12 juin, sur le réseau social Twitter qu’il a racheté, Elon Musk accuse le New York Times d’avoir tenu des propos « irrespectueux » et « méchants » envers la tribu amazonienne des Marubos (Brésil), qui venait d’être connectée à internet via son réseau de satellites Starlink. Un reportage publié par le quotidien dix jours plus tôt, et intitulé « La dernière frontière d’internet : les tribus qui vivent reculées du monde en Amazonie », a été repris par de nombreux médias et ensuite partagé de manière virale sur la Toile. Mais son contenu a été déformé pour créer un récit nouveau dont le sens est donné par le titre de la version publiée dans le New York Post, rival droitard du Times : « Une tribu isolée d’Amazonie se connecte enfin à internet, mais finit par devenir accro au porno ».

A lire aussi : Meurice me va comme un gland!

Journalistes et internautes ont été captivés par cette idée d’indigènes si naïfs qu’ils restent sans aucune défense devant l’irruption dans leur vie de tentations devenues banales dans le reste du monde. En réalité, si la tribu en question n’a eu un accès constant et haut débit à internet que récemment, grâce au réseau de satellites du milliardaire, dire que cette population découvre le Web du jour au lendemain est une faribole qui relève du mythe du bon sauvage menacé de corruption par la décadence moderne. Clés USB permettant de stocker toutes sortes de contenus ou smartphones permettant d’aller sur WhatsApp, Facebook ou Instagram lorsque l’on se rend près des zones habitées circulent dans ces villages depuis des années. Le Times a dû publier un rectificatif intitulé : « Non, une tribu reculée n’est pas devenue accro au porno », accusant ses concurrents médiatiques d’avoir travesti la vérité1. Reste que certains passages du reportage n’étaient pas aussi nuancés qu’il le prétend. On pouvait par exemple y lire : « La société moderne a traité les problèmes liés à internet pendant des décennies […]. Les Marubos […] sont confrontés au potentiel et aux périls d’internet d’un coup. » Mais Musk cherchait moins à défendre l’honneur de la tribu qu’à condamner une mauvaise publicité faite à son réseau Starlink.


  1. https://www.nytimes.com/2024/06/11/world/americas/no-a-remote-amazon-tribe-did-not-get-addicted-to-porn.html ↩︎

L’audiovisuel public: un petit air italien…

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En Italie, Giorgia Meloni veut une révolution culturelle à la RAI, la télévision publique. Elle a chargé Giampaolo Rossi de la mener, en le nommant à sa tête. Les opposants craignent l’avènement d’une «Télé Meloni», alors qu’à droite on se félicite d’un possible retour du pluralisme sur les écrans. Une situation qui fait évidemment penser à ce que le Rassemblement national envisage de faire en France…


Il paraît que si on faisait voter les journalistes de la RAI, en Italie, aujourd’hui, la gauche gagnerait, et que le résultat ne représenterait pas du tout le pays. Cette réflexion est celle d’un responsable de droite, anonyme, interrogé par Le Monde, qui est arrivé en poste avec le gouvernement Meloni.
« Il y aurait donc une « asymétrie culturelle » à laquelle il importe de remédier grâce à ce fameux « nouveau récit » national. « Il nous faut moins de promotion des LGBT et plus de contenus favorables à la tradition familiale », préconise-t-il. » (« La RAI, télé guidée » par Allan Kaval dans M, le Magazine du Monde).
J’ai extrait ce court passage d’un article globalement défavorable [1] au projet de réforme de la RAI par le gouvernement Meloni.

Les médias publics se vivent comme un « contre-pouvoir »

Le point de vue développé par cette personnalité de droite ne saurait être rejeté avec la volonté de favoriser l’opprobre sur l’expression de toute pensée conservatrice dans les médias publics, en l’occurrence de la RAI. Même si le Rassemblement national n’est pas arrivé au pouvoir après le second tour des élections législatives, il est difficile de contester que la France penche très fortement à droite. Et que l’audiovisuel public a un parfum subtil ou ostentatoire de gauche. Cette donnée est aisément vérifiable au quotidien et peut s’expliquer d’abord par la logique profonde des médias publics qui, à mon sens de manière perverse, assimile le pouvoir à la droite et se vit comme un contre-pouvoir. La gauche est perçue par eux comme l’alliée naturelle du progrès, de la liberté d’expression et de l’impartialité.

À lire aussi, Marine Le Pen (2021): Il faut privatiser l’audiovisuel public

Sur le plan politique, cette dérive peut se trouver relativement limitée, car on a beau vouloir tordre la réalité dans tous les sens, reste que les faits ont leur pesanteur et que l’information, au risque d’être totalement discréditée, se doit d’en rendre compte. En laissant, il est vrai, le champ libre à une interprétation qui, sauf dans de rares publications assumant l’honneur d’être conservatrices, tourne vers des analyses inscrites dans le progressisme de gauche.
Dans le registre sociétal comme on dit, l’audiovisuel public n’est entravé par rien. Il serait scandaleux, voire indécent, de ne pas pourfendre toute « tradition familiale », la normalité majoritaire des conduites hétérosexuelles et de leurs conséquences naturelles, les valeurs et les principes ayant structuré notre société et façonné une civilisation de qualité depuis des siècles. Et, plus globalement, de ne pas tourner en dérision tout ce qui est conservateur et prétend à l’ordre, à la discipline, à l’acceptation des hiérarchies fondées sur le mérite et la compétence, à la diffusion d’un art intelligible et universel, à une humanité respectée parce que respectable et se respectant elle-même.

A lire aussi du même auteur: La gauche est-elle propriétaire de la culture?

Macron-compatible

Je suis persuadé que, si on faisait voter, comme en Italie, les journalistes de l’audiovisuel public, ils ne seraient pas loin de faire preuve d’une révérence de gauche tout en s’indignant du culot que nous aurions à mettre en cause leur honnêteté. Ils ne seraient sans doute pas si éloignés du pouvoir incarné par le président Macron qui n’a eu de cesse, dans beaucoup de secteurs, de promouvoir l’incongru au détriment de ce qu’on pourrait appeler, pour s’en féliciter, l’évidence des attitudes ordinaires, la banalité des bons choix, compris parce que justes. Tout ce qui viendra, dans les prochaines années, constituer l’audiovisuel public comme un formidable outil au service du public et de son pluralisme sera, j’en suis sûr, bienvenu et accepté. Avec un air italien ou non.


[1] https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2024/07/12/giorgia-meloni-a-l-offensive-sur-l-audiovisuel-public-italien_6248877_4500055.html

Euro: l’invincible Espagne, l’affligeante France

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Le vainqueur de l’Euro 2024 avait l’équipe offrant le jeu le plus séduisant. La France, elle, si elle a réalisé un parcours qui n’est pas honteux durant la compétition, a surtout brillé par… son impuissance à marquer.


L’Espagne, qui a remporté dimanche pour la 4ème fois de son histoire le titre européen – un record dont elle est l’unique détentrice – a confirmé qu’elle était bel et bien « l’invincible sélection » de cet Euro 2004 allemand. Elle s’est imposée magistralement par 2 à 1 à une Angleterre laborieuse qui, convient-il de le reconnaître, a manqué toutefois d’un tout petit peu de réussite dans les dernières minutes. Elle a raté l’égalisation grâce à une tête ibérique qui a coupé miraculeusement, pile-poil sur la ligne de but, la trajectoire du ballon qui allait au fond des filets. La chance n’est pas forcément injuste. Il lui arrive d’accourir à la rescousse à ceux qui la méritent. Ce fut le cas.

C’est qui les plus forts ? Évidemment c’est les Ibères

« La meilleure équipe », a en effet convenu l’entraîneur anglais, Gareth Southgate. « Sa victoire est méritée », a-t-il ajouté.  La presse française, qui déjà avait fait l’éloge dithyrambique des hispaniques lorsqu’ils avaient éliminé les Bleus en demi-finale n’a pas été avare en louanges. Des « intouchables », a proclamé péremptoirement L’Equipe ; une victoire qui ne souffre « aucune contestation », a estimé Le Figaro ; la sélection « la plus complète, la plus belle à voir jouer » a surenchéri Le Parisien ; « la plus séduisante » a reconnu Le Monde ; même son de cloche dans la presse régionale.

On ne peut pas en dire autant des Bleus, les vice-champions du monde. Se faire sortir en demi-finale par l’invincible Espagne n’aurait rien eu de déshonorant et frustrant s’il n’y avait pas un si… À savoir qu’ils étaient arrivés à ce stade du tournoi sans marquer un seul but en plein cours du jeu. Jusqu’à Randal Kolo Muani, sur un centre de Mbappé, n’ouvre le score à la 9ème minute d’un magistral coup de tête et ne mette un terme à cette affligeante stérilité, ils n’avaient à leur actif qu’un penalty et deux buts contre leur camp que leur avaient concédés leurs adversaires… Et en 8ème, ils s’étaient imposés face au Portugal aux tirs au but. En réalité, cette réalisation de Kolo Miani ne fut qu’illusoire. Dès la remise en jeu, l’équipe de France renouait avec sa chronique impuissance à marquer.

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Dix minutes s’étaient à peine écoulées que le jeune prodige de la Roja, Lamine Yamal, pas encore 17 ans, portait l’estocade. D’un coup de pied magistral des 25 mètres, il envoyait en passant par la lucarne le ballon au fond des filets tricolores. Tous les commentateurs l’ont qualifié de « plus beau but du tournoi ». À peine quatre minutes plus tard, c’était « el descabello », le coup de grâce… le ballon se retrouvait au fond des mêmes filets français…

La réussite de la Roja n’est pas seulement imputable aux prouesses de ses deux prodiges, Lamine Yamal (17 ans le jour de la finale, donc), d’origine marocaine, et Nico Williams (22 ans), lui d’origine ghanéenne, et paradoxe respectivement joueurs, au FC Barcelone et à l’Athletic Bilbao, clubs fanions de deux provinces, la Catalogne et le Pays basque, qui revendiquent leur indépendance, ni à la pertinence de son sélectionneur, Luis de la Fuente, qui jusqu’à maintenant n’avait entraîné que les sélections de moins de 20 ans.

Le jeu des Espagnols, qui implique une grande cohésion entre joueurs, repose sur de courtes et usantes passes, sur une possession jalouse du ballon. Ce jeu n’est pas sans une similitude certaine avec l’art tauromachique qui consiste à prendre l’ascendant sur le taureau par des séries d’arabesques que le matador dessine avec sa cape. Et quand l’animal ne sait plus très bien où il en est, on lui porte l’estocade. Résultat, la Roja a gagné tous ses matchs.

Face à elle « tout est allé trop vite pour une équipe de France dont le socle défensif a craqué », avait estimé Le Monde. Car, selon Le Figaro, l’Espagne était « plus créative, plus brillante, plus culottée, plus talentueuse. »

La star Mbappé passe à côté de la compétition, Olivier Giroud… aussi

Qu’est-ce qui peut expliquer que la France a été l’ombre de ce qu’elle fut au Mondial au Qatar face à l’Argentine ? Seul Le Figaro a osé briser une omerta en posant une question que l’ensemble de la presse a éludée : que s’est-il passé avec Olivier Giroud ? Jusqu’à la demi-finale, la moyenne de temps de jeu de ce dernier n’avait été que de neuf minutes par rencontre… Alors, pourquoi Deschamps l’a sélectionné si c’était pour ne pas le faire jouer ?

A lire aussi, Franck Crudo: Politique: pourquoi nos footballeurs tricolores font bien de la boucler

 « En voulant axer toutes ses forces sur Mbappé, jamais au niveau durant l’Euro (…), Deschamps s’est raté », a insisté Le Figaro, sous la plume de ses deux chroniqueurs, Baptiste Desprez et Christophe Remise. Dans leur article de jeudi, intitulé « Tout ce qui a (vraiment) manqué aux Bleus dans l’Euro », ils enfoncent le clou. « Autre élément en sa défaveur, la mise au ban d’Olivier Giroud. Au regard des performances très faibles de Marcus Thuram et inégales de Randal Kolo Muani, l’expérience et l’efficacité dans la surface du meilleur buteur de l’histoire de la sélection auraient mérité plus de considération ». On peut ajouter qu’il aurait été plus approprié et judicieux que Thuram et Mbappé se préoccupent davantage de mettre le ballon dans la cage adverse que de chercher à infléchir le choix du bulletin que les électeurs envisageaient de glisser dans l’urne, en somme de jouer au foot et non les consciences.  « Ce déclassement », comme l’a qualifié Le Figaro, la mise à l’écart du meilleur buteur de l’équipe de France (57 buts en 136 matchs), soulève en conséquence une autre question : celui-ci aurait-il un mobile extra-sportif ? Une explication s’impose !

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Que viva España!

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La messe de l’Euro est dite – un Euro un peu passé par pertes et profits, l’attention des médias étant, et c’est totalement logique, absorbée par la situation politique en France.


Un état de fait qui n’a pas été atténué par les performances de l’équipe de France, demi-finaliste certes, mais dont le jeu ressemble plus à un somnifère qui a le mérite, vu l’état de nos finances publiques, de ne rien couter à la Sécurité sociale. Le mauvais côté de l’histoire est que, 40 ans après la victoire de la bande à Platini, on se souvient du beau jeu du carré magique et on est tenté de prendre des antidépresseurs qui, eux, coutent un pognon de dingue pour citer qui vous savez.

Pourtant, du beau jeu, il y en a eu ! Par une équipe en particulier qui, cerise sur le gâteau, a remporté le titre. Beau jeu ne rime plus, et depuis longtemps, avec Bleus, mais, depuis cet euro, avec Rouge. La « Roja » nouvelle formule a en effet fait oublier le « tiki taka » incessant de la période bénie du football espagnol quand, de 2008 à 2012, nos amis transpyrénéens avaient remporté d’affilée et logiquement deux Euros et un mondial avec l’équipe mythique des Xavi, Iniesta, Casillas, Xabi Alonso, Puyol, Piqué, Torres, record invaincu.

A lire aussi, Dominique Labarrière: Ah, le foot!

Et cette Roja, au sein de laquelle jouent deux Français qui pourtant auraient voulu porter le maillot Bleu mais à qui a toujours été opposé une fin de non-recevoir, Aymeric Laporte et Robin Le Normand, pratique un très beau jeu.

Un jeu offensif, chatoyant, avec peu de calcul et de très grands joueurs en devenir. Comment ne pas être ébahi devant un Lamine Yamal, qui a battu Pelé hier comme plus jeune finaliste d’une grande compétition à 17 ans et un jour, meilleur passeur de la compétition et auteur d’un but sublime face à la France ? Williams, Olmo, Ruiz (aussi bon avec l’Espagne que médiocre avec le PSG, comment l’expliquer ?), Cucurella, Olmo jouent en regardant vers l’avant, pas en pensant à surtout ne pas prendre de but.

Une victoire largement méritée avec sept victoires pour sept matches, et après avoir battu les quatre autres champions du monde européens : Italie, Allemagne (chez elle, après avoir été rejointe à la dernière minute, on peut saluer l’exploit), France puis Angleterre.

Alors bravo à l’Espagne, que viva España, et on attend avec impatience les explications des non-sélections de Laporte et Le Normand, mais j’ai bien peur que nous devions attendre longtemps !

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Emmanuel Macron et la roulette belge

Seul un insensé peut jouer à la roulette belge (toutes les balles dans le barillet) en croyant pouvoir gagner. Un chef d’État si peu perméable à l’assaut du réel et aux attentes de son peuple est un homme clos qui ne se fie qu’à lui-même et à ses cireurs de bottes. Emmanuel Macron est ce narcisse esseulé.


Emmanuel Macron est-il fou ? Oui, fou. « Fada », comme il dit. Depuis le 9 juin et sa dissolution rageuse de l’Assemblée nationale, annoncée cinquante-huit minutes après l’annonce de la défaite de son mouvement aux élections européennes (14,6 %), la question se pose. Elle obsède son camp traumatisé qui, dans l’instant du verdict, a vu venir le crash. Mais l’« esprit de défaite » n’habite pas ce président haut perché, enamouré de lui-même. Ce soir-là, l’homme blessé (« cela m’a fait mal », avouera-t-il) se persuade de « prendre son risque ». Il se convainc de susciter un sursaut de confiance autour de sa personne, comme il le fit en agitant la peur du Covid (« nous sommes en guerre ») et comme il aimerait tant le faire en attisant les braises d’un conflit généralisé contre la Russie. Macron pense, ce 9 juin, jouer le coup fumant qui le replacera en sauveur face au RN. Ne s’est-il pas engagé à en être le rempart ?

Ce soir-là, Macron laisse donc sa photographe, Soazig de la Moissonnière, fixer et diffuser auprès des médias les mines atterrées de ses ministres et de la présidente de l’Assemblée, réunis pour entendre son bon plaisir, avalisé en coulisses par une bande de drôles. Selon Le Monde, quelques jours plus tard, le chef de l’État aurait dit fièrement : « Je prépare ça depuis des semaines et je suis ravi. Je leur ai balancé ma grenade dégoupillée dans les jambes. Maintenant on va voir comment ils vont s’en sortir. » Mais la grenade allait évidemment rouler sous son fauteuil. Il a fallu attendre le 30 juin, premier tour des législatives, pour qu’il en mesure la première déflagration avec un RN à 33,1 %, un Nouveau Front populaire à 27,9 % et une Macronie défaite à 20,8 %, ne pouvant donc survivre qu’au prix d’accords avec la coalition « diversitaire » préemptée par Jean-Luc Mélenchon.

Seul un insensé peut ainsi s’amuser à la roulette belge (toutes les balles dans le barillet) en croyant pouvoir gagner. Un chef d’État si peu perméable aux assauts des réalités et aux attentes de son peuple indigène est un homme clos qui ne se fie qu’à lui-même et à ses cireurs de bottes. Macron est ce narcisse esseulé. Dès lors, comment ne pas s’interroger sur sa démesure égotique, sa négation des obstacles, sa fascination pour la foudre, son attirance pour la transgression, sa jouissance dans le caprice, son mépris des contradicteurs, son plaisir à agiter les peurs, sa propension à se défausser sur les autres ? Comment ne pas s’alarmer de son immaturité d’enfant-roi qui, pareil au jeune Abdallah de Tintin, jette ses pétards et trépigne d’être contrarié. Bref, comment ne pas se demander si Macron tourne rond ? C’est le Figaro Magazine qui, le 14 juin, pose directement la question au roi sans divertissement : « – Que répondez-vous à ceux qui disent ça ? Êtes-vous fou, comme ils le prétendent ? – Non, pas du tout, je vous le confirme, je ne pense qu’à la France. C’était la bonne décision, dans l’intérêt du pays. Et je dis aux Français : n’ayez pas peur, allez voter. »

Mais de quoi les Français auraient-il peur, sinon des foucades d’un personnage de roman qui s’ennuie d’attendre son destin ?

À dire vrai, Macron n’est pas le seul à avoir perdu la tête. Certes, il n’a jamais voulu entendre l’exaspération des Oubliés qui ébranlent le vieux monde politique. « Je ne sens pas la colère », déclare-t-il en 2018 à la veille de la fronde antiparisienne des gilets jaunes, puis en 2023 alors que les agriculteurs ruent dans les brancards. C’est en province que la révolution du réel s’est échauffée. Cependant, ce président déphasé est aussi le produit de la crise de la politique, victime des idéologies bavardes et hors-sol. Les « élites » sont contestées pour avoir montré un même dérèglement intellectuel, incompatible avec le bon sens des Français ordinaires.

Si le pays « marche sur la tête » – slogan qui fait florès dans la France rurale depuis la dernière révolte des agriculteurs –, ce n’est pas seulement depuis le macronisme et son mépris de la piétaille. La date peut être fixée à 2005 avec le vain rejet de la Constitution européenne par référendum. Depuis lors, des docteurs Folamour, de droite ou de gauche, n’ont cessé de transformer la douce France en un laboratoire d’expérimentation d’une société ouverte aux minorités tyranniques. Ceux qui ont répété « l’immigration est une chance pour la France », en accusant de racisme leurs opposants, sont comptables de la crise civilisationnelle qui porte Jordan Bardella contre Jean-Luc Mélenchon. Le 9 juin, 93% des 35 000 communes ont mis le président du RN en tête. Seules les métropoles déracinées adhèrent au rêve d’une « nouvelle France » islamisée. Quand Mélenchon explique (Le Figaro, 21 juin) qu’« un grand brassage ne produit qu’un seul peuple », il revendique une fable que les réalités démentent, mais que Macron partage. Ces deux-là défendent un mondialisme contesté, sauf dans les grandes villes vidées des anciennes classes populaires.

Reste la question : la guerre civile, évoquée par Macron pour justifier son utilité rassurante, est-elle évitable ? Le président a réussi la « clarification » qu’il espérait en fracturant davantage la France des déracinés et celle des enracinés. Le choix d’Éric Ciotti, président LR, de s’unir avec le RN a percé le mur qui interdisait l’union des droites. Les intimidations morales des médias et autres donneurs de leçon impressionnent d’autant moins que le Nouveau Front populaire a montré son visage hideux. « On va à l’essentiel », a expliqué François Hollande pour rallier ce front de la honte, en faisant de l’antisémitisme de LFI un point de détail. Cette gauche perdue, alliée à l’islamo-gauchisme et aux antifas adeptes de la violence de rue, est prête à tout pour imposer sa vision d’une société postnationale. « Ceux qui s’appellent “Français de souche” posent un sérieux problème à la cohésion de la société », a prévenu Mélenchon le 15 juin. Cela s’appelle une menace. Or « trois Français sur quatre restent d’origine majoritairement française et de culture provinciale » (Michel Auboin). Ceux-ci ont encore de la suite dans les idées : ils n’ont pas, eux, la folle intention de s’effacer.

De Saint-Tropez à Florence

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Notre chroniqueur ouvre ses boîtes à souvenirs durant tout l’été. Livre, film, pièce de théâtre, BD, disque, objet, il nous fait partager ses coups de cœur « dissidents ». Pour la Fête Nationale, il a exhumé quelques trésors parfumés à l’huile solaire de sa malle de voyage: un tour d’Italie avec Giono, un été avec Claude Nori, Saint-Tropez croqué par Sempé, des vacances fatales signées Giardino et même un été fripon, donc cochon.


Les voyages m’ennuient. Aujourd’hui, ma sédentarité est perçue comme suspecte par les autorités. Mon immobilisme estival pourrait être assimilé, en ces temps de purge, à un isolationnisme, donc à une forme de sécession intérieure. Gare à celui qui ne quitte pas la France en juillet et en août ! Je n’ai pas soif d’autres paysages et d’autres cultures, d’un ailleurs fantasmé, j’ai une bibliothèque à ma disposition. Elle me suffit.

La littérature, remède au surtourisme

C’est le seul luxe des professions écrivantes, l’évasion à moindre coût, sans les aéroports climatisés et le tourisme arnaquant, les plages huileuses et les péages surchauffés. Mes guides s’appellent Giono et Sempé, cette année. Leur dépaysement est à portée de main, je tourne les pages, et je pars loin. Sans faire le plein d’essence et surtout sans me lever en pleine nuit pour atteindre un hypothétique charter, dans une plaine morne, au Nord de Paris, tel un mouton en transhumance et en maltraitance.

Ce dimanche, j’ai choisi pour tous les oubliés de l’Autoroute du soleil et les recalés des compagnies aériennes, des destinations archiconnues, de Rimini à Venise, du sable varois au Musée des Offices, du rabâché par les guides verts, bleus ou rouges, du prémâché pour des voyageurs casaniers et vraiment très peu aventuriers. Ces lieux n’intéresseront pas les baroudeurs à la Philippe de Dieuleveult, ni les blasés des pages « Tourisme » des magazines.

À lire aussi, du même auteur: Alors, on lit quoi cet été ?

Leur popularité les dessert. On pense les connaître tellement ils ont été labourés par des millions de marcheurs, souvent indifférents à leur beauté fanée. Pour saisir l’émotion derrière le banal, le friable derrière le vulgaire, il faut s’abandonner aux écrivains, dessinateurs ou photographes. Eux captent des choses qui nous dépassent. D’abord, partons en Italie, avec Giono en 1954, l’année où il entrait à l’Académie Goncourt. Il n’a guère quitté les environs de Manosque, cet employé de banque exemplaire. « Pendant plus de cinquante ans, c’est à peine si j’ai bougé » écrit-il, dès l’entame de son voyage qui le mènera à Milan, Venise, Padoue, Bologne et terminus Florence, en Renault 4CV découvrable. Giono est un voyageur ombrageux qui déteste la foule mais qui sait écrire sur les hommes de la rue. Il avoue aimer les déserts, les prisons et les couvents. On ne va pas s’ennuyer avec lui. Il fuit le divertissement et respire seulement sur les hauteurs de Briançon. Chez Giono, la langue est ample et perfide, il est rosse dans la douceur, le berger se révèle en Machiavel montagnard. Son récit vaut pour mille détails sur la vie quotidienne des Italiens, dactylos, sténos, épiciers et prêtres, je me régale de la dernière scène de ce voyage chez un coiffeur de Florence qui lui inspire un passage admirable : « Ici, on fabrique simplement les têtes coiffées du peuple. Pas de subtilités. Comme partout ailleurs, on me propose « bien dégagé derrière et rafraîchi sur les côtés ? ». J’opine. » Voilà à quoi ressemble, en quelques phrases, un grand écrivain de langue française.

Sensuelle Italie

Restons de ce côté-ci des Alpes pour se (re)plonger dans le recueil de Claude Nori, Un été italien, best-seller qui date de 2001 et dont la fraîcheur nous porte toujours vers une certaine mélancolie. Peu de livres de photos, à l’exception de ceux de Didier Ben Loulou, l’autre grand artiste de la Méditerranée, nous rendent heureux et tristes à la fois, comme un dernier baiser consenti à l’ombre d’une cabine de plage, avant de repartir. Les Italiens de Nori sont gracieux et tendres, ils sont naturels, qu’ils soient de jeunes amoureux ou de vieux qui trinquent sur une toile cirée, en bande de copains ou avec la mamma, ils s’agrègent, ils sont bien ensemble et nous avec. L’Italie de Nori a les cheveux mouillés, des filles pudiques dévoilent leur marque de bronzage, un grand-père porte son petit-fils avec délicatesse, les beaux mecs enfilent des lunettes noires et roulent en cabriolet Alfa, on rit, on se baigne, on se bécote sur les nattes publiques, les parkings sont remplis de Vespa, on élit une miss et on se perd, les yeux dans la mer, dans cet album de famille.

À ne pas manquer: Causeur #125 été 2024: En première ligne dans la guerre des idées, Notre jeunesse

Pour capturer une Italie plus vénéneuse et sensuelle, Vittorio Giardino, dessinateur et coloriste de génie, nous propose quelques histoires dramatiques dans Vacances fatales, notamment celle intitulée « Sous un faux nom » qui se déroule à Capri. Sa planche (page 34) est l’une des plus suggestives et des plus charnelles de sa production. Sans rien dévoiler de l’intimité de la personne, il nous montre, en sept cases, une brune en hautes espadrilles, nous ne voyons d’elle que son profil, plus bas, une fine cheville, puis on remonte sur son rouge à lèvre, elle allume une cigarette et nous savons qu’elle nous fera souffrir et que nous aimerons ça.

Rentrons à la maison et faisons une halte au port de Saint-Tropez, Sempé y a consacré un ouvrage en 1968, entre Monsieur Lambert et Marcellin Caillou. C’est spirituel et cruel comme ces deux hommes murs qui marchent sur une plage et l’un dit à l’autre : « J’ai essayé le christianisme… Puis le socialisme… Maintenant, je vais essayer l’érotisme… ». Si vous souhaitez faire monter la température du 14 juillet de quelques degrés, je vous conseille Été fripon (pour public averti) qui réunit plusieurs dessinateurs (Goetzinger, Cabanes, Gibrat, Ceppi, Varenne, etc…) dans des saynètes dénudées et très osées. C’est encore plus chaud que le bal des pompiers.

Voyage en Italie – Jean Giono – Folio 1143

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Saint-Tropez – Sempé – Folio 706

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Sensualité moite d’une île tropicale

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Commencé en 1999, Nous nous verrons en Août, dernier ouvrage du Prix Nobel 1982, aurait pu ne jamais voir le jour.


Depuis la publication posthume de ses écrits journalistiques – Le scandale du siècle, en 2022 – on croyait la découverte de l’œuvre de Gabriel Garcia Marquez bel et bien achevée. C’était sans compter l’opiniâtreté de ses deux fils Rodrigo et Gonzalo Garcia Barcha. Dix ans après la mort de leur père, ces derniers décident de publier Nous nous verrons en août, roman inédit dont l’écrivain colombien n’était pas satisfait. Il en avait toutefois donné des lectures publiques et avait accepté que des extraits paraissent dans le journal espagnol El Pais.

Pourquoi alors ce jugement sans appel ? « Ce livre ne marche pas. Il n’y a qu’à s’en débarrasser ».  Ses fils avancent une hypothèse : le découragement de leur père confronté à la maladie qui l’avait amené à déclarer : « La mémoire est à la fois ma matière première et mon instrument de travail. Sans elle il n’y a rien ». Son projet initial était d’écrire cinq récits autonomes avec pour même protagoniste Ana Magdalena Bach et pour thème récurrent les amours tardives, mais son état ne lui permis pas d’en venir à bout. Le premier d’entre eux commence ainsi : « Elle revint dans l’île le vendredi 16 août par le bac de trois heures de l’après-midi. Elle portait un jean, une chemise écossaise à carreaux, des chaussures simples à talon plat, sans bas, une ombrelle en satin, son sac à main et, pour tout bagages, une mallette de plage » – et, d’emblée, un monde se déploie. C’est le propre des grands écrivains que d’imposer une voix. Celle de Gabriel Garcia Marquez se reconnaît entre toutes.  On ne saura rien de l’île, si ce n’est qu’elle se trouve dans les Caraïbes. Qu’elle regorge d’une végétation luxuriante et abrite une vaste faune tropicale. Ana Magdalena s’y rend donc chaque 16 août pour aller fleurir la tombe de sa mère. Le rituel est immuable.

A lire aussi, Jacques-Emile Miriel: Inédit de García Márquez: bref et somptueux

Chaque année elle prend le bac en début d’après-midi, puis un taxi, elle se rend à son hôtel, toujours le même, achète un bouquet de glaïeuls à la même fleuriste et se rend au cimetière. Ana Magdalena Bach a cinquante ans, deux enfants et un mari chef d’orchestre avec qui elle file le plus parfait amour. C’est une de ces femmes dont on dit qu’elle est toujours belle pour son âge et qui n’a connu qu’un homme dans sa vie. Jusqu’au jour où sa route croise celle d’un bel inconnu. L’homme la séduit. Elle passe la nuit avec lui. Puis chaque année, elle retourne dans l’île et chaque année, fait la découverte d’un nouvel amant. Le premier à l’initier à l’adultère la marquera à jamais : « Plus jamais elle ne devait être la même. » Puis il y aura la rencontre avec un proxénète, celle avec un ancien ami et même celle avec un évêque ! Rien ne saurait arrêter cette femme frappée du démon de midi. Il y a une sensualité extrême dans ces pages qui s’accorde avec la moiteur du climat et ne verse jamais dans la vulgarité. Avec ses partenaires, Ana Magdalena redécouvre son corps et les plaisirs insoupçonnés qu’il recèle.

Mais cette présence d’Eros ne va jamais sans Thanatos. La mort rôde autant que le désir dans ce court opus qui brosse le portrait d’une femme libre. Un roman solaire et sensuel qu’il eut été dommage de ne pas découvrir.

Nous nous verrons en août de Gabriel Garcia Marquez, traduit de l’espagnol par Gabriel Iaculli, éditions Grasset, 138 p.

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Louis XVIII et les femmes

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Episode 3 : L’épouse…


Relire le premier épisode

Relire le 2e épisode

Jaloux de son aîné, qu’il détestait, « le roi sans royaume ne faisait rien sans raison, ni sans calcul ». C’est sous ces traits cruels que l’historien Matthieu Mensch décrit le comte de Provence, futur monarque de la Restauration, au seuil de l’ouvrage qu’il consacre aux Femmes de Louis XVIII – c’en est le titre. À Louis XVI, le cadet de la dynastie Bourbon enviait aussi son Autrichienne, dont il pensait que lui-même l’aurait mérité davantage : « la haine de Monsieur envers son infortunée belle-sœur avait fini par devenir de notoriété publique », au point que sur le tard, il cherchera à se dédouaner. Instrumentant la mémoire de la reine martyre, il fera même construire, en 1826, une chapelle expiatoire : « Marie-Antoinette semble correspondre parfaitement à la vision cynique de Louis XVIII, pour qui les femmes n’étaient que des outils politiques ou de simples faire-valoir ». Quel garçon sympathique…

Les femmes de Louis XVIII

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Dans cette miche d’excellente farine donnant à déguster les liens du roi podagre au sexe faible – comme en 2024 il n’est plus d’usage de dire-, le morceau le plus croustillant porte sur son épouse, Marie-Joséphine de Savoie. Née en 1753 à Turin, troisième enfant d’un couple singulièrement fécond (la portée atteindra le chiffre envié de douze), la princesse offre l’aspect d’un laideron grassouillet, lestée dès que pubère d’un duvet brun au-dessus des lèvres, de sourcils épais et de cheveux gras qui frisottent jusque sur son front bas. Qu’importe. Le dauphin marié à une archiduchesse d’Autriche, Louis XV « n’entend pas que le parti autrichien prenne toute sa place à la Cour ».  D’où la stratégie matrimoniale du grand-père. Provence, son petit-fils, est alors âgé de quinze ans. En 1771, la savoyarde fait donc le voyage depuis Turin. Et la voilà mariée.  Petite, mal fagotée, vite moquée par la Cour pour ses manières provinciales, elle ne fait pas le poids face à sa séduisante belle-sœur Marie-Antoinette. D’autant qu’elle sent mauvais, ni ne se parfume, ni ne se maquille, ni ne se brosse les dents. « Pétrie de sa dignité et du rang qui est le sien », Marie-Joséphine voit sa sœur donner naissance au duc d’Angoulême, puis « L’Autrichienne » concevoir le Dauphin, tandis qu’on murmure sur sa stérilité à elle : « certains mettent en cause une homosexualité refoulée de Monsieur, son impuissance ou le dégoût de son épouse ». Ce rôle « pathétique de princesse inféconde et délaissée » la poursuit, et lui forge ce caractère odieux qui l’isole de la Cour et de ses réseaux.  Elle s’entiche bientôt d’une obscure Marguerite de Gourbillon, d’extraction roturière, dont elle fait sa lectrice et peut-être sa maîtresse. Marie-Joséphine de Savoie ne parvient plus à dissimuler, sinon son saphisme, à tout le moins son ivrognerie. Qui fait jaser. Excédé, son mari met la Gourbillon à la porte. Elle n’aura de cesse de revenir par la fenêtre. Sans « comprendre toute l’étendue de ce qui se trame dans le royaume » au crépuscule de l’Ancien Régime, l’épouse de Louis XVIII, « dans une forme d’égoïsme aveugle », croit en effet pouvoir tirer profit de l’ébullition révolutionnaire, allant jusqu’à menacer de faire appel à l’Assemblée pour obtenir le retour de sa favorite. Dès l’été 1789, Artois (le futur Charles X) a pris le chemin de l’exil. Or Madame de Gourbillon favorise bientôt la fuite (réussie) de Louis XVIII et de sa femme vers la Belgique : « la lectrice usera et abusera jusqu’à la fin de ce nouveau statut [de sauveuse] pour manipuler et culpabiliser celle qui passe désormais pour sa débitrice ». Chantage affectif, caprices, tandis que commence la vie errante des époux exilés… 

À Turin, Madame apprend l’exécution de Louis XVI puis de Marie-Antoinette : Monsieur s’est proclamé régent. Puis en 1795 meurt le petit Louis XVII, au Temple. Monsieur se proclame illico roi de France : reine impécunieuse, infertile et sans royaume, Madame tente encore d’imposer la présence de sa lectrice mais le tsar, avec l’aval de Louis XVIII, emprisonne la Gourbillon à Vilnius avant de l’expulser en Angleterre. De plus en plus alcoolique et valétudinaire, Marie-Joséphine va de cure en cure, finit par se poser à château de Mittau (dans l’actuelle ville lettone de Jelgava), dépressive, « les cheveux gris coupés en hérisson », le visage « long, maigre et jaune » comme l’écrit Dorothée de Courlande, en visite. En 1807, elle suit son mari en Angleterre dans sa cavale devant « l’Usurpateur » conquérant de l’Europe. Recluse, obèse, ravagée, pathétique, atteinte d’hydropisie et probablement de cirrhose, elle s’éteint un 13 novembre 1810, veillée par un mari faussement affligé. Louis XVIII lui réservera de dispendieuses obsèques, lui qui avait compris très tôt que cette épouse « serait pour lui une véritable tare » mais l’obligerait à sauvegarder « les apparences d’un couple uni dans l’adversité », car « trahir cette illusion revenait à le trahir et son orgueil ne pouvait le supporter ».

La semaine prochaine – Épisode 4 : La favorite…

Bac 2024: en chute libre

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Publication des résultats du baccalauréat 2023 au lycée Masséna à Nice : un taux de réussite de 98 % après les épreuves principales, contre 84,9 % au niveau national, avant les épreuves de rattrapage © SYSPEO/SIPA

La cuvée 2024 du bac est aussi navrante que les précédentes. Et les copies des épreuves de français confirment une situation alarmante: les jeunes Français ne maîtrisent pas notre langue. Une ignorance couverte par le ministère de l’Éducation qui pipeaute les moyennes générales. Attention: les exemples qui suivent piquent les yeux!


Toutes les fins de printemps se ressemblent pour les profs : les copies de bac arrivent en même temps que les coquelicots dans les prés… en moins joli. Le cru 2024 n’est pas décevant, et seuls des extraits prélevés sur le lot peuvent convaincre les plus sceptiques du niveau qu’on a atteint. Ce n’est pas la première fois que j’exerce cette pénible recension, mais la répétition a des vertus pédagogiques. (Précisons qu’il s’agit d’élèves de série générale – le haut du panier.)

Conjugaison, grammaire et vocabulaire approximatifs, mais correction bienveillante

Petite cueillette orthographique donc, au hasard des copies : les mots les plus courants ne sont pas maîtrisés, comme « journé », « tonalitée », « dimention », « adolessant », « délesser », « transparêtre », « la plus parts », « l’orsque »… Rimbaud, dont le nom figure en toutes lettres sur le sujet, a aussi passé un sale quart d’heure : « Rimbeau », « Rimbeaud », « Rimbau »… Ce pauvre Arthur, d’ailleurs, « s émancipie » (en tout cas lui, au même âge que nos futurs bacheliers, connaissait la langue française).

L’orthographe grammaticale n’est pas davantage assimilée : « ces sentiments ce sont dévelloper », « ces ordres sont très contestaient », « leur amour est séparer par une barrière qui l’est empêche d’être enssemble ». On est presque surpris quand on a la chance de tomber sur une phrase écrite correctement.

La conjugaison ? « Ophélie se noye » et « nous essayrons » témoignent du naufrage. La syntaxe, pas mieux : « Claire de Duras laisse au lecteur la capacité à celui-ci de réfléchir », « on sent un amour dont il meurt d’envie de partagé avec elle », « c’est un moment de remise en question, sur si elle peut faire partie de son cœur », « Edouard à su nous fair rentré dans son histoire d’amour ainsi que de nous questionner à comment à-t-il réussi à prouver son amour ».

Presque toutes les copies présentent des défaillances linguistiques majeures et, bien évidemment, les inspecteurs chargés des consignes de correction prennent soin de rappeler que seul doit être pénalisé l’usage d’une langue nuisible à la compréhension. Or, tout ce que je viens de citer est compréhensible (si si, je vous assure, avec un peu d’entraînement). D’ailleurs, pour toujours plus de « bienveillance » (je reprends la novlangue officielle, la bienveillance étant devenue la version présentable de la démission), une nouveauté est apparue cette année : une icône signale les copies d’élèves disposant d’aménagements (tiers-temps, assistance humaine, usage d’un ordinateur…) en raison de tel ou tel handicap dûment reconnu par l’institution. Là où certains professeurs se réjouissent, je ne vois que rupture d’égalité : le profil du candidat doit nous rester inconnu et n’orienter en rien notre jugement. Ce qui compte, c’est la qualité intrinsèque du travail, et non celui qui l’a produit. Tout est fait, dans la scolarité comme à l’examen, pour assigner l’élève à un statut de victime : clairement, ce n’est pas lui qui doit se hisser à un niveau d’exigence (à supposer qu’il existe encore), c’est la notation qui doit prendre en compte son profil et s’y adapter.

Ai-je évoqué les lacunes lexicales (« vagabondeur », « codes sociétaires », « vulgarisme »), les erreurs grammaticales (« l’adjectif “loin” », « l’adverbe “moment” »), ou encore l’inculture crasse que révèle la mention de Napoléon II et de la Naissance de Vénus de Bonnifacci – sans doute un boulanger corse ?

Que dire aussi de ces passages lunaires : « Claire de Duras est un romancier du Moyen Age au xixe siècle », « le registre lyrique bat son plein grêt », « le silence exprime l’ouïe », « la duchesse réfléchit, ce qui est un privilège que seule la noblesse détient », « la métaphore “ciel d’azur” désigne un ciel assombri », « le lieu forme l’intérieur du cadre par l’isotopie du château » (je ne me laisse pas impressionner par un mot savant, qu’on se le dise !). Justement, en ce qui concerne le cadre évoqué par Claire de Duras dans son texte, il s’agit d’un château dans une campagne française, jugée « exotique » par certains, quand d’autres y voient des « éléments naturels importants pour l’écosystème ».

Du côté de la dissertation, on trouve de semblables incongruités : « nous pourrions nous demander si le receuil des Fleurs du mal de Baudelaire aussi est-il allé plus loin », « les français sont en pleine guerre contre la Prusse qui sont bien plus supèrieur », « le jeune poète découvre un renouveau d’émotions à tout va dont-il laisse un intérêt léger avec l’amour d’un été ». On invente « des césures à l’hémistiche au début des vers », « un poème écrit en prose mais avec des vers » (M. Jourdain, sors de ce corps !).

Toute la subtilité dialectique se trouve condensée dans cette annonce de plan : « Nous traiterons cela dans une première partie où oui Rimbaud ira loin ensuit non Rimbaud n’ira pas loin et enfin une conclusion. »

7.5 sur 20

J’ai souffert… mais j’ai aussi bien ri. « Rimbaud arretra la poésie et se tournera vers le trafic d’arme ». Après un entretien chez le conseiller d’orientation ? Son œuvre sera publiée après sa mort, « post-parthum ». Et n’oublions pas qu’il fut surnommé « l’homme aux semelles devant » ; Verlaine a dû se marrer dans sa tombe.

Mon lot de copies a obtenu 7,5 de moyenne. L’inspection a fixé un objectif de 10, afin de s’aligner sur les résultats de la session 2023 (je n’admets toujours pas cette logique soviétique, qui consiste à évaluer sans tenir compte de la qualité réelle des copies…). L’examen perd son sens, sa valeur et son crédit. L’élève est méprisé parce qu’on le trompe. Le professeur est humilié parce qu’on s’assoit sur son expertise. Et celui qui ne souscrit pas à cette gigantesque escroquerie est sommé de rentrer dans le rang.

On s’est émerveillé de l’âge de la plus jeune candidate au bac cette année. Je ne préjuge pas des qualités de cette petite fille, mais comment s’étonner qu’on puisse s’y présenter à neuf ans quand on mesure l’effondrement du niveau ? Les copies parlent d’elles-mêmes, et d’ici peu ce devrait être jouable pour un enfant de cinq ans.

Le Nouveau Front populaire et nos taux de mélanine

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La journaliste Rokhaya Diallo © Hannah Assouline

Le racisme anti-blanc, ça suffit !


Je suis Martin Luther King : « Je rêve que mes quatre petits enfants vivent un jour dans une nation où ils ne seront pas jugés sur la couleur de leur peau, mais sur la valeur de leur caractère ».
Les élections législatives se sont soldées par un mariage malheureux entre les   carpettes de tout poil et le NFP issu d’une improbable hybridation. Depuis cette union malheureuse contractée dans un réflexe pavlovien pour faire barrage à « l’esssstrême-droite », la France divisée comme jamais danse au-dessus du volcan : d’un hymen contre-nature est née l’insoluble tripartition politique du pays entre macronistes, tenants du NFP et partisans du RN. S’il va de soi que les représentants de ces forces politiques briguant le pouvoir se font les coups les plus tordus, c’est toutefois aux sectateurs de LFI, déchirés, que revient la palme du sordide. Sans foi ni loi, mantes religieuses, ils se dévorent entre eux voire   s’auto-attaquent, en bons scorpions. Il s’agit pour dominer et régner de tirer la couverture à soi, au besoin en l’arrachant avec les dents. Aussi on a vu certains affidés séditieux de la joyeuse bande en accuser d’autres de perpétuer le « privilège blanc » pour entretenir un « racisme d’Etat » au détriment des minorités. Les langues bifides s’agitent ; assurément, les serpents sifflent sur nos têtes. Ainsi, Rokhaya Diallo, papesse de l’indigénisme et soutien des suppôts du sieur Mélenchon a souligné la blanchitude des députés du Nouveau Front populaire et Mediapart n’a pas manqué de contribuer utilement au débat. Dans cette séquence, le pathétique, le comique et le tragique fusionnent.

Rokhaya Diallo éteint la lumière

Lundi 8 juillet, donc, sur BFM TV, Rokhaya Diallo, papesse woke et thuriféraire d’un féminisme aussi sélectif que le tri (le féminisme wokisant dont la devise est : « Dis-moi qui te viole et je te dirai si je te défends »), antiraciste patentée – sauf quand il est question des Blancs – a interpellé Manuel Bompard sur la composition ethnique du groupe des députés élus sous la bannière NFP.  Elle s’est déclarée « éblouie » par la « photo de famille » desdits élus posant sur les marches du Palais Bourbon et a précisé : « On ne peut pas dire que les personnes des quartiers populaires soient visibles et pourtant c’est elles qui se mobilisent pour LFI ou pour le NFP. » L’avocat Charles Consigny, présent sur le plateau et recouvrant opportunément un semblant de courage mâtiné d’une louable indignation a dénoncé des propos susceptibles de tomber sous le coup de la justice. Pourtant, loin d’être intimidée par la révolte inattendue de l’avocat, la militante antiraciste l’a raillé. Dans une allusion limpide à la notion woke de « white tears », Rokhaya Diallo a pointé chez Charles Consigny une réaction larmoyante, indue, voire hystérique à des assertions incontestables: « Il est choqué parce que je dis qu’en politique française, les personnes non blanches ne sont pas représentées ! J’ai l’impression que j’ai fait pleurer Charles Consigny ». Mediapart, comme pour faire chorus, a alors publié un graphique déconcertant qui révélait combien chaque parti siégeant à l’Assemblée nationale comptait de « députés issus de la diversité » et de « députés ultramarins racisés ». Voilà l’idée de communauté nationale pulvérisée ; concassées les sacro-saintes « valeurs de la République » dont on n’a de cesse de nous rebattre les oreilles.

Dévoiement

Il s’agit ici, bien sûr, comme ça se pratique aux États-Unis, d’accréditer auprès des décérébrés (en poussant le bouchon très loin et mémère dans les orties) l’idée qu’ils ne seraient représentés justement que par ceux qui appartiennent à leur groupe religieux, ethnique ou sexuel. Mobilisons-nous pour comptabiliser les « minorités » dans chaque assemblée, corps de métier ou représentation !  Que pareille démarche aille à l’encontre d’un idéal républicain français qui valorise l’individu non pas pour ce qu’il est mais pour ce qu’il fait ; on s’en tape ! Cette nouvelle guignolade aussi sinistre que comique aurait dû m’arracher un sourire et me toucher une paupière sans faire bouger l’autre, mon dessein n’étant plus, depuis belle lurette, « de rompre en visière à tout le genre humain. ». Il s’avère pourtant que cette injonction réitérée à la discrimination – dont on se demande bien en quoi elle est positive – représente une vraie menace pour la paix civile française tant elle nourrit chez une partie de la population une défiance croissante vis-à-vis de l’école, de la police, de la justice comme de la représentation nationale. Aussi, je m’indigne contre cette gauche dévoyée qui sera responsable si on la laisse faire – le drame de Crépol l’atteste – d’une poussée de violence dévastatrice chez ceux qui contestent le mode de vie français. Cette gauche infâme qui se contente de séduire des électeurs « issus de la diversité » et des « minorités » sans vouloir ni émanciper ni agréger précipite en effet le face-à-face entre factions prédit par feu Gérard Collomb. Si nous ne nous ne sonnons pas rapidement la fin de partie, au Pays des Lumières redevenu celui du silex, il sera bientôt dangereux d’être mâle de plus de cinquante ans, Blanc, Chrétien ou Juif. Le racisme anti-blanc, ça suffit !
Pour mémoire, dans BIG OTHER, sa préface à l’édition 2011 du Camp des Saints, Jean Raspail écrivait : « (…) s’agite une redoutable phalange issue du camp de notre nation, et néanmoins tout entière engagée au service volontaire de l’Autre : BIG OTHER… Le premier soin de Big Other a été de tordre le cou au « Français de souche », pour déblayer définitivement le terrain. Ce que je ne parviens pas à admettre, et qui me plonge dans un abîme de perplexité furieuse et désolée, c’est pourquoi tant de Français (…) concourent aveuglément, méthodiquement, voire cyniquement, à l’immolation d’un certaine France -évitons le qualificatif d’éternelle qui les révulse – sur l’autel de l’humanisme exacerbé. »  

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Le porno et la tribu

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D.R

Elon Musk reproche au New York Times d’avancer que des Amazoniens sont devenus accros au porno à cause de son réseau Starlink.


Le 12 juin, sur le réseau social Twitter qu’il a racheté, Elon Musk accuse le New York Times d’avoir tenu des propos « irrespectueux » et « méchants » envers la tribu amazonienne des Marubos (Brésil), qui venait d’être connectée à internet via son réseau de satellites Starlink. Un reportage publié par le quotidien dix jours plus tôt, et intitulé « La dernière frontière d’internet : les tribus qui vivent reculées du monde en Amazonie », a été repris par de nombreux médias et ensuite partagé de manière virale sur la Toile. Mais son contenu a été déformé pour créer un récit nouveau dont le sens est donné par le titre de la version publiée dans le New York Post, rival droitard du Times : « Une tribu isolée d’Amazonie se connecte enfin à internet, mais finit par devenir accro au porno ».

A lire aussi : Meurice me va comme un gland!

Journalistes et internautes ont été captivés par cette idée d’indigènes si naïfs qu’ils restent sans aucune défense devant l’irruption dans leur vie de tentations devenues banales dans le reste du monde. En réalité, si la tribu en question n’a eu un accès constant et haut débit à internet que récemment, grâce au réseau de satellites du milliardaire, dire que cette population découvre le Web du jour au lendemain est une faribole qui relève du mythe du bon sauvage menacé de corruption par la décadence moderne. Clés USB permettant de stocker toutes sortes de contenus ou smartphones permettant d’aller sur WhatsApp, Facebook ou Instagram lorsque l’on se rend près des zones habitées circulent dans ces villages depuis des années. Le Times a dû publier un rectificatif intitulé : « Non, une tribu reculée n’est pas devenue accro au porno », accusant ses concurrents médiatiques d’avoir travesti la vérité1. Reste que certains passages du reportage n’étaient pas aussi nuancés qu’il le prétend. On pouvait par exemple y lire : « La société moderne a traité les problèmes liés à internet pendant des décennies […]. Les Marubos […] sont confrontés au potentiel et aux périls d’internet d’un coup. » Mais Musk cherchait moins à défendre l’honneur de la tribu qu’à condamner une mauvaise publicité faite à son réseau Starlink.


  1. https://www.nytimes.com/2024/06/11/world/americas/no-a-remote-amazon-tribe-did-not-get-addicted-to-porn.html ↩︎

L’audiovisuel public: un petit air italien…

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DR.

En Italie, Giorgia Meloni veut une révolution culturelle à la RAI, la télévision publique. Elle a chargé Giampaolo Rossi de la mener, en le nommant à sa tête. Les opposants craignent l’avènement d’une «Télé Meloni», alors qu’à droite on se félicite d’un possible retour du pluralisme sur les écrans. Une situation qui fait évidemment penser à ce que le Rassemblement national envisage de faire en France…


Il paraît que si on faisait voter les journalistes de la RAI, en Italie, aujourd’hui, la gauche gagnerait, et que le résultat ne représenterait pas du tout le pays. Cette réflexion est celle d’un responsable de droite, anonyme, interrogé par Le Monde, qui est arrivé en poste avec le gouvernement Meloni.
« Il y aurait donc une « asymétrie culturelle » à laquelle il importe de remédier grâce à ce fameux « nouveau récit » national. « Il nous faut moins de promotion des LGBT et plus de contenus favorables à la tradition familiale », préconise-t-il. » (« La RAI, télé guidée » par Allan Kaval dans M, le Magazine du Monde).
J’ai extrait ce court passage d’un article globalement défavorable [1] au projet de réforme de la RAI par le gouvernement Meloni.

Les médias publics se vivent comme un « contre-pouvoir »

Le point de vue développé par cette personnalité de droite ne saurait être rejeté avec la volonté de favoriser l’opprobre sur l’expression de toute pensée conservatrice dans les médias publics, en l’occurrence de la RAI. Même si le Rassemblement national n’est pas arrivé au pouvoir après le second tour des élections législatives, il est difficile de contester que la France penche très fortement à droite. Et que l’audiovisuel public a un parfum subtil ou ostentatoire de gauche. Cette donnée est aisément vérifiable au quotidien et peut s’expliquer d’abord par la logique profonde des médias publics qui, à mon sens de manière perverse, assimile le pouvoir à la droite et se vit comme un contre-pouvoir. La gauche est perçue par eux comme l’alliée naturelle du progrès, de la liberté d’expression et de l’impartialité.

À lire aussi, Marine Le Pen (2021): Il faut privatiser l’audiovisuel public

Sur le plan politique, cette dérive peut se trouver relativement limitée, car on a beau vouloir tordre la réalité dans tous les sens, reste que les faits ont leur pesanteur et que l’information, au risque d’être totalement discréditée, se doit d’en rendre compte. En laissant, il est vrai, le champ libre à une interprétation qui, sauf dans de rares publications assumant l’honneur d’être conservatrices, tourne vers des analyses inscrites dans le progressisme de gauche.
Dans le registre sociétal comme on dit, l’audiovisuel public n’est entravé par rien. Il serait scandaleux, voire indécent, de ne pas pourfendre toute « tradition familiale », la normalité majoritaire des conduites hétérosexuelles et de leurs conséquences naturelles, les valeurs et les principes ayant structuré notre société et façonné une civilisation de qualité depuis des siècles. Et, plus globalement, de ne pas tourner en dérision tout ce qui est conservateur et prétend à l’ordre, à la discipline, à l’acceptation des hiérarchies fondées sur le mérite et la compétence, à la diffusion d’un art intelligible et universel, à une humanité respectée parce que respectable et se respectant elle-même.

A lire aussi du même auteur: La gauche est-elle propriétaire de la culture?

Macron-compatible

Je suis persuadé que, si on faisait voter, comme en Italie, les journalistes de l’audiovisuel public, ils ne seraient pas loin de faire preuve d’une révérence de gauche tout en s’indignant du culot que nous aurions à mettre en cause leur honnêteté. Ils ne seraient sans doute pas si éloignés du pouvoir incarné par le président Macron qui n’a eu de cesse, dans beaucoup de secteurs, de promouvoir l’incongru au détriment de ce qu’on pourrait appeler, pour s’en féliciter, l’évidence des attitudes ordinaires, la banalité des bons choix, compris parce que justes. Tout ce qui viendra, dans les prochaines années, constituer l’audiovisuel public comme un formidable outil au service du public et de son pluralisme sera, j’en suis sûr, bienvenu et accepté. Avec un air italien ou non.


[1] https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2024/07/12/giorgia-meloni-a-l-offensive-sur-l-audiovisuel-public-italien_6248877_4500055.html

Euro: l’invincible Espagne, l’affligeante France

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GRIEZMANN et THURAM à la fin de France-Pologne, Dusseldorf, 1 juillet 2024 © ADIL BENAYACHE/SIPA

Le vainqueur de l’Euro 2024 avait l’équipe offrant le jeu le plus séduisant. La France, elle, si elle a réalisé un parcours qui n’est pas honteux durant la compétition, a surtout brillé par… son impuissance à marquer.


L’Espagne, qui a remporté dimanche pour la 4ème fois de son histoire le titre européen – un record dont elle est l’unique détentrice – a confirmé qu’elle était bel et bien « l’invincible sélection » de cet Euro 2004 allemand. Elle s’est imposée magistralement par 2 à 1 à une Angleterre laborieuse qui, convient-il de le reconnaître, a manqué toutefois d’un tout petit peu de réussite dans les dernières minutes. Elle a raté l’égalisation grâce à une tête ibérique qui a coupé miraculeusement, pile-poil sur la ligne de but, la trajectoire du ballon qui allait au fond des filets. La chance n’est pas forcément injuste. Il lui arrive d’accourir à la rescousse à ceux qui la méritent. Ce fut le cas.

C’est qui les plus forts ? Évidemment c’est les Ibères

« La meilleure équipe », a en effet convenu l’entraîneur anglais, Gareth Southgate. « Sa victoire est méritée », a-t-il ajouté.  La presse française, qui déjà avait fait l’éloge dithyrambique des hispaniques lorsqu’ils avaient éliminé les Bleus en demi-finale n’a pas été avare en louanges. Des « intouchables », a proclamé péremptoirement L’Equipe ; une victoire qui ne souffre « aucune contestation », a estimé Le Figaro ; la sélection « la plus complète, la plus belle à voir jouer » a surenchéri Le Parisien ; « la plus séduisante » a reconnu Le Monde ; même son de cloche dans la presse régionale.

On ne peut pas en dire autant des Bleus, les vice-champions du monde. Se faire sortir en demi-finale par l’invincible Espagne n’aurait rien eu de déshonorant et frustrant s’il n’y avait pas un si… À savoir qu’ils étaient arrivés à ce stade du tournoi sans marquer un seul but en plein cours du jeu. Jusqu’à Randal Kolo Muani, sur un centre de Mbappé, n’ouvre le score à la 9ème minute d’un magistral coup de tête et ne mette un terme à cette affligeante stérilité, ils n’avaient à leur actif qu’un penalty et deux buts contre leur camp que leur avaient concédés leurs adversaires… Et en 8ème, ils s’étaient imposés face au Portugal aux tirs au but. En réalité, cette réalisation de Kolo Miani ne fut qu’illusoire. Dès la remise en jeu, l’équipe de France renouait avec sa chronique impuissance à marquer.

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Dix minutes s’étaient à peine écoulées que le jeune prodige de la Roja, Lamine Yamal, pas encore 17 ans, portait l’estocade. D’un coup de pied magistral des 25 mètres, il envoyait en passant par la lucarne le ballon au fond des filets tricolores. Tous les commentateurs l’ont qualifié de « plus beau but du tournoi ». À peine quatre minutes plus tard, c’était « el descabello », le coup de grâce… le ballon se retrouvait au fond des mêmes filets français…

La réussite de la Roja n’est pas seulement imputable aux prouesses de ses deux prodiges, Lamine Yamal (17 ans le jour de la finale, donc), d’origine marocaine, et Nico Williams (22 ans), lui d’origine ghanéenne, et paradoxe respectivement joueurs, au FC Barcelone et à l’Athletic Bilbao, clubs fanions de deux provinces, la Catalogne et le Pays basque, qui revendiquent leur indépendance, ni à la pertinence de son sélectionneur, Luis de la Fuente, qui jusqu’à maintenant n’avait entraîné que les sélections de moins de 20 ans.

Le jeu des Espagnols, qui implique une grande cohésion entre joueurs, repose sur de courtes et usantes passes, sur une possession jalouse du ballon. Ce jeu n’est pas sans une similitude certaine avec l’art tauromachique qui consiste à prendre l’ascendant sur le taureau par des séries d’arabesques que le matador dessine avec sa cape. Et quand l’animal ne sait plus très bien où il en est, on lui porte l’estocade. Résultat, la Roja a gagné tous ses matchs.

Face à elle « tout est allé trop vite pour une équipe de France dont le socle défensif a craqué », avait estimé Le Monde. Car, selon Le Figaro, l’Espagne était « plus créative, plus brillante, plus culottée, plus talentueuse. »

La star Mbappé passe à côté de la compétition, Olivier Giroud… aussi

Qu’est-ce qui peut expliquer que la France a été l’ombre de ce qu’elle fut au Mondial au Qatar face à l’Argentine ? Seul Le Figaro a osé briser une omerta en posant une question que l’ensemble de la presse a éludée : que s’est-il passé avec Olivier Giroud ? Jusqu’à la demi-finale, la moyenne de temps de jeu de ce dernier n’avait été que de neuf minutes par rencontre… Alors, pourquoi Deschamps l’a sélectionné si c’était pour ne pas le faire jouer ?

A lire aussi, Franck Crudo: Politique: pourquoi nos footballeurs tricolores font bien de la boucler

 « En voulant axer toutes ses forces sur Mbappé, jamais au niveau durant l’Euro (…), Deschamps s’est raté », a insisté Le Figaro, sous la plume de ses deux chroniqueurs, Baptiste Desprez et Christophe Remise. Dans leur article de jeudi, intitulé « Tout ce qui a (vraiment) manqué aux Bleus dans l’Euro », ils enfoncent le clou. « Autre élément en sa défaveur, la mise au ban d’Olivier Giroud. Au regard des performances très faibles de Marcus Thuram et inégales de Randal Kolo Muani, l’expérience et l’efficacité dans la surface du meilleur buteur de l’histoire de la sélection auraient mérité plus de considération ». On peut ajouter qu’il aurait été plus approprié et judicieux que Thuram et Mbappé se préoccupent davantage de mettre le ballon dans la cage adverse que de chercher à infléchir le choix du bulletin que les électeurs envisageaient de glisser dans l’urne, en somme de jouer au foot et non les consciences.  « Ce déclassement », comme l’a qualifié Le Figaro, la mise à l’écart du meilleur buteur de l’équipe de France (57 buts en 136 matchs), soulève en conséquence une autre question : celui-ci aurait-il un mobile extra-sportif ? Une explication s’impose !

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Que viva España!

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Lamine Yamal (numéro 19) et Dani Olmo (10), lors du match Espagne / Angleterre, finale de l'Euro, Berlin, 14 juillet 2024 © Craig Mercer/Shutterstock/SIPA

La messe de l’Euro est dite – un Euro un peu passé par pertes et profits, l’attention des médias étant, et c’est totalement logique, absorbée par la situation politique en France.


Un état de fait qui n’a pas été atténué par les performances de l’équipe de France, demi-finaliste certes, mais dont le jeu ressemble plus à un somnifère qui a le mérite, vu l’état de nos finances publiques, de ne rien couter à la Sécurité sociale. Le mauvais côté de l’histoire est que, 40 ans après la victoire de la bande à Platini, on se souvient du beau jeu du carré magique et on est tenté de prendre des antidépresseurs qui, eux, coutent un pognon de dingue pour citer qui vous savez.

Pourtant, du beau jeu, il y en a eu ! Par une équipe en particulier qui, cerise sur le gâteau, a remporté le titre. Beau jeu ne rime plus, et depuis longtemps, avec Bleus, mais, depuis cet euro, avec Rouge. La « Roja » nouvelle formule a en effet fait oublier le « tiki taka » incessant de la période bénie du football espagnol quand, de 2008 à 2012, nos amis transpyrénéens avaient remporté d’affilée et logiquement deux Euros et un mondial avec l’équipe mythique des Xavi, Iniesta, Casillas, Xabi Alonso, Puyol, Piqué, Torres, record invaincu.

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Et cette Roja, au sein de laquelle jouent deux Français qui pourtant auraient voulu porter le maillot Bleu mais à qui a toujours été opposé une fin de non-recevoir, Aymeric Laporte et Robin Le Normand, pratique un très beau jeu.

Un jeu offensif, chatoyant, avec peu de calcul et de très grands joueurs en devenir. Comment ne pas être ébahi devant un Lamine Yamal, qui a battu Pelé hier comme plus jeune finaliste d’une grande compétition à 17 ans et un jour, meilleur passeur de la compétition et auteur d’un but sublime face à la France ? Williams, Olmo, Ruiz (aussi bon avec l’Espagne que médiocre avec le PSG, comment l’expliquer ?), Cucurella, Olmo jouent en regardant vers l’avant, pas en pensant à surtout ne pas prendre de but.

Une victoire largement méritée avec sept victoires pour sept matches, et après avoir battu les quatre autres champions du monde européens : Italie, Allemagne (chez elle, après avoir été rejointe à la dernière minute, on peut saluer l’exploit), France puis Angleterre.

Alors bravo à l’Espagne, que viva España, et on attend avec impatience les explications des non-sélections de Laporte et Le Normand, mais j’ai bien peur que nous devions attendre longtemps !

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Emmanuel Macron et la roulette belge

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© Soazig de la Moissonnière/Présidence de la République française

Seul un insensé peut jouer à la roulette belge (toutes les balles dans le barillet) en croyant pouvoir gagner. Un chef d’État si peu perméable à l’assaut du réel et aux attentes de son peuple est un homme clos qui ne se fie qu’à lui-même et à ses cireurs de bottes. Emmanuel Macron est ce narcisse esseulé.


Emmanuel Macron est-il fou ? Oui, fou. « Fada », comme il dit. Depuis le 9 juin et sa dissolution rageuse de l’Assemblée nationale, annoncée cinquante-huit minutes après l’annonce de la défaite de son mouvement aux élections européennes (14,6 %), la question se pose. Elle obsède son camp traumatisé qui, dans l’instant du verdict, a vu venir le crash. Mais l’« esprit de défaite » n’habite pas ce président haut perché, enamouré de lui-même. Ce soir-là, l’homme blessé (« cela m’a fait mal », avouera-t-il) se persuade de « prendre son risque ». Il se convainc de susciter un sursaut de confiance autour de sa personne, comme il le fit en agitant la peur du Covid (« nous sommes en guerre ») et comme il aimerait tant le faire en attisant les braises d’un conflit généralisé contre la Russie. Macron pense, ce 9 juin, jouer le coup fumant qui le replacera en sauveur face au RN. Ne s’est-il pas engagé à en être le rempart ?

Ce soir-là, Macron laisse donc sa photographe, Soazig de la Moissonnière, fixer et diffuser auprès des médias les mines atterrées de ses ministres et de la présidente de l’Assemblée, réunis pour entendre son bon plaisir, avalisé en coulisses par une bande de drôles. Selon Le Monde, quelques jours plus tard, le chef de l’État aurait dit fièrement : « Je prépare ça depuis des semaines et je suis ravi. Je leur ai balancé ma grenade dégoupillée dans les jambes. Maintenant on va voir comment ils vont s’en sortir. » Mais la grenade allait évidemment rouler sous son fauteuil. Il a fallu attendre le 30 juin, premier tour des législatives, pour qu’il en mesure la première déflagration avec un RN à 33,1 %, un Nouveau Front populaire à 27,9 % et une Macronie défaite à 20,8 %, ne pouvant donc survivre qu’au prix d’accords avec la coalition « diversitaire » préemptée par Jean-Luc Mélenchon.

Seul un insensé peut ainsi s’amuser à la roulette belge (toutes les balles dans le barillet) en croyant pouvoir gagner. Un chef d’État si peu perméable aux assauts des réalités et aux attentes de son peuple indigène est un homme clos qui ne se fie qu’à lui-même et à ses cireurs de bottes. Macron est ce narcisse esseulé. Dès lors, comment ne pas s’interroger sur sa démesure égotique, sa négation des obstacles, sa fascination pour la foudre, son attirance pour la transgression, sa jouissance dans le caprice, son mépris des contradicteurs, son plaisir à agiter les peurs, sa propension à se défausser sur les autres ? Comment ne pas s’alarmer de son immaturité d’enfant-roi qui, pareil au jeune Abdallah de Tintin, jette ses pétards et trépigne d’être contrarié. Bref, comment ne pas se demander si Macron tourne rond ? C’est le Figaro Magazine qui, le 14 juin, pose directement la question au roi sans divertissement : « – Que répondez-vous à ceux qui disent ça ? Êtes-vous fou, comme ils le prétendent ? – Non, pas du tout, je vous le confirme, je ne pense qu’à la France. C’était la bonne décision, dans l’intérêt du pays. Et je dis aux Français : n’ayez pas peur, allez voter. »

Mais de quoi les Français auraient-il peur, sinon des foucades d’un personnage de roman qui s’ennuie d’attendre son destin ?

À dire vrai, Macron n’est pas le seul à avoir perdu la tête. Certes, il n’a jamais voulu entendre l’exaspération des Oubliés qui ébranlent le vieux monde politique. « Je ne sens pas la colère », déclare-t-il en 2018 à la veille de la fronde antiparisienne des gilets jaunes, puis en 2023 alors que les agriculteurs ruent dans les brancards. C’est en province que la révolution du réel s’est échauffée. Cependant, ce président déphasé est aussi le produit de la crise de la politique, victime des idéologies bavardes et hors-sol. Les « élites » sont contestées pour avoir montré un même dérèglement intellectuel, incompatible avec le bon sens des Français ordinaires.

Si le pays « marche sur la tête » – slogan qui fait florès dans la France rurale depuis la dernière révolte des agriculteurs –, ce n’est pas seulement depuis le macronisme et son mépris de la piétaille. La date peut être fixée à 2005 avec le vain rejet de la Constitution européenne par référendum. Depuis lors, des docteurs Folamour, de droite ou de gauche, n’ont cessé de transformer la douce France en un laboratoire d’expérimentation d’une société ouverte aux minorités tyranniques. Ceux qui ont répété « l’immigration est une chance pour la France », en accusant de racisme leurs opposants, sont comptables de la crise civilisationnelle qui porte Jordan Bardella contre Jean-Luc Mélenchon. Le 9 juin, 93% des 35 000 communes ont mis le président du RN en tête. Seules les métropoles déracinées adhèrent au rêve d’une « nouvelle France » islamisée. Quand Mélenchon explique (Le Figaro, 21 juin) qu’« un grand brassage ne produit qu’un seul peuple », il revendique une fable que les réalités démentent, mais que Macron partage. Ces deux-là défendent un mondialisme contesté, sauf dans les grandes villes vidées des anciennes classes populaires.

Reste la question : la guerre civile, évoquée par Macron pour justifier son utilité rassurante, est-elle évitable ? Le président a réussi la « clarification » qu’il espérait en fracturant davantage la France des déracinés et celle des enracinés. Le choix d’Éric Ciotti, président LR, de s’unir avec le RN a percé le mur qui interdisait l’union des droites. Les intimidations morales des médias et autres donneurs de leçon impressionnent d’autant moins que le Nouveau Front populaire a montré son visage hideux. « On va à l’essentiel », a expliqué François Hollande pour rallier ce front de la honte, en faisant de l’antisémitisme de LFI un point de détail. Cette gauche perdue, alliée à l’islamo-gauchisme et aux antifas adeptes de la violence de rue, est prête à tout pour imposer sa vision d’une société postnationale. « Ceux qui s’appellent “Français de souche” posent un sérieux problème à la cohésion de la société », a prévenu Mélenchon le 15 juin. Cela s’appelle une menace. Or « trois Français sur quatre restent d’origine majoritairement française et de culture provinciale » (Michel Auboin). Ceux-ci ont encore de la suite dans les idées : ils n’ont pas, eux, la folle intention de s’effacer.

De Saint-Tropez à Florence

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"Vacances fatales" de Vittorio Giardino © Casterman

Notre chroniqueur ouvre ses boîtes à souvenirs durant tout l’été. Livre, film, pièce de théâtre, BD, disque, objet, il nous fait partager ses coups de cœur « dissidents ». Pour la Fête Nationale, il a exhumé quelques trésors parfumés à l’huile solaire de sa malle de voyage: un tour d’Italie avec Giono, un été avec Claude Nori, Saint-Tropez croqué par Sempé, des vacances fatales signées Giardino et même un été fripon, donc cochon.


Les voyages m’ennuient. Aujourd’hui, ma sédentarité est perçue comme suspecte par les autorités. Mon immobilisme estival pourrait être assimilé, en ces temps de purge, à un isolationnisme, donc à une forme de sécession intérieure. Gare à celui qui ne quitte pas la France en juillet et en août ! Je n’ai pas soif d’autres paysages et d’autres cultures, d’un ailleurs fantasmé, j’ai une bibliothèque à ma disposition. Elle me suffit.

La littérature, remède au surtourisme

C’est le seul luxe des professions écrivantes, l’évasion à moindre coût, sans les aéroports climatisés et le tourisme arnaquant, les plages huileuses et les péages surchauffés. Mes guides s’appellent Giono et Sempé, cette année. Leur dépaysement est à portée de main, je tourne les pages, et je pars loin. Sans faire le plein d’essence et surtout sans me lever en pleine nuit pour atteindre un hypothétique charter, dans une plaine morne, au Nord de Paris, tel un mouton en transhumance et en maltraitance.

Ce dimanche, j’ai choisi pour tous les oubliés de l’Autoroute du soleil et les recalés des compagnies aériennes, des destinations archiconnues, de Rimini à Venise, du sable varois au Musée des Offices, du rabâché par les guides verts, bleus ou rouges, du prémâché pour des voyageurs casaniers et vraiment très peu aventuriers. Ces lieux n’intéresseront pas les baroudeurs à la Philippe de Dieuleveult, ni les blasés des pages « Tourisme » des magazines.

À lire aussi, du même auteur: Alors, on lit quoi cet été ?

Leur popularité les dessert. On pense les connaître tellement ils ont été labourés par des millions de marcheurs, souvent indifférents à leur beauté fanée. Pour saisir l’émotion derrière le banal, le friable derrière le vulgaire, il faut s’abandonner aux écrivains, dessinateurs ou photographes. Eux captent des choses qui nous dépassent. D’abord, partons en Italie, avec Giono en 1954, l’année où il entrait à l’Académie Goncourt. Il n’a guère quitté les environs de Manosque, cet employé de banque exemplaire. « Pendant plus de cinquante ans, c’est à peine si j’ai bougé » écrit-il, dès l’entame de son voyage qui le mènera à Milan, Venise, Padoue, Bologne et terminus Florence, en Renault 4CV découvrable. Giono est un voyageur ombrageux qui déteste la foule mais qui sait écrire sur les hommes de la rue. Il avoue aimer les déserts, les prisons et les couvents. On ne va pas s’ennuyer avec lui. Il fuit le divertissement et respire seulement sur les hauteurs de Briançon. Chez Giono, la langue est ample et perfide, il est rosse dans la douceur, le berger se révèle en Machiavel montagnard. Son récit vaut pour mille détails sur la vie quotidienne des Italiens, dactylos, sténos, épiciers et prêtres, je me régale de la dernière scène de ce voyage chez un coiffeur de Florence qui lui inspire un passage admirable : « Ici, on fabrique simplement les têtes coiffées du peuple. Pas de subtilités. Comme partout ailleurs, on me propose « bien dégagé derrière et rafraîchi sur les côtés ? ». J’opine. » Voilà à quoi ressemble, en quelques phrases, un grand écrivain de langue française.

Sensuelle Italie

Restons de ce côté-ci des Alpes pour se (re)plonger dans le recueil de Claude Nori, Un été italien, best-seller qui date de 2001 et dont la fraîcheur nous porte toujours vers une certaine mélancolie. Peu de livres de photos, à l’exception de ceux de Didier Ben Loulou, l’autre grand artiste de la Méditerranée, nous rendent heureux et tristes à la fois, comme un dernier baiser consenti à l’ombre d’une cabine de plage, avant de repartir. Les Italiens de Nori sont gracieux et tendres, ils sont naturels, qu’ils soient de jeunes amoureux ou de vieux qui trinquent sur une toile cirée, en bande de copains ou avec la mamma, ils s’agrègent, ils sont bien ensemble et nous avec. L’Italie de Nori a les cheveux mouillés, des filles pudiques dévoilent leur marque de bronzage, un grand-père porte son petit-fils avec délicatesse, les beaux mecs enfilent des lunettes noires et roulent en cabriolet Alfa, on rit, on se baigne, on se bécote sur les nattes publiques, les parkings sont remplis de Vespa, on élit une miss et on se perd, les yeux dans la mer, dans cet album de famille.

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Pour capturer une Italie plus vénéneuse et sensuelle, Vittorio Giardino, dessinateur et coloriste de génie, nous propose quelques histoires dramatiques dans Vacances fatales, notamment celle intitulée « Sous un faux nom » qui se déroule à Capri. Sa planche (page 34) est l’une des plus suggestives et des plus charnelles de sa production. Sans rien dévoiler de l’intimité de la personne, il nous montre, en sept cases, une brune en hautes espadrilles, nous ne voyons d’elle que son profil, plus bas, une fine cheville, puis on remonte sur son rouge à lèvre, elle allume une cigarette et nous savons qu’elle nous fera souffrir et que nous aimerons ça.

Rentrons à la maison et faisons une halte au port de Saint-Tropez, Sempé y a consacré un ouvrage en 1968, entre Monsieur Lambert et Marcellin Caillou. C’est spirituel et cruel comme ces deux hommes murs qui marchent sur une plage et l’un dit à l’autre : « J’ai essayé le christianisme… Puis le socialisme… Maintenant, je vais essayer l’érotisme… ». Si vous souhaitez faire monter la température du 14 juillet de quelques degrés, je vous conseille Été fripon (pour public averti) qui réunit plusieurs dessinateurs (Goetzinger, Cabanes, Gibrat, Ceppi, Varenne, etc…) dans des saynètes dénudées et très osées. C’est encore plus chaud que le bal des pompiers.

Voyage en Italie – Jean Giono – Folio 1143

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Un été italien – Claude Nori – Marval

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Vacances fatales – Giardino – Casterman

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Saint-Tropez – Sempé – Folio 706

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Été fripon – Les Humanoïdes Associés

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Sensualité moite d’une île tropicale

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DR.

Commencé en 1999, Nous nous verrons en Août, dernier ouvrage du Prix Nobel 1982, aurait pu ne jamais voir le jour.


Depuis la publication posthume de ses écrits journalistiques – Le scandale du siècle, en 2022 – on croyait la découverte de l’œuvre de Gabriel Garcia Marquez bel et bien achevée. C’était sans compter l’opiniâtreté de ses deux fils Rodrigo et Gonzalo Garcia Barcha. Dix ans après la mort de leur père, ces derniers décident de publier Nous nous verrons en août, roman inédit dont l’écrivain colombien n’était pas satisfait. Il en avait toutefois donné des lectures publiques et avait accepté que des extraits paraissent dans le journal espagnol El Pais.

Pourquoi alors ce jugement sans appel ? « Ce livre ne marche pas. Il n’y a qu’à s’en débarrasser ».  Ses fils avancent une hypothèse : le découragement de leur père confronté à la maladie qui l’avait amené à déclarer : « La mémoire est à la fois ma matière première et mon instrument de travail. Sans elle il n’y a rien ». Son projet initial était d’écrire cinq récits autonomes avec pour même protagoniste Ana Magdalena Bach et pour thème récurrent les amours tardives, mais son état ne lui permis pas d’en venir à bout. Le premier d’entre eux commence ainsi : « Elle revint dans l’île le vendredi 16 août par le bac de trois heures de l’après-midi. Elle portait un jean, une chemise écossaise à carreaux, des chaussures simples à talon plat, sans bas, une ombrelle en satin, son sac à main et, pour tout bagages, une mallette de plage » – et, d’emblée, un monde se déploie. C’est le propre des grands écrivains que d’imposer une voix. Celle de Gabriel Garcia Marquez se reconnaît entre toutes.  On ne saura rien de l’île, si ce n’est qu’elle se trouve dans les Caraïbes. Qu’elle regorge d’une végétation luxuriante et abrite une vaste faune tropicale. Ana Magdalena s’y rend donc chaque 16 août pour aller fleurir la tombe de sa mère. Le rituel est immuable.

A lire aussi, Jacques-Emile Miriel: Inédit de García Márquez: bref et somptueux

Chaque année elle prend le bac en début d’après-midi, puis un taxi, elle se rend à son hôtel, toujours le même, achète un bouquet de glaïeuls à la même fleuriste et se rend au cimetière. Ana Magdalena Bach a cinquante ans, deux enfants et un mari chef d’orchestre avec qui elle file le plus parfait amour. C’est une de ces femmes dont on dit qu’elle est toujours belle pour son âge et qui n’a connu qu’un homme dans sa vie. Jusqu’au jour où sa route croise celle d’un bel inconnu. L’homme la séduit. Elle passe la nuit avec lui. Puis chaque année, elle retourne dans l’île et chaque année, fait la découverte d’un nouvel amant. Le premier à l’initier à l’adultère la marquera à jamais : « Plus jamais elle ne devait être la même. » Puis il y aura la rencontre avec un proxénète, celle avec un ancien ami et même celle avec un évêque ! Rien ne saurait arrêter cette femme frappée du démon de midi. Il y a une sensualité extrême dans ces pages qui s’accorde avec la moiteur du climat et ne verse jamais dans la vulgarité. Avec ses partenaires, Ana Magdalena redécouvre son corps et les plaisirs insoupçonnés qu’il recèle.

Mais cette présence d’Eros ne va jamais sans Thanatos. La mort rôde autant que le désir dans ce court opus qui brosse le portrait d’une femme libre. Un roman solaire et sensuel qu’il eut été dommage de ne pas découvrir.

Nous nous verrons en août de Gabriel Garcia Marquez, traduit de l’espagnol par Gabriel Iaculli, éditions Grasset, 138 p.

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Louis XVIII et les femmes

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Marie-Joséphine, épouse de Louis XVIII. © Wikipédia

Episode 3 : L’épouse…


Relire le premier épisode

Relire le 2e épisode

Jaloux de son aîné, qu’il détestait, « le roi sans royaume ne faisait rien sans raison, ni sans calcul ». C’est sous ces traits cruels que l’historien Matthieu Mensch décrit le comte de Provence, futur monarque de la Restauration, au seuil de l’ouvrage qu’il consacre aux Femmes de Louis XVIII – c’en est le titre. À Louis XVI, le cadet de la dynastie Bourbon enviait aussi son Autrichienne, dont il pensait que lui-même l’aurait mérité davantage : « la haine de Monsieur envers son infortunée belle-sœur avait fini par devenir de notoriété publique », au point que sur le tard, il cherchera à se dédouaner. Instrumentant la mémoire de la reine martyre, il fera même construire, en 1826, une chapelle expiatoire : « Marie-Antoinette semble correspondre parfaitement à la vision cynique de Louis XVIII, pour qui les femmes n’étaient que des outils politiques ou de simples faire-valoir ». Quel garçon sympathique…

Les femmes de Louis XVIII

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Dans cette miche d’excellente farine donnant à déguster les liens du roi podagre au sexe faible – comme en 2024 il n’est plus d’usage de dire-, le morceau le plus croustillant porte sur son épouse, Marie-Joséphine de Savoie. Née en 1753 à Turin, troisième enfant d’un couple singulièrement fécond (la portée atteindra le chiffre envié de douze), la princesse offre l’aspect d’un laideron grassouillet, lestée dès que pubère d’un duvet brun au-dessus des lèvres, de sourcils épais et de cheveux gras qui frisottent jusque sur son front bas. Qu’importe. Le dauphin marié à une archiduchesse d’Autriche, Louis XV « n’entend pas que le parti autrichien prenne toute sa place à la Cour ».  D’où la stratégie matrimoniale du grand-père. Provence, son petit-fils, est alors âgé de quinze ans. En 1771, la savoyarde fait donc le voyage depuis Turin. Et la voilà mariée.  Petite, mal fagotée, vite moquée par la Cour pour ses manières provinciales, elle ne fait pas le poids face à sa séduisante belle-sœur Marie-Antoinette. D’autant qu’elle sent mauvais, ni ne se parfume, ni ne se maquille, ni ne se brosse les dents. « Pétrie de sa dignité et du rang qui est le sien », Marie-Joséphine voit sa sœur donner naissance au duc d’Angoulême, puis « L’Autrichienne » concevoir le Dauphin, tandis qu’on murmure sur sa stérilité à elle : « certains mettent en cause une homosexualité refoulée de Monsieur, son impuissance ou le dégoût de son épouse ». Ce rôle « pathétique de princesse inféconde et délaissée » la poursuit, et lui forge ce caractère odieux qui l’isole de la Cour et de ses réseaux.  Elle s’entiche bientôt d’une obscure Marguerite de Gourbillon, d’extraction roturière, dont elle fait sa lectrice et peut-être sa maîtresse. Marie-Joséphine de Savoie ne parvient plus à dissimuler, sinon son saphisme, à tout le moins son ivrognerie. Qui fait jaser. Excédé, son mari met la Gourbillon à la porte. Elle n’aura de cesse de revenir par la fenêtre. Sans « comprendre toute l’étendue de ce qui se trame dans le royaume » au crépuscule de l’Ancien Régime, l’épouse de Louis XVIII, « dans une forme d’égoïsme aveugle », croit en effet pouvoir tirer profit de l’ébullition révolutionnaire, allant jusqu’à menacer de faire appel à l’Assemblée pour obtenir le retour de sa favorite. Dès l’été 1789, Artois (le futur Charles X) a pris le chemin de l’exil. Or Madame de Gourbillon favorise bientôt la fuite (réussie) de Louis XVIII et de sa femme vers la Belgique : « la lectrice usera et abusera jusqu’à la fin de ce nouveau statut [de sauveuse] pour manipuler et culpabiliser celle qui passe désormais pour sa débitrice ». Chantage affectif, caprices, tandis que commence la vie errante des époux exilés… 

À Turin, Madame apprend l’exécution de Louis XVI puis de Marie-Antoinette : Monsieur s’est proclamé régent. Puis en 1795 meurt le petit Louis XVII, au Temple. Monsieur se proclame illico roi de France : reine impécunieuse, infertile et sans royaume, Madame tente encore d’imposer la présence de sa lectrice mais le tsar, avec l’aval de Louis XVIII, emprisonne la Gourbillon à Vilnius avant de l’expulser en Angleterre. De plus en plus alcoolique et valétudinaire, Marie-Joséphine va de cure en cure, finit par se poser à château de Mittau (dans l’actuelle ville lettone de Jelgava), dépressive, « les cheveux gris coupés en hérisson », le visage « long, maigre et jaune » comme l’écrit Dorothée de Courlande, en visite. En 1807, elle suit son mari en Angleterre dans sa cavale devant « l’Usurpateur » conquérant de l’Europe. Recluse, obèse, ravagée, pathétique, atteinte d’hydropisie et probablement de cirrhose, elle s’éteint un 13 novembre 1810, veillée par un mari faussement affligé. Louis XVIII lui réservera de dispendieuses obsèques, lui qui avait compris très tôt que cette épouse « serait pour lui une véritable tare » mais l’obligerait à sauvegarder « les apparences d’un couple uni dans l’adversité », car « trahir cette illusion revenait à le trahir et son orgueil ne pouvait le supporter ».

La semaine prochaine – Épisode 4 : La favorite…