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Dirty Dying

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Patrick Swayze est mort et il ne me donnera jamais son secret. Dans ses différents films, il a joué les seuls rôles qui m’aient vraiment fait rêver, à l’exception de celui de secrétaire général du PCF pour restaurer la ligne classe contre classe ou encore auteur d’un roman définitif, comme Ulysse ou La Recherche.

D’abord, il a embrassé Demi Moore sur Unchained Melody dans Ghost. Et Demi Moore est une des plus belles actrices au monde, quoique brune, tandis que Unchained Melody par the Righteous Brothers reste un sommet indépassable du doo-wop. Et bien que je sois un petit cartésien matérialiste, peu sensible aux brumes celtes, aux brouillards du roman gothique et aux halloweendades diverses avec fantômes, esprits et maisons hantées, je dois néanmoins avouer que je ne rate jamais une rediffusion de Ghost.

Ensuite, Patrick Swayze a sauté en parachute et fait du surf dans Point Break Extreme limite, un polar très testosteroné de l’une des plus efficaces réalisatrices de films d’action d’Hollywood, la grande Katrhyn Bigelow, qui aime les mecs, les flingues et les nanas qui en ont comme Jamie Lee Curtis dans Blue Steel.

Ce qu’il y avait de bien dans Point Break Extreme limite, c’était que Patrick Swayze était le gourou cool d’une bande de surfers qui braquaient des banques en se déguisant avec des masques de présidents américains. Ils fumaient de l’herbe, passaient leur temps à chevaucher des rouleaux impressionnants, à faire l’amour au bord de l’océan, bref à vivre dans un temps libéré de la production où le libre développement de chacun était l’unique condition du libre développement de tous. On imaginait bien, dans ce film, Swayze lire Kerouac et Brautigan dans l’aube californienne, avant d’attaquer les murs de vagues sous un gros soleil rouge.

Et puis Patrick Swayze savait danser. Et salement bien. Dirty dancing, vous vous souvenez ? C’était en 1987, mais c’était censé se passer dans les années soixante, dans l’Oregon, à l’époque où l’Amérique était encore innocente et où les corps rencontraient les corps dans cette incroyable et unique sensualité de l’espace créé par le rock.

Nous, on s’était cru malin jusqu’à cette date parce qu’on ne se débrouillait pas trop mal dans les mariages et que l’on s’en tirait en frimant avec les deux mêmes passes acrobatiques apprises par une cousine très patiente, dix ans auparavant. Et voilà que toutes nos illusions s’écroulaient avec Patrick Swayze qui semblait faire l’amour tout habillé, sur Love Man d’Otis Redding.

Incarnation de cet hédonisme aimable, presque libertaire, qui est l’un des aspects les plus séduisants des USA, Patrick Swayze a finalement été dans les années 1980 et 1990 de la contre-révolution reaganienne une manière de contrepoint souriant et sexy à une époque assez sombre, comme une survivance presque anachronique, une poche temporelle échappée des années Kennedy.

Espérons que Patrick Swayze y trouvera, avec des filles pour danser et des planches de surf pour glisser sur l’éternité, un asile politique définitif.

Brève de comptoir

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On sait tout le bien qu’on a pensé ici de Monsieur Bob, la biographie du génial écrivain-buveur Robert Giraud écrite par Olivier Bailly. Et bien ceusses qui ont aimé pourront rencontrer l’auteur – autour d’un verre, faut-il le dire ! – pas plus tard que ce soir à 18 h à la librairie La Friche, 36 rue Léon Frot , Paris XIe. D’après nos services de renseignements, il n’est pas à exclure que cette manifestation culturelle se poursuive dans le fameux bistrot à vins de Jacques Mélac, qui n’est vraiment qu’à trois pas de là, à condition, bien sûr, de marcher droit…

Monsieur Bob

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Un coup téléphoné

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Le président de la République ne veut pas d'une quatrième licence de téléphonie mobile.
Le président de la République ne veut pas d'une quatrième licence de téléphonie mobile.

Ainsi le président de la République a-t-il jugé indispensable d’intervenir personnellement, lors de son déjeuner de lundi dernier avec les députés UMP, dans le débat sur l’octroi d’une quatrième licence téléphonique. En soi ce n’est pas un scandale, au contraire. La part du budget « portable » ne cesse de s’accroître dans les comptes des familles. Il s’agit, par ailleurs, d’un enjeu industriel stratégique, les petites ondes en question étant appelées, à terme, à remplacer tant les antennes râteau ou satellite qui défigurent votre cheminée que les câbles divers qui traînent encore un peu partout dans votre salon. Une mutation certes déjà engagée, mais loin d’être achevée, comme le prouve le succès phénoménal de l’iPhone et de ses suiveurs.

A l’horizon 2015, ce n’est plus un banal téléphone, même amélioré, qui déformera la poche de votre jean, mais bel et bien un terminal informatique embarqué, qui aura obsolétisé depuis longtemps non seulement appareils photos, baladeurs, autoradios et autres babioles techno, mais aussi probablement votre carte bleue, votre ligne de téléphone fixe et votre abonnement ADSL. Et dans quelques années, avec les progrès exponentiels des écrans souples et du papier électronique, il n’est pas exclu qu’on feuillette son quotidien du matin après en avoir téléchargé le contenu via le même joujou portable. L’enjeu économique, mais aussi idéologique est donc monstrueux, et que le président s’en mêle est a priori heureux.

Le problème, car il y en a un, et lourd, c’est la teneur de l’intervention : Nicolas Sarkozy a expliqué aux députés UMP réunis à l’Elysée qu’il n’y aurait pas de quatrième larron dans le portable. En clair, que Free – seul impétrant déclaré – ne viendrait pas enquiquiner les trois opérateurs historiques qui se partagent le bon gâteau. En encore plus clair, que le portable low cost, puisque chacun sait que tel est l’objectif du candidat à la quatrième licence, est enterré sans fleur ni couronnes.

On observera tout d’abord que cette prise de position viole les fondamentaux déclarés du sarkozysme.

Primo, la relance du pouvoir d’achat par la baisse des prix (on a oublié depuis longtemps ses promesses de buveur d’eau sur le candidat de la feuille de paye). Depuis 15 ans, Orange, SFR et Bouygues, se sont, de fait, entendus, pour maintenir les prix à de l’abonnement à un niveau exceptionnellement élevé. On rappellera au passage que les trois entreprises concernées, celles que le président a choisi de soutenir mordicus, n’ont pas un casier judiciaire vierge, loin s’en faut : elles ont déjà condamnés en 2005 par le Conseil de la concurrence, pour entente illicite sur les tarifs du portable, à des sanctions pécuniaires, pour un montant cumulé de 534 millions d’euros ! Le président de l’UFC-Que choisir (qu’on ne peut absolument pas soupçonner de lobbying pro-Free, l’association et l’opérateur étant en perpétuel procès sur le dossier ADSL) a donc raison de ne pas mâcher ces mots sur son blog : « Pensez donc : un quatrième opérateur ! Et pourquoi pas une vraie concurrence (au lieu de l’oligopole actuel) ? Et tant qu’on y est, allons-y, une guerre des prix au profit du consommateur ? »

Ce qui nous amène logiquement à la deuxième loi fondamentale du sarkozysme violée par son propre père fondateur : la libre entreprise, la concurrence non faussée, la prime à l’innovation, etc. Toutes vertus exaltées sans cesse dans le programme du candidat comme dans les discours du président et qu’on a donc enterrées aussi en choisissant de verrouiller le dossier – et aussi au passage le débat dans l’UMP sur cette question.

En ce qui me concerne, je n’ai jamais trop cru à ce refrain-là. En vieux marxiste maintenu, je pense que l’innovation n’est pas, n’est plus, structurellement liée au grand capital, qui n’aime rien tant que les situations de quasi-monopole ou le siphonage de l’argent public. En revanche, cet hymne à la modernitude dopée par la libre concurrence, je n’ai aucune raison valable de croire que le président n’y ait pas cru lui-même. Et je me dis qu’il a fallu que se mettent en branle des leviers très puissants pour que Nicolas Sarkozy foule aux pieds ce qu’il a adoré. Comme il ne faut pas confondre causeur et branleur, on abandonnera d’emblée les hypothèses conspirationnistes. On négligera aussi les pistes canardenchaînistes (caisses noires des partis politiques, force de frappe publicitaire des trois grands, etc.). On éclatera de rire devant les arguments des opérateurs historiques (comme quoi la quatrième licence serait une catastrophe sociale, qui supprimerait 10 000, voire 30 000 emplois) qu’on a du mal à voir rhabillés en chevaliers blancs du syndicalisme ouvrier.

Reste une hypothèse, et ça tombe bien, c’est ici et nulle part ailleurs qu’elle a été maintes fois développée, et notamment par Elisabeth. Elle implique, pour être comprise, de dépolluer nos cerveaux de quelques schémas traditionnels mais caducs, pour pouvoir reposer le problème à l’endroit. On n’a pas affaire à un pouvoir avide de contrôler les médias, mais bel et bien à un pouvoir contrôlé par ces mêmes médias. Incapable de se mouvoir à l’extérieur du créneau que ceux-ci veulent bien lui affecter. Ça vaut pour l’actuel chef de l’Etat, ça vaut aussi pour ses opposants officiels, et ça vaudra aussi pour ses successeurs. Or quand on parle de SFR, de Bouygues, d’Orange, on parle de trois acteurs décisifs du Parti des médias, puisque suivant l’exemple de Bouygues-TF1 et de SFR-Canal+, Orange a fait de la télévision un de ses axes majeurs de croissance et y a investi pour ce faire des sommes considérables (on a tous en mémoire l’interminable surenchère pour les droits de retransmission du foot).

On s’est longtemps inquiété dans ce pays des dérives dues à l’existence d’un complexe militaro-médiatique. Certains continuent de regretter qu’on puisse à la fois marchand d’armes, comme Lagardère ou Dassault, et propriétaire du Figaro ou d’Europe 1. Là encore, il va falloir apprendre à remettre le problème sur ses pieds. Ce qui est désormais dangereux ce n’est plus que des industriels possèdent des moyens d’information, mais l’inverse. Au XXIe siècle, le parti des médias est au cœur du jeu économique, et bien malin qui voudra le contrer.

Voilà pourquoi Nicolas Sarkozy a choisi Goliath contre David.

Mais quel « rapport » avec Israël ?

Au lendemain de la publication par l’ONU d’un rapport accablant sur le comportement d’Israël dans le cadre de la récente offensive sur Gaza (Tsahal se serait rendue coupable de crimes de guerre, voire contre l’humanité…), le quotidien Libération nous apprend ce matin que l’association Human Rights Watch a décidé hier de « temporairement relever de ses fonctions » un certain Marc Garlasco, auteur d’un autre rapport violemment anti-israélien (décidément…) publié il y a peu par la célèbre ONG… Pour quelle raison M. Garlasco a t-il été congédié ? Parce que l’on vient d’apprendre par le web – nous apprend Libé – qu’il avait pour passion la collection d’objets nazis… violon d’Ingres qu’il a reconnu pouvoir apparaître comme « inhabituel et dérangeant »… Mauvais genre, disons… Mais était-il pour autant nécessaire de priver HRW de ses talents ? Au moins, ce monsieur sait-il de quoi il ressort quand on parle de crimes contre l’humanité.

Libé, nouvelle formule et vieux démons

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Comme rien de ce qui est humain ne m’est étranger, j’ai pris connaissance avec intérêt de la nouvelle – nouvelle – nouvelle formule inaugurée la semaine dernière par Libé.

Lundi passé, une double page expliquait au lecteur ce changement destiné, s’il vous plaît, à « réinventer le quotidien de l’ère Internet ». (Et pourquoi pas le CD de l’ère du téléchargement, ou la guillotine sans lame pour abolitionnistes ?)
Trêve de plaisanteries, un édito signé de Laurent Joffrin himself nous aidait à mesurer l’importance de l’enjeu : « Libération remplit une mission civique: comprendre et inventer (sic !) ce que sera la France de l’après-crise dans un monde transformé. » Auto-investi d’une si écrasante responsabilité, ce quotidien du lendemain, comme on dit de la pilule, se doit de donner d’exemple en « se réinventant en permanence ».

Revue de détail de cette énième réinvention. La « une », nous explique-t-on savamment, « introduit du texte pour valoriser l’écrit » ; a priori, ça se tient. L’ennui c’est qu’au final, ça donne des « unes » tâtonnantes, éclatées, comme découpées en morceaux par un D.A. non-voyant. On croirait voir la page d’accueil d’un site web réalisé par des néophytes, et je m’y connais (en néophytisme).

La principale innovation technologique, c’est précisément « la mutation de libération.fr ». Sonnant comme le cri déchirant du papier qui ne veut pas mourir, elle consiste pourtant en un développement tous azimuts de l’offre Internet, qui ne peut qu’accélérer l’agonie du quotidien imprimé. Mais bon, on ne m’a pas consulté.

En matière de contenu, Libé « innove en approfondissant » – ce qui, soit dit en passant, n’est guère aimable pour les formules précédentes : « Libération développait jusqu’à présent un événement par jour. Nous en traiterons désormais cinq.» Pourvu que l’actualité mondiale suive !

Enfin, le samedi, Libé innove encore un peu plus en créant, tenez-vous bien, un supplément hebdo ! Bien sûr, ses concurrents le font déjà depuis belle lurette; mais là, rien à voir ! Déjà ça s’appelle Le Mag, et non pas Libé Mag ou Libé 2. Surtout, foin du technicolor et du papier glacé : le magazine se présente ici comme un cahier à l’intérieur du journal – identifiable essentiellement à sa numérotation en chiffres romains. On n’est pas plus innovant !

Mais le vrai sens du « changement » tant invoqué par le journal, on le trouvait samedi dernier dans la page « Rétro » : Libé y reproduisait sa « une » du 2 février 1979, célébrant le retour de l’ayatollah Khomeiny en Iran.
Une « une » barrée du titre enthousiaste « L’immense folie de Téhéran » et tout entière occupée par la photo d’une manif khomeyniste monstre. Ce que Libé ne semble pas avoir remarqué sur le coup, c’est la composition de cette foule : emmenée par une escouade de mollahs, elle est principalement constituée de barbus farouches – et aucune loupe ne permet d’y distinguer la moindre femme.

Ce genre de détails sauterait aux yeux de nos « libérateurs » d’aujourd’hui – et il est là, le vrai changement ! Entre-temps, ces sentinelles de l’avenir ont découvert que le Coran, caché ou non, n’était pas essentiellement un hymne aux droits de l’homme – sans parler de la femme[1. La Torah et le Nouveau Testament non plus d’ailleurs, mais ce n’est pas le sujet.].

Il faut lire le récit extasié de ces journées historiques par le Serge July modèle 79, envoyé spécial par lui-même à Téhéran : « Fête essentielle au cours de laquelle un peuple se regarde, comme un enfant dans un miroir et qui, dans la joie, se reconnaît. »

Au-delà de l’approximation syntaxique, admirons l’émotion poétique, qui d’ailleurs l’excuse amplement. C’est que, nous lance Serge dans un grand mouvement de plume, « il n’y a pas de bonheur plus grand que la chute d’une dictature »…

À aucun moment ce déjà grand garçon ne semble effleuré par l’idée qu’ici comme ailleurs, une dictature puisse en cacher une autre. Il vibre à l’unisson de ces « millions d’Iraniens » qu’il croit voir défiler sous ses yeux ; c’est Abel Bonnard aux JO de Nuremberg, Gide en URSS (Tome I).

Quarante ans après ceux-ci, July semble n’avoir toujours rien compris à son XXe siècle[2. Vous me direz : depuis qu’il a compris, il est devenu centriste et c’est pire. Objection retenue.], pourtant déjà avancé.

C’est bien simple (un peu trop même, mais notre intelligentsia a vécu là-dessus un demi-siècle…) : d’un côté il y a, marchant du même pas, le peuple, le progrès et la démocratie; de l’autre, grimaçant du même rictus, le capitalisme, l’impérialisme U.S. et la dictature.

Vue de derrière cette grille de lecture, la « révolution chiite » ne saurait être que belle et bonne : son anti-américanisme est un gage suffisant de moralité, et la ferveur populaire qu’elle déchaîne un garde-fou très sûr contre la dictature, n’est ce pas ?

« C’é-tait l’a-nnée soi-xante-dix-neuf », comme dirait Claude François. Trente ans plus tard, le décor a changé: l’Amérique obamisée est devenue le meilleur rempart de la démocratie universelle face aux mollahs fous de Téhéran, qui voilent les femmes, violent les droits de l’homme et font la bombe entre eux !
Le camp du Bien a changé de place. De ce fait, hélas, le récit lyrique de July a pris un petit coup de vieux. Quelle idée aussi que cette rubrique « Rétro », qui ne peut que troubler ceux des lecteurs qui n’avaient pas encore la chance de lire Libé il y a trente ans ? A quoi bon ce rappel d’un errement passé, à l’heure où nos maîtres à penser expliquent qu’ils ont raison aujourd’hui parce qu’ils se trompaient hier – même que ça prouve au passage qu’à l’époque, ils avaient raison d’avoir tort…

Bref, Libé n’avait d’autre choix que de « recontextualiser » les saillies de July en leur accolant un papier corporate (signé J.-P.P.). Le challenge : expliquer en 1000 signes la cohérence fondamentale du quotidien dans ses fluctuations vis à vis de la « République islamique d’Iran ».

Avec Jipépé c’est plié en deux temps – trois mouvements. Primo, on charge July ; après tout, il n’est plus des nôtres : « Le 1er février 1979 : une partie de la rédaction s’enthousiasme pour la « révolution islamique ». » On aura compris que cette partie n’était pas la bonne …

Secundo, on se dédouane : « En 1989, à la mort de Khomeiny, cela faisait déjà longtemps que Libération avait tourné la page. » Des visionnaires, vous dis-je…

Tertio, enhardi, on en vient à se jeter des fleurs (pourquoi se gêner ?) Libé, savez-vous, n’a cessé de soutenir les « vagues vertes » qui ont porté les « réformateurs » iraniens, de Khatami à Moussavi. Certes ça n’a jamais rien donné, mais, conclut bizarrement le journaliste, « désormais la bataille fait rage ».Ça veut dire quoi, ça ? Que les opposants au régime n’avaient rien branlé jusque-là ? Que la dictature islamique vit ses dernières heures ? Ou, pendant qu’on y est, que Libé ne serait pas pour rien dans le déclenchement de cette bataille finale ?

Les trois si vous voulez : on s’en fout ! Pour en revenir à notre mouton, la dernière formule (au moins en date) de Libé vaut à peu près les autres. Et d’ailleurs, qu’importe ? À quoi bon refaire la vitrine si le magasin est vide ?

Or, la véritable nouveauté du journal – esquissée à vrai dire depuis quelque vingt-cinq ans – c’est la disparition progressive, après les parures idéologiques, des plus belles plumes de ce paon qu’on croyait moins vieux.

Hormis quelques heureuses exceptions, parmi lesquelles ce fou génial et posé de Willem, ça fait un bail que Libé est devenu plat comme euh, l’encéphalogramme d’un Jeune Populaire. (Dieu ! Ce nom… Comment ont-ils pu s’affubler de ce nom, qui repousse les limites du ridicule à un moment où ce n’était pas vraiment urgent ?)

Voilà, je crois que c’est à peu près tout ce que j’avais à raconter sur le nouveau Libé. Après, je méconnais, je risquerais de digresser…

France Telecom : et maintenant, la grippe A

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Quand une entreprise comme France Telecom, qui n’est pourtant pas, à notre connaissance, présente sur un théâtre d’opérations militaires extérieures connaît des pertes nettement plus élevées sur la dernière année que l’armée française en Afghanistan, il est normal que l’on réagisse au sommet de l’organigramme. Didier Lombard, P.D-G des ex-P et T, remarquable de discrétion jusqu’ici, vient de réagir. En ces temps de grippe H1N1, il a évidemment trouvé les mots qui convenaient : « La première urgence est d’arriver à contrôler le phénomène de contagion. » Il n’a pas parlé d’épidémie, mais on n’en était pas loin. Et dire que l’on n’y avait pas pensé plus tôt. Sommes-nous ballots : les suicides qui se succèdent ne sont en rien dus à la gestion de l’entreprise mais sont juste un effet secondaire du virus H1N1. Donc rassurons les salariés de France Telecom : une distribution de masques chirurgicaux, des petits tubes de gel hydro alcoolique et hop, oubliés le management par la terreur et les mutations arbitraires. Puisqu’on vous dit que vous êtes malades, enfin…

Colonna : l’affaire se corse

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Six mois après la seconde condamnation d’Yvan Colonna à perpète, Gérard Amaté, un libraire « qui n’aime pas l’Etat », publie à son tour un réquisitoire, mais cette fois contre la presse, accusée de n’avoir pas ou mal fait son travail, voire « aidé au crime ». Selon Gérard Amaté, la lourde peine du condamné n’est que l’aboutissement logique d’une enquête bâclée et d’un procès aberrant, où la raison d’Etat a prévalu sur la justice du début à la fin.

De là à comparer le sort de ce dernier à celui du capitaine Dreyfus, il n’y avait qu’un pas, que l’auteur franchit allègrement. Avec toutefois une nuance : c’est la presse de gauche (Le Monde et surtout Libération et L’Humanité), qui tient cette fois le mauvais rôle. Toujours sourcilleuse dès qu’il s’agit de défendre les « libertés fondamentales » et les droits de l’homme, elle a démontré dans ses comptes rendus de procès une partialité qu’elle est souvent prête à railler chez ses confrères conservateurs. Au contraire, c’est dans les colonnes du Figaro, du Parisien et de 20 Minutes que l’on trouve les articles les plus critiques – ou les plus sérieux – sur ce procès d’un homme contre lequel il n’y avait ni preuves ni aveux… Sans oublier le comportement des policiers et des juges, aberrant à bien des égards, qui avaient condamné d’avance le berger de Cargese.

Ses conclusions sont sans doute très exagérées, mais il n’en demeure pas moins que l’ouvrage de Gérard Amaté est un remarquable travail de compilation et d’analyse qui a, de surcroît, le mérite de révéler le travail de désinformation dont sont capables certains journalistes.

On ne peut cependant s’empêcher de penser que c’est faire bien de l’honneur à Yvan Colonna, dont le comportement depuis l’assassinat du préfet Erignac le 6 février 1998 présente lui aussi pas mal d’incohérences, sans parler de celui de ses complices.

Dénoncé dans un premier temps par Didier Maranelli, l’un des membres du commando, Colonna prend le maquis. C’est le rôle de sa vie : il se laisse pousser la barbe comme on le faisait dans les vendette au XIXe siècle, et commence une cavale de quatre ans qui s’achève par son arrestation dans une bergerie de Porto Pollo, chez un garçon tranquille qui a déclaré avoir agi par pitié pour le fugitif. Il n’avait jamais quitté l’île de Beauté, et avait réussi à échapper aux très méthodiques recherches du Raid – qui n’y est pas allé de main morte dans ses perquisitions et arrestations parfois délirantes de violence – parce que, tout simplement, il n’a pas voulu ou pu profiter de ces réseaux. Est-ce seulement dû aux dissensions qui agitent le milieu nationaliste corse ?

Après sa capture, voilà qu’il est ensuite innocenté de façon étrange par ses présumés complices, dont Didier Maranelli et Pierre Alessandri, qui déclare : « J’ai des reproches à faire à Yvan. Quand j’ai décidé de franchir le pas de la violence clandestine, j’ai espéré qu’il ferait partie de notre groupe. Ce que je lui reproche, c’est ça : d’avoir laissé Didier Maranelli et Martin Ottaviani monter au charbon alors que c’est lui qui aurait dû le faire, pour être cohérent avec son discours. » Et si le héros Colonna fuyait la justice non parce qu’il était innocent, mais parce qu’il était coupable de lâcheté aux yeux de ses camarades ? Dans cette hypothèse, on ne peut que déduire que ce dégonflé n’a pas tiré sur le préfet et on comprend mieux dans quelle situation impossible s’est retrouvé le pauvre garçon : innocent du meurtre, mais condamné par ses amis…

Autre fait troublant, on a pu remarquer dans l’île une certaine désaffection pour le héros, où graffitis et T-shirts frappés du slogan « Gloria a te, Yvan ! » (Gloire à toi, Yvan !) ont mystérieusement disparu du paysage alors qu’il commençait précisément à risquer gros au tribunal. Sans parler de la rumeur publique, qui semble l’avoir condamné depuis longtemps, non pour l’assassinat du préfet, mais pour manque de courage. Et là, c’est perpète voire plus. En Corse, la peine de mort n’est toujours pas abolie pour celui qui « manque » à ses amis.

L'affaire Colonna : une bataille de presse

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Retenez-moi !

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Ainsi donc Nicolas Sarkozy laisse planer la menace terrifiante d’un retrait de la France du G20, au cas où le sommet des pays riches et émergents qui doit se tenir la semaine prochaine ne le suivrait pas en matière de bonus des traders. C’est en tout cas le Figaro d’hier qui l’affirme. Renseignement pris – quelques lignes plus bas dans le même article -, il ne s’agit pas, comme je l’avais compris de prime abord, de quitter le groupe des 20 pour faire de la France une sorte de pays néo-non-aligné, mais de claquer la porte lors de la réunion de Pittsburgh et de rentrer à Paris très fâché. Ouf, vous imaginez la France quittant, pour de vrai, le G20, qui du coup deviendrait le G19, avec des millions de cartes de visite et de feuilles de papier à en-tête à réimprimer ? On l’a vraiment échappé belle…

Le pluriel ne vaut rien à l’homme

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Les gens, quand y en a un, ça va. C'est quand ils sont plusieurs que ça commence à poser des problèmes.
Les gens, quand y en a un, ça va. C'est quand ils sont plusieurs que ça commence à poser des problèmes.

D’accord, Brice Hortefeux aurait mieux fait de se taire. D’accord, son commentaire sur ceux qui posent des problèmes lorsqu’ils sont beaucoup pose problème. D’accord, on peut trouver ça pas très classe, et même un peu xénophobe, voire même carrément raciste sur les bords, quelles que soient les circonstances estivales et décontractées dans lesquelles ces propos ont été prononcés.

D’accord, d’accord, d’accord. Trois et mille fois d’accord. Mais quand même.

Quand j’y réfléchis un peu tout seul dans mon coin, je me dis qu’au premier, au deuxième ou au douzième degré, il y a quand même un peu de vrai dans ce qu’a dit le ministre. Un peu, hein, pas tout ! Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit ! D’abord, je n’ai rien dit encore. Ce que j’ai dit, je vais plutôt le dire maintenant, pour que ce soit bien clair : les gens c’est souvent lorsqu’ils sont beaucoup qu’ils posent problème. C’est chez moi un vieux fond misanthrope qui me fait détester a priori les meutes de souchiens forcément très beaufs dans le genre de Brice Hortefeux et ses supporters (détestation qui va de soi pour un bobo dans mon genre), mais aussi certaines bandes à dominante maghrébine qui fréquentent ma riante banlieue.

Car je l’avoue sans fard (je dis sans fard, même si Piffard c’est un pseudonyme, je sais, je sais, courageux mais pas téméraire), les Arabes, perso, dans mon coin de banlieue, je préfère les rencontrer seul à seul plutôt qu’en bande. Seul à seul, je l’ai souvent remarqué, le Français d’origine maghrébine se montre dans l’ensemble beaucoup moins lourd, beaucoup plus poli et plus ouvert à la discussion interculturelle que lorsqu’il se promène en bande dans Rosny 2 par exemple. C’est comme ça, vous pouvez prendre ça pour un affreux cliché raciste (mais quel cliché n’est pas affreux ou raciste de nos jours ?), surtout sous cette forme un brin provocatrice, mais ça me semble assez irréfutable. Que ceux qui en doutent se rendent devant la FNAC au niveau 2 dudit centre commercial samedi prochain sur le coup des 18 h 30 pour comprendre de visu ce que je veux dire par là.

Mais je le constate en regardant la fameuse vidéo, ce qui est vrai pour les Arabes est vrai pour les militants UMP, qui ne sont pas encore tous d’origine maghrébine. Un militant UMP égaré dans ma banlieue-est, rencontré au hasard comme ça, je n’aurais rien contre. Cela exercerait sur moi, je pense, l’attrait de l’exotisme. Mais en joyeuses bandes rigolardes et décomplexées, comme à Seignosse dans les Landes le 5 septembre dernier, je crois que j’aurais un peu de mal. Comme dit le ministre, « quand il y en a un ça va, c’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes ».

Il n’y a pas que les militants UMP ou les jeunes Maghrébins cependant. Que dire des Américains, qui déferlent en bande à Bagdad ? Que des problèmes ! Les hordes de teufeurs d’outre-Rhin qui massacrent à coup de décibels les crapauds lors des love parade berlinoises ? Des problèmes ! Et les groupes de hooligans hollandais ? Encore des problèmes ! Et les Chinois qui pourchassent en meute les Ouighours dans le Guangdong ? Encore et encore des problèmes. Et les Ouighours et les Tibétains qui lynchent des Hans dans les rues d’Urumqi ou de Lhassa ? Toujours des problèmes !

Bref, c’est l’humanité dans son ensemble qui lorsqu’elle se promène en meute devient vite très très problématique, pour elle-même et pour le reste de la création. C’est comme ça depuis la nuit des temps, et il n’y pas de raison pour ça s’arrête. Le collectif pose problème. C’est même pour cela qu’il y a quelques millénaires la politique a été inventée. Pour que les groupes humains se distinguent le plus souvent possible de la meute. Pour que le collectif ne s’abime pas dans la horde primitive.

Et la horde primitive, le ministre Hortefeux la voit aujourd’hui à l’œuvre. Elle lui aboie copieusement sa morale dessus, au ministre. Elle le rappelle à l’ordre. Cela ne paraît frapper personne cette inversion des rôles. N’en déplaise à Foucault, ce n’est plus le pouvoir qui surveille et punit, mais l’opinion et ses représentants, et personne ou presque pour s’en apercevoir. Il faut dire qu’il est dur d’aboyer et de penser en même temps. J’ai essayé hier, en jouant à Tintin et Milou avec mon fils. J’aboyais bien fort, à quatre pattes sur le parquet de mon salon, tout en pensant à cet article. C’était nul. J’ai dû tout reprendre de zéro ce matin. La pratique de la curée médiatique s’accommode mal de la distance. C’est même le contraire de la distance puisque chacun se rue sur la proie qu’il déchiquète. Pas facile dans ces conditions de garder un semblant d’objectivité à l’égard de son sujet. Et aujourd’hui dans les médias c’est la curée permanente, au nom de la morale, ce qui rend cette curée plus haïssable encore. La prétention à la vertu, lorsqu’elle redouble la violence, n’est qu’une violence de plus.

Hortefeux est sommé de toutes parts de s’excuser et de s’amender, de reconnaître son crime. Sans les aveux extirpés au criminel, le rituel purificateur n’est pas achevé. Pour une fois qu’on tient un raciste, on ne va pas le lâcher comme ça ! Il paraît même, les puritains de l’antiracisme s’en pourléchaient ce matin sur France Inter, que le Président, soucieux de tenir la meute à distance, a interdit l’humour à ses ministres ! Fini de faire les malins devant les militants, aurait-il tonné !

Naguère on stigmatisait la langue de bois, aujourd’hui on la réclame. La meute ardente, sûre d’elle-même et d’être du bon côté du manche, rigolarde parfois, gronde encore. On stigmatise à l’envi le « dérapage ». C’est la grosse éclate chez les journalistes. Chacun dans son genre s’en donne à cœur joie. On lit ici et là sous des plumes émoustillées que le ministre de l’Intérieur a été pris en « flagrant délit » de dérapage. Douce vengeance ! Le Monde le rappelle sévèrement et austèrement à son devoir. Le triste pitre Guillon met dans la bouche du ministre les blagues racistes qu’il n’a jamais dites. Une façon commode de nous fait rire d’un double rire, deux fois méchant, puisqu’il est à la fois raciste et antiraciste. Merci à Guillon de nous permettre d’entendre à la radio des blagues racistes qu’heureusement plus personne n’ose raconter en public, sauf toutefois quand on peut lâchement les mettre dans la bouche d’un autre.

Un ministre, ça devrait déraper plus souvent, moi je vous le dis. On se fendrait plus souvent la poire. Rien de plus marrant qu’un type qui se casse la figure. Rien de mieux, pour se tenir chaud tous ensemble qu’un bon petit lynchage médiatique. Surtout quand c’est un ponte qui en est l’objet. On n’a plus si souvent l’occasion de rigoler. Les temps sont durs.

La curée s’achève. On sait maintenant ce que le ministre a dans le ventre, et ça ne sent pas bon, dit-on littéralement chez les Verts. Drôle d’époque vraiment que celle qui voit les charognards reprocher à la charogne de puer.

Comme disait l’autre, les gens, c’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes.

Mineurs et pas vaccinés

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Enfin des conseils antigrippe crédibles et percutants, bref le contraire de la propagande officielle diffusée sur les ondes jusque-là. Grâce à Gérard Depardieu, interviewé en exclu mondiale par Michael Kael pour GrolandSat, on sait tout ce qu’il faut faire : contre la grippe A, les enfants, il faut être fort. Donc, on ne va pas à l’école, on mange du porc, beaucoup. On boit du vin. Et puis on fume. Beaucoup aussi. Comme ça, on est fort comme papa. Pigé ?

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Dirty Dying

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Patrick Swayze est mort et il ne me donnera jamais son secret. Dans ses différents films, il a joué les seuls rôles qui m’aient vraiment fait rêver, à l’exception de celui de secrétaire général du PCF pour restaurer la ligne classe contre classe ou encore auteur d’un roman définitif, comme Ulysse ou La Recherche.

D’abord, il a embrassé Demi Moore sur Unchained Melody dans Ghost. Et Demi Moore est une des plus belles actrices au monde, quoique brune, tandis que Unchained Melody par the Righteous Brothers reste un sommet indépassable du doo-wop. Et bien que je sois un petit cartésien matérialiste, peu sensible aux brumes celtes, aux brouillards du roman gothique et aux halloweendades diverses avec fantômes, esprits et maisons hantées, je dois néanmoins avouer que je ne rate jamais une rediffusion de Ghost.

Ensuite, Patrick Swayze a sauté en parachute et fait du surf dans Point Break Extreme limite, un polar très testosteroné de l’une des plus efficaces réalisatrices de films d’action d’Hollywood, la grande Katrhyn Bigelow, qui aime les mecs, les flingues et les nanas qui en ont comme Jamie Lee Curtis dans Blue Steel.

Ce qu’il y avait de bien dans Point Break Extreme limite, c’était que Patrick Swayze était le gourou cool d’une bande de surfers qui braquaient des banques en se déguisant avec des masques de présidents américains. Ils fumaient de l’herbe, passaient leur temps à chevaucher des rouleaux impressionnants, à faire l’amour au bord de l’océan, bref à vivre dans un temps libéré de la production où le libre développement de chacun était l’unique condition du libre développement de tous. On imaginait bien, dans ce film, Swayze lire Kerouac et Brautigan dans l’aube californienne, avant d’attaquer les murs de vagues sous un gros soleil rouge.

Et puis Patrick Swayze savait danser. Et salement bien. Dirty dancing, vous vous souvenez ? C’était en 1987, mais c’était censé se passer dans les années soixante, dans l’Oregon, à l’époque où l’Amérique était encore innocente et où les corps rencontraient les corps dans cette incroyable et unique sensualité de l’espace créé par le rock.

Nous, on s’était cru malin jusqu’à cette date parce qu’on ne se débrouillait pas trop mal dans les mariages et que l’on s’en tirait en frimant avec les deux mêmes passes acrobatiques apprises par une cousine très patiente, dix ans auparavant. Et voilà que toutes nos illusions s’écroulaient avec Patrick Swayze qui semblait faire l’amour tout habillé, sur Love Man d’Otis Redding.

Incarnation de cet hédonisme aimable, presque libertaire, qui est l’un des aspects les plus séduisants des USA, Patrick Swayze a finalement été dans les années 1980 et 1990 de la contre-révolution reaganienne une manière de contrepoint souriant et sexy à une époque assez sombre, comme une survivance presque anachronique, une poche temporelle échappée des années Kennedy.

Espérons que Patrick Swayze y trouvera, avec des filles pour danser et des planches de surf pour glisser sur l’éternité, un asile politique définitif.

Brève de comptoir

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On sait tout le bien qu’on a pensé ici de Monsieur Bob, la biographie du génial écrivain-buveur Robert Giraud écrite par Olivier Bailly. Et bien ceusses qui ont aimé pourront rencontrer l’auteur – autour d’un verre, faut-il le dire ! – pas plus tard que ce soir à 18 h à la librairie La Friche, 36 rue Léon Frot , Paris XIe. D’après nos services de renseignements, il n’est pas à exclure que cette manifestation culturelle se poursuive dans le fameux bistrot à vins de Jacques Mélac, qui n’est vraiment qu’à trois pas de là, à condition, bien sûr, de marcher droit…

Monsieur Bob

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Un coup téléphoné

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Le président de la République ne veut pas d'une quatrième licence de téléphonie mobile.
Le président de la République ne veut pas d'une quatrième licence de téléphonie mobile.
Le président de la République ne veut pas d'une quatrième licence de téléphonie mobile.

Ainsi le président de la République a-t-il jugé indispensable d’intervenir personnellement, lors de son déjeuner de lundi dernier avec les députés UMP, dans le débat sur l’octroi d’une quatrième licence téléphonique. En soi ce n’est pas un scandale, au contraire. La part du budget « portable » ne cesse de s’accroître dans les comptes des familles. Il s’agit, par ailleurs, d’un enjeu industriel stratégique, les petites ondes en question étant appelées, à terme, à remplacer tant les antennes râteau ou satellite qui défigurent votre cheminée que les câbles divers qui traînent encore un peu partout dans votre salon. Une mutation certes déjà engagée, mais loin d’être achevée, comme le prouve le succès phénoménal de l’iPhone et de ses suiveurs.

A l’horizon 2015, ce n’est plus un banal téléphone, même amélioré, qui déformera la poche de votre jean, mais bel et bien un terminal informatique embarqué, qui aura obsolétisé depuis longtemps non seulement appareils photos, baladeurs, autoradios et autres babioles techno, mais aussi probablement votre carte bleue, votre ligne de téléphone fixe et votre abonnement ADSL. Et dans quelques années, avec les progrès exponentiels des écrans souples et du papier électronique, il n’est pas exclu qu’on feuillette son quotidien du matin après en avoir téléchargé le contenu via le même joujou portable. L’enjeu économique, mais aussi idéologique est donc monstrueux, et que le président s’en mêle est a priori heureux.

Le problème, car il y en a un, et lourd, c’est la teneur de l’intervention : Nicolas Sarkozy a expliqué aux députés UMP réunis à l’Elysée qu’il n’y aurait pas de quatrième larron dans le portable. En clair, que Free – seul impétrant déclaré – ne viendrait pas enquiquiner les trois opérateurs historiques qui se partagent le bon gâteau. En encore plus clair, que le portable low cost, puisque chacun sait que tel est l’objectif du candidat à la quatrième licence, est enterré sans fleur ni couronnes.

On observera tout d’abord que cette prise de position viole les fondamentaux déclarés du sarkozysme.

Primo, la relance du pouvoir d’achat par la baisse des prix (on a oublié depuis longtemps ses promesses de buveur d’eau sur le candidat de la feuille de paye). Depuis 15 ans, Orange, SFR et Bouygues, se sont, de fait, entendus, pour maintenir les prix à de l’abonnement à un niveau exceptionnellement élevé. On rappellera au passage que les trois entreprises concernées, celles que le président a choisi de soutenir mordicus, n’ont pas un casier judiciaire vierge, loin s’en faut : elles ont déjà condamnés en 2005 par le Conseil de la concurrence, pour entente illicite sur les tarifs du portable, à des sanctions pécuniaires, pour un montant cumulé de 534 millions d’euros ! Le président de l’UFC-Que choisir (qu’on ne peut absolument pas soupçonner de lobbying pro-Free, l’association et l’opérateur étant en perpétuel procès sur le dossier ADSL) a donc raison de ne pas mâcher ces mots sur son blog : « Pensez donc : un quatrième opérateur ! Et pourquoi pas une vraie concurrence (au lieu de l’oligopole actuel) ? Et tant qu’on y est, allons-y, une guerre des prix au profit du consommateur ? »

Ce qui nous amène logiquement à la deuxième loi fondamentale du sarkozysme violée par son propre père fondateur : la libre entreprise, la concurrence non faussée, la prime à l’innovation, etc. Toutes vertus exaltées sans cesse dans le programme du candidat comme dans les discours du président et qu’on a donc enterrées aussi en choisissant de verrouiller le dossier – et aussi au passage le débat dans l’UMP sur cette question.

En ce qui me concerne, je n’ai jamais trop cru à ce refrain-là. En vieux marxiste maintenu, je pense que l’innovation n’est pas, n’est plus, structurellement liée au grand capital, qui n’aime rien tant que les situations de quasi-monopole ou le siphonage de l’argent public. En revanche, cet hymne à la modernitude dopée par la libre concurrence, je n’ai aucune raison valable de croire que le président n’y ait pas cru lui-même. Et je me dis qu’il a fallu que se mettent en branle des leviers très puissants pour que Nicolas Sarkozy foule aux pieds ce qu’il a adoré. Comme il ne faut pas confondre causeur et branleur, on abandonnera d’emblée les hypothèses conspirationnistes. On négligera aussi les pistes canardenchaînistes (caisses noires des partis politiques, force de frappe publicitaire des trois grands, etc.). On éclatera de rire devant les arguments des opérateurs historiques (comme quoi la quatrième licence serait une catastrophe sociale, qui supprimerait 10 000, voire 30 000 emplois) qu’on a du mal à voir rhabillés en chevaliers blancs du syndicalisme ouvrier.

Reste une hypothèse, et ça tombe bien, c’est ici et nulle part ailleurs qu’elle a été maintes fois développée, et notamment par Elisabeth. Elle implique, pour être comprise, de dépolluer nos cerveaux de quelques schémas traditionnels mais caducs, pour pouvoir reposer le problème à l’endroit. On n’a pas affaire à un pouvoir avide de contrôler les médias, mais bel et bien à un pouvoir contrôlé par ces mêmes médias. Incapable de se mouvoir à l’extérieur du créneau que ceux-ci veulent bien lui affecter. Ça vaut pour l’actuel chef de l’Etat, ça vaut aussi pour ses opposants officiels, et ça vaudra aussi pour ses successeurs. Or quand on parle de SFR, de Bouygues, d’Orange, on parle de trois acteurs décisifs du Parti des médias, puisque suivant l’exemple de Bouygues-TF1 et de SFR-Canal+, Orange a fait de la télévision un de ses axes majeurs de croissance et y a investi pour ce faire des sommes considérables (on a tous en mémoire l’interminable surenchère pour les droits de retransmission du foot).

On s’est longtemps inquiété dans ce pays des dérives dues à l’existence d’un complexe militaro-médiatique. Certains continuent de regretter qu’on puisse à la fois marchand d’armes, comme Lagardère ou Dassault, et propriétaire du Figaro ou d’Europe 1. Là encore, il va falloir apprendre à remettre le problème sur ses pieds. Ce qui est désormais dangereux ce n’est plus que des industriels possèdent des moyens d’information, mais l’inverse. Au XXIe siècle, le parti des médias est au cœur du jeu économique, et bien malin qui voudra le contrer.

Voilà pourquoi Nicolas Sarkozy a choisi Goliath contre David.

Mais quel « rapport » avec Israël ?

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Au lendemain de la publication par l’ONU d’un rapport accablant sur le comportement d’Israël dans le cadre de la récente offensive sur Gaza (Tsahal se serait rendue coupable de crimes de guerre, voire contre l’humanité…), le quotidien Libération nous apprend ce matin que l’association Human Rights Watch a décidé hier de « temporairement relever de ses fonctions » un certain Marc Garlasco, auteur d’un autre rapport violemment anti-israélien (décidément…) publié il y a peu par la célèbre ONG… Pour quelle raison M. Garlasco a t-il été congédié ? Parce que l’on vient d’apprendre par le web – nous apprend Libé – qu’il avait pour passion la collection d’objets nazis… violon d’Ingres qu’il a reconnu pouvoir apparaître comme « inhabituel et dérangeant »… Mauvais genre, disons… Mais était-il pour autant nécessaire de priver HRW de ses talents ? Au moins, ce monsieur sait-il de quoi il ressort quand on parle de crimes contre l’humanité.

Libé, nouvelle formule et vieux démons

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libe

Comme rien de ce qui est humain ne m’est étranger, j’ai pris connaissance avec intérêt de la nouvelle – nouvelle – nouvelle formule inaugurée la semaine dernière par Libé.

Lundi passé, une double page expliquait au lecteur ce changement destiné, s’il vous plaît, à « réinventer le quotidien de l’ère Internet ». (Et pourquoi pas le CD de l’ère du téléchargement, ou la guillotine sans lame pour abolitionnistes ?)
Trêve de plaisanteries, un édito signé de Laurent Joffrin himself nous aidait à mesurer l’importance de l’enjeu : « Libération remplit une mission civique: comprendre et inventer (sic !) ce que sera la France de l’après-crise dans un monde transformé. » Auto-investi d’une si écrasante responsabilité, ce quotidien du lendemain, comme on dit de la pilule, se doit de donner d’exemple en « se réinventant en permanence ».

Revue de détail de cette énième réinvention. La « une », nous explique-t-on savamment, « introduit du texte pour valoriser l’écrit » ; a priori, ça se tient. L’ennui c’est qu’au final, ça donne des « unes » tâtonnantes, éclatées, comme découpées en morceaux par un D.A. non-voyant. On croirait voir la page d’accueil d’un site web réalisé par des néophytes, et je m’y connais (en néophytisme).

La principale innovation technologique, c’est précisément « la mutation de libération.fr ». Sonnant comme le cri déchirant du papier qui ne veut pas mourir, elle consiste pourtant en un développement tous azimuts de l’offre Internet, qui ne peut qu’accélérer l’agonie du quotidien imprimé. Mais bon, on ne m’a pas consulté.

En matière de contenu, Libé « innove en approfondissant » – ce qui, soit dit en passant, n’est guère aimable pour les formules précédentes : « Libération développait jusqu’à présent un événement par jour. Nous en traiterons désormais cinq.» Pourvu que l’actualité mondiale suive !

Enfin, le samedi, Libé innove encore un peu plus en créant, tenez-vous bien, un supplément hebdo ! Bien sûr, ses concurrents le font déjà depuis belle lurette; mais là, rien à voir ! Déjà ça s’appelle Le Mag, et non pas Libé Mag ou Libé 2. Surtout, foin du technicolor et du papier glacé : le magazine se présente ici comme un cahier à l’intérieur du journal – identifiable essentiellement à sa numérotation en chiffres romains. On n’est pas plus innovant !

Mais le vrai sens du « changement » tant invoqué par le journal, on le trouvait samedi dernier dans la page « Rétro » : Libé y reproduisait sa « une » du 2 février 1979, célébrant le retour de l’ayatollah Khomeiny en Iran.
Une « une » barrée du titre enthousiaste « L’immense folie de Téhéran » et tout entière occupée par la photo d’une manif khomeyniste monstre. Ce que Libé ne semble pas avoir remarqué sur le coup, c’est la composition de cette foule : emmenée par une escouade de mollahs, elle est principalement constituée de barbus farouches – et aucune loupe ne permet d’y distinguer la moindre femme.

Ce genre de détails sauterait aux yeux de nos « libérateurs » d’aujourd’hui – et il est là, le vrai changement ! Entre-temps, ces sentinelles de l’avenir ont découvert que le Coran, caché ou non, n’était pas essentiellement un hymne aux droits de l’homme – sans parler de la femme[1. La Torah et le Nouveau Testament non plus d’ailleurs, mais ce n’est pas le sujet.].

Il faut lire le récit extasié de ces journées historiques par le Serge July modèle 79, envoyé spécial par lui-même à Téhéran : « Fête essentielle au cours de laquelle un peuple se regarde, comme un enfant dans un miroir et qui, dans la joie, se reconnaît. »

Au-delà de l’approximation syntaxique, admirons l’émotion poétique, qui d’ailleurs l’excuse amplement. C’est que, nous lance Serge dans un grand mouvement de plume, « il n’y a pas de bonheur plus grand que la chute d’une dictature »…

À aucun moment ce déjà grand garçon ne semble effleuré par l’idée qu’ici comme ailleurs, une dictature puisse en cacher une autre. Il vibre à l’unisson de ces « millions d’Iraniens » qu’il croit voir défiler sous ses yeux ; c’est Abel Bonnard aux JO de Nuremberg, Gide en URSS (Tome I).

Quarante ans après ceux-ci, July semble n’avoir toujours rien compris à son XXe siècle[2. Vous me direz : depuis qu’il a compris, il est devenu centriste et c’est pire. Objection retenue.], pourtant déjà avancé.

C’est bien simple (un peu trop même, mais notre intelligentsia a vécu là-dessus un demi-siècle…) : d’un côté il y a, marchant du même pas, le peuple, le progrès et la démocratie; de l’autre, grimaçant du même rictus, le capitalisme, l’impérialisme U.S. et la dictature.

Vue de derrière cette grille de lecture, la « révolution chiite » ne saurait être que belle et bonne : son anti-américanisme est un gage suffisant de moralité, et la ferveur populaire qu’elle déchaîne un garde-fou très sûr contre la dictature, n’est ce pas ?

« C’é-tait l’a-nnée soi-xante-dix-neuf », comme dirait Claude François. Trente ans plus tard, le décor a changé: l’Amérique obamisée est devenue le meilleur rempart de la démocratie universelle face aux mollahs fous de Téhéran, qui voilent les femmes, violent les droits de l’homme et font la bombe entre eux !
Le camp du Bien a changé de place. De ce fait, hélas, le récit lyrique de July a pris un petit coup de vieux. Quelle idée aussi que cette rubrique « Rétro », qui ne peut que troubler ceux des lecteurs qui n’avaient pas encore la chance de lire Libé il y a trente ans ? A quoi bon ce rappel d’un errement passé, à l’heure où nos maîtres à penser expliquent qu’ils ont raison aujourd’hui parce qu’ils se trompaient hier – même que ça prouve au passage qu’à l’époque, ils avaient raison d’avoir tort…

Bref, Libé n’avait d’autre choix que de « recontextualiser » les saillies de July en leur accolant un papier corporate (signé J.-P.P.). Le challenge : expliquer en 1000 signes la cohérence fondamentale du quotidien dans ses fluctuations vis à vis de la « République islamique d’Iran ».

Avec Jipépé c’est plié en deux temps – trois mouvements. Primo, on charge July ; après tout, il n’est plus des nôtres : « Le 1er février 1979 : une partie de la rédaction s’enthousiasme pour la « révolution islamique ». » On aura compris que cette partie n’était pas la bonne …

Secundo, on se dédouane : « En 1989, à la mort de Khomeiny, cela faisait déjà longtemps que Libération avait tourné la page. » Des visionnaires, vous dis-je…

Tertio, enhardi, on en vient à se jeter des fleurs (pourquoi se gêner ?) Libé, savez-vous, n’a cessé de soutenir les « vagues vertes » qui ont porté les « réformateurs » iraniens, de Khatami à Moussavi. Certes ça n’a jamais rien donné, mais, conclut bizarrement le journaliste, « désormais la bataille fait rage ».Ça veut dire quoi, ça ? Que les opposants au régime n’avaient rien branlé jusque-là ? Que la dictature islamique vit ses dernières heures ? Ou, pendant qu’on y est, que Libé ne serait pas pour rien dans le déclenchement de cette bataille finale ?

Les trois si vous voulez : on s’en fout ! Pour en revenir à notre mouton, la dernière formule (au moins en date) de Libé vaut à peu près les autres. Et d’ailleurs, qu’importe ? À quoi bon refaire la vitrine si le magasin est vide ?

Or, la véritable nouveauté du journal – esquissée à vrai dire depuis quelque vingt-cinq ans – c’est la disparition progressive, après les parures idéologiques, des plus belles plumes de ce paon qu’on croyait moins vieux.

Hormis quelques heureuses exceptions, parmi lesquelles ce fou génial et posé de Willem, ça fait un bail que Libé est devenu plat comme euh, l’encéphalogramme d’un Jeune Populaire. (Dieu ! Ce nom… Comment ont-ils pu s’affubler de ce nom, qui repousse les limites du ridicule à un moment où ce n’était pas vraiment urgent ?)

Voilà, je crois que c’est à peu près tout ce que j’avais à raconter sur le nouveau Libé. Après, je méconnais, je risquerais de digresser…

France Telecom : et maintenant, la grippe A

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Quand une entreprise comme France Telecom, qui n’est pourtant pas, à notre connaissance, présente sur un théâtre d’opérations militaires extérieures connaît des pertes nettement plus élevées sur la dernière année que l’armée française en Afghanistan, il est normal que l’on réagisse au sommet de l’organigramme. Didier Lombard, P.D-G des ex-P et T, remarquable de discrétion jusqu’ici, vient de réagir. En ces temps de grippe H1N1, il a évidemment trouvé les mots qui convenaient : « La première urgence est d’arriver à contrôler le phénomène de contagion. » Il n’a pas parlé d’épidémie, mais on n’en était pas loin. Et dire que l’on n’y avait pas pensé plus tôt. Sommes-nous ballots : les suicides qui se succèdent ne sont en rien dus à la gestion de l’entreprise mais sont juste un effet secondaire du virus H1N1. Donc rassurons les salariés de France Telecom : une distribution de masques chirurgicaux, des petits tubes de gel hydro alcoolique et hop, oubliés le management par la terreur et les mutations arbitraires. Puisqu’on vous dit que vous êtes malades, enfin…

Colonna : l’affaire se corse

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colonna

Six mois après la seconde condamnation d’Yvan Colonna à perpète, Gérard Amaté, un libraire « qui n’aime pas l’Etat », publie à son tour un réquisitoire, mais cette fois contre la presse, accusée de n’avoir pas ou mal fait son travail, voire « aidé au crime ». Selon Gérard Amaté, la lourde peine du condamné n’est que l’aboutissement logique d’une enquête bâclée et d’un procès aberrant, où la raison d’Etat a prévalu sur la justice du début à la fin.

De là à comparer le sort de ce dernier à celui du capitaine Dreyfus, il n’y avait qu’un pas, que l’auteur franchit allègrement. Avec toutefois une nuance : c’est la presse de gauche (Le Monde et surtout Libération et L’Humanité), qui tient cette fois le mauvais rôle. Toujours sourcilleuse dès qu’il s’agit de défendre les « libertés fondamentales » et les droits de l’homme, elle a démontré dans ses comptes rendus de procès une partialité qu’elle est souvent prête à railler chez ses confrères conservateurs. Au contraire, c’est dans les colonnes du Figaro, du Parisien et de 20 Minutes que l’on trouve les articles les plus critiques – ou les plus sérieux – sur ce procès d’un homme contre lequel il n’y avait ni preuves ni aveux… Sans oublier le comportement des policiers et des juges, aberrant à bien des égards, qui avaient condamné d’avance le berger de Cargese.

Ses conclusions sont sans doute très exagérées, mais il n’en demeure pas moins que l’ouvrage de Gérard Amaté est un remarquable travail de compilation et d’analyse qui a, de surcroît, le mérite de révéler le travail de désinformation dont sont capables certains journalistes.

On ne peut cependant s’empêcher de penser que c’est faire bien de l’honneur à Yvan Colonna, dont le comportement depuis l’assassinat du préfet Erignac le 6 février 1998 présente lui aussi pas mal d’incohérences, sans parler de celui de ses complices.

Dénoncé dans un premier temps par Didier Maranelli, l’un des membres du commando, Colonna prend le maquis. C’est le rôle de sa vie : il se laisse pousser la barbe comme on le faisait dans les vendette au XIXe siècle, et commence une cavale de quatre ans qui s’achève par son arrestation dans une bergerie de Porto Pollo, chez un garçon tranquille qui a déclaré avoir agi par pitié pour le fugitif. Il n’avait jamais quitté l’île de Beauté, et avait réussi à échapper aux très méthodiques recherches du Raid – qui n’y est pas allé de main morte dans ses perquisitions et arrestations parfois délirantes de violence – parce que, tout simplement, il n’a pas voulu ou pu profiter de ces réseaux. Est-ce seulement dû aux dissensions qui agitent le milieu nationaliste corse ?

Après sa capture, voilà qu’il est ensuite innocenté de façon étrange par ses présumés complices, dont Didier Maranelli et Pierre Alessandri, qui déclare : « J’ai des reproches à faire à Yvan. Quand j’ai décidé de franchir le pas de la violence clandestine, j’ai espéré qu’il ferait partie de notre groupe. Ce que je lui reproche, c’est ça : d’avoir laissé Didier Maranelli et Martin Ottaviani monter au charbon alors que c’est lui qui aurait dû le faire, pour être cohérent avec son discours. » Et si le héros Colonna fuyait la justice non parce qu’il était innocent, mais parce qu’il était coupable de lâcheté aux yeux de ses camarades ? Dans cette hypothèse, on ne peut que déduire que ce dégonflé n’a pas tiré sur le préfet et on comprend mieux dans quelle situation impossible s’est retrouvé le pauvre garçon : innocent du meurtre, mais condamné par ses amis…

Autre fait troublant, on a pu remarquer dans l’île une certaine désaffection pour le héros, où graffitis et T-shirts frappés du slogan « Gloria a te, Yvan ! » (Gloire à toi, Yvan !) ont mystérieusement disparu du paysage alors qu’il commençait précisément à risquer gros au tribunal. Sans parler de la rumeur publique, qui semble l’avoir condamné depuis longtemps, non pour l’assassinat du préfet, mais pour manque de courage. Et là, c’est perpète voire plus. En Corse, la peine de mort n’est toujours pas abolie pour celui qui « manque » à ses amis.

L'affaire Colonna : une bataille de presse

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Retenez-moi !

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Ainsi donc Nicolas Sarkozy laisse planer la menace terrifiante d’un retrait de la France du G20, au cas où le sommet des pays riches et émergents qui doit se tenir la semaine prochaine ne le suivrait pas en matière de bonus des traders. C’est en tout cas le Figaro d’hier qui l’affirme. Renseignement pris – quelques lignes plus bas dans le même article -, il ne s’agit pas, comme je l’avais compris de prime abord, de quitter le groupe des 20 pour faire de la France une sorte de pays néo-non-aligné, mais de claquer la porte lors de la réunion de Pittsburgh et de rentrer à Paris très fâché. Ouf, vous imaginez la France quittant, pour de vrai, le G20, qui du coup deviendrait le G19, avec des millions de cartes de visite et de feuilles de papier à en-tête à réimprimer ? On l’a vraiment échappé belle…

Le pluriel ne vaut rien à l’homme

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Les gens, quand y en a un, ça va. C'est quand ils sont plusieurs que ça commence à poser des problèmes.
Les gens, quand y en a un, ça va. C'est quand ils sont plusieurs que ça commence à poser des problèmes.
Les gens, quand y en a un, ça va. C'est quand ils sont plusieurs que ça commence à poser des problèmes.

D’accord, Brice Hortefeux aurait mieux fait de se taire. D’accord, son commentaire sur ceux qui posent des problèmes lorsqu’ils sont beaucoup pose problème. D’accord, on peut trouver ça pas très classe, et même un peu xénophobe, voire même carrément raciste sur les bords, quelles que soient les circonstances estivales et décontractées dans lesquelles ces propos ont été prononcés.

D’accord, d’accord, d’accord. Trois et mille fois d’accord. Mais quand même.

Quand j’y réfléchis un peu tout seul dans mon coin, je me dis qu’au premier, au deuxième ou au douzième degré, il y a quand même un peu de vrai dans ce qu’a dit le ministre. Un peu, hein, pas tout ! Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit ! D’abord, je n’ai rien dit encore. Ce que j’ai dit, je vais plutôt le dire maintenant, pour que ce soit bien clair : les gens c’est souvent lorsqu’ils sont beaucoup qu’ils posent problème. C’est chez moi un vieux fond misanthrope qui me fait détester a priori les meutes de souchiens forcément très beaufs dans le genre de Brice Hortefeux et ses supporters (détestation qui va de soi pour un bobo dans mon genre), mais aussi certaines bandes à dominante maghrébine qui fréquentent ma riante banlieue.

Car je l’avoue sans fard (je dis sans fard, même si Piffard c’est un pseudonyme, je sais, je sais, courageux mais pas téméraire), les Arabes, perso, dans mon coin de banlieue, je préfère les rencontrer seul à seul plutôt qu’en bande. Seul à seul, je l’ai souvent remarqué, le Français d’origine maghrébine se montre dans l’ensemble beaucoup moins lourd, beaucoup plus poli et plus ouvert à la discussion interculturelle que lorsqu’il se promène en bande dans Rosny 2 par exemple. C’est comme ça, vous pouvez prendre ça pour un affreux cliché raciste (mais quel cliché n’est pas affreux ou raciste de nos jours ?), surtout sous cette forme un brin provocatrice, mais ça me semble assez irréfutable. Que ceux qui en doutent se rendent devant la FNAC au niveau 2 dudit centre commercial samedi prochain sur le coup des 18 h 30 pour comprendre de visu ce que je veux dire par là.

Mais je le constate en regardant la fameuse vidéo, ce qui est vrai pour les Arabes est vrai pour les militants UMP, qui ne sont pas encore tous d’origine maghrébine. Un militant UMP égaré dans ma banlieue-est, rencontré au hasard comme ça, je n’aurais rien contre. Cela exercerait sur moi, je pense, l’attrait de l’exotisme. Mais en joyeuses bandes rigolardes et décomplexées, comme à Seignosse dans les Landes le 5 septembre dernier, je crois que j’aurais un peu de mal. Comme dit le ministre, « quand il y en a un ça va, c’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes ».

Il n’y a pas que les militants UMP ou les jeunes Maghrébins cependant. Que dire des Américains, qui déferlent en bande à Bagdad ? Que des problèmes ! Les hordes de teufeurs d’outre-Rhin qui massacrent à coup de décibels les crapauds lors des love parade berlinoises ? Des problèmes ! Et les groupes de hooligans hollandais ? Encore des problèmes ! Et les Chinois qui pourchassent en meute les Ouighours dans le Guangdong ? Encore et encore des problèmes. Et les Ouighours et les Tibétains qui lynchent des Hans dans les rues d’Urumqi ou de Lhassa ? Toujours des problèmes !

Bref, c’est l’humanité dans son ensemble qui lorsqu’elle se promène en meute devient vite très très problématique, pour elle-même et pour le reste de la création. C’est comme ça depuis la nuit des temps, et il n’y pas de raison pour ça s’arrête. Le collectif pose problème. C’est même pour cela qu’il y a quelques millénaires la politique a été inventée. Pour que les groupes humains se distinguent le plus souvent possible de la meute. Pour que le collectif ne s’abime pas dans la horde primitive.

Et la horde primitive, le ministre Hortefeux la voit aujourd’hui à l’œuvre. Elle lui aboie copieusement sa morale dessus, au ministre. Elle le rappelle à l’ordre. Cela ne paraît frapper personne cette inversion des rôles. N’en déplaise à Foucault, ce n’est plus le pouvoir qui surveille et punit, mais l’opinion et ses représentants, et personne ou presque pour s’en apercevoir. Il faut dire qu’il est dur d’aboyer et de penser en même temps. J’ai essayé hier, en jouant à Tintin et Milou avec mon fils. J’aboyais bien fort, à quatre pattes sur le parquet de mon salon, tout en pensant à cet article. C’était nul. J’ai dû tout reprendre de zéro ce matin. La pratique de la curée médiatique s’accommode mal de la distance. C’est même le contraire de la distance puisque chacun se rue sur la proie qu’il déchiquète. Pas facile dans ces conditions de garder un semblant d’objectivité à l’égard de son sujet. Et aujourd’hui dans les médias c’est la curée permanente, au nom de la morale, ce qui rend cette curée plus haïssable encore. La prétention à la vertu, lorsqu’elle redouble la violence, n’est qu’une violence de plus.

Hortefeux est sommé de toutes parts de s’excuser et de s’amender, de reconnaître son crime. Sans les aveux extirpés au criminel, le rituel purificateur n’est pas achevé. Pour une fois qu’on tient un raciste, on ne va pas le lâcher comme ça ! Il paraît même, les puritains de l’antiracisme s’en pourléchaient ce matin sur France Inter, que le Président, soucieux de tenir la meute à distance, a interdit l’humour à ses ministres ! Fini de faire les malins devant les militants, aurait-il tonné !

Naguère on stigmatisait la langue de bois, aujourd’hui on la réclame. La meute ardente, sûre d’elle-même et d’être du bon côté du manche, rigolarde parfois, gronde encore. On stigmatise à l’envi le « dérapage ». C’est la grosse éclate chez les journalistes. Chacun dans son genre s’en donne à cœur joie. On lit ici et là sous des plumes émoustillées que le ministre de l’Intérieur a été pris en « flagrant délit » de dérapage. Douce vengeance ! Le Monde le rappelle sévèrement et austèrement à son devoir. Le triste pitre Guillon met dans la bouche du ministre les blagues racistes qu’il n’a jamais dites. Une façon commode de nous fait rire d’un double rire, deux fois méchant, puisqu’il est à la fois raciste et antiraciste. Merci à Guillon de nous permettre d’entendre à la radio des blagues racistes qu’heureusement plus personne n’ose raconter en public, sauf toutefois quand on peut lâchement les mettre dans la bouche d’un autre.

Un ministre, ça devrait déraper plus souvent, moi je vous le dis. On se fendrait plus souvent la poire. Rien de plus marrant qu’un type qui se casse la figure. Rien de mieux, pour se tenir chaud tous ensemble qu’un bon petit lynchage médiatique. Surtout quand c’est un ponte qui en est l’objet. On n’a plus si souvent l’occasion de rigoler. Les temps sont durs.

La curée s’achève. On sait maintenant ce que le ministre a dans le ventre, et ça ne sent pas bon, dit-on littéralement chez les Verts. Drôle d’époque vraiment que celle qui voit les charognards reprocher à la charogne de puer.

Comme disait l’autre, les gens, c’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes.

Mineurs et pas vaccinés

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Enfin des conseils antigrippe crédibles et percutants, bref le contraire de la propagande officielle diffusée sur les ondes jusque-là. Grâce à Gérard Depardieu, interviewé en exclu mondiale par Michael Kael pour GrolandSat, on sait tout ce qu’il faut faire : contre la grippe A, les enfants, il faut être fort. Donc, on ne va pas à l’école, on mange du porc, beaucoup. On boit du vin. Et puis on fume. Beaucoup aussi. Comme ça, on est fort comme papa. Pigé ?

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