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Surveillance maritale sévère

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La cour de Cassation vient d’accorder aux SMS, par un arrêt rendu le 19 juin, la même valeur qu’aux lettres manuscrites dans les affaires d’adultère. Victime d’une infortune conjugale, une femme bafouée avait produit le texto reçu par son mari de la part d’une fieffée gourgandine pour justifier sa demande de divorce et avait été déboutée en première instance, puis par la cour d’Appel. Alors m’1tenan kan tékri je t’M a ta kops, si cé pa ta fam, fofer gaffe. Bone bz kan m.

Parlons France, parlons franc !

Chers amis causeurs, à la relecture des commentaires de mon article sur les pratiques de la police, je suis impressionné par la vigueur du débat et par la force avec laquelle certains se sont exprimés.

Au risque de pratiquer une discrimination dont je ne suis pas coutumier, je veux exprimer mon admiration aux internautes enfants d’immigrés, à ceux que l’histoire familiale a un jadis déposé sur nos rivages, à ceux dont les parents ou les grands-parents, un jour vu, ont vu chez nous de la lumière et sont entrés.

À travers vos réactions, s’exprime une grande sensibilité à l’injustice, une volonté farouche de ne pas transiger sur les principes de liberté, d’égalité et de fraternité qui fondent notre République et une grande détermination à dénoncer les entorses faites aux droits de l’homme et du citoyen. Nous savons maintenant que si les libertés individuelles sont foulées au pied, balayées de la main ou même repoussées d’une pichenette, nous pouvons compter sur vos protestations et cela vous honore.

Les lois et les pratiques dans notre pays sont loin d’être parfaites et nous aurons toujours besoin d’avis éclairés sur ces questions mais je me demande si les injustices commises par les autorités en France, et je sais qu’il y en a, sont à la hauteur de votre grande capacité d’indignation. Quand par temps clair nous parvenons à distinguer les coutumes policières en usage de l’autre coté de la Méditerranée, je ne peux m’empêcher de penser aux grands défenseurs des opprimés que vous auriez fait là-bas.

Ces pays au nord et au sud du Sahara où si, lors d’un contrôle routier, vous ne glissez pas un billet en tendant votre permis de conduire, vous pouvez passer trois heures sur le bord de la route avant que l’agent ne parvienne à lire votre nom. Ces postes-frontières où, si vous négligez la coutume des frais de douane de la main à la main, les formalités peuvent durer trois jours quand vous êtes blanc dans une voiture, rarement si vous êtes d’une autre couleur sur un bourricot. Dans ces contrées qui vous font chaud au cœur, quels serviteurs de la justice et quels pourfendeurs des discriminations vous auriez pu faire !

Vous n’auriez sans doute pas eu à y dénoncer le délit d’outrage car je ne pense pas que les lois en vigueur aient prévu d’alourdir le dispositif judiciaire de procédures aussi compliquées là où le coup de bâton est si efficace pour réprimer l’insulte adressée à un policier, mais vous auriez été héroïque dans les manifestations offrant vos poitrines aux tirs à balles réelles.

Sensibles aux dérives d’un Etat policier, quels combattants du droit vous feriez aujourd’hui en Iran ! Dénonçant sans relâche un régime où les citoyennes sont des citoyens de seconde zone, vous pourriez y exercer vos talents contestataires. Quand la répression actuelle assassine ou emprisonne sans que les rues de nos villes soient envahies par des musulmans en colère, vos voix manquent là-bas pour défendre les libertés en danger. Vous auriez été les premiers à dénoncer les bourreaux de ces jeunes filles, condamnées à mort et exécutées, non sans avoir été violées par leurs geôliers après un simulacre de mariage parce que l’islam interdit la peine de mort pour les femmes sans époux.

Partout dans le monde où vos cultures d’origine sont à l’honneur, les exemples ne manquent pas d’exactions, corruptions, extorsions, séquestrations, stigmatisations, discriminations, humiliations, aliénations et spoliations. Et le destin a voulu que votre détermination à dénoncer les atteintes aux droits et aux libertés s’exerçât dans notre pays. Vous nous en voyez honorés et, à n’en pas douter, c’est une chance pour la France de compter parmi les Français des citoyens si attachés à son histoire humaniste et à ses valeurs.

La France de Zola, celle qui accuse et se dresse contre l’injustice, peut être fière de ses enfants adoptifs et reconnaissante envers tous ceux qui la rappellent sans relâche à son devoir d’exemplarité, ces belles âmes que l’intransigeance caractérise, ces hommes et ces femmes venus d’ailleurs qui lui permettent, par leurs critiques sévères mais justes, de rester elle-même, terre de liberté, d’égalité et de fraternité, terre d’asile pour tous les opprimés – bref la France éternelle que nous aimons.

Meurtres à France Télécom

C’est le polar de l’été. Michel D., 51 ans, a été retrouvé assassiné à son domicile. Il était salarié de France Télécom à Marseille et son corps sans vie a été découvert le 14 juillet. L’inquiétude grandit à la direction, car le mystère reste entier. Il semblerait en effet qu’un redoutable serial quileur ait décidé de semer la panique dans la prestigieuse entreprise. C’est la dix-huitième fois qu’il frappe depuis février 2008, faisant en moyenne une victime par mois, sans compter une dizaine d’autres tentatives, heureusement déjouées in extremis.

Qui peut en vouloir à ce point à notre fleuron national de l’industrie des télécommunications, modèle d’une privatisation réussie dans le bonheur, l’harmonie et d’une exemplaire concertation entre partenaires sociaux travaillant de concert sous les bienveillantes directives bruxelloises ? Un concurrent étranger ? Une secte adoratrice de l’orange et qui ne supporte pas l’utilisation publicitaire d’une couleur sacrée ? Des anarcho-autonomes luddites ? Oui, qui veut faire échouer ce bel exemple de modernisation et de restructuration réussies ?

On le voit, les pistes sont multiples, mais le pire réside dans l’incroyable perversité du sérial quileur, qui n’hésite pas à maquiller ces assassinats en suicides pour discréditer l’image de France Télécom comme modèle social. Jack l’éventreur, Ted Bundy, Guy Georges sont ici largement battus et font figure d’amateurs sans imagination. Ainsi a-t-on retrouvé près du corps de Michel D., comme chez les autres victimes, une lettre manifestement fausse qui met en cause « l’urgence permanente », « la désorganisation totale de l’entreprise », voire « le management par la terreur».

Heureusement, les autorités ne se sont pas laissé duper. Il faut dire que le sérial quileur en a quand même fait un peu trop.

À qui fera-t-on croire de telles énormités ? Surtout quand on lit à propos de cette tragique affaire l’entretien donné par le directeur des relations sociales de France Télécom dans l’édition du 28 juillet du Parisien-Aujourd’hui en France : « Quand on fait bouger une entreprise comme France Télécom, qui compte plus de 100 000 salariés, en si peu de temps, on remue tout le corps social. Mais cette mue s’est mise en place avec des mesures d’accompagnement comme la mise en place d’espaces d’écoute et la formation de manageurs pour repérer ce qu’on appelle des “signaux faibles” pour les salariés. »

Un tel humanisme dans la démarche discrédite évidemment la thèse aberrante des suicides à répétition.

Et pourtant… Certains n’hésitent pas, en toute irresponsabilité, à l’exploiter cyniquement. Ainsi quelques cadres surmutualisés de la CGC et des gauchistes de SUD-PTT n’ont ils pas hésité à mettre en place un « Observatoire du stress et des mobilités forcées à France Télécom » et dénoncé « le silence assourdissant de la direction ».

Les salauds. Il n’y a pas d’autre terme pour désigner ces archéo-syndicalistes qui n’ont pas conscience que leurs gesticulations indignes font le jeu d’un tueur en série tapi dans l’ombre et qui, n’en doutons pas, s’apprête encore à frapper.

Plutôt que de faire front avec leur direction, ils instrumentalisent un atroce fait divers pour ranimer la lutte des classes, ou pire encore, allez savoir, pour nous faire revenir à l’inefficacité du vieux service public et des incroyables prébendes que s’accordaient alors des fonctionnaires privilégiés et fainéants.

Faudra-t-il attendre que le chiffre de vingt sui…, euh pardon, de vingt assassinats soit dépassé pour qu’ils aient enfin la décence, ces syndicalistes, d’œuvrer efficacement à la recherche du tueur, ou alors de se taire, une fois pour toutes ?

On peut toujours rêver.

En vert et contre tous

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Dans l’interminable partie d’échecs engagée par l’Iran, la diplomatie européenne doit relever un nouveau défi : comment réagir face à la cérémonie d’intronisation de l’ancien/nouveau président de la république islamique ? L’une des démarches envisagées par les ministres des affaires étrangères de l’Union Européenne était une décision collective des 27 d’envoyer à la cérémonie de lundi prochain un diplomate subalterne. Sauf que les Iraniens ne sont pas nés d’hier. Ces fins joueurs ont sans doute anticipé la manœuvre européenne et, pour la contrer, ont envoyé des invitations nominatives à tous les ambassadeurs. Dans ces circonstances, déléguer un troisième secrétaire constituerait une protestation nettement plus forte que celle que l’UE souhaite manifester en ce moment. La solution européenne – typique – a donc été de laisser chaque Etat choisir sa réaction, ce qui est déjà une petite victoire pour Téhéran dont la stratégie est de diviser ses adversaires. Face à ce dilemme la France pourrait faire preuve de créativité diplomatique et envoyer son ambassadeur à la cérémonie, mais arborant sa plus belle cravate verte (et non, il n’est pas trop tard pour en acheter une car en Iran, grâce à Allah et son prophète, les magasins sont ouverts le dimanche). Et si ses collègues européens agissaient de même, alors on peut être certain que les visages de l’heureux élu et de ses soutiens pourraient prendre aussi cette couleur.

Deron est mort, l’Orient est triste

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Francis Deron est décédé vendredi 31 juillet à Paris, des suites d’une longue maladie, selon le vocabulaire funéraire habituel. Ceux qui ne connaissaient rien à la Chine et à l’Asie du sud-est, ou qui se croyaient informés sur ces régions par les récits de voyages des éminences politiques et littéraires de Paris, lui devront de ne pas mourir totalement idiots.

Sinologue formé à l’école de René Viennet et de Simon Leys, il contribua à démasquer l’imposture maoïste telle qu’elle était glorifiée par ses sectateurs français et leurs compagnons de route de gauche comme de droite. Son arrivée au Monde en 1986, à la demande de Jacques Amalric, alors chef du service étranger, marqua la fin d’un traitement plus que complaisant de la dictature du « Grand timonier » par le journal de référence.

Ces dernières années, il avait consacré son temps et ses efforts à une enquête historique et politique sur le Cambodge à l’époque des Khmers rouges, publiée récemment chez Gallimard.

Francis Deron ne paradait pas sur les plateaux de télévision pour étaler sa science, et ne se contentait pas de séjours éclairs dans les lieux chauds de la planète pour formuler des sentences définitives sur la marche du monde. Il s’est donc un peu moins trompé que d’autres, ce qui lui a valu l’estime de quelques amis, dont je m’honore d’avoir fait partie, à défaut d’une gloire médiatique dont il se fichait comme de son premier bol de riz.

Le Procès des Khmers rouges: Trente ans d'enquête sur le génocide cambodgien

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AF 447 : la vérité

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af447

Reliant l’aéroport international Antonio Carlos Jobim de Rio de Janeiro et l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle de Paris, le vol Air France 447 s’est abîmé dans l’Atlantique le 1er juin 2009. Selon les informations de Babouse, l’enquête progresserait et les causes de l’accident seraient sur le point d’être élucidées : le réchauffement climatique !

Arnaud Lagardère, une personne vraiment morale

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Selon un rapport de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF), publié le 28 juillet, les principaux actionnaires privés d’EADS, Lagardère et Daimler n’auraient pas commis de délits d’initié en tant que personnes morales. Le groupe Lagardère qui a vendu 7,5 % du capital d’EADS le 4 avril 2006, deux mois avant l’annonce publique des retards de livraison du gros porteur A380 vient donc d’être blanchi. Arnaud Lagardère, président du directoire d’EADS, avait d’ailleurs clamé dès le début de l’affaire son innocence ainsi que celle de son groupe. Le 14 juin, 24 heures à peine après l’annonce des problèmes sur l’A380 et la chute du titre EADS en bourse, il a déclaré au Monde : « J’ai le choix de passer pour quelqu’un de malhonnête ou d’incompétent, qui ne sait pas ce qui se passe dans ses usines. » Félicitations Monsieur Lagardère, vous n’êtes pas malhonnête.

Tour de force

Hosannah ! Ô cieux cléments, dieux du stade et du cirque ! Cette année, enfin, un Tour de France propre !

Dans un élan commun, tous les pécheurs repentis du dopage se sont mis à carburer aux carottes râpées et aux sucres lents. Foin de l’EPO, du « pot belge » et autres substances magiques qui transforment les forçats de la route en mobylettes humaines, voire en Porsche décapotables : cette année est celle de la nouvelle virginité, du coureur bio garanti sans additifs.

L’an dernier encore, on perdait à chaque étape le vainqueur, voire quelques suivants, tels les cailloux du Petit Poucet ; difficile, dans ces conditions, de conserver le suspense indispensable au maintien de l’audience et des droits télévisuels.

Cette année, promis, juré, rien de tout ça. Si l’équipe Astana a mis une heure à se présenter au contrôle antidopage, c’est uniquement pour ne pas interrompre la grasse matinée dominicale. Si le président de l’Agence française antidopage accuse l’Union cycliste internationale (UCI) de complaisance, c’est sans doute que sa femme l’a quitté et qu’il a besoin d’un exutoire à sa mauvaise humeur…

Il faut bien que le bon peuple rêve. Lui qui, le dimanche, sue sang et eau pour monter la côte de la colline derrière son village − après avoir acheté un vélo de course en 72 mensualités et la tenue du petit Contador illustré moyennant deux mois et demi de salaire − doit s’émerveiller en voyant passer 200 ovnis à 87 km/h, par 35 degrés, frais comme des roses après le douzième col de la semaine.

D’autre part, que ferait-on d’une caravane de vingt kilomètres transportant des bonbons Haribo géants et autres bouteilles de gaz si l’on ne pouvait y mettre un ou deux petits coureurs frétillants autour ?

Alors que les anciens coureurs font l’un après l’autre leur coming out en expliquant en long et en large qu’ils se sont dopés tout au long de leur carrière, on arrive encore à tirer larmes et cris aux commentateurs de l’épreuve sportive la plus dévoyée du PAF.

Le plus triste, dans cette histoire, est qu’on ne connait même pas l’identité de ces laboratoires pharmaceutiques ultra-innovants qui, après avoir créé des substances capables de remettre ma grand-mère au jogging, nous sortent maintenant les produits masquants pour les amateurs du pas vu-pas pris.

Pensez à la tristesse de ce scientifique méconnu, qui voit ses produits porter le maillot jaune sans avoir droit à son quart d’heure de gloire. La moindre des courtoisies consisterait à le faire monter sur le podium à côté de sa souris de laboratoire.

À poil sous ma burqa !

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Vous pensez que la burqa est un instrument d’enfermement, donc d’asservissement, qu’elle témoigne de la haine du sexe et de la peur des femmes – à moins que ce ne soit l’inverse ? Sachez-le, vous êtes complètement out. Cet été, rien n’est plus tendance que l’islamo-féminisme. Et comme à Causeur on n’est pas chienne, on a décidé de vous aider à vous mettre à la page.

On le savait déjà, la burqa, c’est intello. Quand André Gerin et ses compères ont lancé le débat, toutes les radios, certainement soucieuses de ne pas nourrir la stigmatisation toujours menaçante, ont déniché leur burqette bac + 12. Il est vrai que pour étudier Voltaire ou Einstein, on ne saurait rêver habit plus adapté.

Mais cet été apporte une bien meilleure nouvelle, en particulier à tous ceux qui pensent que l’épanouissement sexuel des adeptes du « voile intégral » est une cause nationale. La burqa, c’est érotique : le dernier chic, dans nos médias, est donc d’interroger des dames qui s’habillent en fantômes en toute liberté et jurent avec des mines coquines que leur armoire est pleine de dessous affriolants – pour affrioler leur légitime propriétaire, pardon mari. La semaine dernière, Match a ainsi consacré quatre pages à « ces filles voilées de la tête aux pieds ». Il faut vous dire que j’étais à l’étranger et que quand j’ai vu ma présidente en « une », je n’ai pas pu résister. Bon, seulement huit pages sur « Carla la perfectionniste », qui « veut changer l’image de son mec » avec photos au maquillage, quand « elle se prépare sans trop s’apprêter ». Non, vraiment pas une once de servilité ni même de complaisance dans ce reportage purement informatif. D’ailleurs, ce n’est pas mon sujet.

Après le conte de fées de la « chanteuse de premier plan », et le récit cauchemardesque mais édifiant de la déchéance des Madoff (ah, qu’il est doux de savoir que madame Madoff prend le métro !), l’hebdo qui proclame que « la vie est une histoire vraie » offrait donc à ses heureux lecteurs les témoignages bouleversifiants de Caroline, 26 ans, et Safiya, 20 ans, toutes deux en burqa (ou en niqab, qu’on me pardonne mon imprécision schmattologique[1. Pour ceux qui ont raté le cours précédent, schmattes signifie tissu en yiddish. Par extension, la schmattologie est donc la science de la fringue.]) et fières de l’être.

On imagine qu’elles ont des yeux, Caroline et Safiya, surtout Caroline car elle porte des lunettes. On suppose même qu’elles sont faites de chair et de sang bien que sur les photos on ne voie nulle trace de ces choses dégoûtantes. Même au volant – parce qu’elles sont modernes, hein ?-, elles portent les gants supposés éviter à leurs mimines tout regard impur, c’est-à-dire non marital. (Ou alors, c’est pour les empêcher de les laisser traîner dans des endroits inconvenants ?)

Le message est clair. Caroline et Safiya sont des femmes comme les autres – où allez-vous chercher que cet accoutrement révèle un curieux rapport à la société ? On se dit même, en lisant l’article concocté par deux consœurs, que cette réclusion vestimentaire évoque les mystères de l’Orient. « Safiya rentre chez elle, dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Sa jupe longue et son jilbeb, sorte de cape grise qui couvre son corps des cheveux jusqu’aux hanches se balancent au rythme de ses pas. Sa sitar noire, un triple voile, cache son visage. Elle ouvre de sa main gantée la porte de son appartement puis se déchausse pour pénétrer dans la chambre où trône un lit à baldaquin. Et là, dans ce décor des Mille et Une Nuits, Safiya se dévoile. La silhouette de Belphégor se métamorphose en celle de Schéhérazade. » Bravo les filles, il aurait été dommage de passer à côté d’un cliché aussi tentant sans s’en emparer. Quant à la photo de ladite Schéhérazade posant, dans son costume de Belphégor, devant ses petites culottes, elle est assez amusante. On s’attend à ce que sur l’image d’après, elle soit nue, un fouet à la main, la burqa roulée en boule à ses pieds. Eh bien, c’est raté. Si vous parvenez à vous procurer cet excellent numéro, vous devrez vous contenter des culottes. Et de votre imagination.

La burqa, c’est la liberté. Bien entendu, Safiya et Caroline ont choisi toutes seules comme des grandes de vivre cachées – pour tout dire, ça enquiquine même leur famille. Donc, toute cette histoire d’oppression, c’est que des menteries. Si on voulait chipoter, on pourrait faire remarquer à mes excellentes consœurs et à celui qui leur a commandé le sujet (« tu me trouves des filles normales, hein ? ») que présenter les deux donzelles comme des exemples est pour le moins mensonger. Je serais en effet assez étonnée que les femmes qui sont obligées de se déguiser soient autorisées à s’épancher auprès de journalistes. Peu importe, je ne dois rien comprendre au journalisme-tranches de vie.

Il faut dire cependant que ces femmes subissent une véritable oppression : la nôtre. Non seulement, elles sont en butte à des moqueries et réflexions désagréables dans la rue, mais en plus, elles subissent une affreuse discrimination au travail. Caroline, Picarde convertie à 17 ans, mariée à 24, a dû quitter son emploi à la mairie de sa commune. « Quand ils ont appris que j’avais épousé un homme que je ne connaissais pas, ils m’ont prise pour Ben Laden ! » Quant à Safiya, malgré un BTS de gestion, elle est au chômage. Ce qui lui laisse le temps d’aller dans les boutiques de luxe, « les seuls endroits où elle a le sentiment d’avoir un traitement privilégié » – je vous jure que je n’invente rien.

Vous l’avez compris entre les lignes, nos damoiselles sont ce que j’appellerais des « chaudasses » si je ne craignais pas de blesser vos chastes yeux. Caroline n’en fait pas vraiment mystère. « La majorité des femmes se font belles le matin pour aller travailler. Quand elles rentrent chez elles, elles mettent un vieux pyjama et des chaussons. (Ah bon, c’est comme ça qu’on fait ? Quelqu’un pourrait-il m’envoyer un vieux pyjama et des chaussons ?) Moi, je fais l’inverse ! Je mets des vêtements sans formes pour sortir et je me fais belle pour le retour de mon mari. » D’ailleurs, au cas où quelqu’un n’aurait pas compris, elle porte un sac sur lequel elle a brodé l’inscription suivante : « femme voilée, femme comblée ». Si j’étais de mauvaise humeur, je lui dirais bien d’aller se faire combler ailleurs, à la Caroline.

Heureusement, depuis que j’ai lu Le Monde, je suis au nirvana. J’ai compris mon erreur. Je me suis emballée sur cette affaire de burqa alors qu’en fait, il n’y a aucun problème. « Le phénomène est si marginal que la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) s’est risquée – au risque de faire sourire – à l’évaluer à l’unité près : selon sa note en date du 8 juillet, dont Le Monde a eu connaissance, 367 femmes en France – soit, en moyenne, une sur près de 90 000 – porteraient la burqa ou le niqab, ce vêtement long et sombre qui voile entièrement le corps et le visage de certaines musulmanes », apprend-on dans l’éditorial.

Il faut louer Le Monde pour sa confiance aveugle dans l’institution policière – ça ne m’avait pas frappé pendant l’affaire Coupat. Certes, la précision de « l’évaluation » a dû faire rigoler (jaune) tous ceux qui voient des dizaines de burqas sur le marché de leur ville – ils doivent se dire qu’elles ont toutes échoué chez eux. De plus, on sait combien les modes sont contagieuses, en particulier dans les cités où les filles sont moins victimes de la mode, justement, que du conformisme, de l’obscurantisme et de la pression sociale.

Pour Le Monde, et pour toutes les radios qui ont entonné la même chanson ce matin, la conclusion s’impose : « compte tenu des risques – dont la stigmatisation de l’islam, qui pourrait offrir à la burqa une fausse image libératrice », il ne faut surtout pas légiférer. Moi, j’aurais tendance à dire que 367, c’est 367 de trop et que ces 367-là méritent bien une loi (au fait, 367, n’était-ce pas le nombre des signataires de l’appel pour l’avortement ?). Mais pour montrer ma bonne volonté et mon souci de ne pas stigmatiser l’islam, je suis prête à accepter une solution médiane. Autorisons la burqa à une condition, que celles qui la portent s’engagent à être nues dessous. Comme ça, au moins, elles contribueront à la vie du pays en faisant fantasmer les hommes. Pour tout vous dire, je me demande si je ne vais pas m’y mettre.

Agent Rimbaud, taisez-vous !

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On sait depuis le papier de Gil Mihaely le triste sort de nos deux agents enlevés par les pirates somaliens. On ne peut que s’inquiéter pour leur libération quand on se rend compte de la piètre qualité et de la motivation inexistante de nos honorables correspondants dans la région. Parmi eux, un certain Arthur Rimbaud, plus ou moins marchand d’armes à Aden et dans le Harar, pédéraste notoire et, paraît-il, ayant connu une carrière d’obscur poète dans les milieux anarcho-autonomes durant sa jeunesse, semble motivé uniquement par l’appât du gain et aucune considération patriotique. En effet, dans une des lettres qu il adresse à sa famille, il ose écrire : “J aime mieux ne rien faire que me faire exploiter” (Aden, 22 septembre 1880). Il ne manquerait plus que de tels propos, tombant dans de mauvaises oreilles, deviennent le mot d’ordre des salariés lors de la rentrée sociale.

Surveillance maritale sévère

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La cour de Cassation vient d’accorder aux SMS, par un arrêt rendu le 19 juin, la même valeur qu’aux lettres manuscrites dans les affaires d’adultère. Victime d’une infortune conjugale, une femme bafouée avait produit le texto reçu par son mari de la part d’une fieffée gourgandine pour justifier sa demande de divorce et avait été déboutée en première instance, puis par la cour d’Appel. Alors m’1tenan kan tékri je t’M a ta kops, si cé pa ta fam, fofer gaffe. Bone bz kan m.

Parlons France, parlons franc !

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Chers amis causeurs, à la relecture des commentaires de mon article sur les pratiques de la police, je suis impressionné par la vigueur du débat et par la force avec laquelle certains se sont exprimés.

Au risque de pratiquer une discrimination dont je ne suis pas coutumier, je veux exprimer mon admiration aux internautes enfants d’immigrés, à ceux que l’histoire familiale a un jadis déposé sur nos rivages, à ceux dont les parents ou les grands-parents, un jour vu, ont vu chez nous de la lumière et sont entrés.

À travers vos réactions, s’exprime une grande sensibilité à l’injustice, une volonté farouche de ne pas transiger sur les principes de liberté, d’égalité et de fraternité qui fondent notre République et une grande détermination à dénoncer les entorses faites aux droits de l’homme et du citoyen. Nous savons maintenant que si les libertés individuelles sont foulées au pied, balayées de la main ou même repoussées d’une pichenette, nous pouvons compter sur vos protestations et cela vous honore.

Les lois et les pratiques dans notre pays sont loin d’être parfaites et nous aurons toujours besoin d’avis éclairés sur ces questions mais je me demande si les injustices commises par les autorités en France, et je sais qu’il y en a, sont à la hauteur de votre grande capacité d’indignation. Quand par temps clair nous parvenons à distinguer les coutumes policières en usage de l’autre coté de la Méditerranée, je ne peux m’empêcher de penser aux grands défenseurs des opprimés que vous auriez fait là-bas.

Ces pays au nord et au sud du Sahara où si, lors d’un contrôle routier, vous ne glissez pas un billet en tendant votre permis de conduire, vous pouvez passer trois heures sur le bord de la route avant que l’agent ne parvienne à lire votre nom. Ces postes-frontières où, si vous négligez la coutume des frais de douane de la main à la main, les formalités peuvent durer trois jours quand vous êtes blanc dans une voiture, rarement si vous êtes d’une autre couleur sur un bourricot. Dans ces contrées qui vous font chaud au cœur, quels serviteurs de la justice et quels pourfendeurs des discriminations vous auriez pu faire !

Vous n’auriez sans doute pas eu à y dénoncer le délit d’outrage car je ne pense pas que les lois en vigueur aient prévu d’alourdir le dispositif judiciaire de procédures aussi compliquées là où le coup de bâton est si efficace pour réprimer l’insulte adressée à un policier, mais vous auriez été héroïque dans les manifestations offrant vos poitrines aux tirs à balles réelles.

Sensibles aux dérives d’un Etat policier, quels combattants du droit vous feriez aujourd’hui en Iran ! Dénonçant sans relâche un régime où les citoyennes sont des citoyens de seconde zone, vous pourriez y exercer vos talents contestataires. Quand la répression actuelle assassine ou emprisonne sans que les rues de nos villes soient envahies par des musulmans en colère, vos voix manquent là-bas pour défendre les libertés en danger. Vous auriez été les premiers à dénoncer les bourreaux de ces jeunes filles, condamnées à mort et exécutées, non sans avoir été violées par leurs geôliers après un simulacre de mariage parce que l’islam interdit la peine de mort pour les femmes sans époux.

Partout dans le monde où vos cultures d’origine sont à l’honneur, les exemples ne manquent pas d’exactions, corruptions, extorsions, séquestrations, stigmatisations, discriminations, humiliations, aliénations et spoliations. Et le destin a voulu que votre détermination à dénoncer les atteintes aux droits et aux libertés s’exerçât dans notre pays. Vous nous en voyez honorés et, à n’en pas douter, c’est une chance pour la France de compter parmi les Français des citoyens si attachés à son histoire humaniste et à ses valeurs.

La France de Zola, celle qui accuse et se dresse contre l’injustice, peut être fière de ses enfants adoptifs et reconnaissante envers tous ceux qui la rappellent sans relâche à son devoir d’exemplarité, ces belles âmes que l’intransigeance caractérise, ces hommes et ces femmes venus d’ailleurs qui lui permettent, par leurs critiques sévères mais justes, de rester elle-même, terre de liberté, d’égalité et de fraternité, terre d’asile pour tous les opprimés – bref la France éternelle que nous aimons.

Meurtres à France Télécom

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C’est le polar de l’été. Michel D., 51 ans, a été retrouvé assassiné à son domicile. Il était salarié de France Télécom à Marseille et son corps sans vie a été découvert le 14 juillet. L’inquiétude grandit à la direction, car le mystère reste entier. Il semblerait en effet qu’un redoutable serial quileur ait décidé de semer la panique dans la prestigieuse entreprise. C’est la dix-huitième fois qu’il frappe depuis février 2008, faisant en moyenne une victime par mois, sans compter une dizaine d’autres tentatives, heureusement déjouées in extremis.

Qui peut en vouloir à ce point à notre fleuron national de l’industrie des télécommunications, modèle d’une privatisation réussie dans le bonheur, l’harmonie et d’une exemplaire concertation entre partenaires sociaux travaillant de concert sous les bienveillantes directives bruxelloises ? Un concurrent étranger ? Une secte adoratrice de l’orange et qui ne supporte pas l’utilisation publicitaire d’une couleur sacrée ? Des anarcho-autonomes luddites ? Oui, qui veut faire échouer ce bel exemple de modernisation et de restructuration réussies ?

On le voit, les pistes sont multiples, mais le pire réside dans l’incroyable perversité du sérial quileur, qui n’hésite pas à maquiller ces assassinats en suicides pour discréditer l’image de France Télécom comme modèle social. Jack l’éventreur, Ted Bundy, Guy Georges sont ici largement battus et font figure d’amateurs sans imagination. Ainsi a-t-on retrouvé près du corps de Michel D., comme chez les autres victimes, une lettre manifestement fausse qui met en cause « l’urgence permanente », « la désorganisation totale de l’entreprise », voire « le management par la terreur».

Heureusement, les autorités ne se sont pas laissé duper. Il faut dire que le sérial quileur en a quand même fait un peu trop.

À qui fera-t-on croire de telles énormités ? Surtout quand on lit à propos de cette tragique affaire l’entretien donné par le directeur des relations sociales de France Télécom dans l’édition du 28 juillet du Parisien-Aujourd’hui en France : « Quand on fait bouger une entreprise comme France Télécom, qui compte plus de 100 000 salariés, en si peu de temps, on remue tout le corps social. Mais cette mue s’est mise en place avec des mesures d’accompagnement comme la mise en place d’espaces d’écoute et la formation de manageurs pour repérer ce qu’on appelle des “signaux faibles” pour les salariés. »

Un tel humanisme dans la démarche discrédite évidemment la thèse aberrante des suicides à répétition.

Et pourtant… Certains n’hésitent pas, en toute irresponsabilité, à l’exploiter cyniquement. Ainsi quelques cadres surmutualisés de la CGC et des gauchistes de SUD-PTT n’ont ils pas hésité à mettre en place un « Observatoire du stress et des mobilités forcées à France Télécom » et dénoncé « le silence assourdissant de la direction ».

Les salauds. Il n’y a pas d’autre terme pour désigner ces archéo-syndicalistes qui n’ont pas conscience que leurs gesticulations indignes font le jeu d’un tueur en série tapi dans l’ombre et qui, n’en doutons pas, s’apprête encore à frapper.

Plutôt que de faire front avec leur direction, ils instrumentalisent un atroce fait divers pour ranimer la lutte des classes, ou pire encore, allez savoir, pour nous faire revenir à l’inefficacité du vieux service public et des incroyables prébendes que s’accordaient alors des fonctionnaires privilégiés et fainéants.

Faudra-t-il attendre que le chiffre de vingt sui…, euh pardon, de vingt assassinats soit dépassé pour qu’ils aient enfin la décence, ces syndicalistes, d’œuvrer efficacement à la recherche du tueur, ou alors de se taire, une fois pour toutes ?

On peut toujours rêver.

En vert et contre tous

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Dans l’interminable partie d’échecs engagée par l’Iran, la diplomatie européenne doit relever un nouveau défi : comment réagir face à la cérémonie d’intronisation de l’ancien/nouveau président de la république islamique ? L’une des démarches envisagées par les ministres des affaires étrangères de l’Union Européenne était une décision collective des 27 d’envoyer à la cérémonie de lundi prochain un diplomate subalterne. Sauf que les Iraniens ne sont pas nés d’hier. Ces fins joueurs ont sans doute anticipé la manœuvre européenne et, pour la contrer, ont envoyé des invitations nominatives à tous les ambassadeurs. Dans ces circonstances, déléguer un troisième secrétaire constituerait une protestation nettement plus forte que celle que l’UE souhaite manifester en ce moment. La solution européenne – typique – a donc été de laisser chaque Etat choisir sa réaction, ce qui est déjà une petite victoire pour Téhéran dont la stratégie est de diviser ses adversaires. Face à ce dilemme la France pourrait faire preuve de créativité diplomatique et envoyer son ambassadeur à la cérémonie, mais arborant sa plus belle cravate verte (et non, il n’est pas trop tard pour en acheter une car en Iran, grâce à Allah et son prophète, les magasins sont ouverts le dimanche). Et si ses collègues européens agissaient de même, alors on peut être certain que les visages de l’heureux élu et de ses soutiens pourraient prendre aussi cette couleur.

Deron est mort, l’Orient est triste

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Francis Deron est décédé vendredi 31 juillet à Paris, des suites d’une longue maladie, selon le vocabulaire funéraire habituel. Ceux qui ne connaissaient rien à la Chine et à l’Asie du sud-est, ou qui se croyaient informés sur ces régions par les récits de voyages des éminences politiques et littéraires de Paris, lui devront de ne pas mourir totalement idiots.

Sinologue formé à l’école de René Viennet et de Simon Leys, il contribua à démasquer l’imposture maoïste telle qu’elle était glorifiée par ses sectateurs français et leurs compagnons de route de gauche comme de droite. Son arrivée au Monde en 1986, à la demande de Jacques Amalric, alors chef du service étranger, marqua la fin d’un traitement plus que complaisant de la dictature du « Grand timonier » par le journal de référence.

Ces dernières années, il avait consacré son temps et ses efforts à une enquête historique et politique sur le Cambodge à l’époque des Khmers rouges, publiée récemment chez Gallimard.

Francis Deron ne paradait pas sur les plateaux de télévision pour étaler sa science, et ne se contentait pas de séjours éclairs dans les lieux chauds de la planète pour formuler des sentences définitives sur la marche du monde. Il s’est donc un peu moins trompé que d’autres, ce qui lui a valu l’estime de quelques amis, dont je m’honore d’avoir fait partie, à défaut d’une gloire médiatique dont il se fichait comme de son premier bol de riz.

Le Procès des Khmers rouges: Trente ans d'enquête sur le génocide cambodgien

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AF 447 : la vérité

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Reliant l’aéroport international Antonio Carlos Jobim de Rio de Janeiro et l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle de Paris, le vol Air France 447 s’est abîmé dans l’Atlantique le 1er juin 2009. Selon les informations de Babouse, l’enquête progresserait et les causes de l’accident seraient sur le point d’être élucidées : le réchauffement climatique !

Arnaud Lagardère, une personne vraiment morale

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Selon un rapport de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF), publié le 28 juillet, les principaux actionnaires privés d’EADS, Lagardère et Daimler n’auraient pas commis de délits d’initié en tant que personnes morales. Le groupe Lagardère qui a vendu 7,5 % du capital d’EADS le 4 avril 2006, deux mois avant l’annonce publique des retards de livraison du gros porteur A380 vient donc d’être blanchi. Arnaud Lagardère, président du directoire d’EADS, avait d’ailleurs clamé dès le début de l’affaire son innocence ainsi que celle de son groupe. Le 14 juin, 24 heures à peine après l’annonce des problèmes sur l’A380 et la chute du titre EADS en bourse, il a déclaré au Monde : « J’ai le choix de passer pour quelqu’un de malhonnête ou d’incompétent, qui ne sait pas ce qui se passe dans ses usines. » Félicitations Monsieur Lagardère, vous n’êtes pas malhonnête.

Tour de force

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Hosannah ! Ô cieux cléments, dieux du stade et du cirque ! Cette année, enfin, un Tour de France propre !

Dans un élan commun, tous les pécheurs repentis du dopage se sont mis à carburer aux carottes râpées et aux sucres lents. Foin de l’EPO, du « pot belge » et autres substances magiques qui transforment les forçats de la route en mobylettes humaines, voire en Porsche décapotables : cette année est celle de la nouvelle virginité, du coureur bio garanti sans additifs.

L’an dernier encore, on perdait à chaque étape le vainqueur, voire quelques suivants, tels les cailloux du Petit Poucet ; difficile, dans ces conditions, de conserver le suspense indispensable au maintien de l’audience et des droits télévisuels.

Cette année, promis, juré, rien de tout ça. Si l’équipe Astana a mis une heure à se présenter au contrôle antidopage, c’est uniquement pour ne pas interrompre la grasse matinée dominicale. Si le président de l’Agence française antidopage accuse l’Union cycliste internationale (UCI) de complaisance, c’est sans doute que sa femme l’a quitté et qu’il a besoin d’un exutoire à sa mauvaise humeur…

Il faut bien que le bon peuple rêve. Lui qui, le dimanche, sue sang et eau pour monter la côte de la colline derrière son village − après avoir acheté un vélo de course en 72 mensualités et la tenue du petit Contador illustré moyennant deux mois et demi de salaire − doit s’émerveiller en voyant passer 200 ovnis à 87 km/h, par 35 degrés, frais comme des roses après le douzième col de la semaine.

D’autre part, que ferait-on d’une caravane de vingt kilomètres transportant des bonbons Haribo géants et autres bouteilles de gaz si l’on ne pouvait y mettre un ou deux petits coureurs frétillants autour ?

Alors que les anciens coureurs font l’un après l’autre leur coming out en expliquant en long et en large qu’ils se sont dopés tout au long de leur carrière, on arrive encore à tirer larmes et cris aux commentateurs de l’épreuve sportive la plus dévoyée du PAF.

Le plus triste, dans cette histoire, est qu’on ne connait même pas l’identité de ces laboratoires pharmaceutiques ultra-innovants qui, après avoir créé des substances capables de remettre ma grand-mère au jogging, nous sortent maintenant les produits masquants pour les amateurs du pas vu-pas pris.

Pensez à la tristesse de ce scientifique méconnu, qui voit ses produits porter le maillot jaune sans avoir droit à son quart d’heure de gloire. La moindre des courtoisies consisterait à le faire monter sur le podium à côté de sa souris de laboratoire.

À poil sous ma burqa !

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Vous pensez que la burqa est un instrument d’enfermement, donc d’asservissement, qu’elle témoigne de la haine du sexe et de la peur des femmes – à moins que ce ne soit l’inverse ? Sachez-le, vous êtes complètement out. Cet été, rien n’est plus tendance que l’islamo-féminisme. Et comme à Causeur on n’est pas chienne, on a décidé de vous aider à vous mettre à la page.

On le savait déjà, la burqa, c’est intello. Quand André Gerin et ses compères ont lancé le débat, toutes les radios, certainement soucieuses de ne pas nourrir la stigmatisation toujours menaçante, ont déniché leur burqette bac + 12. Il est vrai que pour étudier Voltaire ou Einstein, on ne saurait rêver habit plus adapté.

Mais cet été apporte une bien meilleure nouvelle, en particulier à tous ceux qui pensent que l’épanouissement sexuel des adeptes du « voile intégral » est une cause nationale. La burqa, c’est érotique : le dernier chic, dans nos médias, est donc d’interroger des dames qui s’habillent en fantômes en toute liberté et jurent avec des mines coquines que leur armoire est pleine de dessous affriolants – pour affrioler leur légitime propriétaire, pardon mari. La semaine dernière, Match a ainsi consacré quatre pages à « ces filles voilées de la tête aux pieds ». Il faut vous dire que j’étais à l’étranger et que quand j’ai vu ma présidente en « une », je n’ai pas pu résister. Bon, seulement huit pages sur « Carla la perfectionniste », qui « veut changer l’image de son mec » avec photos au maquillage, quand « elle se prépare sans trop s’apprêter ». Non, vraiment pas une once de servilité ni même de complaisance dans ce reportage purement informatif. D’ailleurs, ce n’est pas mon sujet.

Après le conte de fées de la « chanteuse de premier plan », et le récit cauchemardesque mais édifiant de la déchéance des Madoff (ah, qu’il est doux de savoir que madame Madoff prend le métro !), l’hebdo qui proclame que « la vie est une histoire vraie » offrait donc à ses heureux lecteurs les témoignages bouleversifiants de Caroline, 26 ans, et Safiya, 20 ans, toutes deux en burqa (ou en niqab, qu’on me pardonne mon imprécision schmattologique[1. Pour ceux qui ont raté le cours précédent, schmattes signifie tissu en yiddish. Par extension, la schmattologie est donc la science de la fringue.]) et fières de l’être.

On imagine qu’elles ont des yeux, Caroline et Safiya, surtout Caroline car elle porte des lunettes. On suppose même qu’elles sont faites de chair et de sang bien que sur les photos on ne voie nulle trace de ces choses dégoûtantes. Même au volant – parce qu’elles sont modernes, hein ?-, elles portent les gants supposés éviter à leurs mimines tout regard impur, c’est-à-dire non marital. (Ou alors, c’est pour les empêcher de les laisser traîner dans des endroits inconvenants ?)

Le message est clair. Caroline et Safiya sont des femmes comme les autres – où allez-vous chercher que cet accoutrement révèle un curieux rapport à la société ? On se dit même, en lisant l’article concocté par deux consœurs, que cette réclusion vestimentaire évoque les mystères de l’Orient. « Safiya rentre chez elle, dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Sa jupe longue et son jilbeb, sorte de cape grise qui couvre son corps des cheveux jusqu’aux hanches se balancent au rythme de ses pas. Sa sitar noire, un triple voile, cache son visage. Elle ouvre de sa main gantée la porte de son appartement puis se déchausse pour pénétrer dans la chambre où trône un lit à baldaquin. Et là, dans ce décor des Mille et Une Nuits, Safiya se dévoile. La silhouette de Belphégor se métamorphose en celle de Schéhérazade. » Bravo les filles, il aurait été dommage de passer à côté d’un cliché aussi tentant sans s’en emparer. Quant à la photo de ladite Schéhérazade posant, dans son costume de Belphégor, devant ses petites culottes, elle est assez amusante. On s’attend à ce que sur l’image d’après, elle soit nue, un fouet à la main, la burqa roulée en boule à ses pieds. Eh bien, c’est raté. Si vous parvenez à vous procurer cet excellent numéro, vous devrez vous contenter des culottes. Et de votre imagination.

La burqa, c’est la liberté. Bien entendu, Safiya et Caroline ont choisi toutes seules comme des grandes de vivre cachées – pour tout dire, ça enquiquine même leur famille. Donc, toute cette histoire d’oppression, c’est que des menteries. Si on voulait chipoter, on pourrait faire remarquer à mes excellentes consœurs et à celui qui leur a commandé le sujet (« tu me trouves des filles normales, hein ? ») que présenter les deux donzelles comme des exemples est pour le moins mensonger. Je serais en effet assez étonnée que les femmes qui sont obligées de se déguiser soient autorisées à s’épancher auprès de journalistes. Peu importe, je ne dois rien comprendre au journalisme-tranches de vie.

Il faut dire cependant que ces femmes subissent une véritable oppression : la nôtre. Non seulement, elles sont en butte à des moqueries et réflexions désagréables dans la rue, mais en plus, elles subissent une affreuse discrimination au travail. Caroline, Picarde convertie à 17 ans, mariée à 24, a dû quitter son emploi à la mairie de sa commune. « Quand ils ont appris que j’avais épousé un homme que je ne connaissais pas, ils m’ont prise pour Ben Laden ! » Quant à Safiya, malgré un BTS de gestion, elle est au chômage. Ce qui lui laisse le temps d’aller dans les boutiques de luxe, « les seuls endroits où elle a le sentiment d’avoir un traitement privilégié » – je vous jure que je n’invente rien.

Vous l’avez compris entre les lignes, nos damoiselles sont ce que j’appellerais des « chaudasses » si je ne craignais pas de blesser vos chastes yeux. Caroline n’en fait pas vraiment mystère. « La majorité des femmes se font belles le matin pour aller travailler. Quand elles rentrent chez elles, elles mettent un vieux pyjama et des chaussons. (Ah bon, c’est comme ça qu’on fait ? Quelqu’un pourrait-il m’envoyer un vieux pyjama et des chaussons ?) Moi, je fais l’inverse ! Je mets des vêtements sans formes pour sortir et je me fais belle pour le retour de mon mari. » D’ailleurs, au cas où quelqu’un n’aurait pas compris, elle porte un sac sur lequel elle a brodé l’inscription suivante : « femme voilée, femme comblée ». Si j’étais de mauvaise humeur, je lui dirais bien d’aller se faire combler ailleurs, à la Caroline.

Heureusement, depuis que j’ai lu Le Monde, je suis au nirvana. J’ai compris mon erreur. Je me suis emballée sur cette affaire de burqa alors qu’en fait, il n’y a aucun problème. « Le phénomène est si marginal que la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) s’est risquée – au risque de faire sourire – à l’évaluer à l’unité près : selon sa note en date du 8 juillet, dont Le Monde a eu connaissance, 367 femmes en France – soit, en moyenne, une sur près de 90 000 – porteraient la burqa ou le niqab, ce vêtement long et sombre qui voile entièrement le corps et le visage de certaines musulmanes », apprend-on dans l’éditorial.

Il faut louer Le Monde pour sa confiance aveugle dans l’institution policière – ça ne m’avait pas frappé pendant l’affaire Coupat. Certes, la précision de « l’évaluation » a dû faire rigoler (jaune) tous ceux qui voient des dizaines de burqas sur le marché de leur ville – ils doivent se dire qu’elles ont toutes échoué chez eux. De plus, on sait combien les modes sont contagieuses, en particulier dans les cités où les filles sont moins victimes de la mode, justement, que du conformisme, de l’obscurantisme et de la pression sociale.

Pour Le Monde, et pour toutes les radios qui ont entonné la même chanson ce matin, la conclusion s’impose : « compte tenu des risques – dont la stigmatisation de l’islam, qui pourrait offrir à la burqa une fausse image libératrice », il ne faut surtout pas légiférer. Moi, j’aurais tendance à dire que 367, c’est 367 de trop et que ces 367-là méritent bien une loi (au fait, 367, n’était-ce pas le nombre des signataires de l’appel pour l’avortement ?). Mais pour montrer ma bonne volonté et mon souci de ne pas stigmatiser l’islam, je suis prête à accepter une solution médiane. Autorisons la burqa à une condition, que celles qui la portent s’engagent à être nues dessous. Comme ça, au moins, elles contribueront à la vie du pays en faisant fantasmer les hommes. Pour tout vous dire, je me demande si je ne vais pas m’y mettre.

Agent Rimbaud, taisez-vous !

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On sait depuis le papier de Gil Mihaely le triste sort de nos deux agents enlevés par les pirates somaliens. On ne peut que s’inquiéter pour leur libération quand on se rend compte de la piètre qualité et de la motivation inexistante de nos honorables correspondants dans la région. Parmi eux, un certain Arthur Rimbaud, plus ou moins marchand d’armes à Aden et dans le Harar, pédéraste notoire et, paraît-il, ayant connu une carrière d’obscur poète dans les milieux anarcho-autonomes durant sa jeunesse, semble motivé uniquement par l’appât du gain et aucune considération patriotique. En effet, dans une des lettres qu il adresse à sa famille, il ose écrire : “J aime mieux ne rien faire que me faire exploiter” (Aden, 22 septembre 1880). Il ne manquerait plus que de tels propos, tombant dans de mauvaises oreilles, deviennent le mot d’ordre des salariés lors de la rentrée sociale.