Mercredi 5 novembre, lors de la séance des questions au gouvernement, des filles assises dans les tribunes publiques et faisant partie d’un groupe scolaire étaient voilées. Ce fait a été signalé par nos confrères de Frontières. Selon l’article 8 de l’Instruction générale du bureau de l’Assemblée nationale, « Pour être admis dans les tribunes, le public doit porter une tenue correcte. Il se tient assis, découvert et en silence ». Porter un voile et être « découvert » semblent bien incompatibles.
Céline Pina analyse pour nous ce qui ne peut être qu’une nouvelle tentative islamiste pour tester et même repousser les limites de la notion républicaine de laïcité. La faiblesse de la réaction gouvernementale et le soutien apporté par les islamo-gauchistes de LFI à ceux qui défient ainsi les valeurs occidentales montrent combien la lutte contre l’islamisme est mal engagée.
A la suite de la victoire de Zohran Mamdani à New York, ainsi que d’autres victoires démocrates dans le New Jersey, en Virginie et en Californie, Eliott Mamane explique les derniers développements au sein du Parti démocrate. Si Mamdani a fait preuve d’une grande habileté politique en se faisant élire maire de New York, sa ligne radicale n’a pas nécessairement vocation à devenir celle de son parti. Les deux femmes qui sont les nouveaux gouverneurs de la Virginie et du New Jersey sont nettement plus modérées que la nouvelle coqueluche de la gauche socialiste. Et ces victoires démocrates sont redevables en partie à la situation économique de beaucoup d’électeurs qui comptaient sur le président Trump pour résoudre leurs problèmes et qui se trouvent, pour l’instant, déçus.
Lors du concert de l’Orchestre philharmonique d’Israël hier soir à la Philharmonie de Paris, des spectateurs ont tenté à trois reprises d’interrompre la représentation avec des fumigènes avant d’être évacués. La Philharmonie a porté plainte et quatre personnes ont été placées en garde à vue. Rachida Dati a condamné fermement ces perturbations, affirmant sur X que « la violence n’a pas sa place dans une salle de concert »
J’ai d’abord cru à un remake de la fameuse bataille d’Hernani avant d’apprendre que les troubles qui ont eu lieu jeudi soir au concert donné à la Philharmonie de Paris par l’Orchestre philharmonique d’Israël n’étaient en rien la manifestation spontanée d’un désaccord artistique. Des personnes munies d’un billet d’entrée tentèrent à trois reprises d’interrompre la représentation.
Spectateurs excédés
La Philharmonie a condamné ces « graves incidents » et a décidé de porter plainte tout en tenant à rappeler qu’elle a à cœur d’accueillir des artistes de toutes origines, qu’ils soient israéliens ou palestiniens. Elle tient d’ailleurs à préciser qu’une invitation n’est pas une prise de position politique. À bon entendeur…
Il est 20h15 (soit quinze minutes après le début du concert) quand deux militantes situées au balcon central, avec la prestance et l’agilité d’un diable sorti de sa boîte, déploient une banderole « Free Palestine » et commencent à entonner le sempiternel refrain « Stop au génocide ». De leur perchoir, elles se mettent à jeter des tracts qui tourbillonnent et atterrissent dans la fosse d’orchestre. Probablement surpris par une telle pluie, le pianiste (Schiff) s’arrête de jouer. Plusieurs spectateurs, visiblement excédés, se saisissent des deux mutines. Des coups de poing sont échangés, des cheveux sont tirés. Les services de sécurité grimpent dans les gradins et, à 20h20, les deux femmes – dûment menottées- sont sorties de la salle. La musique reprend ses droits quand un homme, sis dans le parterre cette fois, active un fumigène rouge. Les couleurs de l’enfer se déploient dans la grande salle, une épaisse fumée envahit la scène et l’alarme incendie se déclenche. Dramaturgie en trois actes ! La salle est plongée dans un brouillard pourpre. Les ombres rougeoyantes plongent la Philharmonie dans un climat de purgatoire. Le public tousse, certains suffoquent, le tout sur fond de huées avant qu’on ne parvienne à éteindre le fumigène et qu’on aère la salle. Un semblant d’ordre revient enfin et Shani remonte sur scène, prend le micro et dit jouer « pour la paix, pas pour la haine ». Une ovation éclate. L’Art – un instant – semble triompher et la symphonie numéro 4 de Brahms reprend.
Toutes les couleurs du palestinisme !
Mais probablement troublée par ce temps de sérénité, une femme située au deuxième balcon, allume un second fumigène. Vert cette fois-ci. Notons le souci de variation dans les couleurs. Nouvelle évacuation, la sécurité boucle les issues. Il s’agirait que la plaisanterie ne se reproduise pas une quatrième fois. D’ailleurs, il n’y a même plus de dicton pour cela : « Jamais deux sans trois », la comptine ne saurait aller plus loin.
La musique reprend et cette fois-ci, c’est la bonne ! Rien ne viendra plus interrompre le concert. Quant à savoir dans quel état d’esprit étaient le public ou les musiciens… probablement aussi tendus que la corde de l’archet.
Un torrent d’applaudissemenst est venu clore cette soirée, la foule éprouvée a tenu à remercier les musiciens d’être restés. Malgré tout. Envers et contre la haine qui – par trois reprises – s’est levée.
Mais là où le symbole devient extraordinairement fort, c’est que les œuvres choisies entraient quasiment en résonance avec les débordements qui avaient cours dans la salle. Le concerto pour piano n°4 de Beethoven évoque la douceur triomphant de la force quand la symphonie n°4 de Brahms s’attarde sur la musique qui se donne pour insensée mission de transcender la douleur…
Manon Aubry, Jean-Luc Mélenchon ou Thomas Portes ont refusé de condamner les « incidents ». Il y a décidément des sujets qui, chez LFI, provoquent un mutisme des plus complets.
Dans son dernier rapport, le CAE expose au gouvernement un large éventail d’économies possibles. Mais certaines questions demeurent taboues, déplore cette tribune.
Placé auprès du Premier ministre et composé d’économistes universitaires, le Conseil d’analyse économique (CAE) a pour mission, si l’on en croit le site internet de l’institution, « d’éclairer, par la confrontation des points de vue et des analyses, les choix du gouvernement en matière économique ». Il est censé réaliser « en toute indépendance », des analyses économiques pour le gouvernement, et les rend publiques.
Tax force
Dans sa dernière livraison (Comment stabiliser la dette publique ? CAE, Focus n°124, 16 octobre 2025), le CAE s’efforce de recenser les pistes envisageables pour réduire la dette publique. Il évalue tout d’abord à 112 Md€ (soit un peu plus que trois points de PIB) l’effort pérenne d’ajustement budgétaire à réaliser – par le biais d’une hausse des recettes ou une baisse des dépenses – pour stabiliser la dette publique. Cette première partie de la publication n’appelle guère de commentaires : tant en termes de méthode que d’ordre de grandeur des résultats, le CAE se place dans le prolongement de nombreux travaux déjà disponibles par ailleurs, notamment ceux du Haut conseil pour les finances publiques (HCFP) ou ceux du site Fipeco animé par François écalle.
S’agissant des pistes de hausses des recettes et de réduction des dépenses, le CAE prétend réaliser « un travail de synthèse » s’appuyant sur « un large corpus de rapports institutionnels, d’études académiques et d’analyses de différents groupes de recherche ». Du côté des recettes, le CAE identifie presque une centaine de mesures qui pourraient générer au total jusqu’à 111 milliards de recettes supplémentaires chaque année ! Pour n’en citer que quelques-unes : l’augmentation d’un point du taux de CSG et des taux de TVA, la réintroduction de la taxe d’habitation et de l’ISF, l’augmentation d’un point de tous les taux d’impôt sur le revenu, l’augmentation de 8,5 points de l’impôt sur les sociétés, la taxation accrue de l’héritage, la fin de la défiscalisation du gazole non routier… Le CAE prend garde à ne pas omettre la « taxe Zucman », même s’il évite prudemment de la mettre en avant.
Oublis
Quand il s’agit d’augmenter les impôts, certains, à l’université ou dans des organismes officiels, ne semblent donc décidément pas manquer d’imagination. Mais on peut se demander s’il est bien raisonnable de proposer de nouvelles hausses d’impôts en France, au moment même où notre pays présente à la fois la part des dépenses publiques dans le PIB la plus élevée de tous les pays de l’OCDE (57,3 % du PIB en 2024) et le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé (43 % en 2024), ce que la publication du CAE se garde de rappeler. Il peut être tentant, pour le gouvernant qui souhaite s’épargner un effort réel de réduction des dépenses, de céder à la facilité qui consiste à raboter les niches fiscales ou à alourdir la fiscalité sur les plus aisés, en s’appuyant sur l’argument selon lequel certains individus seraient moins lourdement taxés que d’autres. Nous pensons au contraire que dans la situation qui est celle de notre pays à présent, la réduction massive des dépenses constitue la seule voie pertinente pour maîtriser la dette dans la durée, et que l’engagement à ne pas augmenter quelque impôt que ce soit, voire les baisser, est nécessaire pour crédibiliser une démarche sérieuse de redressement des finances publiques.
Du côté des dépenses, le CAE montre nettement moins d’empressement et d’insistance que pour les recettes à recenser l’ensemble des pistes d’économie qui ont pu être évoquées sur la place publique. Vous ne trouverez pas trace, dans ce document du CAE, de possibles économies sur l’aide au développement, ou encore des recettes que pourrait générer une privatisation de l’audiovisuel public. Il n’y a pas non plus la moindre suggestion de tenter de négocier auprès de Bruxelles un rabais sur notre contribution au budget de l’UE, ce que font pourtant de longue date – avec succès – l’Allemagne et les Pays-Bas. Pas de remise en cause non plus des dizaines de milliards de subventions aux véhicules électriques, aux panneaux photovoltaïques et aux éoliennes, subventions versées sans effet autre que très symbolique sur le niveau de CO2 dans l’atmosphère. On n’y trouve pas davantage la proposition pourtant émise par plusieurs partis politiques de conditionner à une durée minimale de séjour régulier en France la possibilité pour les étrangers de percevoir des aides sociales, une disposition qu’appliquent pourtant plusieurs autres pays de l’UE. Le CAE ne se donne même pas la peine d’évoquer un possible coup de rabot – sans aller jusqu’à parler d’une suppression pure et simple – de l’Aide médicale d’État (AME), qui a pourtant fait l’objet de rapports officiels.
Pincettes
Le CAE évoque les effets bénéfiques que présenterait un relèvement du taux d’activité des seniors – nous acquiesçons – mais ne s’interroge pas sur le gâchis que représente, pour la collectivité et pour les intéressés eux-mêmes, l’absence de sélection à l’entrée à l’université, où plus de la moitié des étudiants échouent et abandonnent avant d’avoir obtenu le moindre diplôme. La question de la fraude aux prestations sociales est certes abordée, mais avec des pincettes, et sans que le CAE ne juge utile de s’interroger sur les incohérences du discours officiel (soulevées entre autres par Charles Prats) face aux millions de cartes Vitale surnuméraires.
Si le nombre de mesures d’économies est conséquent, leur ampleur est souvent limitée, par exemple quelques dizaines de millions pour les associations, quelques dizaines de milliers de postes administratifs à comparer aux centaines de milliers créés au cours des dernières décennies. Certains domaines sont contournés : soutien à l’Ukraine, multiplicité d’agences souvent controversées, par exemple dans l’audiovisuel, l’écologie ou encore l’immigration.
Il faut donc croire que pour le CAE, certaines questions sont taboues, celles précisément dont le traitement – ou plus exactement le non-traitement – par le pouvoir et par les élites heurte le bon sens de nos concitoyens. On n’ira pas ici jusqu’à proposer la suppression du CAE lui-même, qui coûte sans doute sensiblement moins cher à la collectivité que France Télévisions, mais la façon dont le CAE évacue les questions qui fâchent ne nous semble hélas pas de nature à réconcilier le peuple et ses élites.
Enfin, il est fait référence à des réformes structurelles débouchant sur une baisse notable du chômage ou encore sur un redressement des gains de productivité, le tout rehaussant la croissance et au-delà les recettes publiques. Comment les hausses d’impôts envisagées pourraient-elles stimuler l’investissement, l’innovation et in fine l’activité économique ? Cela reste assez mystérieux.
Le magazine Causeur du mois consacre un dossier de 18 pages à cette fameuse union des droites qui n’advient jamais
Pour les copains de Valeurs actuelles, ça ne fait pas un pli. Voici venue « l’heure de la coalition », proclament-ils en une le 15 octobre. Avec, en illustration, une belle brochette d’éminences de droite encadrant Marine Le Pen façon équipe de campagne. Ils sont venus, ils sont tous là – Villiers, Bardella, Retailleau, Lisnard, Maréchal, Ciotti, Knafo, Bellamy, Zemmour. Dans la vraie vie, certains ne s’adressent plus la parole. Sur le photomontage, tous sourient, tournés vers le même avenir radieux.
Droite plurielle
La presse de gauche s’en désole quotidiennement – tout en réclamant le pouvoir pour son camp : la France se droitise. Dans la dernière livraison de « Fractures françaises », l’enquête annuelle Cevipof/Ipsos/Le Monde, 41 % des Français se positionnent à droite et 28 % à gauche (18 % choisissent le centre et 13 % ne se prononcent pas). Sur le papier, c’est donc imparable. Il suffirait que toutes les droites (en l’occurrence, LR, RN et Reconquête !) s’allient pour gouverner ensemble. Une hypothèse d’autant plus logique que l’intimidation morale a sans doute jeté ses derniers feux en 2022. Même Retailleau, l’un des plus hostiles à une entente avec le RN, n’ose pas parler de divergences de valeurs.
Si Emmanuel Macron avait chargé une IA de fabriquer une majorité à partir du Parlement issu des législatives de juin 2022, elle aurait donc certainement imaginé un genre de droite plurielle – à moins évidemment d’avoir été dressée pour faire barrage à qui on sait. Beaucoup de sympathisants de droite, convaincus que leurs idées sont majoritaires dans le pays, se demandent donc par quelle entourloupe ils se retrouvent cocus, puisque c’est aujourd’hui le Parti socialiste qui semble tenir entre ses mains le sort du gouvernement et du pays. Dans les bistrots, on se dit que tous ces chefs devraient se mettre d’accord dans l’intérêt de la France et que, s’ils ne le font pas, c’est par préférence pour leurs intérêts et leurs carrières. C’est un peu court. Les appétits et les rivalités existent aussi à gauche, mais n’empêchent nullement de faire front commun quand il faut gagner.
Osons une hypothèse. Ce qui empêche de faire la même chose à droite, c’est peut-être que la droite n’existe pas. Déjà ce n’était pas simple du temps de René Rémond et de ses trois droites (qui ne se sont jamais coalisées), mais depuis que le populisme a déboulé dans le jeu, captant une partie notable de l’électorat bonapartiste (mais pas que), c’est la pagaille. Il faut dire que si le mot « gauche », en dépit de toutes les turpitudes qu’il couvre, conserve un pouvoir magique (même si ce pouvoir a tendance à s’user), le vocable « droite », lui, ne convoque rien et n’évoque pas grand-chose, sinon ce qui n’est pas la gauche.
Le cauchemar de l’IFOP
Les électeurs du RN, de LR et de Reconquête ! se déclarant massivement favorables à l’union des droites, on croit naturellement qu’ils sont tous de droite. En réalité, beaucoup accepteraient n’importe quel attelage capable de les délivrer du cauchemar « socialo-macroniste » qui a conduit le pays au multidésastre. Brice Teinturier observe avec effroi la convergence des deux électorats qui trouvent « qu’on n’est plus chez soi en France » (85 % à LR, 94 % au RN), qu’il y a trop d’étrangers (86 % à LR et 95 % au RN), et qu’il faudrait « un vrai chef pour remettre de l’ordre » (95 % et 99 %). Ils sont même d’accord pour lutter contre l’assistanat (88 % et 70 %).
Pourtant, à la différence de Jordan Bardella qui a confessé un ancien tropisme sarkozyste, Marine Le Pen refuse de se dire de droite. Tout juste concède-t-elle du bout des lèvres qu’en cas de besoin, elle accepterait l’appoint venu de ce côté-là de l’hémicycle. Forte de ses records de popularité, la patronne du RN a forcé la porte du club des dirigeants responsables et respectables. Mais on dirait qu’elle ne se sent pas appartenir au même monde qu’eux. « Beaucoup de gens à droite voudraient des gens comme nous mais qui soient plutôt comme eux, nous confie-t-elle (lire notre grand entretien). Peut-être ne sommes-nous pas assez bourgeois. » Et certainement moins conservateurs. Entre les électeurs lepénistes et ceux de la droite classique, les différences sont donc moins idéologiques que culturelles. Et il ne s’agit pas seulement de classe sociale, mais d’ethos et de vision du monde. Teinturier note que 58 % des sympathisants du RN et seulement 23 % des sympathisants LR déclarent appartenir à « une France contestataire et en colère ». Derrière des incarnations nationales très diverses, la spécificité des populismes est précisément d’avoir accommodé politiquement la colère contre les élites, devenue leur principal carburant électoral, au risque d’être érigée en légitimité incontestable.
Reste que, face au danger, on ne chipote pas sur le pedigree de ses camarades de tranchées. Or la majorité des dirigeants et des électeurs de cette famille politique qui n’en est pas une, ou alors très dysfonctionnelle, partagent au moins les mêmes inquiétudes. Beaucoup sont certains que, faute de changement radical de direction, le déclin du pays sera bientôt irréversible. Reste à savoir combien, une fois dans l’isoloir, se diront, à l’instar du président Mao, que peu importe la couleur du chat pourvu qu’il attrape la souris.
À l’aide d’une centaine de chroniques diffusées sur France Inter, Christophe Bourseiller explique pourquoi notre société ne cesse de l’étonner et de le rendre complètement cinglé.
Ce monde me rend fou, c’est le nom de la chronique que donne Christophe Bourseiller chaque samedi et dimanche, à la fin de la matinale, sur les ondes de France Inter. Il a recueilli celles-ci dans un livre dans lequel « il pose un regard espiègle sur notre époque », selon son éditeur. Bourseiller rendu fou par l’époque ? On est en droit de le comprendre. L’auteur analyse la société, ses écarts, ses lubies, ses emballements, ses tics, ses modes, ses bouleversements inattendus. Ses horreurs aussi.
Tatouages, influenceurs, musées improbables…
Tout y passe : les tatouages (« (…) l’individualisme triomphant »), les musées surprenants (dont celui du Phallus en bocal à Reykjavik, ou celui de la Nourriture dégoûtante en Suède), l’enfer numérique (« On réalise avec effroi que le conte de fées d’hier a tourné au cauchemar vinaigré. »), les influenceurs (« (…) une minorité d’influenceurs (environ 6%) gagnent très bien leur vie, en se vendant aux marques. Mais 94 % galèrent et mentent sur leur quotidien. »), les insultes en politique (« (…) Dominique Strauss-Kahn dit d’Arlette Laguillier en 2004 : « C’est l’union d’un postier et d’une timbrée. »… », et le fait que le lapin soit l’avenir de l’homme (n’en déplaise à Jean-Jacques Goldman : « Un lapin, ça ne sert à rien… » chante-t-il, enfin presque.)
On rit souvent en lisant cet opus ; on s’insurge parfois. On se régale assez souvent car Christophe Bourseiller sait écrire. « Ce monde me rend fou… Tout est dans le titre et tout est dit », affirme-t-il en préambule. « Depuis cinq ans, j’épingle les travers d’une société de plus en plus éruptive, désarticulée, polarisée, binaire, agressive, hypnotisée par ses lubies, dérivant à la façon d’un rafiot fantôme égaré sur une mer de sacs en plastique. Tel est l’enjeu de ce qui n’est pas une chronique d’humour, mais une chronique d’humeur. Je ne suis en fin de compte qu’un passant témoin de faits divers, ou encore un enfant en proie à la désillusion. Moquer l’époque présente fait-elle de moi un réac ? Je ne crois pas ? Il m’arrive de sombrer dans un certain passéisme, mais ces instants d’égarement sont rares, car, non, rien de rien, je ne regrette rien. »
Pas un réac ? Certainement. Il n’empêche que, comme beaucoup, quand il regarde du côté du passé, il pense souvent que ce n’était pas si mal. C’est un euphémisme que de le dire.
Suspendre la réforme des retraites ne représenterait « que » trois milliards d’euros de coût, selon le Premier ministre Sébastien Lecornu, qui juge qu’un nouveau changement de gouvernement, une dissolution ou un rejet du budget seraient encore plus préjudiciables à l’économie nationale.
Afin d’éviter la censure et de se maintenir au pouvoir, avec la bénédiction du président Macron et de Mme Borne, Sébastien Lecornu a décidé de geler la réforme des retraites.
Pourtant, en matière de retraites, il va bien falloir que nos braves concitoyens se mettent dans la tête que TOUS les principaux pays européens ont reporté l’âge légal de départ à la retraite. Ce dernier dans l’UE varie d’un État membre à l’autre. Il va de 60 ans pour les femmes en Pologne à 67 ans dans plusieurs pays comme l’Allemagne, le Danemark, l’Italie ou les Pays-Bas. Détaillons un peu[1], pour être parfaitement clair : Allemagne (66 ans et 2 mois), Belgique (65 ans), Danemark (67 ans), Espagne (65 voire 66 ans), Italie (67 ans), Portugal (66 ans et 7 mois).
Comparaison n’est pas raison, mais
Bien entendu, derrière ces chiffres, il y a des réalités disparates et les comparaisons doivent être relativisées. En effet « les âges légaux de chaque pays ne sont pas complètement comparables, ou du moins ne suffisent pas à comparer des systèmes de retraite. En effet, de fortes variations existent d’un pays à l’autre, en termes de conditions d’éligibilité, de durées de cotisation et d’affiliation, de salaires pris en compte pour le calcul, ou de dispositifs permettant un départ avant l’âge légal (retraite anticipée), etc. », indique pertinemment le Cleiss (Centre des Liaisons Européennes et Internationales de Sécurité Sociale).
Il n’empêche qu’en France, vu l’état de nos finances (générales et sociales) qui décline de plus en plus, il va falloir faire un effort colossal. Et cela passe aussi par l’allongement de l’âge légal de la retraite. C’est incontournable. C’est vital. La réforme Borne allait dans le bon sens même si elle ne résolvait pas tout, loin de là. Rappelons que le dernier rapport du Conseil d’Orientation des Retraites a chiffré que, même avec cette réforme adoptée en 2023, notre système de retraite file vers 15 Mds € (en € 2024) de déficit en 2035 et 30 Mds € en 2045. Cela représente près de 75 Mds € de déficit cumulé d’ici 2030 – même avec la réforme, donc[2]. Quant aux pistes pour financer les renoncements attendus, elles sont irréalistes, sauf à pénaliser durablement le pouvoir d’achat et la compétitivité. C’est donc un gel prolongé des retraites qui est aussi envisagé dans le projet de budget pour la Sécurité sociale.
L’annonce de M. Lecornu est uniquement motivée par sa volonté de s’attacher l’onction des socialistes et celle de certains LR effrayés par leur électorat en cas de dissolution. Ceci afin de s’assurer un budget qui sera d’ailleurs rempli de chausse-trapes pour compenser le gel de la réforme. Budget pour la confection duquel il n’a pas fait le plus dur….
Un coût énorme
En tout état de cause, même si le prix Nobel d’économie, M. Philippe Aghion (ancien conseiller d’Emmanuel Macron et principal inspirateur de la réforme Borne), affirme le contraire, ce renoncement — cet enterrement même — aura un coût énorme. Mettre sur pause la réforme des retraites ne coûterait « que » trois milliards d’euros selon M. Lecornu. Ce qui a été avancé exactement par le Premier ministre, c’est que cette mesure devrait bénéficier « à terme à 3,5 millions de Français » mais représente un coût important avec « 400 millions d’euros en 2026 et de 1,8 milliard d’euros en 2027 ».
Ce chiffre relève de l’insincérité pure et simple (c’est une faute en matière budgétaire) car il s’agirait du coût pour 2027, pour l’ensemble des régimes.
La proposition retenue est de mettre sur pause l’âge d’ouverture des droits, qui serait stoppé à 62 ans et 9 mois, et la durée de cotisation à 170 trimestres.
Ce tableau présente les deux principaux paramètres de l’âge avec la réforme de 2023
Naissance
Âge légal
Trimestres exigés
1955, 1956, 1957
62 ans
166
1958, 1959, 1960
62 ans
167
1/1 au 31/8 1961
62 ans
168
1/9/1961 au 31/12/61
62 ans et 3 mois
169
1962
62 et 6 mois
169
1963
62 et 9 mois
170
1964
62 et 9 mois
170
1965
63 ans
171
1966
63 et 3 mois
172
1967
63 et 6 mois
172
1968
63 et 9 mois
172
1969 et après
64 ans
172
Les changements dus à la suspension sont mis en rouge et gras. Le 23 octobre, le gouvernement adopte la lettre rectificative au PLFSS 2026. Il crée un article modifiant le code de la Sécurité sociale, et suspend ainsi la réforme des retraites de 2023 jusqu’à l’élection présidentielle :
l’âge légal de la retraite est reporté d’un trimestre de la génération 1964 jusque celle de 1968 ;
la durée d’assurance requise pour bénéficier du taux plein est réduite d’un trimestre, soit : – 170 trimestres au lieu de 171 si né en 1964 – 171 trimestres au lieu de 172 si né en 1965. La loi devra être changée avant fin 2027 si l’on souhaite bien maintenir l’âge à 62 ans et 9 mois en 2028. Source: CFDT.
Dans un rapport de 2025, la Cour des Comptes a estimé qu’un arrêt de la progression de l’âge d’ouverture à 63 ans aurait un coût complet de 13 milliards pour 2035 (Situation financière et perspectives du système de retraites, Communication au Premier ministre, Février 2025 ; Cour des comptes).
Cette évaluation souligne le poids des paramètres de l’âge sur l’évolution de la population active et donc sur le potentiel de croissance du pays. Ainsi, le coût pour l’ensemble des finances publiques est presque le double du coût pour le seul système de retraites. L’autre volet, c’est la durée de cotisation. Ainsi, contrairement aux principaux pays de l’UE, stopper l’allongement de la durée de cotisation reviendra à geler à 170 trimestres la durée de cotisation requise. On peut estimer que cela représente environ la moitié des effets calculés par la Cour qui prend une hypothèse plus forte (retour aux 168 trimestres), soit 2 Mds € pour le système de retraites et 3,5 milliards pour l’ensemble des finances publiques d’ici 2035. Au total, c’est donc 5,8 Mds € d’économies pour le système de retraites, et à 16,5 Mds € pour l’ensemble des finances publiques 2035 auxquels on s’apprête à renoncer (IFRAP ibid[3]). On est loin des « que 3 milliards » de M. Lecornu.
Et puis ce renoncement (plus que gel !) va nécessiter de compenser le rendement de la réforme des retraites. Il faudra alors majorer au minimum de 2 points les cotisations vieillesse déplafonnées, soit, pour un salaire brut moyen français, un surcoût de 400€ par an (probablement plus, en € courants). Cet effort pèsera soit sur le pouvoir d’achat (cotisations salariales), soit sur la compétitivité des entreprises (cotisations employeurs). Deux secteurs que le déficit abyssal nécessite au contraire de dynamiser. Un tel retour en arrière (suggéré quand même par Mme Borne !) est incompatible avec des mesures de relance par la consommation et de soutien à la réindustrialisation (rappelons que les salaires dans l’industrie étant plus élevés que dans l’économie en général, les emplois industriels sont moins bénéficiaires des exonérations de charges).
Il existe à vrai dire une alternative que les défenseurs du retour en arrière envisagent sans toutefois oser le dire. C’est le gel sur les retraites. Rien que pour financer le retour en arrière réclamé par une partie de la représentation nationale, c’est environ 4 ans de désindexation totale (jusqu’en 2029) de l’ensemble des retraites qu’il faudrait adopter.
Et n’oublions pas que, pendant ce temps, on ne parle pas non plus des comptes de la branche maladie : déficit anticipé par la Commission des comptes de la Sécurité sociale à 16 Mds € pour 2025 (perspectives plus sombres attendues dans le rapport d’octobre vu la mise à l’arrêt de l’économie).
Et puis rappelons aussi que l’ex-rapporteur du budget, Charles de Courson, a chiffré à 15 milliards le « déficit » des pensions publiques d’Etat.
Dès lors, comme beaucoup d’économistes (raisonnables) le redoutaient, ce gel de la réforme Borne va faire exploser la charge de la dette et augmenter le déficit. A des fins uniquement politiques, Sébastien Lecornu a, ni plus ni moins, passé un deal politique avec la gauche et passé par pertes et profits la seule réforme structurelle du mandat Macron. Sous prétexte qu’il valait mieux un budget pour retrouver de la stabilité et adopter un mauvais budget pour gagner du temps…C’est un choix purement et simplement catastrophique qu’au surplus les agences de notation vont prendre en compte (elles qui saluaient la réforme). Résultat ? Nos notes vont être abaissées. Et plus ça va, et plus le FMI est en approche…
Dernier mot. Renvoyer à l’élection de 2027 pour réformer les retraites est d’une lâcheté gravissime. Au moment où l’on écrit ces lignes, le compteur de la dette publique française est à 3433 milliards d’euros. Et il va encore défiler, d’ici 2027…
« Qui pense au pire devine juste. » (Proverbe grec).
À l’occasion de la première édition des prestigieux prix MeTooMedia, l’animatrice Enora Malagré affirme: «Il faut absolument pousser les femmes à prendre des postes à haute responsabilité dans les médias.»
Tout le monde sait que les journaux ne parlent pas assez des violences faites aux femmes. Le 9 octobre, la prestigieuse première édition des prix MeTooMedia s’est tenue à Paris.
Nos militantes néoféministes espéraient redonner du souffle au maccarthysme castrateur qui s’est abattu sur l’Occident depuis l’affaire Weinstein. « Les prix MeTooMedia récompensent les enquêtes approfondies, les récits poignants et les œuvres qui brisent le silence », apprend-on sur le site de l’organisation. La cérémonie entendait ainsi « saluer l’engagement de celles et ceux qui informent, sensibilisent et œuvrent pour une culture plus responsable », selon la présidente Emmanuelle Dancourt, ex-journaliste télé, plaignante dans l’affaire PPDA et autrice d’une lettre ouverte contre Depardieu, adressée à Macron et signée par 7 000 personnes. Depuis, cette consœur s’est reconvertie dans les formations en VSS, et milite notamment pour que les entreprises investissent davantage dans ce domaine – le minimum syndical étant apparemment d’avoir un référent par boîte.
Giulia Foïs, injustement écartée de France Inter, présidait le jury, entourée d’Enora Malagré, de Lou Trotignon, premier humoriste transgenre, et de Mathilde, chanteuse des tubes Révolution et L’Hymne des femmes. Le prix du meilleur reportage est revenu à Ariane Griessel (France Inter) pour « Violences conjugales : les entendez-vous dans nos campagnes ? » Anouk Grinberg a reçu celui du meilleur livre pour Respect, et Mediapart le prix du jury pour l’ensemble de ses réalisations. Lénaïg Bredoux, responsable éditoriale du pôle « genre et violences sexistes » du journal de Plenel, rappelle que « la presse a longtemps caché les faits concernant les droits des femmes et des minorités ». Mais, se félicite-t-elle, les choses bougent enfin. Enora Malagré tempère : « La place des femmes dans les médias n’a pas vraiment évolué depuis MeToo. On ne compte quasiment aucune femme issue de la diversité à la tête des grandes émissions, à part Karine Le Marchand. » Bonne nouvelle : si les violences faites aux femmes et la culture du viol sont systémiques, nos rebelles pouvaient quand même compter sur le soutien du système : ministères de la Culture, de l’Égalité entre les femmes et les hommes, SNJ, Thalie Santé… etc.
Mais pas question de baisser la garde : la chanteuse Mathilde a arboré toute la soirée un T-shirt proclamant fièrement « Bagarre ».
Jhordana, la jeune femme qu’un Égyptien a tenté de violer dans le RER C le 16 octobre, connaissait-elle la fameuse méthode des «5-D»?
C’est le genre d’affaire qui déclenche de douloureuses tempêtes sous les crânes de gauche. Dès qu’il est question d’agressions sexuelles ou plus généralement de la sécurité des femmes dans l’espace public, le progressiste sent le danger. C’est que, comme le résumait génialement Muray, ces thématiques devenues des marronniers annoncent généralement un combat entre Moderne et Moderne – en l’occurrence Féminisme et Antiracisme. Je vous épargne le suspense : à la fin, c’est toujours l’antiracisme qui gagne.
Notre progressiste a beau être entraîné à ne pas voir ce qu’il voit et à traiter de salauds et de fascistes tous ceux qui s’obstinent à voir, il est difficile d’ignorer ce que savent sa mère, ses sœurs, ses filles, ses copines : ceux qui les emmerdent, les terrorisent ou les agressent dans la rue et le métro répondent rarement à la définition du mâle blanc que les belles âmes adorent détester. Les témoignages sont récurrents et les statistiques accablantes : en 2024, 41 % des agressions sexuelles enregistrées dans les transports en commun ont été commises par des étrangers, et en Île-de-France, cette proportion dépasse 60 %. Rien de très surprenant, dès lors que nous laissons entrer sur le territoire des milliers de jeunes hommes habitués à ne voir des femmes qu’enfermées, voilées et bâchées. Comment pourraient-ils ne pas penser qu’une femme libre est à prendre – avec en prime la bénédiction du Prophète ?
Cette réalité contrevenant au récit irénique du vivre-ensemble, il convient de la passer sous silence comme l’ont fait des années durant de nombreux officiels britanniques, au sujet des jeunes filles violées et exploitées par des gangs pakistanais. Il ne fallait pas stigmatiser. On se rappelle aussi la réaction de Caroline De Haas après les viols de masse commis à Cologne par des migrants syriens, lors de la Saint-Sylvestre 2015 : ceux qui voyaient ces agressions comme une manifestation du choc des cultures avaient selon elle « de la merde raciste dans les yeux ». On préfère ne pas savoir quel genre d’excrément obstrue la vue de notre islamo-féministe.
Dix ans après, rien n’a changé. Le 16 octobre, sur la ligne C du RER, un individu mord, frappe et tente de violer Jhordana, une jeune Brésilienne. L’intervention héroïque de Marguerite, armée de son portable, met le salopard en fuite. Le suspect, reconnu par d’autres victimes, et interpellé quelques jours plus tard, est un Égyptien de 28 ans. À défaut de mentionner cette information qui pourrait perturber ses lecteurs, Le Nouvel Obs suggère aux femmes de se défendre grâce à la méthode des « 5-D » – distraire, déléguer, documenter, diriger et dialoguer. D comme débile.
Je vous explique. D’abord, vous parlez d’autre chose à l’agresseur (distraire), ensuite vous appelez à l’aide (déléguer), ce à quoi vous n’auriez pas pensé toute seule ; si ça n’a pas calmé le gars, vous filmez (documenter), puis vous le sommez d’arrêter (diriger) et enfin, quand le danger est écarté, vous dialoguez avec la victime pour éviter qu’elle se sente coupable. Mieux vaut ne pas oublier en cours de route ce que désigne chacun des D. Le système D que notre cher Jean-Baptiste Roques préfère apprendre à ses filles en cas d’agression, c’est Distribuer Des Dérouillées au Délinquant et Déguerpir. C’est moins New Age, mais ça peut servir.
Cette prétendue « méthode » n’a jamais empêché une agression, mais elle a été enseignée à 15 000 femmes dans le cadre d’un programme lancé par L’Oréal et la Fondation des femmes – association qui s’est récemment illustrée par son mépris à l’endroit d’une femme violée par un migrant sous OQTF.
Alors, face à un tel ramassis d’âneries infantilisantes, je me prends à rêver d’être allemande. Pas par goût immodéré des saucisses ou des marécages philosophiques, mais parce que le chancelier Merz manifeste une liberté de pensée et de parole rafraîchissantes. Le 14 octobre, interrogé sur les migrants, il parle d’un « problème non résolu dans le paysage urbain », visant la délinquance et l’insécurité de rue. Une semaine plus tard, il met les pieds dans le plat : « demandez à vos filles, elles vous diront qui leur cause des problèmes le soir ». Alors on aimerait que nos grandes consciences demandent à leurs filles de quoi et de qui elles ont peur le soir plutôt que de les initier au système 5-D. « The Russians love their children too », chantait Sting. Je veux croire que les progressistes aussi aiment leurs enfants.
Le politologue Thomas Guénolé s’est embarqué en septembre sur l’un des bateaux de la « Flottille pour Gaza ». Les pages de son journal que Causeur publie en exclusivité témoignent de terribles tensions entre militants prêts à subir les tortures de l’armée israélienne.
Jour 0 – Barcelone, avant le départ
Dans quelques heures, nous embarquerons pour Gaza. Mais avant de partir, je veux clarifier quelque chose d’absolument crucial pour les générations futures qui liront ce journal.
Ce matin, lors de la réunion préparatoire avec tous les participants de la flottille, il y a eu un incident profondément humiliant que je me dois de consigner par écrit pour rétablir la vérité.
Nous étions environ 500 personnes dans le hangar. Le coordinateur a pris la parole : « Nous allons maintenant procéder à l’appel pour vérifier les compétences dont nous disposons. Médecins, levez la main. »
Une dizaine de mains se sont levées. Il les a nommés. Applaudissements nourris.
« Avocats et juristes ? »
Une vingtaine de mains. Vingt noms. Nouveaux applaudissements. Le navire Shireen au complet. Je ne veux pas créer de polémiques stériles mais pourquoi les juristes ont-ils droit à un bateau rien que pour eux ?
« Professeurs et enseignants ? »
J’ai levé la main, le coordinateur a lu son papier : « Thomas Guénolé, politologue. »
Politologue ! Comme si j’étais un type qui commente l’actualité au café du commerce.
« Excusez-moi, c’est DOCTEUR Thomas Guénolé. »
Le coordinateur m’a regardé, perplexe :
« Ah ! Si vous êtes médecin, c’est l’autre groupe ?
— Non, je suis Docteur en science politique. CEVIPOF. 2013. »
Un silence gêné s’est installé. Un silence d’ignares qui ne comprennent même pas ce que signifie CEVIPOF. Je les ai instruits :
« CEntre VIe POlitique Française. C’est le laboratoire de recherche en science politique de Sciences-Po Paris. C’est dans ce laboratoire prestigieux que j’ai effectué ma thèse de doctorat. Je suis Docteur. »
Quelqu’un au fond de la salle a crié :
« Un docteur pas médecin ? Comme le Docteur Lamine, grand marabout spécialiste du retour d’affection ?
Mais le mal était fait. Les sourires en coin. Les échanges de regards complices. L’internationale des incultes !
Mais pour la Cause, j’ai gardé ma colère.
16 h 30 – Toujours à Barcelone
Je n’arrive pas à passer à autre chose. Ce journal sera certainement lu par des historiens, des chercheurs, des étudiants. Ils doivent comprendre.
Tout a commencé en août 2017 à l’Université d’été de La France insoumise. J’étais invité à la conférence « Faut-il dégager les médias ? ».
Pendant ma présentation, j’ai expliqué que certains journalistes n’interviewent pas vraiment leurs invités. J’ai cité Patrick Cohen en exemple. J’ai dit qu’il « arrachait des aveux » à ses invités. Une simple métaphore.
Quarante-huit heures plus tard, Patrick Cohen dans « C’est à vous », sur France 5 a dit, je cite de mémoire car ces mots sont gravés au fer rouge : « Thomas Guenolé, ce pseudo-politologue… »
Pseudo ! Comme si j’étais un imposteur, un charlatan qui s’était autoproclamé politologue après avoir lu trois articles sur Wikipédia.
Moi qui ai passé cinq ans à construire ma thèse de doctorat. Cinq ans à éplucher des données électorales, à construire des modèles théoriques, à subir les remarques assassines de mon directeur de thèse.
Cinq ans pour entendre Patrick Cohen me traiter de « pseudo » à la télévision nationale.
J’ai immédiatement réagi sur Twitter – et j’en garde une capture d’écran encadrée dans mon bureau : « Patrick Cohen m’ayant traité de “pseudo-politologue”, je tiens mon diplôme de doctorat en science politique à sa disposition. » Il n’a jamais osé me le réclamer ce lâche.
Et depuis ce jour-là, j’ai décidé que plus jamais on ne remettrait en question mes qualifications. Jamais ! D’où le « Dr » sur Twitter. Sur LinkedIn. Sur mes cartes de visite. Sur mon badge pour cette flottille, que j’ai moi-même réécrit au feutre :
Dr Thomas Guenolé Docteur en science politique Sciences-Po Paris, 2013.
Le badge était un peu petit d’ailleurs. Évidemment de taille suffisante pour la plupart des participants…
Jour 1 – Quelques heures après notre départ de Barcelone
On frappe à ma porte. C’est le coordinateur de la flottille.
« Monsieur… euh… Docteur Guénolé, on a un problème.
— Mon cœur s’emballe. Ils attaquent déjà !
Les autres participants se demandent si… eh bien… si vous êtes vraiment concentré sur la mission.
— Pardon ?
— Vous avez passé trois heures cet après-midi à expliquer votre doctorat à des gens qui voulaient juste vérifier le matériel de sécurité.
— Ils m’avaient appelé « Monsieur » !
Le coordinateur soupire.
— Écoutez, Docteur Guénolé… (Il insiste lourdement sur le « Docteur ».) Nous avons embarqué pour une mission dangereuse. Nous allons probablement être interceptés et emprisonnés. Si tout va bien nous serons même torturés. Nous devons nous concentrer sur l’essentiel.
— Mon titre académique est essentiel !
— On vous demande juste… peut-être… de prendre conscience que le Mossad est partout… Cohen… Vous comprenez… Vous vous êtes fait manipuler… Cohen, Docteur ! »
Il éclate d’un rire méprisant et sort. Je reste seul face à mon diplôme sous cadre que j’ai emporté au cas où.
Jour 8 – Même pas piraté par le Mossad
Les nouvelles sont préoccupantes. Les autres bateaux rapportent que leurs communications ont été piratées et qu’on leur diffuse du ABBA à fond.
Je suis un peu chafouin. Personne ne pirate les communications de mon bateau. J’aimerais bien comprendre pourquoi les Israéliens se donnent le mal de pirater une gamine sans diplôme avec un ridicule chapeau de grenouille et ne se rendent pas compte du pouvoir de nuisance d’un Docteur du CEVIPOF. Ils ne sont pas si forts que ça finalement au Mossad…
J’arrête ce journal de bord ! Je ne vais pas me décarcasser pour rien ! Je n’aurais pas déjà twitté que je ferai une grève de la faim dès mon arrestation, je quitterai cette flottille d’imbéciles.
Chers historiens du futur, sachez que, même si ce n’est pas encore arrivé au moment où j’écris, j’ai jeûné jusqu’à ce qu’on me libère et qu’à titre personnel, j’ai été battu et traîné par les cheveux au sol à trois reprises.
Pour conclure et paraphraser Darwin : ce n’est pas le plus intelligent qui survit, c’est le plus photogénique.
Dix-huit mois avant les prochaines élections nationales (du moins en théorie), la favorite des sondages continue sa guerre d’usure contre le bloc central mais ne veut toujours pas entendre parler de l’union des droites.
Causeur. C’est vintage socialo-communiste… Faudrait-il dresser contre l’extrême gauche un cordon sanitaire à la manière de celui que vous avez encore subi lors des dernières élections ?
Marine Le Pen. Non. LFI a sa place au Parlement. En 2022, j’ai considéré, en vertu du règlement intérieur, que toutes les sensibilités devaient être représentées au bureau de l’Assemblée nationale. Et donc j’ai œuvré pour qu’il y ait un vice-président Insoumis.
Mais ça ne vous inquiète pas que des gens votent pour ce parti qui passe son temps à insulter la police et à prôner le désordre ?
Bien sûr que si. Seulement ma réponse est de combattre ce parti lors des campagnes électorales, et de tâcher de convaincre les citoyens de ne pas voter pour lui. En revanche, je suis opposée à tout ce qui peut représenter une mise à l’écart de ses électeurs. En plus, c’est contre-productif. Quand des Français, quels qu’ils soient, sont traités en parias, on se coupe de toute capacité à les convaincre de l’erreur de leur choix.
En parlant de parias, on peut dire que depuis le 7-Octobre, l’accusation d’antisémitisme contre vous est irrecevable. En revanche, les institutionnels juifs continuent à vous snober. Ça vous énerve ?
Ça ne m’énerve pas, ça me désespère ! Pendant un certain nombre d’années, en considérant le Rassemblement national comme un danger, ils ont détourné l’attention de ceux qui pouvaient lutter contre les islamistes. Et ils ont laissé monter l’antisémitisme d’extrême gauche sans rien dire.
Il y a aussi des partis qui vous accusent d’homophobie, alors que vous êtes probablement la formation dans laquelle il y a le plus d’homosexuels affichés…
Précisément, parce que dans notre parti, on est attaché à la liberté de dire les choses. Dans les autres formations, on trouve aussi sans doute beaucoup d’homosexuels, mais moins la liberté de le dire. Cela dit, honnêtement, les mœurs n’ont jamais été une préoccupation dans notre camp politique.
Au congrès de Tours, où vous avez pris la présidence du parti, il y avait une belle brochette d’abbés tradis en soutane. Il y a toujours eu une branche catho auprès de votre père.
Oui, mais il disait qu’on n’était pas là pour faire « la politique du slip ».
Enfin il a quand même été très virulent contre la loi Veil en 1974, alors que vous avez voté pour la constitutionnalisation de l’IVG l’an dernier.
C’est vrai, mais par la suite il a été le premier à se moquer des anti-IVG qui, selon lui, avaient souvent le plus à se reprocher.
Éric Zemmour veut mobiliser nos racines judéo-chrétiennes (et singulièrement catholiques) pour défendre l’identité française. Qu’en pensez-vous ?
Les racines judéo-chrétiennes de la France font bien entendu partie intégrante de l’identité française. Mais mener un combat religieux m’apparaît tout à fait contraire à l’ADN de notre pays. Je ne me glisserai pas dans cette faille. Contrairement à Éric Zemmour, je considère qu’en France, chacun peut choisir sa religion. Quand j’ai fait la distinction entre l’islam, qui est une religion, et l’islamisme, qui est une idéologie politique et totalitaire à combattre au même rang que le communisme ou le nazisme, il m’a violemment combattue.
Ça s’appelle le désaccord. Mais vous ne pouvez pas nier que beaucoup d’expressions de la religion musulmane ne conviennent pas à nos mœurs.
C’est vrai, et j’y vois le signe que les fondamentalistes islamistes ont pris le pouvoir sur l’islam en France. Pour y remédier, il faut donc combattre l’idéologie, pas la religion. Voilà ce qui me dérange dans le positionnement d’Éric Zemmour.
Que pensez-vous de Sarah Knafo ? Elle n’était pas aux affaires, vous ne pouvez pas lui reprocher d’avoir bradé le pays. Vous n’aimeriez pas avoir une fille talentueuse comme elle dans vos troupes ?
Écoutez, pour l’instant, son objectif a été de m’empêcher d’être au second tour de l’élection présidentielle et de nous empêcher d’avoir le nombre d’élus que nous avons obtenus à l’Assemblée. Sans oublier qu’elle me traite régulièrement de socialiste, tout en me reprochant de ne pas faire l’union des droites. Ce qui est assez incohérent, vous en conviendrez.
Reconnaissez qu’elle a émergé cette dernière année de façon assez spectaculaire.
Surtout sur CNews !
Est-ce rédhibitoire ? Ne faut-il pas se féliciter que CNews batte en brèche le monopole médiatique de la gauche ?
Évidemment, c’est une grande chance d’avoir cette forme de pluralisme face à un écosystème politico-médiatique qui a intérêt à ce que la vérité ne transparaisse pas.
À ce sujet, voulez-vous toujours privatiser l’audiovisuel public ?
Oui. En gardant juste trois médias d’État : une radio généraliste, pour passer les consignes importantes en cas de crise ; une télévision d’outre-mer, parce que c’est une question de continuité ; et une chaîne d’information internationale, afin de porter la voix de la France dans le monde.
D’après Éric Dupond-Moretti, vous parlez de CNews comme si c’était « votre chaîne ».
Il dit n’importe quoi. Sur CNews, on voit surtout s’épanouir un courant de pensée, que je trouve assez naïf, qui passe son temps à chercher un nouveau sauveur pour la France et à lui dérouler le tapis rouge, pour en général terminer terriblement déçu.
Je ne suis ni russophile ni américanophile, mais francophile. Cela dit, je reconnais que Trump a apporté la démonstration que la volonté politique fonctionne, alors que nous sommes englués depuis trente ans par des gens qui nous disent « ce n’est pas possible ». Il a fait cette démonstration au Moyen-Orient. Il ne s’agit pas pour autant de le prendre comme modèle. De Gaulle se méfiait, à juste titre, des États-Unis, parce qu’il comprenait qu’ils défendent leurs intérêts. Il arrive que nos intérêts convergent, mais il arrive aussi qu’ils créent des trucs pourris (je pense par exemple aux politiques wokistes) et qu’ensuite ils nous les exportent.
Peut-on dire que vous êtes trumpienne sans être trumpiste ?
Il faudrait peut-être plutôt dire que Trump est lepéniste ! Parce que Jean-Marie Le Pen a annoncé, bien avant le président américain, que le temps des nations était venu. La globalisation est finie, c’est une étoile morte. L’Union européenne crève de ne pas comprendre ce phénomène.
Les manières de Trump sont déconcertantes, on se dit que, si on l’énerve, il va envahir le Groenland. La politique semble condamnée à la vulgarité à l’ère des réseaux sociaux. En souffrez-vous ?
Une chose est sûre. Le discrédit organisé méthodiquement contre le fait politique, contre la décision politique et donc contre les politiques détourne un certain nombre de personnes de la politique. Cela m’inquiète beaucoup. Trump, lui, a une méthode de chef d’entreprise. Il fonctionne à l’intimidation. Il se sert des avantages de son pays, dont le premier est la puissance, pour obtenir ce qu’il souhaite. Cela nous paraît brutal, excessif, mais quand on est président des États-Unis, ça marche redoutablement bien. En revanche, si vous êtes Premier ministre de la Hongrie, ça marche beaucoup moins bien.
« Nous sommes le parti le moins sectaire du Parlement. » Marine Le Pen et Éric Ciotti aux Salons Hoche, Paris, 24 juin 2024 (C) NICOLAS MESSYASZ/SIPA
Et si vous présidez la France ?
Nous sommes une nation particulière. Malgré toute l’énergie que nos élites ont employée à le faire oublier, la France est une puissance.
Une puissance qui se fait marcher dessus par l’Algérie. Quand vous voyez Trump se payer la tête de Macron, que ressentez-vous ?
Je suis malheureuse pour mon pays. C’est une humiliation nationale. On peut penser que Macron l’a bien cherché, mais c’est le pays qui est humilié.
Et que pensez-vous de Giorgia Meloni ?
Je la connais depuis très longtemps. Elle est incontestablement une vraie politique, une femme de caractère et de convictions. Des gens possédant son sens politique, sa force politique et ses convictions, on n’en rencontre pas beaucoup. Néanmoins je me méfie de la manière dont on nous vend le miracle économique italien. On oublie de dire qu’il doit beaucoup aux 240 milliards du plan de relance européen, donc à notre fric. Nous participons à hauteur de 18 % au budget de l’Union. Si on recevait l’équivalent de ce que Rome a touché ces dernières années, il serait plus facile de boucler le budget de la France. Tout cela explique que je sois souvent en contradiction avec Giorgia Meloni. Elle défend les intérêts de l’Italie. Et ils s’opposent parfois aux nôtres.
Meloni incarne aussi une méthode politique : l’union des droites, grâce à laquelle elle gouverne l’Italie depuis trois ans. Pourquoi ne pas suivre cette voie, qui lui a si bien réussi ?
Je sais bien, Sarah Knafo et Marion Maréchal me pressent de la prendre en exemple. Mais il faudrait arrêter le fantasme ! Je rappelle comment fonctionne l’union des droites en Italie. Chacun présente des candidats dans toutes les circonscriptions, donc partout vous avez le choix entre des candidats berlusconistes, des candidats salvinistes et des candidats melonistes. Après, et seulement après les élections, ils font une coalition gouvernementale. Rien à voir avec l’union des droites réclamée en France par les candidats de Reconquête, qui veulent qu’on leur laisse des circonscriptions pour se faire élire avec nos voix. Quel intérêt pour nous ?
Pour la première formule, à l’italienne, vous seriez d’accord ?
Bien sûr ! J’ai dit qu’à partir du moment où demain nous avons une majorité relative, on ira chercher dans l’Assemblée nationale des gens pour pouvoir faire une coalition gouvernementale sur des éléments qui nous paraissent essentiels. Je n’ai aucun problème avec cela.
Avez-vous des divergences avec Jordan Bardella, notamment sur le plan économique ? D’ailleurs, il cite Nicolas Sarkozy comme une de ses références.
Une erreur de jeunesse (rires).
Donc pas de friture entre vous ?
Il existe une différence d’images entre lui et moi. Mais de différence réelle, pour l’instant, je n’en ai pas vu. On peut avoir des discussions, comme sur la flat tax, mais jamais de divergences.
Vous savez très bien que ce genre de duos finit souvent par une rivalité. Qu’est-ce qui vous rend tellement sûre que vous l’éviterez avec Jordan Bardella ?
Je suis la candidate de Jordan à la présidentielle, mais je ne vais pas y retourner vingt-cinq fois de suite. Quand je dis cela, personne ne me croit, parce que tout le monde part du principe qu’en politique, tout le monde a un égo démesuré. Pas moi.
C’est peut-être un problème, non ?
Oui, peut-être, ou alors ce qui fait ma différence par rapport aux autres. L’idée de pouvoir être remplacée un jour non seulement ne m’empêche pas de dormir, mais me permet de mieux dormir. C’est pour cela que j’ai transmis le parti à Jordan. Alors que tout le monde m’incitait à le garder. Eh bien non. L’idée qu’il y ait derrière moi des gens pour mener ce combat, c’est l’une de mes grandes fiertés.
En somme, vous lui avez transmis le parti comme votre père vous l’avait transmis ?
Oui, sauf que je ne suis pas assise sur l’épaule de Jordan matin, midi et soir pour lui dire : « Ça, il ne faut pas faire, et ça, oui. » Ce que mon père avait quand même tendance à faire (rires).
Mais croyez-vous que les votes en votre faveur se reporteront automatiquement sur lui ? Quelles que soient ses qualités, sa jeunesse ne peut-elle pas effrayer ?
Je suis convaincue que ceux qui veulent redresser la France le soutiendront s’il devait reprendre le flambeau dès 2027. Et que ceux qui ont peur se rassurent, la jeunesse, ça ne dure pas.
Vous êtes l’une des personnalités politiques dont on connaît le moins la vie sentimentale. On ne connaît pas le visage de vos enfants, par exemple. Le seul détail de votre vie privée actuelle auquel le grand public ait accès, ce sont les chats.
Et encore, c’est un concours de circonstances. Le fait que mes chats soient célèbres ne leur cause aucun préjudice, alors que mes enfants pourraient pâtir d’une exposition médiatique. Si je protège ma vie privée, c’est d’abord pour protéger la leur. Rien n’est pire que d’être défini par son patronyme ou les choix politiques de ses parents. Je l’ai vécu moi-même, et j’ai voulu que mes enfants aient la liberté d’être appréciés tels qu’ils sont, eux, et pas telle que je suis, moi.
Yaël Braun-Pivet à l'Assemblée nationale, Paris, le 28 octobre 2025. Jacques Witt/SIPA
Avec Céline Pina, Eliott Mamane et Jeremy Stubbs.
Capture France info TV
Mercredi 5 novembre, lors de la séance des questions au gouvernement, des filles assises dans les tribunes publiques et faisant partie d’un groupe scolaire étaient voilées. Ce fait a été signalé par nos confrères de Frontières. Selon l’article 8 de l’Instruction générale du bureau de l’Assemblée nationale, « Pour être admis dans les tribunes, le public doit porter une tenue correcte. Il se tient assis, découvert et en silence ». Porter un voile et être « découvert » semblent bien incompatibles.
Céline Pina analyse pour nous ce qui ne peut être qu’une nouvelle tentative islamiste pour tester et même repousser les limites de la notion républicaine de laïcité. La faiblesse de la réaction gouvernementale et le soutien apporté par les islamo-gauchistes de LFI à ceux qui défient ainsi les valeurs occidentales montrent combien la lutte contre l’islamisme est mal engagée.
A la suite de la victoire de Zohran Mamdani à New York, ainsi que d’autres victoires démocrates dans le New Jersey, en Virginie et en Californie, Eliott Mamane explique les derniers développements au sein du Parti démocrate. Si Mamdani a fait preuve d’une grande habileté politique en se faisant élire maire de New York, sa ligne radicale n’a pas nécessairement vocation à devenir celle de son parti. Les deux femmes qui sont les nouveaux gouverneurs de la Virginie et du New Jersey sont nettement plus modérées que la nouvelle coqueluche de la gauche socialiste. Et ces victoires démocrates sont redevables en partie à la situation économique de beaucoup d’électeurs qui comptaient sur le président Trump pour résoudre leurs problèmes et qui se trouvent, pour l’instant, déçus.
Lors du concert de l’Orchestre philharmonique d’Israël hier soir à la Philharmonie de Paris, des spectateurs ont tenté à trois reprises d’interrompre la représentation avec des fumigènes avant d’être évacués. La Philharmonie a porté plainte et quatre personnes ont été placées en garde à vue. Rachida Dati a condamné fermement ces perturbations, affirmant sur X que « la violence n’a pas sa place dans une salle de concert »
J’ai d’abord cru à un remake de la fameuse bataille d’Hernani avant d’apprendre que les troubles qui ont eu lieu jeudi soir au concert donné à la Philharmonie de Paris par l’Orchestre philharmonique d’Israël n’étaient en rien la manifestation spontanée d’un désaccord artistique. Des personnes munies d’un billet d’entrée tentèrent à trois reprises d’interrompre la représentation.
Spectateurs excédés
La Philharmonie a condamné ces « graves incidents » et a décidé de porter plainte tout en tenant à rappeler qu’elle a à cœur d’accueillir des artistes de toutes origines, qu’ils soient israéliens ou palestiniens. Elle tient d’ailleurs à préciser qu’une invitation n’est pas une prise de position politique. À bon entendeur…
Il est 20h15 (soit quinze minutes après le début du concert) quand deux militantes situées au balcon central, avec la prestance et l’agilité d’un diable sorti de sa boîte, déploient une banderole « Free Palestine » et commencent à entonner le sempiternel refrain « Stop au génocide ». De leur perchoir, elles se mettent à jeter des tracts qui tourbillonnent et atterrissent dans la fosse d’orchestre. Probablement surpris par une telle pluie, le pianiste (Schiff) s’arrête de jouer. Plusieurs spectateurs, visiblement excédés, se saisissent des deux mutines. Des coups de poing sont échangés, des cheveux sont tirés. Les services de sécurité grimpent dans les gradins et, à 20h20, les deux femmes – dûment menottées- sont sorties de la salle. La musique reprend ses droits quand un homme, sis dans le parterre cette fois, active un fumigène rouge. Les couleurs de l’enfer se déploient dans la grande salle, une épaisse fumée envahit la scène et l’alarme incendie se déclenche. Dramaturgie en trois actes ! La salle est plongée dans un brouillard pourpre. Les ombres rougeoyantes plongent la Philharmonie dans un climat de purgatoire. Le public tousse, certains suffoquent, le tout sur fond de huées avant qu’on ne parvienne à éteindre le fumigène et qu’on aère la salle. Un semblant d’ordre revient enfin et Shani remonte sur scène, prend le micro et dit jouer « pour la paix, pas pour la haine ». Une ovation éclate. L’Art – un instant – semble triompher et la symphonie numéro 4 de Brahms reprend.
Toutes les couleurs du palestinisme !
Mais probablement troublée par ce temps de sérénité, une femme située au deuxième balcon, allume un second fumigène. Vert cette fois-ci. Notons le souci de variation dans les couleurs. Nouvelle évacuation, la sécurité boucle les issues. Il s’agirait que la plaisanterie ne se reproduise pas une quatrième fois. D’ailleurs, il n’y a même plus de dicton pour cela : « Jamais deux sans trois », la comptine ne saurait aller plus loin.
La musique reprend et cette fois-ci, c’est la bonne ! Rien ne viendra plus interrompre le concert. Quant à savoir dans quel état d’esprit étaient le public ou les musiciens… probablement aussi tendus que la corde de l’archet.
Un torrent d’applaudissemenst est venu clore cette soirée, la foule éprouvée a tenu à remercier les musiciens d’être restés. Malgré tout. Envers et contre la haine qui – par trois reprises – s’est levée.
Mais là où le symbole devient extraordinairement fort, c’est que les œuvres choisies entraient quasiment en résonance avec les débordements qui avaient cours dans la salle. Le concerto pour piano n°4 de Beethoven évoque la douceur triomphant de la force quand la symphonie n°4 de Brahms s’attarde sur la musique qui se donne pour insensée mission de transcender la douleur…
Manon Aubry, Jean-Luc Mélenchon ou Thomas Portes ont refusé de condamner les « incidents ». Il y a décidément des sujets qui, chez LFI, provoquent un mutisme des plus complets.
Dans son dernier rapport, le CAE expose au gouvernement un large éventail d’économies possibles. Mais certaines questions demeurent taboues, déplore cette tribune.
Placé auprès du Premier ministre et composé d’économistes universitaires, le Conseil d’analyse économique (CAE) a pour mission, si l’on en croit le site internet de l’institution, « d’éclairer, par la confrontation des points de vue et des analyses, les choix du gouvernement en matière économique ». Il est censé réaliser « en toute indépendance », des analyses économiques pour le gouvernement, et les rend publiques.
Tax force
Dans sa dernière livraison (Comment stabiliser la dette publique ? CAE, Focus n°124, 16 octobre 2025), le CAE s’efforce de recenser les pistes envisageables pour réduire la dette publique. Il évalue tout d’abord à 112 Md€ (soit un peu plus que trois points de PIB) l’effort pérenne d’ajustement budgétaire à réaliser – par le biais d’une hausse des recettes ou une baisse des dépenses – pour stabiliser la dette publique. Cette première partie de la publication n’appelle guère de commentaires : tant en termes de méthode que d’ordre de grandeur des résultats, le CAE se place dans le prolongement de nombreux travaux déjà disponibles par ailleurs, notamment ceux du Haut conseil pour les finances publiques (HCFP) ou ceux du site Fipeco animé par François écalle.
S’agissant des pistes de hausses des recettes et de réduction des dépenses, le CAE prétend réaliser « un travail de synthèse » s’appuyant sur « un large corpus de rapports institutionnels, d’études académiques et d’analyses de différents groupes de recherche ». Du côté des recettes, le CAE identifie presque une centaine de mesures qui pourraient générer au total jusqu’à 111 milliards de recettes supplémentaires chaque année ! Pour n’en citer que quelques-unes : l’augmentation d’un point du taux de CSG et des taux de TVA, la réintroduction de la taxe d’habitation et de l’ISF, l’augmentation d’un point de tous les taux d’impôt sur le revenu, l’augmentation de 8,5 points de l’impôt sur les sociétés, la taxation accrue de l’héritage, la fin de la défiscalisation du gazole non routier… Le CAE prend garde à ne pas omettre la « taxe Zucman », même s’il évite prudemment de la mettre en avant.
Oublis
Quand il s’agit d’augmenter les impôts, certains, à l’université ou dans des organismes officiels, ne semblent donc décidément pas manquer d’imagination. Mais on peut se demander s’il est bien raisonnable de proposer de nouvelles hausses d’impôts en France, au moment même où notre pays présente à la fois la part des dépenses publiques dans le PIB la plus élevée de tous les pays de l’OCDE (57,3 % du PIB en 2024) et le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé (43 % en 2024), ce que la publication du CAE se garde de rappeler. Il peut être tentant, pour le gouvernant qui souhaite s’épargner un effort réel de réduction des dépenses, de céder à la facilité qui consiste à raboter les niches fiscales ou à alourdir la fiscalité sur les plus aisés, en s’appuyant sur l’argument selon lequel certains individus seraient moins lourdement taxés que d’autres. Nous pensons au contraire que dans la situation qui est celle de notre pays à présent, la réduction massive des dépenses constitue la seule voie pertinente pour maîtriser la dette dans la durée, et que l’engagement à ne pas augmenter quelque impôt que ce soit, voire les baisser, est nécessaire pour crédibiliser une démarche sérieuse de redressement des finances publiques.
Du côté des dépenses, le CAE montre nettement moins d’empressement et d’insistance que pour les recettes à recenser l’ensemble des pistes d’économie qui ont pu être évoquées sur la place publique. Vous ne trouverez pas trace, dans ce document du CAE, de possibles économies sur l’aide au développement, ou encore des recettes que pourrait générer une privatisation de l’audiovisuel public. Il n’y a pas non plus la moindre suggestion de tenter de négocier auprès de Bruxelles un rabais sur notre contribution au budget de l’UE, ce que font pourtant de longue date – avec succès – l’Allemagne et les Pays-Bas. Pas de remise en cause non plus des dizaines de milliards de subventions aux véhicules électriques, aux panneaux photovoltaïques et aux éoliennes, subventions versées sans effet autre que très symbolique sur le niveau de CO2 dans l’atmosphère. On n’y trouve pas davantage la proposition pourtant émise par plusieurs partis politiques de conditionner à une durée minimale de séjour régulier en France la possibilité pour les étrangers de percevoir des aides sociales, une disposition qu’appliquent pourtant plusieurs autres pays de l’UE. Le CAE ne se donne même pas la peine d’évoquer un possible coup de rabot – sans aller jusqu’à parler d’une suppression pure et simple – de l’Aide médicale d’État (AME), qui a pourtant fait l’objet de rapports officiels.
Pincettes
Le CAE évoque les effets bénéfiques que présenterait un relèvement du taux d’activité des seniors – nous acquiesçons – mais ne s’interroge pas sur le gâchis que représente, pour la collectivité et pour les intéressés eux-mêmes, l’absence de sélection à l’entrée à l’université, où plus de la moitié des étudiants échouent et abandonnent avant d’avoir obtenu le moindre diplôme. La question de la fraude aux prestations sociales est certes abordée, mais avec des pincettes, et sans que le CAE ne juge utile de s’interroger sur les incohérences du discours officiel (soulevées entre autres par Charles Prats) face aux millions de cartes Vitale surnuméraires.
Si le nombre de mesures d’économies est conséquent, leur ampleur est souvent limitée, par exemple quelques dizaines de millions pour les associations, quelques dizaines de milliers de postes administratifs à comparer aux centaines de milliers créés au cours des dernières décennies. Certains domaines sont contournés : soutien à l’Ukraine, multiplicité d’agences souvent controversées, par exemple dans l’audiovisuel, l’écologie ou encore l’immigration.
Il faut donc croire que pour le CAE, certaines questions sont taboues, celles précisément dont le traitement – ou plus exactement le non-traitement – par le pouvoir et par les élites heurte le bon sens de nos concitoyens. On n’ira pas ici jusqu’à proposer la suppression du CAE lui-même, qui coûte sans doute sensiblement moins cher à la collectivité que France Télévisions, mais la façon dont le CAE évacue les questions qui fâchent ne nous semble hélas pas de nature à réconcilier le peuple et ses élites.
Enfin, il est fait référence à des réformes structurelles débouchant sur une baisse notable du chômage ou encore sur un redressement des gains de productivité, le tout rehaussant la croissance et au-delà les recettes publiques. Comment les hausses d’impôts envisagées pourraient-elles stimuler l’investissement, l’innovation et in fine l’activité économique ? Cela reste assez mystérieux.
Le magazine Causeur du mois consacre un dossier de 18 pages à cette fameuse union des droites qui n’advient jamais
Pour les copains de Valeurs actuelles, ça ne fait pas un pli. Voici venue « l’heure de la coalition », proclament-ils en une le 15 octobre. Avec, en illustration, une belle brochette d’éminences de droite encadrant Marine Le Pen façon équipe de campagne. Ils sont venus, ils sont tous là – Villiers, Bardella, Retailleau, Lisnard, Maréchal, Ciotti, Knafo, Bellamy, Zemmour. Dans la vraie vie, certains ne s’adressent plus la parole. Sur le photomontage, tous sourient, tournés vers le même avenir radieux.
Droite plurielle
La presse de gauche s’en désole quotidiennement – tout en réclamant le pouvoir pour son camp : la France se droitise. Dans la dernière livraison de « Fractures françaises », l’enquête annuelle Cevipof/Ipsos/Le Monde, 41 % des Français se positionnent à droite et 28 % à gauche (18 % choisissent le centre et 13 % ne se prononcent pas). Sur le papier, c’est donc imparable. Il suffirait que toutes les droites (en l’occurrence, LR, RN et Reconquête !) s’allient pour gouverner ensemble. Une hypothèse d’autant plus logique que l’intimidation morale a sans doute jeté ses derniers feux en 2022. Même Retailleau, l’un des plus hostiles à une entente avec le RN, n’ose pas parler de divergences de valeurs.
Si Emmanuel Macron avait chargé une IA de fabriquer une majorité à partir du Parlement issu des législatives de juin 2022, elle aurait donc certainement imaginé un genre de droite plurielle – à moins évidemment d’avoir été dressée pour faire barrage à qui on sait. Beaucoup de sympathisants de droite, convaincus que leurs idées sont majoritaires dans le pays, se demandent donc par quelle entourloupe ils se retrouvent cocus, puisque c’est aujourd’hui le Parti socialiste qui semble tenir entre ses mains le sort du gouvernement et du pays. Dans les bistrots, on se dit que tous ces chefs devraient se mettre d’accord dans l’intérêt de la France et que, s’ils ne le font pas, c’est par préférence pour leurs intérêts et leurs carrières. C’est un peu court. Les appétits et les rivalités existent aussi à gauche, mais n’empêchent nullement de faire front commun quand il faut gagner.
Osons une hypothèse. Ce qui empêche de faire la même chose à droite, c’est peut-être que la droite n’existe pas. Déjà ce n’était pas simple du temps de René Rémond et de ses trois droites (qui ne se sont jamais coalisées), mais depuis que le populisme a déboulé dans le jeu, captant une partie notable de l’électorat bonapartiste (mais pas que), c’est la pagaille. Il faut dire que si le mot « gauche », en dépit de toutes les turpitudes qu’il couvre, conserve un pouvoir magique (même si ce pouvoir a tendance à s’user), le vocable « droite », lui, ne convoque rien et n’évoque pas grand-chose, sinon ce qui n’est pas la gauche.
Le cauchemar de l’IFOP
Les électeurs du RN, de LR et de Reconquête ! se déclarant massivement favorables à l’union des droites, on croit naturellement qu’ils sont tous de droite. En réalité, beaucoup accepteraient n’importe quel attelage capable de les délivrer du cauchemar « socialo-macroniste » qui a conduit le pays au multidésastre. Brice Teinturier observe avec effroi la convergence des deux électorats qui trouvent « qu’on n’est plus chez soi en France » (85 % à LR, 94 % au RN), qu’il y a trop d’étrangers (86 % à LR et 95 % au RN), et qu’il faudrait « un vrai chef pour remettre de l’ordre » (95 % et 99 %). Ils sont même d’accord pour lutter contre l’assistanat (88 % et 70 %).
Pourtant, à la différence de Jordan Bardella qui a confessé un ancien tropisme sarkozyste, Marine Le Pen refuse de se dire de droite. Tout juste concède-t-elle du bout des lèvres qu’en cas de besoin, elle accepterait l’appoint venu de ce côté-là de l’hémicycle. Forte de ses records de popularité, la patronne du RN a forcé la porte du club des dirigeants responsables et respectables. Mais on dirait qu’elle ne se sent pas appartenir au même monde qu’eux. « Beaucoup de gens à droite voudraient des gens comme nous mais qui soient plutôt comme eux, nous confie-t-elle (lire notre grand entretien). Peut-être ne sommes-nous pas assez bourgeois. » Et certainement moins conservateurs. Entre les électeurs lepénistes et ceux de la droite classique, les différences sont donc moins idéologiques que culturelles. Et il ne s’agit pas seulement de classe sociale, mais d’ethos et de vision du monde. Teinturier note que 58 % des sympathisants du RN et seulement 23 % des sympathisants LR déclarent appartenir à « une France contestataire et en colère ». Derrière des incarnations nationales très diverses, la spécificité des populismes est précisément d’avoir accommodé politiquement la colère contre les élites, devenue leur principal carburant électoral, au risque d’être érigée en légitimité incontestable.
Reste que, face au danger, on ne chipote pas sur le pedigree de ses camarades de tranchées. Or la majorité des dirigeants et des électeurs de cette famille politique qui n’en est pas une, ou alors très dysfonctionnelle, partagent au moins les mêmes inquiétudes. Beaucoup sont certains que, faute de changement radical de direction, le déclin du pays sera bientôt irréversible. Reste à savoir combien, une fois dans l’isoloir, se diront, à l’instar du président Mao, que peu importe la couleur du chat pourvu qu’il attrape la souris.
À l’aide d’une centaine de chroniques diffusées sur France Inter, Christophe Bourseiller explique pourquoi notre société ne cesse de l’étonner et de le rendre complètement cinglé.
Ce monde me rend fou, c’est le nom de la chronique que donne Christophe Bourseiller chaque samedi et dimanche, à la fin de la matinale, sur les ondes de France Inter. Il a recueilli celles-ci dans un livre dans lequel « il pose un regard espiègle sur notre époque », selon son éditeur. Bourseiller rendu fou par l’époque ? On est en droit de le comprendre. L’auteur analyse la société, ses écarts, ses lubies, ses emballements, ses tics, ses modes, ses bouleversements inattendus. Ses horreurs aussi.
Tatouages, influenceurs, musées improbables…
Tout y passe : les tatouages (« (…) l’individualisme triomphant »), les musées surprenants (dont celui du Phallus en bocal à Reykjavik, ou celui de la Nourriture dégoûtante en Suède), l’enfer numérique (« On réalise avec effroi que le conte de fées d’hier a tourné au cauchemar vinaigré. »), les influenceurs (« (…) une minorité d’influenceurs (environ 6%) gagnent très bien leur vie, en se vendant aux marques. Mais 94 % galèrent et mentent sur leur quotidien. »), les insultes en politique (« (…) Dominique Strauss-Kahn dit d’Arlette Laguillier en 2004 : « C’est l’union d’un postier et d’une timbrée. »… », et le fait que le lapin soit l’avenir de l’homme (n’en déplaise à Jean-Jacques Goldman : « Un lapin, ça ne sert à rien… » chante-t-il, enfin presque.)
On rit souvent en lisant cet opus ; on s’insurge parfois. On se régale assez souvent car Christophe Bourseiller sait écrire. « Ce monde me rend fou… Tout est dans le titre et tout est dit », affirme-t-il en préambule. « Depuis cinq ans, j’épingle les travers d’une société de plus en plus éruptive, désarticulée, polarisée, binaire, agressive, hypnotisée par ses lubies, dérivant à la façon d’un rafiot fantôme égaré sur une mer de sacs en plastique. Tel est l’enjeu de ce qui n’est pas une chronique d’humour, mais une chronique d’humeur. Je ne suis en fin de compte qu’un passant témoin de faits divers, ou encore un enfant en proie à la désillusion. Moquer l’époque présente fait-elle de moi un réac ? Je ne crois pas ? Il m’arrive de sombrer dans un certain passéisme, mais ces instants d’égarement sont rares, car, non, rien de rien, je ne regrette rien. »
Pas un réac ? Certainement. Il n’empêche que, comme beaucoup, quand il regarde du côté du passé, il pense souvent que ce n’était pas si mal. C’est un euphémisme que de le dire.
Suspendre la réforme des retraites ne représenterait « que » trois milliards d’euros de coût, selon le Premier ministre Sébastien Lecornu, qui juge qu’un nouveau changement de gouvernement, une dissolution ou un rejet du budget seraient encore plus préjudiciables à l’économie nationale.
Afin d’éviter la censure et de se maintenir au pouvoir, avec la bénédiction du président Macron et de Mme Borne, Sébastien Lecornu a décidé de geler la réforme des retraites.
Pourtant, en matière de retraites, il va bien falloir que nos braves concitoyens se mettent dans la tête que TOUS les principaux pays européens ont reporté l’âge légal de départ à la retraite. Ce dernier dans l’UE varie d’un État membre à l’autre. Il va de 60 ans pour les femmes en Pologne à 67 ans dans plusieurs pays comme l’Allemagne, le Danemark, l’Italie ou les Pays-Bas. Détaillons un peu[1], pour être parfaitement clair : Allemagne (66 ans et 2 mois), Belgique (65 ans), Danemark (67 ans), Espagne (65 voire 66 ans), Italie (67 ans), Portugal (66 ans et 7 mois).
Comparaison n’est pas raison, mais
Bien entendu, derrière ces chiffres, il y a des réalités disparates et les comparaisons doivent être relativisées. En effet « les âges légaux de chaque pays ne sont pas complètement comparables, ou du moins ne suffisent pas à comparer des systèmes de retraite. En effet, de fortes variations existent d’un pays à l’autre, en termes de conditions d’éligibilité, de durées de cotisation et d’affiliation, de salaires pris en compte pour le calcul, ou de dispositifs permettant un départ avant l’âge légal (retraite anticipée), etc. », indique pertinemment le Cleiss (Centre des Liaisons Européennes et Internationales de Sécurité Sociale).
Il n’empêche qu’en France, vu l’état de nos finances (générales et sociales) qui décline de plus en plus, il va falloir faire un effort colossal. Et cela passe aussi par l’allongement de l’âge légal de la retraite. C’est incontournable. C’est vital. La réforme Borne allait dans le bon sens même si elle ne résolvait pas tout, loin de là. Rappelons que le dernier rapport du Conseil d’Orientation des Retraites a chiffré que, même avec cette réforme adoptée en 2023, notre système de retraite file vers 15 Mds € (en € 2024) de déficit en 2035 et 30 Mds € en 2045. Cela représente près de 75 Mds € de déficit cumulé d’ici 2030 – même avec la réforme, donc[2]. Quant aux pistes pour financer les renoncements attendus, elles sont irréalistes, sauf à pénaliser durablement le pouvoir d’achat et la compétitivité. C’est donc un gel prolongé des retraites qui est aussi envisagé dans le projet de budget pour la Sécurité sociale.
L’annonce de M. Lecornu est uniquement motivée par sa volonté de s’attacher l’onction des socialistes et celle de certains LR effrayés par leur électorat en cas de dissolution. Ceci afin de s’assurer un budget qui sera d’ailleurs rempli de chausse-trapes pour compenser le gel de la réforme. Budget pour la confection duquel il n’a pas fait le plus dur….
Un coût énorme
En tout état de cause, même si le prix Nobel d’économie, M. Philippe Aghion (ancien conseiller d’Emmanuel Macron et principal inspirateur de la réforme Borne), affirme le contraire, ce renoncement — cet enterrement même — aura un coût énorme. Mettre sur pause la réforme des retraites ne coûterait « que » trois milliards d’euros selon M. Lecornu. Ce qui a été avancé exactement par le Premier ministre, c’est que cette mesure devrait bénéficier « à terme à 3,5 millions de Français » mais représente un coût important avec « 400 millions d’euros en 2026 et de 1,8 milliard d’euros en 2027 ».
Ce chiffre relève de l’insincérité pure et simple (c’est une faute en matière budgétaire) car il s’agirait du coût pour 2027, pour l’ensemble des régimes.
La proposition retenue est de mettre sur pause l’âge d’ouverture des droits, qui serait stoppé à 62 ans et 9 mois, et la durée de cotisation à 170 trimestres.
Ce tableau présente les deux principaux paramètres de l’âge avec la réforme de 2023
Naissance
Âge légal
Trimestres exigés
1955, 1956, 1957
62 ans
166
1958, 1959, 1960
62 ans
167
1/1 au 31/8 1961
62 ans
168
1/9/1961 au 31/12/61
62 ans et 3 mois
169
1962
62 et 6 mois
169
1963
62 et 9 mois
170
1964
62 et 9 mois
170
1965
63 ans
171
1966
63 et 3 mois
172
1967
63 et 6 mois
172
1968
63 et 9 mois
172
1969 et après
64 ans
172
Les changements dus à la suspension sont mis en rouge et gras. Le 23 octobre, le gouvernement adopte la lettre rectificative au PLFSS 2026. Il crée un article modifiant le code de la Sécurité sociale, et suspend ainsi la réforme des retraites de 2023 jusqu’à l’élection présidentielle :
l’âge légal de la retraite est reporté d’un trimestre de la génération 1964 jusque celle de 1968 ;
la durée d’assurance requise pour bénéficier du taux plein est réduite d’un trimestre, soit : – 170 trimestres au lieu de 171 si né en 1964 – 171 trimestres au lieu de 172 si né en 1965. La loi devra être changée avant fin 2027 si l’on souhaite bien maintenir l’âge à 62 ans et 9 mois en 2028. Source: CFDT.
Dans un rapport de 2025, la Cour des Comptes a estimé qu’un arrêt de la progression de l’âge d’ouverture à 63 ans aurait un coût complet de 13 milliards pour 2035 (Situation financière et perspectives du système de retraites, Communication au Premier ministre, Février 2025 ; Cour des comptes).
Cette évaluation souligne le poids des paramètres de l’âge sur l’évolution de la population active et donc sur le potentiel de croissance du pays. Ainsi, le coût pour l’ensemble des finances publiques est presque le double du coût pour le seul système de retraites. L’autre volet, c’est la durée de cotisation. Ainsi, contrairement aux principaux pays de l’UE, stopper l’allongement de la durée de cotisation reviendra à geler à 170 trimestres la durée de cotisation requise. On peut estimer que cela représente environ la moitié des effets calculés par la Cour qui prend une hypothèse plus forte (retour aux 168 trimestres), soit 2 Mds € pour le système de retraites et 3,5 milliards pour l’ensemble des finances publiques d’ici 2035. Au total, c’est donc 5,8 Mds € d’économies pour le système de retraites, et à 16,5 Mds € pour l’ensemble des finances publiques 2035 auxquels on s’apprête à renoncer (IFRAP ibid[3]). On est loin des « que 3 milliards » de M. Lecornu.
Et puis ce renoncement (plus que gel !) va nécessiter de compenser le rendement de la réforme des retraites. Il faudra alors majorer au minimum de 2 points les cotisations vieillesse déplafonnées, soit, pour un salaire brut moyen français, un surcoût de 400€ par an (probablement plus, en € courants). Cet effort pèsera soit sur le pouvoir d’achat (cotisations salariales), soit sur la compétitivité des entreprises (cotisations employeurs). Deux secteurs que le déficit abyssal nécessite au contraire de dynamiser. Un tel retour en arrière (suggéré quand même par Mme Borne !) est incompatible avec des mesures de relance par la consommation et de soutien à la réindustrialisation (rappelons que les salaires dans l’industrie étant plus élevés que dans l’économie en général, les emplois industriels sont moins bénéficiaires des exonérations de charges).
Il existe à vrai dire une alternative que les défenseurs du retour en arrière envisagent sans toutefois oser le dire. C’est le gel sur les retraites. Rien que pour financer le retour en arrière réclamé par une partie de la représentation nationale, c’est environ 4 ans de désindexation totale (jusqu’en 2029) de l’ensemble des retraites qu’il faudrait adopter.
Et n’oublions pas que, pendant ce temps, on ne parle pas non plus des comptes de la branche maladie : déficit anticipé par la Commission des comptes de la Sécurité sociale à 16 Mds € pour 2025 (perspectives plus sombres attendues dans le rapport d’octobre vu la mise à l’arrêt de l’économie).
Et puis rappelons aussi que l’ex-rapporteur du budget, Charles de Courson, a chiffré à 15 milliards le « déficit » des pensions publiques d’Etat.
Dès lors, comme beaucoup d’économistes (raisonnables) le redoutaient, ce gel de la réforme Borne va faire exploser la charge de la dette et augmenter le déficit. A des fins uniquement politiques, Sébastien Lecornu a, ni plus ni moins, passé un deal politique avec la gauche et passé par pertes et profits la seule réforme structurelle du mandat Macron. Sous prétexte qu’il valait mieux un budget pour retrouver de la stabilité et adopter un mauvais budget pour gagner du temps…C’est un choix purement et simplement catastrophique qu’au surplus les agences de notation vont prendre en compte (elles qui saluaient la réforme). Résultat ? Nos notes vont être abaissées. Et plus ça va, et plus le FMI est en approche…
Dernier mot. Renvoyer à l’élection de 2027 pour réformer les retraites est d’une lâcheté gravissime. Au moment où l’on écrit ces lignes, le compteur de la dette publique française est à 3433 milliards d’euros. Et il va encore défiler, d’ici 2027…
« Qui pense au pire devine juste. » (Proverbe grec).
À l’occasion de la première édition des prestigieux prix MeTooMedia, l’animatrice Enora Malagré affirme: «Il faut absolument pousser les femmes à prendre des postes à haute responsabilité dans les médias.»
Tout le monde sait que les journaux ne parlent pas assez des violences faites aux femmes. Le 9 octobre, la prestigieuse première édition des prix MeTooMedia s’est tenue à Paris.
Nos militantes néoféministes espéraient redonner du souffle au maccarthysme castrateur qui s’est abattu sur l’Occident depuis l’affaire Weinstein. « Les prix MeTooMedia récompensent les enquêtes approfondies, les récits poignants et les œuvres qui brisent le silence », apprend-on sur le site de l’organisation. La cérémonie entendait ainsi « saluer l’engagement de celles et ceux qui informent, sensibilisent et œuvrent pour une culture plus responsable », selon la présidente Emmanuelle Dancourt, ex-journaliste télé, plaignante dans l’affaire PPDA et autrice d’une lettre ouverte contre Depardieu, adressée à Macron et signée par 7 000 personnes. Depuis, cette consœur s’est reconvertie dans les formations en VSS, et milite notamment pour que les entreprises investissent davantage dans ce domaine – le minimum syndical étant apparemment d’avoir un référent par boîte.
Giulia Foïs, injustement écartée de France Inter, présidait le jury, entourée d’Enora Malagré, de Lou Trotignon, premier humoriste transgenre, et de Mathilde, chanteuse des tubes Révolution et L’Hymne des femmes. Le prix du meilleur reportage est revenu à Ariane Griessel (France Inter) pour « Violences conjugales : les entendez-vous dans nos campagnes ? » Anouk Grinberg a reçu celui du meilleur livre pour Respect, et Mediapart le prix du jury pour l’ensemble de ses réalisations. Lénaïg Bredoux, responsable éditoriale du pôle « genre et violences sexistes » du journal de Plenel, rappelle que « la presse a longtemps caché les faits concernant les droits des femmes et des minorités ». Mais, se félicite-t-elle, les choses bougent enfin. Enora Malagré tempère : « La place des femmes dans les médias n’a pas vraiment évolué depuis MeToo. On ne compte quasiment aucune femme issue de la diversité à la tête des grandes émissions, à part Karine Le Marchand. » Bonne nouvelle : si les violences faites aux femmes et la culture du viol sont systémiques, nos rebelles pouvaient quand même compter sur le soutien du système : ministères de la Culture, de l’Égalité entre les femmes et les hommes, SNJ, Thalie Santé… etc.
Mais pas question de baisser la garde : la chanteuse Mathilde a arboré toute la soirée un T-shirt proclamant fièrement « Bagarre ».
Jhordana, la jeune femme qu’un Égyptien a tenté de violer dans le RER C le 16 octobre, connaissait-elle la fameuse méthode des «5-D»?
C’est le genre d’affaire qui déclenche de douloureuses tempêtes sous les crânes de gauche. Dès qu’il est question d’agressions sexuelles ou plus généralement de la sécurité des femmes dans l’espace public, le progressiste sent le danger. C’est que, comme le résumait génialement Muray, ces thématiques devenues des marronniers annoncent généralement un combat entre Moderne et Moderne – en l’occurrence Féminisme et Antiracisme. Je vous épargne le suspense : à la fin, c’est toujours l’antiracisme qui gagne.
Notre progressiste a beau être entraîné à ne pas voir ce qu’il voit et à traiter de salauds et de fascistes tous ceux qui s’obstinent à voir, il est difficile d’ignorer ce que savent sa mère, ses sœurs, ses filles, ses copines : ceux qui les emmerdent, les terrorisent ou les agressent dans la rue et le métro répondent rarement à la définition du mâle blanc que les belles âmes adorent détester. Les témoignages sont récurrents et les statistiques accablantes : en 2024, 41 % des agressions sexuelles enregistrées dans les transports en commun ont été commises par des étrangers, et en Île-de-France, cette proportion dépasse 60 %. Rien de très surprenant, dès lors que nous laissons entrer sur le territoire des milliers de jeunes hommes habitués à ne voir des femmes qu’enfermées, voilées et bâchées. Comment pourraient-ils ne pas penser qu’une femme libre est à prendre – avec en prime la bénédiction du Prophète ?
Cette réalité contrevenant au récit irénique du vivre-ensemble, il convient de la passer sous silence comme l’ont fait des années durant de nombreux officiels britanniques, au sujet des jeunes filles violées et exploitées par des gangs pakistanais. Il ne fallait pas stigmatiser. On se rappelle aussi la réaction de Caroline De Haas après les viols de masse commis à Cologne par des migrants syriens, lors de la Saint-Sylvestre 2015 : ceux qui voyaient ces agressions comme une manifestation du choc des cultures avaient selon elle « de la merde raciste dans les yeux ». On préfère ne pas savoir quel genre d’excrément obstrue la vue de notre islamo-féministe.
Dix ans après, rien n’a changé. Le 16 octobre, sur la ligne C du RER, un individu mord, frappe et tente de violer Jhordana, une jeune Brésilienne. L’intervention héroïque de Marguerite, armée de son portable, met le salopard en fuite. Le suspect, reconnu par d’autres victimes, et interpellé quelques jours plus tard, est un Égyptien de 28 ans. À défaut de mentionner cette information qui pourrait perturber ses lecteurs, Le Nouvel Obs suggère aux femmes de se défendre grâce à la méthode des « 5-D » – distraire, déléguer, documenter, diriger et dialoguer. D comme débile.
Je vous explique. D’abord, vous parlez d’autre chose à l’agresseur (distraire), ensuite vous appelez à l’aide (déléguer), ce à quoi vous n’auriez pas pensé toute seule ; si ça n’a pas calmé le gars, vous filmez (documenter), puis vous le sommez d’arrêter (diriger) et enfin, quand le danger est écarté, vous dialoguez avec la victime pour éviter qu’elle se sente coupable. Mieux vaut ne pas oublier en cours de route ce que désigne chacun des D. Le système D que notre cher Jean-Baptiste Roques préfère apprendre à ses filles en cas d’agression, c’est Distribuer Des Dérouillées au Délinquant et Déguerpir. C’est moins New Age, mais ça peut servir.
Cette prétendue « méthode » n’a jamais empêché une agression, mais elle a été enseignée à 15 000 femmes dans le cadre d’un programme lancé par L’Oréal et la Fondation des femmes – association qui s’est récemment illustrée par son mépris à l’endroit d’une femme violée par un migrant sous OQTF.
Alors, face à un tel ramassis d’âneries infantilisantes, je me prends à rêver d’être allemande. Pas par goût immodéré des saucisses ou des marécages philosophiques, mais parce que le chancelier Merz manifeste une liberté de pensée et de parole rafraîchissantes. Le 14 octobre, interrogé sur les migrants, il parle d’un « problème non résolu dans le paysage urbain », visant la délinquance et l’insécurité de rue. Une semaine plus tard, il met les pieds dans le plat : « demandez à vos filles, elles vous diront qui leur cause des problèmes le soir ». Alors on aimerait que nos grandes consciences demandent à leurs filles de quoi et de qui elles ont peur le soir plutôt que de les initier au système 5-D. « The Russians love their children too », chantait Sting. Je veux croire que les progressistes aussi aiment leurs enfants.
Le politologue Thomas Guénolé s’est embarqué en septembre sur l’un des bateaux de la « Flottille pour Gaza ». Les pages de son journal que Causeur publie en exclusivité témoignent de terribles tensions entre militants prêts à subir les tortures de l’armée israélienne.
Jour 0 – Barcelone, avant le départ
Dans quelques heures, nous embarquerons pour Gaza. Mais avant de partir, je veux clarifier quelque chose d’absolument crucial pour les générations futures qui liront ce journal.
Ce matin, lors de la réunion préparatoire avec tous les participants de la flottille, il y a eu un incident profondément humiliant que je me dois de consigner par écrit pour rétablir la vérité.
Nous étions environ 500 personnes dans le hangar. Le coordinateur a pris la parole : « Nous allons maintenant procéder à l’appel pour vérifier les compétences dont nous disposons. Médecins, levez la main. »
Une dizaine de mains se sont levées. Il les a nommés. Applaudissements nourris.
« Avocats et juristes ? »
Une vingtaine de mains. Vingt noms. Nouveaux applaudissements. Le navire Shireen au complet. Je ne veux pas créer de polémiques stériles mais pourquoi les juristes ont-ils droit à un bateau rien que pour eux ?
« Professeurs et enseignants ? »
J’ai levé la main, le coordinateur a lu son papier : « Thomas Guénolé, politologue. »
Politologue ! Comme si j’étais un type qui commente l’actualité au café du commerce.
« Excusez-moi, c’est DOCTEUR Thomas Guénolé. »
Le coordinateur m’a regardé, perplexe :
« Ah ! Si vous êtes médecin, c’est l’autre groupe ?
— Non, je suis Docteur en science politique. CEVIPOF. 2013. »
Un silence gêné s’est installé. Un silence d’ignares qui ne comprennent même pas ce que signifie CEVIPOF. Je les ai instruits :
« CEntre VIe POlitique Française. C’est le laboratoire de recherche en science politique de Sciences-Po Paris. C’est dans ce laboratoire prestigieux que j’ai effectué ma thèse de doctorat. Je suis Docteur. »
Quelqu’un au fond de la salle a crié :
« Un docteur pas médecin ? Comme le Docteur Lamine, grand marabout spécialiste du retour d’affection ?
Mais le mal était fait. Les sourires en coin. Les échanges de regards complices. L’internationale des incultes !
Mais pour la Cause, j’ai gardé ma colère.
16 h 30 – Toujours à Barcelone
Je n’arrive pas à passer à autre chose. Ce journal sera certainement lu par des historiens, des chercheurs, des étudiants. Ils doivent comprendre.
Tout a commencé en août 2017 à l’Université d’été de La France insoumise. J’étais invité à la conférence « Faut-il dégager les médias ? ».
Pendant ma présentation, j’ai expliqué que certains journalistes n’interviewent pas vraiment leurs invités. J’ai cité Patrick Cohen en exemple. J’ai dit qu’il « arrachait des aveux » à ses invités. Une simple métaphore.
Quarante-huit heures plus tard, Patrick Cohen dans « C’est à vous », sur France 5 a dit, je cite de mémoire car ces mots sont gravés au fer rouge : « Thomas Guenolé, ce pseudo-politologue… »
Pseudo ! Comme si j’étais un imposteur, un charlatan qui s’était autoproclamé politologue après avoir lu trois articles sur Wikipédia.
Moi qui ai passé cinq ans à construire ma thèse de doctorat. Cinq ans à éplucher des données électorales, à construire des modèles théoriques, à subir les remarques assassines de mon directeur de thèse.
Cinq ans pour entendre Patrick Cohen me traiter de « pseudo » à la télévision nationale.
J’ai immédiatement réagi sur Twitter – et j’en garde une capture d’écran encadrée dans mon bureau : « Patrick Cohen m’ayant traité de “pseudo-politologue”, je tiens mon diplôme de doctorat en science politique à sa disposition. » Il n’a jamais osé me le réclamer ce lâche.
Et depuis ce jour-là, j’ai décidé que plus jamais on ne remettrait en question mes qualifications. Jamais ! D’où le « Dr » sur Twitter. Sur LinkedIn. Sur mes cartes de visite. Sur mon badge pour cette flottille, que j’ai moi-même réécrit au feutre :
Dr Thomas Guenolé Docteur en science politique Sciences-Po Paris, 2013.
Le badge était un peu petit d’ailleurs. Évidemment de taille suffisante pour la plupart des participants…
Jour 1 – Quelques heures après notre départ de Barcelone
On frappe à ma porte. C’est le coordinateur de la flottille.
« Monsieur… euh… Docteur Guénolé, on a un problème.
— Mon cœur s’emballe. Ils attaquent déjà !
Les autres participants se demandent si… eh bien… si vous êtes vraiment concentré sur la mission.
— Pardon ?
— Vous avez passé trois heures cet après-midi à expliquer votre doctorat à des gens qui voulaient juste vérifier le matériel de sécurité.
— Ils m’avaient appelé « Monsieur » !
Le coordinateur soupire.
— Écoutez, Docteur Guénolé… (Il insiste lourdement sur le « Docteur ».) Nous avons embarqué pour une mission dangereuse. Nous allons probablement être interceptés et emprisonnés. Si tout va bien nous serons même torturés. Nous devons nous concentrer sur l’essentiel.
— Mon titre académique est essentiel !
— On vous demande juste… peut-être… de prendre conscience que le Mossad est partout… Cohen… Vous comprenez… Vous vous êtes fait manipuler… Cohen, Docteur ! »
Il éclate d’un rire méprisant et sort. Je reste seul face à mon diplôme sous cadre que j’ai emporté au cas où.
Jour 8 – Même pas piraté par le Mossad
Les nouvelles sont préoccupantes. Les autres bateaux rapportent que leurs communications ont été piratées et qu’on leur diffuse du ABBA à fond.
Je suis un peu chafouin. Personne ne pirate les communications de mon bateau. J’aimerais bien comprendre pourquoi les Israéliens se donnent le mal de pirater une gamine sans diplôme avec un ridicule chapeau de grenouille et ne se rendent pas compte du pouvoir de nuisance d’un Docteur du CEVIPOF. Ils ne sont pas si forts que ça finalement au Mossad…
J’arrête ce journal de bord ! Je ne vais pas me décarcasser pour rien ! Je n’aurais pas déjà twitté que je ferai une grève de la faim dès mon arrestation, je quitterai cette flottille d’imbéciles.
Chers historiens du futur, sachez que, même si ce n’est pas encore arrivé au moment où j’écris, j’ai jeûné jusqu’à ce qu’on me libère et qu’à titre personnel, j’ai été battu et traîné par les cheveux au sol à trois reprises.
Pour conclure et paraphraser Darwin : ce n’est pas le plus intelligent qui survit, c’est le plus photogénique.
Dix-huit mois avant les prochaines élections nationales (du moins en théorie), la favorite des sondages continue sa guerre d’usure contre le bloc central mais ne veut toujours pas entendre parler de l’union des droites.
Causeur. C’est vintage socialo-communiste… Faudrait-il dresser contre l’extrême gauche un cordon sanitaire à la manière de celui que vous avez encore subi lors des dernières élections ?
Marine Le Pen. Non. LFI a sa place au Parlement. En 2022, j’ai considéré, en vertu du règlement intérieur, que toutes les sensibilités devaient être représentées au bureau de l’Assemblée nationale. Et donc j’ai œuvré pour qu’il y ait un vice-président Insoumis.
Mais ça ne vous inquiète pas que des gens votent pour ce parti qui passe son temps à insulter la police et à prôner le désordre ?
Bien sûr que si. Seulement ma réponse est de combattre ce parti lors des campagnes électorales, et de tâcher de convaincre les citoyens de ne pas voter pour lui. En revanche, je suis opposée à tout ce qui peut représenter une mise à l’écart de ses électeurs. En plus, c’est contre-productif. Quand des Français, quels qu’ils soient, sont traités en parias, on se coupe de toute capacité à les convaincre de l’erreur de leur choix.
En parlant de parias, on peut dire que depuis le 7-Octobre, l’accusation d’antisémitisme contre vous est irrecevable. En revanche, les institutionnels juifs continuent à vous snober. Ça vous énerve ?
Ça ne m’énerve pas, ça me désespère ! Pendant un certain nombre d’années, en considérant le Rassemblement national comme un danger, ils ont détourné l’attention de ceux qui pouvaient lutter contre les islamistes. Et ils ont laissé monter l’antisémitisme d’extrême gauche sans rien dire.
Il y a aussi des partis qui vous accusent d’homophobie, alors que vous êtes probablement la formation dans laquelle il y a le plus d’homosexuels affichés…
Précisément, parce que dans notre parti, on est attaché à la liberté de dire les choses. Dans les autres formations, on trouve aussi sans doute beaucoup d’homosexuels, mais moins la liberté de le dire. Cela dit, honnêtement, les mœurs n’ont jamais été une préoccupation dans notre camp politique.
Au congrès de Tours, où vous avez pris la présidence du parti, il y avait une belle brochette d’abbés tradis en soutane. Il y a toujours eu une branche catho auprès de votre père.
Oui, mais il disait qu’on n’était pas là pour faire « la politique du slip ».
Enfin il a quand même été très virulent contre la loi Veil en 1974, alors que vous avez voté pour la constitutionnalisation de l’IVG l’an dernier.
C’est vrai, mais par la suite il a été le premier à se moquer des anti-IVG qui, selon lui, avaient souvent le plus à se reprocher.
Éric Zemmour veut mobiliser nos racines judéo-chrétiennes (et singulièrement catholiques) pour défendre l’identité française. Qu’en pensez-vous ?
Les racines judéo-chrétiennes de la France font bien entendu partie intégrante de l’identité française. Mais mener un combat religieux m’apparaît tout à fait contraire à l’ADN de notre pays. Je ne me glisserai pas dans cette faille. Contrairement à Éric Zemmour, je considère qu’en France, chacun peut choisir sa religion. Quand j’ai fait la distinction entre l’islam, qui est une religion, et l’islamisme, qui est une idéologie politique et totalitaire à combattre au même rang que le communisme ou le nazisme, il m’a violemment combattue.
Ça s’appelle le désaccord. Mais vous ne pouvez pas nier que beaucoup d’expressions de la religion musulmane ne conviennent pas à nos mœurs.
C’est vrai, et j’y vois le signe que les fondamentalistes islamistes ont pris le pouvoir sur l’islam en France. Pour y remédier, il faut donc combattre l’idéologie, pas la religion. Voilà ce qui me dérange dans le positionnement d’Éric Zemmour.
Que pensez-vous de Sarah Knafo ? Elle n’était pas aux affaires, vous ne pouvez pas lui reprocher d’avoir bradé le pays. Vous n’aimeriez pas avoir une fille talentueuse comme elle dans vos troupes ?
Écoutez, pour l’instant, son objectif a été de m’empêcher d’être au second tour de l’élection présidentielle et de nous empêcher d’avoir le nombre d’élus que nous avons obtenus à l’Assemblée. Sans oublier qu’elle me traite régulièrement de socialiste, tout en me reprochant de ne pas faire l’union des droites. Ce qui est assez incohérent, vous en conviendrez.
Reconnaissez qu’elle a émergé cette dernière année de façon assez spectaculaire.
Surtout sur CNews !
Est-ce rédhibitoire ? Ne faut-il pas se féliciter que CNews batte en brèche le monopole médiatique de la gauche ?
Évidemment, c’est une grande chance d’avoir cette forme de pluralisme face à un écosystème politico-médiatique qui a intérêt à ce que la vérité ne transparaisse pas.
À ce sujet, voulez-vous toujours privatiser l’audiovisuel public ?
Oui. En gardant juste trois médias d’État : une radio généraliste, pour passer les consignes importantes en cas de crise ; une télévision d’outre-mer, parce que c’est une question de continuité ; et une chaîne d’information internationale, afin de porter la voix de la France dans le monde.
D’après Éric Dupond-Moretti, vous parlez de CNews comme si c’était « votre chaîne ».
Il dit n’importe quoi. Sur CNews, on voit surtout s’épanouir un courant de pensée, que je trouve assez naïf, qui passe son temps à chercher un nouveau sauveur pour la France et à lui dérouler le tapis rouge, pour en général terminer terriblement déçu.
Je ne suis ni russophile ni américanophile, mais francophile. Cela dit, je reconnais que Trump a apporté la démonstration que la volonté politique fonctionne, alors que nous sommes englués depuis trente ans par des gens qui nous disent « ce n’est pas possible ». Il a fait cette démonstration au Moyen-Orient. Il ne s’agit pas pour autant de le prendre comme modèle. De Gaulle se méfiait, à juste titre, des États-Unis, parce qu’il comprenait qu’ils défendent leurs intérêts. Il arrive que nos intérêts convergent, mais il arrive aussi qu’ils créent des trucs pourris (je pense par exemple aux politiques wokistes) et qu’ensuite ils nous les exportent.
Peut-on dire que vous êtes trumpienne sans être trumpiste ?
Il faudrait peut-être plutôt dire que Trump est lepéniste ! Parce que Jean-Marie Le Pen a annoncé, bien avant le président américain, que le temps des nations était venu. La globalisation est finie, c’est une étoile morte. L’Union européenne crève de ne pas comprendre ce phénomène.
Les manières de Trump sont déconcertantes, on se dit que, si on l’énerve, il va envahir le Groenland. La politique semble condamnée à la vulgarité à l’ère des réseaux sociaux. En souffrez-vous ?
Une chose est sûre. Le discrédit organisé méthodiquement contre le fait politique, contre la décision politique et donc contre les politiques détourne un certain nombre de personnes de la politique. Cela m’inquiète beaucoup. Trump, lui, a une méthode de chef d’entreprise. Il fonctionne à l’intimidation. Il se sert des avantages de son pays, dont le premier est la puissance, pour obtenir ce qu’il souhaite. Cela nous paraît brutal, excessif, mais quand on est président des États-Unis, ça marche redoutablement bien. En revanche, si vous êtes Premier ministre de la Hongrie, ça marche beaucoup moins bien.
« Nous sommes le parti le moins sectaire du Parlement. » Marine Le Pen et Éric Ciotti aux Salons Hoche, Paris, 24 juin 2024 (C) NICOLAS MESSYASZ/SIPA
Et si vous présidez la France ?
Nous sommes une nation particulière. Malgré toute l’énergie que nos élites ont employée à le faire oublier, la France est une puissance.
Une puissance qui se fait marcher dessus par l’Algérie. Quand vous voyez Trump se payer la tête de Macron, que ressentez-vous ?
Je suis malheureuse pour mon pays. C’est une humiliation nationale. On peut penser que Macron l’a bien cherché, mais c’est le pays qui est humilié.
Et que pensez-vous de Giorgia Meloni ?
Je la connais depuis très longtemps. Elle est incontestablement une vraie politique, une femme de caractère et de convictions. Des gens possédant son sens politique, sa force politique et ses convictions, on n’en rencontre pas beaucoup. Néanmoins je me méfie de la manière dont on nous vend le miracle économique italien. On oublie de dire qu’il doit beaucoup aux 240 milliards du plan de relance européen, donc à notre fric. Nous participons à hauteur de 18 % au budget de l’Union. Si on recevait l’équivalent de ce que Rome a touché ces dernières années, il serait plus facile de boucler le budget de la France. Tout cela explique que je sois souvent en contradiction avec Giorgia Meloni. Elle défend les intérêts de l’Italie. Et ils s’opposent parfois aux nôtres.
Meloni incarne aussi une méthode politique : l’union des droites, grâce à laquelle elle gouverne l’Italie depuis trois ans. Pourquoi ne pas suivre cette voie, qui lui a si bien réussi ?
Je sais bien, Sarah Knafo et Marion Maréchal me pressent de la prendre en exemple. Mais il faudrait arrêter le fantasme ! Je rappelle comment fonctionne l’union des droites en Italie. Chacun présente des candidats dans toutes les circonscriptions, donc partout vous avez le choix entre des candidats berlusconistes, des candidats salvinistes et des candidats melonistes. Après, et seulement après les élections, ils font une coalition gouvernementale. Rien à voir avec l’union des droites réclamée en France par les candidats de Reconquête, qui veulent qu’on leur laisse des circonscriptions pour se faire élire avec nos voix. Quel intérêt pour nous ?
Pour la première formule, à l’italienne, vous seriez d’accord ?
Bien sûr ! J’ai dit qu’à partir du moment où demain nous avons une majorité relative, on ira chercher dans l’Assemblée nationale des gens pour pouvoir faire une coalition gouvernementale sur des éléments qui nous paraissent essentiels. Je n’ai aucun problème avec cela.
Avez-vous des divergences avec Jordan Bardella, notamment sur le plan économique ? D’ailleurs, il cite Nicolas Sarkozy comme une de ses références.
Une erreur de jeunesse (rires).
Donc pas de friture entre vous ?
Il existe une différence d’images entre lui et moi. Mais de différence réelle, pour l’instant, je n’en ai pas vu. On peut avoir des discussions, comme sur la flat tax, mais jamais de divergences.
Vous savez très bien que ce genre de duos finit souvent par une rivalité. Qu’est-ce qui vous rend tellement sûre que vous l’éviterez avec Jordan Bardella ?
Je suis la candidate de Jordan à la présidentielle, mais je ne vais pas y retourner vingt-cinq fois de suite. Quand je dis cela, personne ne me croit, parce que tout le monde part du principe qu’en politique, tout le monde a un égo démesuré. Pas moi.
C’est peut-être un problème, non ?
Oui, peut-être, ou alors ce qui fait ma différence par rapport aux autres. L’idée de pouvoir être remplacée un jour non seulement ne m’empêche pas de dormir, mais me permet de mieux dormir. C’est pour cela que j’ai transmis le parti à Jordan. Alors que tout le monde m’incitait à le garder. Eh bien non. L’idée qu’il y ait derrière moi des gens pour mener ce combat, c’est l’une de mes grandes fiertés.
En somme, vous lui avez transmis le parti comme votre père vous l’avait transmis ?
Oui, sauf que je ne suis pas assise sur l’épaule de Jordan matin, midi et soir pour lui dire : « Ça, il ne faut pas faire, et ça, oui. » Ce que mon père avait quand même tendance à faire (rires).
Mais croyez-vous que les votes en votre faveur se reporteront automatiquement sur lui ? Quelles que soient ses qualités, sa jeunesse ne peut-elle pas effrayer ?
Je suis convaincue que ceux qui veulent redresser la France le soutiendront s’il devait reprendre le flambeau dès 2027. Et que ceux qui ont peur se rassurent, la jeunesse, ça ne dure pas.
Vous êtes l’une des personnalités politiques dont on connaît le moins la vie sentimentale. On ne connaît pas le visage de vos enfants, par exemple. Le seul détail de votre vie privée actuelle auquel le grand public ait accès, ce sont les chats.
Et encore, c’est un concours de circonstances. Le fait que mes chats soient célèbres ne leur cause aucun préjudice, alors que mes enfants pourraient pâtir d’une exposition médiatique. Si je protège ma vie privée, c’est d’abord pour protéger la leur. Rien n’est pire que d’être défini par son patronyme ou les choix politiques de ses parents. Je l’ai vécu moi-même, et j’ai voulu que mes enfants aient la liberté d’être appréciés tels qu’ils sont, eux, et pas telle que je suis, moi.