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Le miracle de Noël d’Emmanuelle Ménard

Enquiquineurs, squatteurs, dealers : pas certaine que, sur ces questions, François Bayrou soit l’homme de la situation. On lui laissera le bénéfice du doute, au moins pendant la trêve des confiseurs. D’ici là, très bonne année 2025 à tous !


Opération « Place nette »

En septembre dernier, une enquête Ipsos révélait que la majorité des Français était préoccupée par la criminalité et la violence. Béziers ne déroge pas à la règle et nous sommes régulièrement saisis par des riverains qui se plaignent de squatteurs et autres dealers au bas de leur immeuble. Après en avoir longuement parlé avec le préfet de l’Hérault, sensibilisé à ces questions, une opération « Place nette » d’envergure a été organisée sur deux semaines dans le centre-ville de Béziers. Avec quelques déceptions, qui donnent parfois l’impression de vouloir vider l’océan avec une petite cuillère ; mais aussi quelques résultats, comme des confiscations d’argent dans les caisses de magasins en délicatesse avec le fisc, des saisies de drogue facilitées par les chiens de la police municipale, et quelques découvertes de travailleurs clandestins ou autres marchands de sommeil qui seront dûment poursuivis. Pas de quoi invoquer la magie de Noël, mais constater que nous pouvons nous aussi casser les pieds aux voyous me met du baume au cœur…

Gilles Goujon

Un moment hors du temps. Une soirée toute en délicatesse. Nous sommes invités Robert [Ménard] et moi à un dîner chez un concessionnaire de voitures haut de gamme, animé par le chef trois étoiles Gilles Goujon. Nous connaissons bien Gilles et avons de l’amitié et de l’admiration pour lui. Jovial, bon vivant, chaleureux, talentueux. Durant la soirée, il nous raconte son combat pour la gastronomie française, son amour de notre pays à travers sa cuisine et ses vins, et son agacement, voire son écœurement devant certains chefs qui se « couchent » pour obtenir des récompenses. Gilles Goujon fait partie de ces étoilés qui protestent contre le classement établi par la marque San Pellegrino des 50 meilleures tables du monde dans lequel ne figurent qu’une poignée de maisons françaises… Un combattant. Un résistant. Bref, un vrai Biterrois !

Motion de censure

La France insoumise est prête à jouer la politique du pire : faire tomber un gouvernement sans solution de rechange, quitte à priver la France et la Sécurité sociale de budget. Le RN les encourage, tout en invoquant la « responsabilité ». Marine Le Pen comme Jean-Luc Mélenchon sont décidés à jouer la présidentielle anticipée. Les partis politiques ne se soucient que de leur électorat, d’intérêts de boutique et de victoires d’ego. Aucune raison que les choses s’arrangent en 2025…

Marche blanche

Un travailleur agricole marocain d’une soixantaine d’années a été assassiné ce mois de décembre par sa voisine de palier, jeune femme de 22 ans (visiblement accro aux substances illicites) et mère d’une enfant de six ans, pour un motif encore indéterminé. Le dimanche qui a suivi sa mort, l’association franco-marocaine de Béziers a organisé une marche blanche. Alors que nous stationnons devant son domicile, pour un moment de recueillement, j’aperçois un homme qui me fait signe. Je m’approche et il me raconte qu’il habite lui aussi dans cette rue, qu’il ne supporte plus les dealers. J’avise non loin de lui trois jeunes garçons, le visage à moitié dissimulé et je lui demande s’ils font partie des fauteurs de troubles. Il acquiesce discrètement. Je me dirige alors vers la police nationale, stationnée là pour sécuriser la manifestation. Je leur demande s’ils sont au courant que les trois jeunes gens font partie des dealers qui pourrissent la vie du quartier chaque nuit. Ils me répondent « oui, mais ils sont mineurs : ils sont régulièrement contrôlés, mais comme ils n’ont rien ou quasiment rien sur eux… » Je comprends la détresse des habitants du quartier. Nous en discutons régulièrement avec Robert : nous pourrions facilement communiquer au prochain ministre de l’Intérieur une liste de mesures qui ne coûtent rien, applicables pour la plupart sans passer par la loi, et qui permettraient aux forces de l’ordre d’agir beaucoup plus effacement… Avis aux amateurs de solutions !

Agriculteurs

Vendredi 13 décembre, la Coordination rurale manifestait à Béziers, en compagnie de quelques élus du RN, pour protester contre la concurrence déloyale subie par les agriculteurs français. Mais quand, vers 10 heures du matin, par une pluie battante, la situation entre police nationale et agriculteurs a commencé à se tendre, bizarrement, les représentants du parti politique de Marine Le Pen n’étaient plus là. Le maire de Béziers en revanche, oui. Deux manières de faire de la politique…

Crèche de Noël et Hanouka : même combat !

Cela ne nous étonne même plus… C’est la onzième année que le maire de Béziers installe la crèche de Noël dans l’hôtel de ville. Et la onzième année consécutive qu’elle est attaquée en justice. Non plus par les représentants de l’État qui, depuis quelques années maintenant, nous ont lâché les baskets avec cette prétendue atteinte à la laïcité. Mais par la Libre pensée et la Ligue des droits de l’homme. Ils en font une affaire personnelle, semble-t-il. Rien que pour 2024, nous en sommes à cinq procédures en référé ! À croire qu’ils n’ont que ça à faire. « Quel est votre plus grand combat pour les droits de l’homme ? – Combattre la crèche de Noël à Béziers. » Celle-là même qui réunit chaque année plus de 20 000 personnes. Celle qui touche petits et grands, laïcs et croyants, car elle leur rappelle la « crèche de leur enfance… » Celle qui rassemble autour de cette image sacrée de la famille. Du petit contre les puissants. Celle qui fait espérer… Et Dieu sait que les Français ont besoin d’espérer en cette fin d’année.

Grande nouveauté pourtant – et qui m’inquiète beaucoup plus –, la même Ligue des droits de l’homme attaque aussi cette année la célébration de Hanouka – la fête juive des lumières – dans la mairie. Que nous fêtons chaque année depuis onze ans, sans jamais avoir été ennuyés… Décidément, le 7 octobre a fait sauter des digues, et ce n’est pas rassurant.

Drogue suite…

J’apprends à l’instant que la police nationale vient d’arrêter, dans la rue du travailleur marocain assassiné dont je vous parlais plus haut, un homme en possession de plusieurs barrettes de cannabis, 750 euros en espèces et… fiché S ! Un miracle de Noël certainement !

À lire aussi, Emmanuelle Ménard: L’esprit de Noël made in France

Pourquoi la gauche adore détester Michel Onfray

Le 4 novembre dernier, France Inter consacrait une émission entière (« Affaires sensibles » animée par Fabrice Drouelle) à Michel Onfray et à sa supposée dérive droitière. Une heure de procès d’intention, sans contradictoire et sans retenue, pour reprocher au philosophe d’avoir quitté le camp du bien – et donc justifier qu’il n’ait plus sa place sur Radio France. Mais Michel Onfray a-t-il tellement changé ? N’est-ce pas plutôt la gauche qui a changé ?


Pourquoi la gauche déteste-t-elle Onfray ? Entre ostracisme et diffamation, le philosophe Michel Onfray est devenu l’ennemi public numéro un pour de nombreux médias de gauche. Quelles sont les causes de cette détestation et, surtout, que cache-t-elle ? Anatomie d’une haine…

Onfray, cible du sévice public

C’est un fait, Michel Onfray est persona non grata sur les radios et télévisions du service public.
France Inter, par exemple, ne l’a pas invité depuis des années : pas question d’offrir un espace d’expression aux idées souverainistes et de troubler l’entre-soi consensuel des animateurs de gauche et d’extrême-gauche, quasiment hégémoniques sur le service public, et tous ralliés à l’idéologie sans-frontiériste (sans-frontiérisme, c’est l’euphémisme bienséant utilisé pour qualifier le ralliement de la gauche au capitalisme financier et libre-échangiste).

En revanche, si Onfray n’est pas invité sur France Inter, son procès y est instruit, sur le mode des Procès de Moscou, c’est-à-dire sans droit à la défense. Ainsi, le 4 novembre dernier, une émission était donc entièrement consacrée au philosophe : tout d’abord, un Vychinski en herbe l’y a accusé de dérive vers l’extrême-droite ; ensuite, un psychologue auto-proclamé a expliqué cette prétendue dérive droitière par la mort de sa compagne. Aujourd’hui, sur un média financé par l’argent des contribuables, on ne se contente donc plus de calomnier les vivants sans leur accorder de droit de réponse, on exhume aussi une défunte pour lui reprocher un inédit délit de « fascisme post-mortem ». Il était inévitable que cette gauche, adepte du laxisme judiciaire à l’égard des criminels vivants, finisse par condamner les défunts innocents.

Les deux « Minutes » de la haine

La fatwa wokiste qui vise Michel Onfray ne s’arrête cependant pas au service public. Ainsi, dans les pages de Libération et du Monde, il est rituellement maudit et systématiquement extrême-droitisé. Qu’importe que le philosophe défende des valeurs traditionnelles de la gauche comme la solidarité ou le pacifisme ; pour Le Monde, qui n’est pas avare de contresens historiques, baptiser une revue Front Populaire, c’est « séduire »… l’extrême-droite (1), tandis que, pour sa part, Libération titre « Onfray réhabilite un discours d’extrême-droite ! » (2). Le philosophe annoncerait-il la météo ou lirait-il une recette de pâtisserie qu’il serait tout de même lepénisé, fascisé, nazifié. Les deux médias susnommés -qui ont publié en 1977 la tribune pro-pédophile de Matzneff- demeurent néanmoins les prescripteurs officiels de la morale publique et continuent à décerner les brevets de civisme et de respectabilité.

Pour masquer sa transition idéologique de l’internationalisme ouvrier (qui fut un mouvement social émancipateur) vers le capitalisme mondialiste (qui est un système économique d’aliénation des travailleurs, au sens marxiste du terme), la gauche se contente dorénavant et paresseusement de nazifier ses contradicteurs : la « reductio ad hitlerum » la dispense de formuler des arguments. Ainsi, ceux qui prônent un contrôle et une limitation de l’immigration sont systématiquement qualifiés de racistes et d’islamophobes, une qualification qui les… disqualifie moralement dans le débat public.

Hormis quelques esprits libres comme Michel Onfray, nul ne remarque que cette vision immigrationniste est servilement alignée sur celle du MEDEF et du patronat allemand. En effet, le Moloch capitaliste a sans cesse besoin de chair fraîche immigrée à ubériser et à mettre en concurrence avec le prolétariat local, afin d’exercer une pression à la baisse sur les salaires. Et la gauche, devenue complice de cette Traite négrière contemporaine, cautionne; elle en redemande même, telle l’idiote utile du grand patronat transnational qu’elle est devenue. Lénine, relève-toi, ils sont devenus f…inanciers !

La gauche et le peuple : petite histoire d’une grande trahison

La gauche déteste Onfray parce que ce dernier lui reproche d’avoir sacrifié la vertu de la République en se couchant devant les marchés. Elle le déteste aussi parce qu’il lui rappelle ce qu’elle a été et ce qu’elle n’est plus : une force révolutionnaire qui a mené et remporté de nombreuses luttes sociales au service du peuple.

Telle la Statue du Commandeur, le philosophe énonce inlassablement et imperturbablement les félonies successives de notre gauche désormais populophobe. Liste (non exhaustive, car 10 volumes n’y suffiraient pas) :

-d’abord, la trahison économique et sociale initiale avec le « tournant de la rigueur » (traduction : le coming out libéral du Parti Socialiste), décidé par Mitterrand en 1983, et mis en place par le très européiste ministre de l’économie Jacques Delors.

-ensuite, la trahison de la démocratie avec le coup d’État de février 2008, lorsque l’abstention de nombreux  parlementaires de gauche a aidé à la ratification du très libéral Traité de Lisbonne, désavouant ainsi le referendum populaire de 2005 qui avait dit « non » au projet de Constitution européenne.

-puis, la trahison de la laïcité avec la conversion de toute l’extrême-gauche et d’une large fraction de la gauche à l’islamogauchisme. Les anticléricaux et bouffeurs de curés d’autrefois sont devenus les supplétifs et les idiots utiles des barbus patriarcaux, antisémites et homophobes. Désormais, c’est à gauche qu’on milite pour le port de signes religieux sexistes à l’école publique. Jules Ferry, relève-toi, ils sont devenus f…anatiques !

– enfin, la trahison de l’idéal pacifiste avec l’alignement pavlovien de nombreux parlementaires et ministres de gauche sur les positions atlantistes et bellicistes, depuis les interventions américaines en Irak et en Afghanistan jusqu’au conflit russo-ukrainien, en passant par les bombardements sur la Libye. Pour un Chevènement qui a démissionné, combien de ministres de gauche sont restés en place ? La soupe est bonne au gouvernement, même et surtout quand elle est préparée par les marchands d’armes. Jean Jaurès, relève-toi, ils sont devenus f…aucons !

Pour être un philosophe institutionnel et célébré par les médias de service public, Michel Onfray aurait dû, à l’instar de BHL (« Belliciste en Hermès et Lacoste » !), se proclamer de gauche tout en renonçant à toutes les valeurs de gauche. Bernard-Henri Lévy se prétend en effet de gauche alors qu’il est l’infatigable VRP de toutes les guerres américaines, un philosophe qui n’éprouve aucun complexe moral à redonner le moral au complexe militaro-industriel, un homme qui n’a pas d’alibi pour avoir entraîné Nicoléon le Petit dans l’a-Libye, c’est-à-dire dans l’anéantissement de toute structure étatique en Libye, désormais livrée au chaos et aux groupes terroristes. Une suggestion de titre pour le prochain film-pensum de BHL : « OTAN en emporte les vies »…

La Gauche-Pinocchio contre Jiminy Onfray

Une constante relie toutes les trahisons évoquées ci-dessus : l’adhésion d’une très large partie de la gauche à l’idéologie maastrichtienne, cache-sexe européen de la mondialisation ultralibérale. D’Artagnan tué en 1673 devant Maastricht, on aurait pourtant dû se méfier de Milady Von der Leyen !

L’élu maastrichtien de gauche -je ne parle pas de l’ère géologique du Crétacé mais de l’hère néo-illogique qu’est le partisan de l’Union Européenne- sait qu’il ne peut pas se prétendre de gauche et adhérer, « en même temps », à cette Europe antisociale du libre-échangisme et du dieu-marché ; alors il hait Michel Onfray pour l’avoir mis en face de sa schizophrénie politique et de ses reniements.

Bien loin d’une capitale qui fait aujourd’hui de la peine, artisan qui forge amoureusement des pensées philosophiques chez lui en province (Caen on a que l’amour…), Michel Onfray préfère sertir l’idée au logis que servir l’idéologie. Il est la conscience, le Jiminy Cricket de la Gauche-Pinocchio, celui qui lui souffle inlassablement à l’oreille qu’elle ment au peuple depuis qu’elle s’est convertie voilà 40 ans au capitalisme mondialiste et financier. Dans la version initiale du conte (pas dans celle, édulcorée, de Disney), Pinocchio, exaspéré, écrasait l’insecte incarnant sa conscience. Aujourd’hui, malgré la violence de l’ostracisme et de la diffamation, le philosophe, quant à lui, ne s’écrase pas : le cri qu’est Onfray retentit malgré les cris d’orfraie de cette gauche de la trahison.

La droite ne l’aime pas non plus !

La droite européiste (y en a-t-il une autre ?) n’aime pas davantage Michel Onfray. Elle ne l’aime pas parce qu’il est toujours de gauche, bien sûr, mais aussi parce qu’elle n’est pas parvenue à le débaucher, à le récupérer au moment où elle n’a plus de philosophe d’envergure depuis les disparitions de Raymond Aron et de Jean-François Revel. 

Il y a bien François-Xavier Bellamy, mais il est à la philosophie ce que Macron est à la politique : on ne peut en effet pas prétendre que la nation est le « seul cadre dans lequel s’exprime la souveraineté des peuples » et déclarer « en même temps » que le « terme de souverainisme est réducteur » (3).

Tandis que le véritable philosophe doute, s’interroge et remet en cause; le sans-frontiériste maastrichtien croit en les textes saints que sont pour lui les traités européens. Tandis que le philosophe privilégie l’Homme, le libéral maastrichtien le réduit à une variable d’ajustement microéconomique. L’adhésion à Maastricht, c’est l’anti-philosophie : voilà pourquoi, malgré ses indéniables qualités intellectuelles, l’européiste Bellamy n’écrira jamais une Métaphysique des montants compensatoires monétaires d’Aristote à Schopenhauer ou un De la Politique Agricole Commune dans la pensée nietzschéenne.

Le philosophe, le révolutionnaire et le politicien (aka « Le bon, la brute et le truand »)

Onfray n’aime pas Robespierre, du moins la lecture que Mélenchon en fait. Pourtant, il y a du Robespierre chez le philosophe : ne surnommait-on pas Maximilien « l’Incorruptible » ? L’indépendance de Michel Onfray interroge en effet le microcosme médiatico-politique : quel est donc ce psychorigide normand à lunettes rectangulaires qu’on ne peut pas acheter par une sinécure à la direction d’un institut culturel surnuméraire ou bien par un secrétariat d’Etat à l’intitulé farfelu ? Bref, quel est cet individu déconcertant des cons certains et refusant des honneurs qu’il considère comme déshonneur ?

« Ôte-toi de mon soleil ! », disait Diogène à Alexandre le Grand qui lui demandait ce qu’il désirait. « Ôte-moi de ton soleil !», réplique Michel Onfray (que dieu gêne ?) à tel anima-tueur de télé qui le désire-hait. En effet, le philosophe sait qu’aucun projecteur de plateau-télé n’éclairera jamais aussi fort que les Lumières. Or, dans les studios, ce n’est pas Jean-Jacques que l’on croise, mais Aurélien Rousseau, Sandrine Rousseau et Adrien Quatennens (cherchez : c’est également un Rousseau).

De l’Union Soviétique à l’Union Européenne : la xénocratie en marche…

A un siècle d’intervalle, Léon Blum (chef du Front Populaire, le gouvernement) et Michel Onfray (fondateur de Front Populaire, le journal) affichent la même préoccupation souverainiste et la même volonté de lutte contre la xénocratie : à l’instar du socialiste Blum qui avait refusé de se soumettre à la tutelle politique de Moscou en ne signant pas l’adhésion de la SFIO à l’Internationale communiste, Onfray rejette la tutelle économique de Bruxelles et la supranationalité antidémocratique imposées par la Commission européenne, dont pas un seul des membres n’est élu.

Le « tout-marché » des maastrichtiens d’aujourd’hui est l’équivalent dogmatique du « tout-Etat » des communistes d’autrefois et les co-misères européens sont les héritiers des commissaires politiques soviétiques : des technocrates fanatiques, dénués de la moindre empathie et au service d’une idéologie mortifère.

Le 27 décembre 1920, dans un discours mémorable au Congrès de Tours (qui allait aboutir à la scission de la gauche française entre socialistes et communistes), Léon Blum disait à ceux qui renonçaient au socialisme et à la démocratie pour devenir les vassaux des communistes russes, tueurs de masse : «il faut que quelqu’un reste pour garder la vieille maison». Aujourd’hui, alors que la gauche européiste a renoncé au peuple et s’est associée aux assassins de la nation française, c’est Michel Onfray qui garde la «vieille maison».


(1) Avec sa nouvelle revue « Front populaire », Michel Onfray séduit les milieux d’extrême droite (lemonde.fr)

(2) «Onfray réhabilite un discours d’extrême droite» – Libération (liberation.fr)

(3) Bellamy : «Une Europe qui permet de ne plus subir la mondialisation» – Le Parisien

Une névrose mondialisée

2024 a vu les fantasmes autour du prétendu « privilège blanc » ou de la domination mondiale des juifs prospérer. La raison finira-t-elle par supplanter ces passions collectives ? La haine sera-t-elle remplacée par un intérêt bien compris ? Les élites occidentales réussiront-elles un jour à se libérer de leurs illusions néfastes ?


L’émergence de ces interrogations trouve ses racines au Moyen-Orient, où la lutte des Palestiniens s’est muée en emblème central de la révolte contre le monde occidental et ses privilèges historiques. Dans ce contexte, des ouvrages comme Mein Kampf se transforment en best-sellers en Turquie, tandis que des textes comme les Protocoles des Sages de Sion s’ancrent profondément en Égypte et en Iran. Les fantômes d’Hitler et de Goebbels semblent renaître, réanimant des théories du complot à propos des Juifs qui refont surface avec une intensité alarmante. Certains soutiennent que les Juifs auraient établi à Tel Aviv un prétendu centre de commandement pour ce qu’ils appellent la « domination talmudique mondiale ».

Parallèlement, la réapparition d’un nouveau racialisme soulève des questions troublantes, ravivant des notions de hiérarchie raciale. Les Blancs, accusés de jouir indûment de privilèges, seraient désormais désignés comme des opprimés par leurs propres maîtres, les Juifs, qui contrôleraient le pouvoir et seraient tenus responsables de tous les conflits qui empêchent l’humanité d’accéder à la paix. Les Noirs américains, les Africains et les musulmans se retrouvent ainsi victimes d’un impérialisme et d’un racisme qui les ont colonisés, réduits en esclavage et exterminés. La cause palestinienne, avec ses images poignantes d’enfants, de vieillards et de femmes sans défense abattus par les forces israéliennes, devient le modèle d’une lutte désespérée. Les victimes de la police américaine, comme George Floyd et française comme  Adama Traoré, et les Palestiniens martyrisés par l’armée israélienne, deviennent les symboles d’une oppression universelle.

Diabolisation d’Israël : une constante historique

La diabolisation d’Israël s’inscrit dans une tradition bien établie, où les véritables génocidaires ont souvent eu recours à la fabrication de mythes pour justifier leurs actes. Des révolutionnaires de la Terreur aux Hutus du Rwanda, en passant par les communistes staliniens et les maoïstes, chaque groupe a cherché à projeter la culpabilité sur un ennemi désigné, souvent en manipulant les émotions collectives. Ces acteurs politiques exploitent la colère et l’injustice ressenties par les masses, offrant des promesses d’une époque où les privilèges seraient abolis, où un âge d’or émergerait pour les démunis. En conséquence, les « dominateurs » sont livrés à la vindicte populaire, et les peuples, angoissés par les crises et abandonnés par des dirigeants incompétents, abandonnent la voix de la raison au profit de nouvelles dictatures, de nouvelles prisons.

Cependant, la conquête du pouvoir ne suffit pas à épuiser les significations de cette diabolisation d’Israël et de l’Occident blanc. Le malaise actuel dans la relation à l’autorité peut éclairer certains des errements d’une partie de la jeunesse des pays occidentaux. Contrairement à un totalitarisme qui s’appuie sur une autorité absolue, la démocratie moderne révèle ses propres faiblesses. Dans une psychologie individuelle, l’enfant confronté à une figure paternelle omnipotente idéalise ce maître tout en se diabolisant lui-même, croyant qu’il ne pourra jamais atteindre ce niveau de perfection. En revanche, lorsque l’autorité présente des faiblesses, elle devient un exutoire pour les frustrations individuelles, et cette dynamique peut mener à une diabolisation de l’autorité elle-même.

La diabolisation des États-Unis a pris forme après la guerre du Vietnam, période durant laquelle les limites de la démocratie américaine ont été mises en lumière. De la même manière, la diabolisation d’Israël a débuté après 1967, lorsque l’occupation de la Cisjordanie, de Gaza et du Golan a exacerbé les tensions et les relations conflictuelles avec une population considérée comme occupée.

Une utopie de réconciliation générale

Le processus de diabolisation est complexe, tant dans les dynamiques individuelles que collectives. Il s’agit d’une stratégie courante dans les propagandes visant à décrédibiliser l’adversaire en le dépeignant comme monstrueux. Cette diabolisation a également des implications internes, entravant la lutte contre les doctrines asservissantes. Comment expliquer la diabolisation d’Israël par une partie de la gauche européenne, accompagnée d’une critique acerbe de la civilisation occidentale ? Une telle prise de position semble souvent dénuée de fondements politiques rationnels, et l’importance des émotions dans nos choix idéologiques est souvent sous-estimée.

Benjamin Netanyahu devant une carte de Gaza, Jérusalem, 2 septembre 2024 © Ohad Zwigenberg/UPI/Shutterstock/SIPA

Les blessures d’enfance peuvent engendrer des visions du monde, particulièrement lorsque ces perceptions sont partagées collectivement et renforcées par des campagnes de propagande. Des œuvres comme Le Ruban blanc de Haneke illustrent comment l’éducation autoritaire dans le monde germanique au début du XXe siècle a pu jouer un rôle dans l’émergence du nazisme. Les modes d’éducation, qu’ils soient communs à une époque ou à une classe sociale, forgent les destinées individuelles et collectives. Au Rwanda, j’ai été témoin des conséquences d’une culture d’obéissance aveugle à l’autorité, où la soumission à la figure parentale est inculquée dès l’enfance.

Il est difficile de saisir comment la diabolisation d’Israël s’opère chez des personnes qui ne se revendiquent pas antisémites, mais qui expriment pourtant leur compassion pour les victimes de la Shoah. Beaucoup d’enfants issus de milieux favorisés ont grandi avec un amour conditionnel, ce qui peut générer en eux une violence réactive face à des figures d’autorité perçues comme oppressives. Cette rébellion s’étend à des entités qu’ils jugent capables de les réduire en esclavage : les nations, les armées, les colonisateurs, les institutions religieuses. Leur quête d’un amour universel les conduit à soutenir les opprimés, parfois sans discernement. Ils aspirent à une utopie de réconciliation générale, désireux d’effacer les différences et les conflits.

Ainsi, une génération européenne se sent coupable de ne pas aimer, refoulant une haine projetée sur des figures parentales détestées, et refuse de reconnaître la violence qu’elle retourne contre des représentations du mal. Paradoxalement, cette génération, tout en jouissant de privilèges, trouve des justifications à la violence de ceux qu’elle considère comme des victimes. Elle rejette le racisme et la guerre, aspirant à un amour universel qui unirait tous les êtres humains, parfois sans voir les dangers sous-jacents, tels que le fanatisme radical ou la haine envers les Blancs et les Juifs. Son empathie se concentre sur les victimes de la Shoah, mais souvent elle ne reconnaît pas les souffrances des Israéliens, considérés comme des « colonisateurs » injustement établis sur une terre qui ne leur appartient pas. Cette quête de justice et de liberté conduit paradoxalement à rejoindre des mouvements véritablement antisémites, qui ne voient dans Israël qu’une incarnation du Juif éternel, dominateur et sanguinaire.

Une victimisation persistante

Du côté arabe, en revanche, il n’existe ni repentir ni culpabilité, mais plutôt une victimisation qui refuse toute forme de responsabilité collective. Les Allemands, après leur défaite en 1945, ont été contraints de quitter des terres ancestrales, laissant derrière eux maisons, fermes et infrastructures. Les Polonais ont remplacé les Allemands, et les Hindous et les musulmans d’Inde ont dû échanger des territoires. Les Grecs ont quitté l’Anatolie, mais les Arabes de 1948 continuent de revendiquer un retour vers des maisons qu’ils n’ont peut-être jamais connues. Malgré le fait que les véritables réfugiés soient nombreux dans le monde, ceux qui se désignent comme Palestiniens continuent de vivre dans des camps, soutenus par l’UNRWA. Pourquoi une telle disparité ? Peut-être parce que le monde arabo-musulman peine à accepter l’existence d’un État souverain pour des Juifs autrefois soumis.

Les Palestiniens contemporains sont nourris quotidiennement par le rêve d’un retour vers un Israël qu’ils jugent illégitime, vers des villages parfois inexistants, dans des villes bâties par des Juifs qui ont su s’imposer dans le monde moderne. Cette situation représente un gaspillage incommensurable d’énergie et d’opportunités pour une jeunesse arabe qui pourrait s’accommoder des avancées qu’apporte cet « ennemi » en matière de développement et d’intelligence, tout en jalousant sa liberté et son audace. Les check-points et le mur de séparation, issus des intifadas et du terrorisme, ne masquent pas le fait que les villes palestiniennes peuvent être plus prospères que de nombreuses localités égyptiennes ou maghrébines, sans parler de la situation déplorable du Yémen ou de la Syrie. Alors, la raison finira-t-elle un jour par remplacer ces passions collectives ? La haine cèdera-t-elle le pas à un intérêt partagé ? Les élites occidentales, en quête d’un monde meilleur, parviendront-elles à se défaire de leurs illusions nocives ? Nous pouvons nourrir cet espoir, tout en restant lucides face à l’évolution d’un monde en proie à des luttes de pouvoir entre nations et religions, et sous l’emprise d’élites occidentales qui, par un masochisme véritablement névrotique, semblent préparer la décadence et l’effacement de leurs propres peuples.

Incendie de Notre-Dame: le feu des questionnements (incorrects) reprend

Des chaînes de mails continuent de circuler, affirmant qu’on nous cache la vérité. Hurler au complotisme n’y change rien, au contraire.


L’intense joie de la réouverture solennelle de la cathédrale passée, voilà que se ravive le foisonnement des interrogations qui, dès les premiers jours, en avril 2019, avait déferlé sur les réseaux sociaux et dans les conversations des dîners en ville. Le sinistre était-il dû à une cause naturelle ou un acte de malveillance, à une action terroriste ?

Or, très vite – trop vite, peut être bien – l’hypothèse d’une intention criminelle devait être officiellement écartée par les autorités. « Les premiers rapports des pompiers et des enquêteurs sur place ont rapidement exclu l’hypothèse d’un acte volontaire » pouvait-on lire dans l’ensemble de la presse les jours suivants. D’ailleurs, l’enquête immédiatement ouverte annonçait la couleur. Elle porterait exclusivement sur la « destruction involontaire par incendie. » Involontaire, on évacuait donc d’emblée du champ des investigations toute intervention humaine malveillante. C’était évidemment aller vite en besogne, cela à un moment où, tout naturellement, on n’avait à fournir aucun argument dûment étayé par les faits pour se permettre de trancher aussi péremptoirement. En règle générale, il n’y pas mieux pour susciter la suspicion que la précipitation qu’on met à chercher à rassurer les populations. On ne sait rien encore de l’évènement, du drame, de ses tenants et aboutissants qu’on exclut délibérément tout un champ possible d’explications. Cela a toujours l’effet inverse à celui recherché, puisque l’affirmation ne peut sembler que gratuite tant qu’on ne dispose pas d’arguments solides, vérifiables capables de la rendre absolument indiscutable. J’ai le souvenir d’un drame sur lequel j’ai beaucoup travaillé : la mort de Pierre Bérégovoy, survenue le 1er mai 1993. Il n’était pas encore admis à l’hôpital de Nevers, aucun examen n’avait donc été pratiqué, aucun acte d’enquête mené, que les dépêches officielles – oui, officielles, Préfecture de la Nièvre, Palais de l’Élysée – affirmaient qu’il ne pouvait s’agir que d’un suicide. Là aussi, la précipitation ne fit évidemment que susciter la défiance.

Cinq ans après l’incendie de Notre-Dame, il semble bien qu’aucune réponse technique, scientifique, prouvant sans conteste possible la thèse accidentelle n’ait été apportée, réduisant une fois pour toutes à néant le soupçon d’intention criminelle. Et c’est ainsi que, ces deniers jours, refleurissent les mises en doute. Là, encore, une initiative prise dans les débuts n’aura réussi qu’à nourrir le feu latent : les sceptiques, les non convaincus par la « vérité » imposée se virent exclus des réseaux sociaux. Initiative maladroite et surtout stupide. Aujourd’hui, donc, les réserves émises alors refont surface, provenant souvent, reconnaissons-le, de personnes ayant une certaine expérience, soit de ces chantiers d’exception, des réglementations rigoureuses, voire tatillonnes, qui les régissent, ou encore disposant d’une expertise des incendies proprement dits, leur apparition, leur propagation, leur aspect selon les matériaux concernés.

Bien entendu, pour circonstanciées, argumentées qu’elles soient ces mises en  cause ne constituent en aucune façon une preuve suffisante. Loin de là. Et pour ma part, je me garde bien de donner dans cette précipitation à conclure que je me permettais précisément de reprocher aux autorités dans leurs affirmations des premières heures. Il me semble seulement que, devant cet incendie, ce désastre, relevant de notre histoire au sein de laquelle il tiendra à jamais une place considérable, on ne peut pas – et on ne doit pas – clore si tôt et surtout avec une telle apparence de légèreté, la recherche de la vérité. Enfin, de grâce, qu’on n’aille pas se défausser en hurlant au complotisme. Car jamais aucune question, si dérangeante, si iconoclaste soit-elle ne saurait être reléguée sans examen dans cette poubelle-là. Jamais. Les réponses sont parfois de ce tonneau-là. Jamais aucune question. Toutes doivent avoir droit de cité, ne serait-ce que par esprit de méthode.

LES TÊTES MOLLES - HONTE ET RUINE DE LA FRANCE

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Politiquement show

En Grande Bretagne, la téléréalité est devenue une stratégie politique comme une autre. Les exemples qui suivent interrogent la réserve des figures françaises à mêler vie publique et mise en scène personnelle.


À l’exception de Jean Lassalle, qui a participé en 2023 à l’émission « Les traîtres » sur M6, et de François Ruffin, qui vient de sortir au cinéma un film, Au boulot1, dans lequel il se met en scène dans son quotidien, le personnel politique français n’aime guère communiquer en dehors du cadre classique des estrades et des interviews.

Au Royaume-Uni en revanche, il n’est pas rare qu’une figure prometteuse de Westminster choisisse d’apparaître dans un programme de téléréalité. En 2022, le patron de Reform UK, Nigel Farage, a ainsi concouru à l’émission « Je suis une célébrité, sortez-moi de là ! » sur ITV. La même année, on a pu voir la conservatrice Penny Mordaunt, ancienne leader de la Chambre des communes, s’exhiber en maillot de bain dans « Splash », toujours sur ITV, tandis qu’en 2016, c’est la BBC qui embauchait un ex-ministre du Trésor, le travailliste Ed Balls, dans la version britannique de « Danse avec les stars ». Pourquoi se livrer à de telles pitreries ?

Sans doute parce que l’exercice a plutôt réussi à Donald Trump, lui-même ancien animateur du show « The Apprentice » sur NBC entre 2008 et 2015. Sauf que le nouveau président américain ne s’est pas servi de la télévision pour « faire peuple ». Au contraire, son émission, véritable hymne à l’argent, lui a permis de montrer qui il était vraiment : un milliardaire décomplexé. Une rare franchise qui plaît manifestement à ses partisans.

En Angleterre, celui qui a peut-être le mieux compris cela s’appelle Jacob Rees-Mogg. Pour revenir en selle après une cruelle défaite aux dernières élections, cet ex-ministre des Opportunités du Brexit dans le gouvernement de Boris Johnson, pur produit de l’establishment britannique, père de six enfants, est depuis le 2 décembre le héros d’une série diffusée sur la plateforme Discovery +, dans laquelle on le voit assumer pleinement sa vie de château et ses convictions de catho tradi. Une émission qui frôle souvent la caricature, notamment dans une séquence où une femme de chambre montre comment elle repasse les mouchoirs de poche du maître de maison. Surprise, si, sur les réseaux sociaux, certains téléspectateurs sont moqueurs, d’autres applaudissent l’élégance très « Downton Abbey » de Rees-Mogg !

Reste dès lors une question : avec son goût des voitures polluantes et sa légendaire collection de costumes sur mesure, François Fillon ne regagnerait-il pas le cœur des Français en ouvrant aux caméras les portes de son manoir dans la Sarthe ?


  1. Lire https://www.causeur.fr/au-boulot-francois-ruffin-294537 ↩︎

Damas année zéro

L’effondrement si rapide du régime syrien s’explique par la stratégie gagnante menée par Israël depuis le 7-Octobre : écraser le Hamas à Gaza et le Hezbollah au Liban. Ces alliés de l’Iran garantissaient la survie de Bachar al-Assad. Les cartes politiques étant désormais rebattues, reste à l’opposition armée syrienne de reconstruire un État.


À Khan Younès, dans la nuit du 6 au 7 octobre 2023, les caméras de surveillance installées par le Hamas captent des images de Yahya Sinwar, chef de la milice islamiste palestinienne dans la bande de Gaza. Ce sont les dernières de lui vivantes. Accompagné de sa femme et de ses enfants, chargé de plusieurs sacs, il s’engouffre dans un complexe de tunnels situé dans le secteur de Khan Younès. Sur ces images, récupérées par l’armée israélienne (IDF, Israel Defence Forces) quelques semaines plus tard et diffusées plus d’un an après, on voit un homme qui se prépare à la déflagration qu’il a imaginée et orchestrée. Dans son esprit, l’attentat-suicide collectif sera l’étincelle qui embrasera la région et submergera Israël. Il aurait dû méditer l’expression anglaise « be careful what you wish for » (« méfie-toi de tes rêves »). Tué par Tsahal un an et une semaine plus tard, Sinwar ne verra pas toutes les conséquences de son œuvre macabre. On regrette presque qu’il n’ait pas assisté à la déconfiture progressive (et chèrement payée par Israël et les Palestiniens) de l’axe de la Résistance. En revanche, le destin de Bachar Al-Assad, l’homme qui a massacré les Palestiniens du camp de Yarmouk (sans émouvoir notre islamo-gauche), ne lui aurait pas arraché une larme.

Assad dépassé par la crise régionale

Quand les nouvelles du 7-Octobre arrivent à Damas, le président syrien a d’autres problèmes en tête. Deux jours plus tôt, son régime a lui aussi été touché en plein cœur. À 140 kilomètres au nord de la capitale syrienne, 129 personnes ont été tuées par la guérilla. Une attaque aux drones, lancée par les rebelles de la région d’Idlib, a frappé une cérémonie de remise de diplômes à l’académie militaire locale de Homs. Il s’agit de la plus ancienne et de la plus prestigieuse école de guerre du pays. Le père du chef de l’État, Hafez Al-Assad, y a été formé. Après treize ans de guerre civile, son fils, fort du soutien russe et iranien, pensait son régime à l’abri. Il sait qu’il est de nouveau menacé. Toutefois, personne ne devine alors que les événements terribles du sud d’Israël inaugurent l’engrenage qui aboutira à sa chute. Comme toujours, les hommes ignorent l’Histoire qu’ils font. Aujourd’hui, quand on remonte le fil, on comprend que si le 7-Octobre n’avait pas rebattu totalement les cartes politiques et militaires au Proche-Orient, on n’aurait pas vécu, en novembre-décembre 2024, ces onze jours qui ont ébranlé la Syrie – et la région.

En octobre 2023, comme en octobre 1973, Israël était à la fois omniscient et aveugle. Il connaissait les capacités de ses ennemis, mais s’est complètement fourvoyé sur ses intentions. Désormais, l’État hébreu ne cherche plus à deviner ce que ses ennemis ont en tête, mais à les priver des capacités de lui nuire. Principe de précaution.

Après le 7-Octobre, Bachar Al-Assad change de statut aux yeux d’Israël : d’ennemi acceptable, car stable et fiable, il devient un problème. Dès lors qu’Israël ne cherche plus à établir un équilibre de dissuasion avec le Hezbollah, mais à détruire cette force militaire et politique hégémonique au Liban, Assad est un obstacle : son territoire est une pièce essentielle de l’axe Téhéran-Beyrouth. Autrement dit, pour asphyxier le Hezbollah, il faut se débarrasser du tyran de Damas. Et Assad semnle l’avoir compris. Alors que le Hezbollah entre en guerre dès le 8 octobre, Assad se garde de toute implication militaire directe. Sa priorité, c’est la survie du régime, donc la sécurité intérieure.

En réalité, son destin est entre les mains de Yahya Sinwar et d’Hassan Nasrallah. En prolongeant la guerre, Sinwar a mis le Hezbollah (qui s’est engagé à combattre tant que le Hamas n’accepterait pas un cessez-le-feu) en grande difficulté. Israël frappe sans relâche les infrastructures et dépôts d’armes de l’Iran et du Hezbollah ainsi que leurs installations logistiques et voies de communication en Syrie. Et de temps en temps, les moyens syriens aussi, notamment les systèmes de défense aériens. L’Iran lui-même est directement visé et, pour la première fois, riposte directement contre Israël. Le leader syrien se retrouve au milieu d’une crise régionale qui le dépasse. L’assassinat de Hassan Nasrallah, le 27 septembre 2024, marque le début de l’acte final du drame.

Quarante-huit heures après, Israël bombarde des propriétés appartenant à Maher el-Assad, frère du président et commandant de la Quatrième Division d’élite, garde prétorienne du régime. Le message est limpide. Dans les semaines qui suivent, Assad assiste, impuissant, à la destruction du Hezbollah par les forces israéliennes. Fin octobre, il est sans doute informé par son armée en temps réel, quand la chasse israélienne survole son territoire en direction de l’Iran. Le 26 novembre, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu annonce qu’il va soumettre à l’approbation du cabinet un accord de cessez-le-feu avec le Liban. Et il précise qu’en aidant le Hezbollah et l’Iran, Assad jouerait avec le feu.

Le soir même, le gouvernement libanais accepte le cessez-le-feu, dont les termes entérinent la défaite de la milice chiite, décapitée et épuisée par deux mois de guerre. Pour l’opposition armée syrienne, c’est un tournant décisif : le moment est venu de sortir de l’enclave où ses combattants sont enfermés depuis leur défaite, en 2016-2017, et de lancer l’assaut.

Alignement des astres

Le choix du moment ne s’explique pas seulement par la quasi-disparition du pouvoir de nuisance du Hezbollah, soutien stratégique du régime syrien, mais aussi par la vulnérabilité croissante de l’Iran, frappé directement par l’ennemi sioniste. Israël n’a plus d’intérêt au maintien d’Assad et la Turquie, après avoir tenté de renouer avec lui et s’être heurtée à une fin de non-recevoir, s’est résolue à voir ses proxys syriens recourir à la force. Si on ajoute que les États-Unis sont en fin de règne et la Russie embourbée en Ukraine, l’alignement des astres est quasi parfait.

L’opposition armée, concentrée dans la région d’Idlib, repose sur deux forces principales : l’Armée syrienne libre (ASL), une milice financée et soutenue par la Turquie, et Hayat Tahrir Al-Cham (HTC), une fédération de groupes djihadistes issus principalement d’Al-Qaïda et de Daech. Un troisième acteur, qui joue un rôle important, est constitué par les groupes armés de Deraa, le berceau de la révolution syrienne.

Le HTC est dirigé par Abou Mohammed Al-Joulani, nom de guerre d’Ahmed Hussein Al-Chara, qui s’est imposé comme le chef et la figure de proue de cette coalition disparate. Il s’est vite révélé comme l’atout principal des rebelles.

Né en 1982 à Riyad dans une famille originaire du Golan, il a grandi à Damas avant de rejoindre en 2003 l’insurrection contre les forces américaines en Irak, où il s’est rapproché d’Al-Qaïda, avant d’être emprisonné pendant plusieurs années. En 2011, il revient en Syrie pour fonder Jabhat Al-Nosra, branche locale d’Al-Qaïda, qui sera l’une des principales forces en guerre contre le régime d’Assad. Toutefois, sa rupture avec l’État islamique en 2013 et avec Al-Qaïda en 2016 pour fonder HTC traduit son pragmatisme stratégique. Al-Joulani est plus qu’un fin politique. Dès 2014, il s’emploie à ajouter une corde à son arc de chef de guerre en construisant une alternative institutionnelle crédible et attractive à l’État des Assad. En parallèle, il instaure des tribunaux islamiques chargés d’appliquer une version stricte de la charia. Cet exemple des tribunaux islamiques montre les dynamiques complexes de la gouvernance dans les zones de conflit. La population les accepte largement moins par sentiment religieux que parce qu’ils pallient l’effondrement des institutions étatiques pendant la guerre civile. Mais il y a aussi, évidemment, la coercition et la peur de déplaire aux nouveaux maîtres. Légitimité d’un côté, autoritarisme de l’autre, ce sont les deux faces de la médaille Joulani. Et si les médias français, soucieux de ne plus se faire avoir, ont déjà décidé que le gars était infréquentable à vie, nul ne sait en réalité de quel côté la pièce tombera.

À partir de 2017, Al-Joulani parvient à établir une administration embryonnaire à Idlib, un mini-État financé par des taxes, des droits de douane et le commerce illégal, tout en s’adaptant aux réalités locales. Il assouplit l’application de la charia et prend ses distances avec le djihad mondial, comme en témoigne son entretien de juin 2023 avec Wassim Nasr, de France 24. C’est ainsi que, lorsque les rebelles se lancent à la reconquête d’Alep le 27 novembre 2024, ils disposent non seulement de capacités militaires non négligeables, mais également de ce qui a toujours manqué aux anti-Assad : un leadership crédible, une opposition organisée capable de gouverner des populations et des territoires, et surtout une légitimité qui ne repose pas uniquement sur la pointe de la baïonnette.

L’homme qui insiste désormais pour être appelé Ahmad Al-Chara, le nom que lui ont donné ses parents, et non plus par son nom de guerre (Al-Joulani), suit une voie tracée depuis au moins une décennie. Opportuniste plus que vraiment modéré, Al-Chara est un ex-djihadiste, mais il est toujours islamiste. S’il a rompu avec Al-Qaïda et Daech, sa société idéale ressemble à l’Iran, à l’Arabie saoudite, au Qatar et à la Turquie plutôt qu’à Dubaï ou à la Syrie des Assad – et ne parlons pas de l’Europe dépravée –, où politique et religieux sont inséparables. L’un de ses proches conseillers a même salué le modèle politique des talibans. Bref, il ne rêve pas de la laïcité la nuit. À ses yeux, l’islam sunnite version Frères musulmans constitue le meilleur programme politique possible. En même temps, il sait que la Syrie a besoin d’un État et que cet État sera celui de tous ses citoyens ou ne sera pas. Au final, il s’inscrira plus volontiers dans les traces d’un Erdogan que dans celles de Mustapha Kemal. On verra quelle dose de démocratie réelle son gouvernement admettra.

Pour l’instant, il a d’autres priorités que la vertu des Syriennes. La Syrie est aujourd’hui divisée en cinq parties. La bande côtière avec ses trois ports, ses bases russes et sa large population alaouite ; la bande allant d’Idlib et Alep au nord jusqu’au sud de Damas dominé par les sunnites, jadis la « Syrie utile » contrôlée par Assad et désormais sous contrôle de Chara et d’HTC ; l’est du pays et la rive gauche de l’Euphrate (30 % du territoire syrien) dominés par les Kurdes ; une bande le long de la frontière nord de la Syrie sous occupation turque (à l’exception de la région de Kobané, contrôlée par les Kurdes et âprement disputée aujourd’hui) ; et enfin une région autonome de facto, à proximité des frontières israélienne et jordanienne, contrôlée par des forces locales en étroite coopération avec HTC. La rupture entre les Kurdes et le reste du pays est difficilement réversible, malgré l’intervention turque en cours, ce qui rend probable une solution à l’irakienne – un État kurde qui ne s’appelle pas État. La nature de la présence russe reste à préciser, mais la Turquie va essayer de maintenir la sienne dans les régions qu’elle contrôle déjà. Elle jouera un rôle décisif dans la reconstruction et plus largement dans l’économie syrienne, notamment grâce aux Syriens qui ont trouvé refuge en Turquie. Israël veillera à ce que la Syrie quitte définitivement et totalement l’alliance iranienne et cesse de soutenir les Palestiniens radicaux, en exerçant un contrôle – avec ou sans présence permanente – sur les régions frontalières et leurs populations. C’est dire si l’État syrien sera placé sous surveillances et sous pressions de toutes sortes. Alors qu’ils sont dépourvus de ressources financières – quatorze ans de guerre civile et le pillage méthodique perpétré par le clan Assad ayant vidé les caisses –, et incapables de se défendre contre des armées – faute de marine, d’aviation et d’armes lourdes – Chara et ses alliés politiques ne peuvent que jouer entre ces différents acteurs – et les uns contre les autres – pour tenter de s’ouvrir une marge de manœuvre. Aussi dramatiques et inattendus qu’ils soient, ces derniers événements ne sont pas les derniers soubresauts que vit le Moyen Orient. Après Gaza, Beyrouth et Damas, tous les yeux sont désormais rivés sur Téhéran.

Lutte contre le narcotrafic: impossible est français !

Avocats et magistrats accueillent malheureusement avec beaucoup de réserves l’idée d’isoler les « narcos » qui sèment la mort et engrangent des profits depuis leur lieu de détention


Impossible n’est pas français : cette citation est prêtée à Napoléon.

J’admets qu’en certaines circonstances dramatiques elle a pu se vérifier. Par exemple, pour Notre-Dame de Paris restaurée magnifiquement en cinq ans alors que personne, sauf le président de la République, n’y croyait. J’espère qu’il en sera de même pour Mayotte dont le Premier ministre s’est engagé à la sortir du marasme en deux ans.

Malgré les quelques réussites exceptionnelles qui démontrent la lucidité napoléonienne, que de péripéties politiques ou sociales qui, au contraire, valident cette impression qu’impossible est français…

Ces derniers jours j’ai été frappé par le volontarisme du garde des Sceaux et les mesures que Gérald Darmanin projette, notamment à l’encontre des narco-trafiquants. Il souhaiterait « placer les profils à risque dans des conditions de détention drastiques », dans un état d’isolement comparable à celui des détenus terroristes qui n’ont jamais pu, eux, d’où ils étaient, inspirer et organiser des massacres. Le ministre aspirerait à un régime strictement identique pour les premiers.

Savoir et déplorer

Le constat qu’il a fait, révélant que trop souvent des « narcos » d’envergure avaient commandité des trafics et des assassinats de l’intérieur de la prison, était, avant sa nomination place Vendôme, partagé par beaucoup. Les professionnels de la police, de la justice et de l’univers pénitentiaire en prenaient acte mais rien de plus : c’était comme cela, un scandale, mais il n’y avait rien à faire !

Ce qui hier était insupportable est devenu aujourd’hui tolérable parce que, paraît-il, sans solution pour le supprimer, trop compliqué en tout cas.

Il a suffi que Gérald Darmanin interroge la possibilité de remédier à ces terrifiantes défaillances de l’ordre, à ces graves anomalies qui pourrissent la vie carcérale comme la tranquillité publique, en imposant un isolement rigide à cette catégorie de transgresseurs dont il a demandé la liste à l’administration, pour qu’aussitôt la résistance s’organise.

Le mal dénoncé auparavant ne devait pas être réparé ni éradiqué. Les criminels incarcérés mais demeurant actifs pour le pire devaient être laissés dans les conditions qui autorisaient leur malfaisance. La conclusion à en tirer était qu’on avait le droit de faire tous les constats du monde, de même que pour la prolifération des portables, mais que surtout il fallait bien se garder de s’en inspirer pour l’action, pour des réformes et des pratiques effectives, immédiatement opératoires. Comme si seul comptait le fait de savoir et de déplorer.

Je pourrais comprendre que, si on s’accordait absolument sur l’obligation de lutter contre ces dysfonctionnements carcéraux, on discutât telle ou telle modalité, on préférât celle-ci à celle-là. Mais ce n’est pas ce qui s’est produit à l’égard de l’initiative prise par le garde des Sceaux. « Avocats et magistrats ont été partagés » et même le personnel pénitentiaire a été moins convaincu que réticent.

Passivité jamais remise en cause

On n’a même pas soutenu le ministre dans sa résolution forte d’aboutir malgré les obstacles, on a de tous côtés et à tous niveaux focalisé seulement sur les obstacles.

Comme s’il y avait, dans le désir élémentaire de mettre fin à un laisser-aller carcéral créateur de délits et de crimes au dehors, une forme de provocation.

Comme si le garde des Sceaux, en refusant la facilité et le confort d’une objectivité sans le moindre risque d’effet, donnait mauvaise conscience à tous ses prédécesseurs trop heureux d’avoir fait preuve d’une lucidité similaire mais d’une passivité jamais remise en cause.

On devrait se féliciter d’avoir, avec cet authentique couple régalien voulu par le Premier ministre, le miracle politique d’un duo cherchant à s’échapper de la perversion nationale : les mots pour dénoncer et promettre, l’immobilité pour ne pas courir le risque d’échec par les actes.

Aussi bien Bruno Retailleau que Gérald Darmanin, chacun à sa manière, remettent ainsi de la crédibilité dans un univers politique, de l’efficacité dans le comportement ministériel. Il n’y a pas de moyen plus sûr pour redonner confiance aux citoyens.

Changer ce qui va mal et faire renaître « Impossible n’est pas français ».

Boualem et la peste verte

Les Écologistes sont indifférents au sort de Boualem Sansal. Ils sont trop occupés par les priorités climatiques.


Les Verts français ne se sont guère précipités pour voler au secours de Boualem Sansal et exiger sa libération immédiate. Sandrine Rousseau l’a traité de suprémaciste d’extrême droite. Mutisme remarquable de Marine Tondelier, faute de temps sans doute, puisqu’elle consacre toute son énergie (renouvelable évidemment) à « sauver l’Humanité » de la catastrophe climatique.

La formule revient en boucle et l’« Humanité » semble d’ailleurs la seule entité collective respectable, en tout cas la seule à la hauteur des ambitions écologistes. Hasard sans doute, le marxisme-léninisme raisonnait lui aussi à l’échelle mondiale et ambitionnait de révolutionner la vie de l’Internationale des travailleurs. Curieusement, Soljenitsyne fut en son temps aussi bien soutenu par la gauche française que Boualem. C’est d’ailleurs au titre de cette filiation communiste qu’un courageux anonyme du PS a déclaré que sous son tailleur vert, Marine Tondelier portait des sous-vêtements rouges. Incapables de comprendre cette re-visitation de la blague de la pastèque – qui comme les écolos est verte à l’extérieur, mais rouge à l’intérieur –, les Olivier Faure et consorts ont cru à une blague sexiste et s’en sont excusés – évoquer la culotte d’une femme, en ces temps de pudibonderie, n’est visiblement plus admissible.

Comme ce numéro de Causeur rend hommage à l’esprit Charlie, j’aurais bien suggéré un dessin de mauvais goût à nos chers confrères : faire porter à Miss Tondelier une culotte rouge certes, mais du type de celle qu’on trouve à Pigalle – fendue. Le dessin aurait été accompagné de la légende « favorable à la pénétration de l’islam »… Quoi qu’il en soit, se soucier du citoyen français Boualem Sansal victime de la dictature salafo-compatible algérienne, par simple humanité, ne semble pas avoir effleuré nos Verts. L’humanisme serait-il incompatible avec le sauvetage général ? Assurément pour les Khmers verts dont l’appartenance à l’« arc républicain » constitue une autre blague, d’encore plus mauvais goût.

Est-ce que ce « Monde » est sérieux ?

Faites connaissance avec Magali Lafourcade, la présidente du Comité d’éthique du Monde qui se targue de moraliser les journalistes, mais dont deux des décisions récentes sont controversées.


Magali Lafourcade gagne à être connue. Avec ses fonctions (dont un scénariste de comédie n’aurait pu avoir l’idée) de secrétaire générale de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, de senior expert pour l’Agence européenne des droits fondamentaux et de directrice de la formation continue de lutte contre le racisme à l’École nationale de la magistrature, elle a manifestement décidé d’établir un nouveau standard dans le métier de professeur de morale. Depuis 2024, la jeune femme, que l’on entend parfois sur France Culture à l’heure de la messe le dimanche matin, préside le Comité d’éthique et de déontologie du journal Le Monde.

C’est donc très légitimement, à l’occasion des 80 ans du titre, qu’elle y a publié, le 19 décembre, un article pro domo, dans lequel elle se flatte de protéger les journalistes non seulement des pouvoirs extérieurs à la rédaction (y compris les actionnaires), mais aussi d’eux-mêmes, grâce à une implacable surveillance de leurs éventuels conflits d’intérêts. Mais la diseuse de vertu ne se hausse-t-elle pas un peu trop du col ? Deux jours avant la parution de son texte d’autopromotion, on a en effet appris, dans une magistrale enquête du Figaro consacré au tropisme palestinien (voire plus) du Monde, signée Eugénie Bastié, que le comité d’éthique de Mme Lafourcade avait pris deux décisions pour le moins aporétiques cette année. D’une part, il a estimé logique de demander à la rédactrice politique Ivanne Trippenbach de s’abstenir d’écrire sur l’actualité gouvernementale tant qu’elle serait la compagne d’un conseiller à Matignon. D’autre part, elle a considéré que le reporter Benjamin Barthe (bien connu de nos services), marié à une activiste pro-Hamas (qui a notamment applaudi le 7-Octobre), pouvait continuer de couvrir le conflit au Proche-Orient.

Un « deux poids, deux mesures » qui choque bon nombre de journalistes en interne et qui confirme une fois encore combien la formule ronflante « éthique et déontologie » peut être trompeuse, surtout quand elle est brandie avec componction par une orgueilleuse « spécialiste » de la question.

J’ai vu la fin du « Monde »

Le président d’Avocats Sans Frontières salue la récente enquête d’Eugénie Bastié dans Le Figaro consacrée au fameux quotidien du soir.


J’aurai assisté à cela. À la fin d’une impunité. D’une manière d’omerta. D’un complot du silence qui prospérait sur la crainte obséquieuse et le corporatisme. Eugénie Bastié, de la maison Figaro, aura dynamité tout cela avec ses petites mains et sa tête bien faite. Par un article joliment troussé et une belle enquête.

Je ne sais plus depuis combien de temps j’attendais cela. Depuis bien avant le 7-Octobre. L’anti-israélisme pathologique du Monde, j’ai vécu avec, je me suis construit contre. Mais le 7-Octobre est arrivé. Avec les titres quasi pornographiques du quotidien du soir, où les faux bilans du Hamas sont tenus pour le Journal officiel, et ses terroristes éliminés pour de bien gentils journalistes.

Et il y a bien sûr Benjamin Barthe. Sans vouloir me pousser du col, je ne suis pas pour rien pour sa gloire. Je ne compte plus les articles et les tweets que je lui ai dédiés. Ainsi qu’à sa Muzna d’épouse palestinienne qui chante le 7-Octobre et pleure le jour de la mort du chef du Hamas. On dira ce qu’on voudra, mais les Barthe ne sont pas des faux jetons. Lui, sur sa page X n’hésite pas à approuver d’un « Yes my friend » un post selon lequel « Israël n’apporte que la mort ». Ou à relayer du François Burgat dans le texte. Elle est sans limites connues et justifie la mort des innocents. Elle devra donc en répondre en justice, Avocats sans frontières la voulant voir reconnue coupable.

Mais le mérite insigne d’Eugénie Bastié aura été dans son intelligente enquête et ses révélations. J’ignorais l’existence du « mur de Gaza » [un ensemble de dessins et slogans violemment antisionistes affichés dans un open space au siège du Monde à Paris, ndlr], qui me rappelle un autre « mur » d’immondices d’un Syndicat de la magistrature de la même texture, que je fis condamner malgré l’opposition magistrale du parquet. J’ignorais ces remarques qui ne fleurent pas le philosémitisme exacerbé, comme lorsqu’un journaliste lance à sa juive de collègue : « C’est mal parti pour ton aliyah. » J’ignorais ceux qui confessent qu’ils ont désormais un problème avec la communauté juive. J’ignorais ceux qui désapprouvent, dans un silence gêné.

Je savais néanmoins, en fréquentant d’aucuns de la chronique judiciaire, honnêtes et talentueux, qu’un fossé générationnel les séparait de jeunes pousses insoumises et avait métamorphosé les salles de rédaction en campus faussement rebelle.

Mais le plus important est sans doute ailleurs. Dans le fait que cette enquête ait été sans crainte publiée. Cela en dit long sur la fin de la domination de l’extrême gauche médiatique. Et sur la perte du respect ombrageux que Le Monde inspirait encore il n’y a pas deux ans. Le wokisme stupide est passé par là, et la cruelle réalité de l’immigration et de l’islamisme. Cette réalité encore plus forte que l’idéologie.

Le Monde était déjà à terre avant qu’il soit tombé.

Le miracle de Noël d’Emmanuelle Ménard

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Emmanuelle et Robert Ménard © Alain ROBERT/SIPA

Enquiquineurs, squatteurs, dealers : pas certaine que, sur ces questions, François Bayrou soit l’homme de la situation. On lui laissera le bénéfice du doute, au moins pendant la trêve des confiseurs. D’ici là, très bonne année 2025 à tous !


Opération « Place nette »

En septembre dernier, une enquête Ipsos révélait que la majorité des Français était préoccupée par la criminalité et la violence. Béziers ne déroge pas à la règle et nous sommes régulièrement saisis par des riverains qui se plaignent de squatteurs et autres dealers au bas de leur immeuble. Après en avoir longuement parlé avec le préfet de l’Hérault, sensibilisé à ces questions, une opération « Place nette » d’envergure a été organisée sur deux semaines dans le centre-ville de Béziers. Avec quelques déceptions, qui donnent parfois l’impression de vouloir vider l’océan avec une petite cuillère ; mais aussi quelques résultats, comme des confiscations d’argent dans les caisses de magasins en délicatesse avec le fisc, des saisies de drogue facilitées par les chiens de la police municipale, et quelques découvertes de travailleurs clandestins ou autres marchands de sommeil qui seront dûment poursuivis. Pas de quoi invoquer la magie de Noël, mais constater que nous pouvons nous aussi casser les pieds aux voyous me met du baume au cœur…

Gilles Goujon

Un moment hors du temps. Une soirée toute en délicatesse. Nous sommes invités Robert [Ménard] et moi à un dîner chez un concessionnaire de voitures haut de gamme, animé par le chef trois étoiles Gilles Goujon. Nous connaissons bien Gilles et avons de l’amitié et de l’admiration pour lui. Jovial, bon vivant, chaleureux, talentueux. Durant la soirée, il nous raconte son combat pour la gastronomie française, son amour de notre pays à travers sa cuisine et ses vins, et son agacement, voire son écœurement devant certains chefs qui se « couchent » pour obtenir des récompenses. Gilles Goujon fait partie de ces étoilés qui protestent contre le classement établi par la marque San Pellegrino des 50 meilleures tables du monde dans lequel ne figurent qu’une poignée de maisons françaises… Un combattant. Un résistant. Bref, un vrai Biterrois !

Motion de censure

La France insoumise est prête à jouer la politique du pire : faire tomber un gouvernement sans solution de rechange, quitte à priver la France et la Sécurité sociale de budget. Le RN les encourage, tout en invoquant la « responsabilité ». Marine Le Pen comme Jean-Luc Mélenchon sont décidés à jouer la présidentielle anticipée. Les partis politiques ne se soucient que de leur électorat, d’intérêts de boutique et de victoires d’ego. Aucune raison que les choses s’arrangent en 2025…

Marche blanche

Un travailleur agricole marocain d’une soixantaine d’années a été assassiné ce mois de décembre par sa voisine de palier, jeune femme de 22 ans (visiblement accro aux substances illicites) et mère d’une enfant de six ans, pour un motif encore indéterminé. Le dimanche qui a suivi sa mort, l’association franco-marocaine de Béziers a organisé une marche blanche. Alors que nous stationnons devant son domicile, pour un moment de recueillement, j’aperçois un homme qui me fait signe. Je m’approche et il me raconte qu’il habite lui aussi dans cette rue, qu’il ne supporte plus les dealers. J’avise non loin de lui trois jeunes garçons, le visage à moitié dissimulé et je lui demande s’ils font partie des fauteurs de troubles. Il acquiesce discrètement. Je me dirige alors vers la police nationale, stationnée là pour sécuriser la manifestation. Je leur demande s’ils sont au courant que les trois jeunes gens font partie des dealers qui pourrissent la vie du quartier chaque nuit. Ils me répondent « oui, mais ils sont mineurs : ils sont régulièrement contrôlés, mais comme ils n’ont rien ou quasiment rien sur eux… » Je comprends la détresse des habitants du quartier. Nous en discutons régulièrement avec Robert : nous pourrions facilement communiquer au prochain ministre de l’Intérieur une liste de mesures qui ne coûtent rien, applicables pour la plupart sans passer par la loi, et qui permettraient aux forces de l’ordre d’agir beaucoup plus effacement… Avis aux amateurs de solutions !

Agriculteurs

Vendredi 13 décembre, la Coordination rurale manifestait à Béziers, en compagnie de quelques élus du RN, pour protester contre la concurrence déloyale subie par les agriculteurs français. Mais quand, vers 10 heures du matin, par une pluie battante, la situation entre police nationale et agriculteurs a commencé à se tendre, bizarrement, les représentants du parti politique de Marine Le Pen n’étaient plus là. Le maire de Béziers en revanche, oui. Deux manières de faire de la politique…

Crèche de Noël et Hanouka : même combat !

Cela ne nous étonne même plus… C’est la onzième année que le maire de Béziers installe la crèche de Noël dans l’hôtel de ville. Et la onzième année consécutive qu’elle est attaquée en justice. Non plus par les représentants de l’État qui, depuis quelques années maintenant, nous ont lâché les baskets avec cette prétendue atteinte à la laïcité. Mais par la Libre pensée et la Ligue des droits de l’homme. Ils en font une affaire personnelle, semble-t-il. Rien que pour 2024, nous en sommes à cinq procédures en référé ! À croire qu’ils n’ont que ça à faire. « Quel est votre plus grand combat pour les droits de l’homme ? – Combattre la crèche de Noël à Béziers. » Celle-là même qui réunit chaque année plus de 20 000 personnes. Celle qui touche petits et grands, laïcs et croyants, car elle leur rappelle la « crèche de leur enfance… » Celle qui rassemble autour de cette image sacrée de la famille. Du petit contre les puissants. Celle qui fait espérer… Et Dieu sait que les Français ont besoin d’espérer en cette fin d’année.

Grande nouveauté pourtant – et qui m’inquiète beaucoup plus –, la même Ligue des droits de l’homme attaque aussi cette année la célébration de Hanouka – la fête juive des lumières – dans la mairie. Que nous fêtons chaque année depuis onze ans, sans jamais avoir été ennuyés… Décidément, le 7 octobre a fait sauter des digues, et ce n’est pas rassurant.

Drogue suite…

J’apprends à l’instant que la police nationale vient d’arrêter, dans la rue du travailleur marocain assassiné dont je vous parlais plus haut, un homme en possession de plusieurs barrettes de cannabis, 750 euros en espèces et… fiché S ! Un miracle de Noël certainement !

À lire aussi, Emmanuelle Ménard: L’esprit de Noël made in France

Pourquoi la gauche adore détester Michel Onfray

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Michel Onfray © Hannah Assouline

Le 4 novembre dernier, France Inter consacrait une émission entière (« Affaires sensibles » animée par Fabrice Drouelle) à Michel Onfray et à sa supposée dérive droitière. Une heure de procès d’intention, sans contradictoire et sans retenue, pour reprocher au philosophe d’avoir quitté le camp du bien – et donc justifier qu’il n’ait plus sa place sur Radio France. Mais Michel Onfray a-t-il tellement changé ? N’est-ce pas plutôt la gauche qui a changé ?


Pourquoi la gauche déteste-t-elle Onfray ? Entre ostracisme et diffamation, le philosophe Michel Onfray est devenu l’ennemi public numéro un pour de nombreux médias de gauche. Quelles sont les causes de cette détestation et, surtout, que cache-t-elle ? Anatomie d’une haine…

Onfray, cible du sévice public

C’est un fait, Michel Onfray est persona non grata sur les radios et télévisions du service public.
France Inter, par exemple, ne l’a pas invité depuis des années : pas question d’offrir un espace d’expression aux idées souverainistes et de troubler l’entre-soi consensuel des animateurs de gauche et d’extrême-gauche, quasiment hégémoniques sur le service public, et tous ralliés à l’idéologie sans-frontiériste (sans-frontiérisme, c’est l’euphémisme bienséant utilisé pour qualifier le ralliement de la gauche au capitalisme financier et libre-échangiste).

En revanche, si Onfray n’est pas invité sur France Inter, son procès y est instruit, sur le mode des Procès de Moscou, c’est-à-dire sans droit à la défense. Ainsi, le 4 novembre dernier, une émission était donc entièrement consacrée au philosophe : tout d’abord, un Vychinski en herbe l’y a accusé de dérive vers l’extrême-droite ; ensuite, un psychologue auto-proclamé a expliqué cette prétendue dérive droitière par la mort de sa compagne. Aujourd’hui, sur un média financé par l’argent des contribuables, on ne se contente donc plus de calomnier les vivants sans leur accorder de droit de réponse, on exhume aussi une défunte pour lui reprocher un inédit délit de « fascisme post-mortem ». Il était inévitable que cette gauche, adepte du laxisme judiciaire à l’égard des criminels vivants, finisse par condamner les défunts innocents.

Les deux « Minutes » de la haine

La fatwa wokiste qui vise Michel Onfray ne s’arrête cependant pas au service public. Ainsi, dans les pages de Libération et du Monde, il est rituellement maudit et systématiquement extrême-droitisé. Qu’importe que le philosophe défende des valeurs traditionnelles de la gauche comme la solidarité ou le pacifisme ; pour Le Monde, qui n’est pas avare de contresens historiques, baptiser une revue Front Populaire, c’est « séduire »… l’extrême-droite (1), tandis que, pour sa part, Libération titre « Onfray réhabilite un discours d’extrême-droite ! » (2). Le philosophe annoncerait-il la météo ou lirait-il une recette de pâtisserie qu’il serait tout de même lepénisé, fascisé, nazifié. Les deux médias susnommés -qui ont publié en 1977 la tribune pro-pédophile de Matzneff- demeurent néanmoins les prescripteurs officiels de la morale publique et continuent à décerner les brevets de civisme et de respectabilité.

Pour masquer sa transition idéologique de l’internationalisme ouvrier (qui fut un mouvement social émancipateur) vers le capitalisme mondialiste (qui est un système économique d’aliénation des travailleurs, au sens marxiste du terme), la gauche se contente dorénavant et paresseusement de nazifier ses contradicteurs : la « reductio ad hitlerum » la dispense de formuler des arguments. Ainsi, ceux qui prônent un contrôle et une limitation de l’immigration sont systématiquement qualifiés de racistes et d’islamophobes, une qualification qui les… disqualifie moralement dans le débat public.

Hormis quelques esprits libres comme Michel Onfray, nul ne remarque que cette vision immigrationniste est servilement alignée sur celle du MEDEF et du patronat allemand. En effet, le Moloch capitaliste a sans cesse besoin de chair fraîche immigrée à ubériser et à mettre en concurrence avec le prolétariat local, afin d’exercer une pression à la baisse sur les salaires. Et la gauche, devenue complice de cette Traite négrière contemporaine, cautionne; elle en redemande même, telle l’idiote utile du grand patronat transnational qu’elle est devenue. Lénine, relève-toi, ils sont devenus f…inanciers !

La gauche et le peuple : petite histoire d’une grande trahison

La gauche déteste Onfray parce que ce dernier lui reproche d’avoir sacrifié la vertu de la République en se couchant devant les marchés. Elle le déteste aussi parce qu’il lui rappelle ce qu’elle a été et ce qu’elle n’est plus : une force révolutionnaire qui a mené et remporté de nombreuses luttes sociales au service du peuple.

Telle la Statue du Commandeur, le philosophe énonce inlassablement et imperturbablement les félonies successives de notre gauche désormais populophobe. Liste (non exhaustive, car 10 volumes n’y suffiraient pas) :

-d’abord, la trahison économique et sociale initiale avec le « tournant de la rigueur » (traduction : le coming out libéral du Parti Socialiste), décidé par Mitterrand en 1983, et mis en place par le très européiste ministre de l’économie Jacques Delors.

-ensuite, la trahison de la démocratie avec le coup d’État de février 2008, lorsque l’abstention de nombreux  parlementaires de gauche a aidé à la ratification du très libéral Traité de Lisbonne, désavouant ainsi le referendum populaire de 2005 qui avait dit « non » au projet de Constitution européenne.

-puis, la trahison de la laïcité avec la conversion de toute l’extrême-gauche et d’une large fraction de la gauche à l’islamogauchisme. Les anticléricaux et bouffeurs de curés d’autrefois sont devenus les supplétifs et les idiots utiles des barbus patriarcaux, antisémites et homophobes. Désormais, c’est à gauche qu’on milite pour le port de signes religieux sexistes à l’école publique. Jules Ferry, relève-toi, ils sont devenus f…anatiques !

– enfin, la trahison de l’idéal pacifiste avec l’alignement pavlovien de nombreux parlementaires et ministres de gauche sur les positions atlantistes et bellicistes, depuis les interventions américaines en Irak et en Afghanistan jusqu’au conflit russo-ukrainien, en passant par les bombardements sur la Libye. Pour un Chevènement qui a démissionné, combien de ministres de gauche sont restés en place ? La soupe est bonne au gouvernement, même et surtout quand elle est préparée par les marchands d’armes. Jean Jaurès, relève-toi, ils sont devenus f…aucons !

Pour être un philosophe institutionnel et célébré par les médias de service public, Michel Onfray aurait dû, à l’instar de BHL (« Belliciste en Hermès et Lacoste » !), se proclamer de gauche tout en renonçant à toutes les valeurs de gauche. Bernard-Henri Lévy se prétend en effet de gauche alors qu’il est l’infatigable VRP de toutes les guerres américaines, un philosophe qui n’éprouve aucun complexe moral à redonner le moral au complexe militaro-industriel, un homme qui n’a pas d’alibi pour avoir entraîné Nicoléon le Petit dans l’a-Libye, c’est-à-dire dans l’anéantissement de toute structure étatique en Libye, désormais livrée au chaos et aux groupes terroristes. Une suggestion de titre pour le prochain film-pensum de BHL : « OTAN en emporte les vies »…

La Gauche-Pinocchio contre Jiminy Onfray

Une constante relie toutes les trahisons évoquées ci-dessus : l’adhésion d’une très large partie de la gauche à l’idéologie maastrichtienne, cache-sexe européen de la mondialisation ultralibérale. D’Artagnan tué en 1673 devant Maastricht, on aurait pourtant dû se méfier de Milady Von der Leyen !

L’élu maastrichtien de gauche -je ne parle pas de l’ère géologique du Crétacé mais de l’hère néo-illogique qu’est le partisan de l’Union Européenne- sait qu’il ne peut pas se prétendre de gauche et adhérer, « en même temps », à cette Europe antisociale du libre-échangisme et du dieu-marché ; alors il hait Michel Onfray pour l’avoir mis en face de sa schizophrénie politique et de ses reniements.

Bien loin d’une capitale qui fait aujourd’hui de la peine, artisan qui forge amoureusement des pensées philosophiques chez lui en province (Caen on a que l’amour…), Michel Onfray préfère sertir l’idée au logis que servir l’idéologie. Il est la conscience, le Jiminy Cricket de la Gauche-Pinocchio, celui qui lui souffle inlassablement à l’oreille qu’elle ment au peuple depuis qu’elle s’est convertie voilà 40 ans au capitalisme mondialiste et financier. Dans la version initiale du conte (pas dans celle, édulcorée, de Disney), Pinocchio, exaspéré, écrasait l’insecte incarnant sa conscience. Aujourd’hui, malgré la violence de l’ostracisme et de la diffamation, le philosophe, quant à lui, ne s’écrase pas : le cri qu’est Onfray retentit malgré les cris d’orfraie de cette gauche de la trahison.

La droite ne l’aime pas non plus !

La droite européiste (y en a-t-il une autre ?) n’aime pas davantage Michel Onfray. Elle ne l’aime pas parce qu’il est toujours de gauche, bien sûr, mais aussi parce qu’elle n’est pas parvenue à le débaucher, à le récupérer au moment où elle n’a plus de philosophe d’envergure depuis les disparitions de Raymond Aron et de Jean-François Revel. 

Il y a bien François-Xavier Bellamy, mais il est à la philosophie ce que Macron est à la politique : on ne peut en effet pas prétendre que la nation est le « seul cadre dans lequel s’exprime la souveraineté des peuples » et déclarer « en même temps » que le « terme de souverainisme est réducteur » (3).

Tandis que le véritable philosophe doute, s’interroge et remet en cause; le sans-frontiériste maastrichtien croit en les textes saints que sont pour lui les traités européens. Tandis que le philosophe privilégie l’Homme, le libéral maastrichtien le réduit à une variable d’ajustement microéconomique. L’adhésion à Maastricht, c’est l’anti-philosophie : voilà pourquoi, malgré ses indéniables qualités intellectuelles, l’européiste Bellamy n’écrira jamais une Métaphysique des montants compensatoires monétaires d’Aristote à Schopenhauer ou un De la Politique Agricole Commune dans la pensée nietzschéenne.

Le philosophe, le révolutionnaire et le politicien (aka « Le bon, la brute et le truand »)

Onfray n’aime pas Robespierre, du moins la lecture que Mélenchon en fait. Pourtant, il y a du Robespierre chez le philosophe : ne surnommait-on pas Maximilien « l’Incorruptible » ? L’indépendance de Michel Onfray interroge en effet le microcosme médiatico-politique : quel est donc ce psychorigide normand à lunettes rectangulaires qu’on ne peut pas acheter par une sinécure à la direction d’un institut culturel surnuméraire ou bien par un secrétariat d’Etat à l’intitulé farfelu ? Bref, quel est cet individu déconcertant des cons certains et refusant des honneurs qu’il considère comme déshonneur ?

« Ôte-toi de mon soleil ! », disait Diogène à Alexandre le Grand qui lui demandait ce qu’il désirait. « Ôte-moi de ton soleil !», réplique Michel Onfray (que dieu gêne ?) à tel anima-tueur de télé qui le désire-hait. En effet, le philosophe sait qu’aucun projecteur de plateau-télé n’éclairera jamais aussi fort que les Lumières. Or, dans les studios, ce n’est pas Jean-Jacques que l’on croise, mais Aurélien Rousseau, Sandrine Rousseau et Adrien Quatennens (cherchez : c’est également un Rousseau).

De l’Union Soviétique à l’Union Européenne : la xénocratie en marche…

A un siècle d’intervalle, Léon Blum (chef du Front Populaire, le gouvernement) et Michel Onfray (fondateur de Front Populaire, le journal) affichent la même préoccupation souverainiste et la même volonté de lutte contre la xénocratie : à l’instar du socialiste Blum qui avait refusé de se soumettre à la tutelle politique de Moscou en ne signant pas l’adhésion de la SFIO à l’Internationale communiste, Onfray rejette la tutelle économique de Bruxelles et la supranationalité antidémocratique imposées par la Commission européenne, dont pas un seul des membres n’est élu.

Le « tout-marché » des maastrichtiens d’aujourd’hui est l’équivalent dogmatique du « tout-Etat » des communistes d’autrefois et les co-misères européens sont les héritiers des commissaires politiques soviétiques : des technocrates fanatiques, dénués de la moindre empathie et au service d’une idéologie mortifère.

Le 27 décembre 1920, dans un discours mémorable au Congrès de Tours (qui allait aboutir à la scission de la gauche française entre socialistes et communistes), Léon Blum disait à ceux qui renonçaient au socialisme et à la démocratie pour devenir les vassaux des communistes russes, tueurs de masse : «il faut que quelqu’un reste pour garder la vieille maison». Aujourd’hui, alors que la gauche européiste a renoncé au peuple et s’est associée aux assassins de la nation française, c’est Michel Onfray qui garde la «vieille maison».


(1) Avec sa nouvelle revue « Front populaire », Michel Onfray séduit les milieux d’extrême droite (lemonde.fr)

(2) «Onfray réhabilite un discours d’extrême droite» – Libération (liberation.fr)

(3) Bellamy : «Une Europe qui permet de ne plus subir la mondialisation» – Le Parisien

Une névrose mondialisée

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Charles Rojzman. Photo: D.R.

2024 a vu les fantasmes autour du prétendu « privilège blanc » ou de la domination mondiale des juifs prospérer. La raison finira-t-elle par supplanter ces passions collectives ? La haine sera-t-elle remplacée par un intérêt bien compris ? Les élites occidentales réussiront-elles un jour à se libérer de leurs illusions néfastes ?


L’émergence de ces interrogations trouve ses racines au Moyen-Orient, où la lutte des Palestiniens s’est muée en emblème central de la révolte contre le monde occidental et ses privilèges historiques. Dans ce contexte, des ouvrages comme Mein Kampf se transforment en best-sellers en Turquie, tandis que des textes comme les Protocoles des Sages de Sion s’ancrent profondément en Égypte et en Iran. Les fantômes d’Hitler et de Goebbels semblent renaître, réanimant des théories du complot à propos des Juifs qui refont surface avec une intensité alarmante. Certains soutiennent que les Juifs auraient établi à Tel Aviv un prétendu centre de commandement pour ce qu’ils appellent la « domination talmudique mondiale ».

Parallèlement, la réapparition d’un nouveau racialisme soulève des questions troublantes, ravivant des notions de hiérarchie raciale. Les Blancs, accusés de jouir indûment de privilèges, seraient désormais désignés comme des opprimés par leurs propres maîtres, les Juifs, qui contrôleraient le pouvoir et seraient tenus responsables de tous les conflits qui empêchent l’humanité d’accéder à la paix. Les Noirs américains, les Africains et les musulmans se retrouvent ainsi victimes d’un impérialisme et d’un racisme qui les ont colonisés, réduits en esclavage et exterminés. La cause palestinienne, avec ses images poignantes d’enfants, de vieillards et de femmes sans défense abattus par les forces israéliennes, devient le modèle d’une lutte désespérée. Les victimes de la police américaine, comme George Floyd et française comme  Adama Traoré, et les Palestiniens martyrisés par l’armée israélienne, deviennent les symboles d’une oppression universelle.

Diabolisation d’Israël : une constante historique

La diabolisation d’Israël s’inscrit dans une tradition bien établie, où les véritables génocidaires ont souvent eu recours à la fabrication de mythes pour justifier leurs actes. Des révolutionnaires de la Terreur aux Hutus du Rwanda, en passant par les communistes staliniens et les maoïstes, chaque groupe a cherché à projeter la culpabilité sur un ennemi désigné, souvent en manipulant les émotions collectives. Ces acteurs politiques exploitent la colère et l’injustice ressenties par les masses, offrant des promesses d’une époque où les privilèges seraient abolis, où un âge d’or émergerait pour les démunis. En conséquence, les « dominateurs » sont livrés à la vindicte populaire, et les peuples, angoissés par les crises et abandonnés par des dirigeants incompétents, abandonnent la voix de la raison au profit de nouvelles dictatures, de nouvelles prisons.

Cependant, la conquête du pouvoir ne suffit pas à épuiser les significations de cette diabolisation d’Israël et de l’Occident blanc. Le malaise actuel dans la relation à l’autorité peut éclairer certains des errements d’une partie de la jeunesse des pays occidentaux. Contrairement à un totalitarisme qui s’appuie sur une autorité absolue, la démocratie moderne révèle ses propres faiblesses. Dans une psychologie individuelle, l’enfant confronté à une figure paternelle omnipotente idéalise ce maître tout en se diabolisant lui-même, croyant qu’il ne pourra jamais atteindre ce niveau de perfection. En revanche, lorsque l’autorité présente des faiblesses, elle devient un exutoire pour les frustrations individuelles, et cette dynamique peut mener à une diabolisation de l’autorité elle-même.

La diabolisation des États-Unis a pris forme après la guerre du Vietnam, période durant laquelle les limites de la démocratie américaine ont été mises en lumière. De la même manière, la diabolisation d’Israël a débuté après 1967, lorsque l’occupation de la Cisjordanie, de Gaza et du Golan a exacerbé les tensions et les relations conflictuelles avec une population considérée comme occupée.

Une utopie de réconciliation générale

Le processus de diabolisation est complexe, tant dans les dynamiques individuelles que collectives. Il s’agit d’une stratégie courante dans les propagandes visant à décrédibiliser l’adversaire en le dépeignant comme monstrueux. Cette diabolisation a également des implications internes, entravant la lutte contre les doctrines asservissantes. Comment expliquer la diabolisation d’Israël par une partie de la gauche européenne, accompagnée d’une critique acerbe de la civilisation occidentale ? Une telle prise de position semble souvent dénuée de fondements politiques rationnels, et l’importance des émotions dans nos choix idéologiques est souvent sous-estimée.

Benjamin Netanyahu devant une carte de Gaza, Jérusalem, 2 septembre 2024 © Ohad Zwigenberg/UPI/Shutterstock/SIPA

Les blessures d’enfance peuvent engendrer des visions du monde, particulièrement lorsque ces perceptions sont partagées collectivement et renforcées par des campagnes de propagande. Des œuvres comme Le Ruban blanc de Haneke illustrent comment l’éducation autoritaire dans le monde germanique au début du XXe siècle a pu jouer un rôle dans l’émergence du nazisme. Les modes d’éducation, qu’ils soient communs à une époque ou à une classe sociale, forgent les destinées individuelles et collectives. Au Rwanda, j’ai été témoin des conséquences d’une culture d’obéissance aveugle à l’autorité, où la soumission à la figure parentale est inculquée dès l’enfance.

Il est difficile de saisir comment la diabolisation d’Israël s’opère chez des personnes qui ne se revendiquent pas antisémites, mais qui expriment pourtant leur compassion pour les victimes de la Shoah. Beaucoup d’enfants issus de milieux favorisés ont grandi avec un amour conditionnel, ce qui peut générer en eux une violence réactive face à des figures d’autorité perçues comme oppressives. Cette rébellion s’étend à des entités qu’ils jugent capables de les réduire en esclavage : les nations, les armées, les colonisateurs, les institutions religieuses. Leur quête d’un amour universel les conduit à soutenir les opprimés, parfois sans discernement. Ils aspirent à une utopie de réconciliation générale, désireux d’effacer les différences et les conflits.

Ainsi, une génération européenne se sent coupable de ne pas aimer, refoulant une haine projetée sur des figures parentales détestées, et refuse de reconnaître la violence qu’elle retourne contre des représentations du mal. Paradoxalement, cette génération, tout en jouissant de privilèges, trouve des justifications à la violence de ceux qu’elle considère comme des victimes. Elle rejette le racisme et la guerre, aspirant à un amour universel qui unirait tous les êtres humains, parfois sans voir les dangers sous-jacents, tels que le fanatisme radical ou la haine envers les Blancs et les Juifs. Son empathie se concentre sur les victimes de la Shoah, mais souvent elle ne reconnaît pas les souffrances des Israéliens, considérés comme des « colonisateurs » injustement établis sur une terre qui ne leur appartient pas. Cette quête de justice et de liberté conduit paradoxalement à rejoindre des mouvements véritablement antisémites, qui ne voient dans Israël qu’une incarnation du Juif éternel, dominateur et sanguinaire.

Une victimisation persistante

Du côté arabe, en revanche, il n’existe ni repentir ni culpabilité, mais plutôt une victimisation qui refuse toute forme de responsabilité collective. Les Allemands, après leur défaite en 1945, ont été contraints de quitter des terres ancestrales, laissant derrière eux maisons, fermes et infrastructures. Les Polonais ont remplacé les Allemands, et les Hindous et les musulmans d’Inde ont dû échanger des territoires. Les Grecs ont quitté l’Anatolie, mais les Arabes de 1948 continuent de revendiquer un retour vers des maisons qu’ils n’ont peut-être jamais connues. Malgré le fait que les véritables réfugiés soient nombreux dans le monde, ceux qui se désignent comme Palestiniens continuent de vivre dans des camps, soutenus par l’UNRWA. Pourquoi une telle disparité ? Peut-être parce que le monde arabo-musulman peine à accepter l’existence d’un État souverain pour des Juifs autrefois soumis.

Les Palestiniens contemporains sont nourris quotidiennement par le rêve d’un retour vers un Israël qu’ils jugent illégitime, vers des villages parfois inexistants, dans des villes bâties par des Juifs qui ont su s’imposer dans le monde moderne. Cette situation représente un gaspillage incommensurable d’énergie et d’opportunités pour une jeunesse arabe qui pourrait s’accommoder des avancées qu’apporte cet « ennemi » en matière de développement et d’intelligence, tout en jalousant sa liberté et son audace. Les check-points et le mur de séparation, issus des intifadas et du terrorisme, ne masquent pas le fait que les villes palestiniennes peuvent être plus prospères que de nombreuses localités égyptiennes ou maghrébines, sans parler de la situation déplorable du Yémen ou de la Syrie. Alors, la raison finira-t-elle un jour par remplacer ces passions collectives ? La haine cèdera-t-elle le pas à un intérêt partagé ? Les élites occidentales, en quête d’un monde meilleur, parviendront-elles à se défaire de leurs illusions nocives ? Nous pouvons nourrir cet espoir, tout en restant lucides face à l’évolution d’un monde en proie à des luttes de pouvoir entre nations et religions, et sous l’emprise d’élites occidentales qui, par un masochisme véritablement névrotique, semblent préparer la décadence et l’effacement de leurs propres peuples.

Incendie de Notre-Dame: le feu des questionnements (incorrects) reprend

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Image d'illustration.

Des chaînes de mails continuent de circuler, affirmant qu’on nous cache la vérité. Hurler au complotisme n’y change rien, au contraire.


L’intense joie de la réouverture solennelle de la cathédrale passée, voilà que se ravive le foisonnement des interrogations qui, dès les premiers jours, en avril 2019, avait déferlé sur les réseaux sociaux et dans les conversations des dîners en ville. Le sinistre était-il dû à une cause naturelle ou un acte de malveillance, à une action terroriste ?

Or, très vite – trop vite, peut être bien – l’hypothèse d’une intention criminelle devait être officiellement écartée par les autorités. « Les premiers rapports des pompiers et des enquêteurs sur place ont rapidement exclu l’hypothèse d’un acte volontaire » pouvait-on lire dans l’ensemble de la presse les jours suivants. D’ailleurs, l’enquête immédiatement ouverte annonçait la couleur. Elle porterait exclusivement sur la « destruction involontaire par incendie. » Involontaire, on évacuait donc d’emblée du champ des investigations toute intervention humaine malveillante. C’était évidemment aller vite en besogne, cela à un moment où, tout naturellement, on n’avait à fournir aucun argument dûment étayé par les faits pour se permettre de trancher aussi péremptoirement. En règle générale, il n’y pas mieux pour susciter la suspicion que la précipitation qu’on met à chercher à rassurer les populations. On ne sait rien encore de l’évènement, du drame, de ses tenants et aboutissants qu’on exclut délibérément tout un champ possible d’explications. Cela a toujours l’effet inverse à celui recherché, puisque l’affirmation ne peut sembler que gratuite tant qu’on ne dispose pas d’arguments solides, vérifiables capables de la rendre absolument indiscutable. J’ai le souvenir d’un drame sur lequel j’ai beaucoup travaillé : la mort de Pierre Bérégovoy, survenue le 1er mai 1993. Il n’était pas encore admis à l’hôpital de Nevers, aucun examen n’avait donc été pratiqué, aucun acte d’enquête mené, que les dépêches officielles – oui, officielles, Préfecture de la Nièvre, Palais de l’Élysée – affirmaient qu’il ne pouvait s’agir que d’un suicide. Là aussi, la précipitation ne fit évidemment que susciter la défiance.

Cinq ans après l’incendie de Notre-Dame, il semble bien qu’aucune réponse technique, scientifique, prouvant sans conteste possible la thèse accidentelle n’ait été apportée, réduisant une fois pour toutes à néant le soupçon d’intention criminelle. Et c’est ainsi que, ces deniers jours, refleurissent les mises en doute. Là, encore, une initiative prise dans les débuts n’aura réussi qu’à nourrir le feu latent : les sceptiques, les non convaincus par la « vérité » imposée se virent exclus des réseaux sociaux. Initiative maladroite et surtout stupide. Aujourd’hui, donc, les réserves émises alors refont surface, provenant souvent, reconnaissons-le, de personnes ayant une certaine expérience, soit de ces chantiers d’exception, des réglementations rigoureuses, voire tatillonnes, qui les régissent, ou encore disposant d’une expertise des incendies proprement dits, leur apparition, leur propagation, leur aspect selon les matériaux concernés.

Bien entendu, pour circonstanciées, argumentées qu’elles soient ces mises en  cause ne constituent en aucune façon une preuve suffisante. Loin de là. Et pour ma part, je me garde bien de donner dans cette précipitation à conclure que je me permettais précisément de reprocher aux autorités dans leurs affirmations des premières heures. Il me semble seulement que, devant cet incendie, ce désastre, relevant de notre histoire au sein de laquelle il tiendra à jamais une place considérable, on ne peut pas – et on ne doit pas – clore si tôt et surtout avec une telle apparence de légèreté, la recherche de la vérité. Enfin, de grâce, qu’on n’aille pas se défausser en hurlant au complotisme. Car jamais aucune question, si dérangeante, si iconoclaste soit-elle ne saurait être reléguée sans examen dans cette poubelle-là. Jamais. Les réponses sont parfois de ce tonneau-là. Jamais aucune question. Toutes doivent avoir droit de cité, ne serait-ce que par esprit de méthode.

LES TÊTES MOLLES - HONTE ET RUINE DE LA FRANCE

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Politiquement show

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© D.R.

En Grande Bretagne, la téléréalité est devenue une stratégie politique comme une autre. Les exemples qui suivent interrogent la réserve des figures françaises à mêler vie publique et mise en scène personnelle.


À l’exception de Jean Lassalle, qui a participé en 2023 à l’émission « Les traîtres » sur M6, et de François Ruffin, qui vient de sortir au cinéma un film, Au boulot1, dans lequel il se met en scène dans son quotidien, le personnel politique français n’aime guère communiquer en dehors du cadre classique des estrades et des interviews.

Au Royaume-Uni en revanche, il n’est pas rare qu’une figure prometteuse de Westminster choisisse d’apparaître dans un programme de téléréalité. En 2022, le patron de Reform UK, Nigel Farage, a ainsi concouru à l’émission « Je suis une célébrité, sortez-moi de là ! » sur ITV. La même année, on a pu voir la conservatrice Penny Mordaunt, ancienne leader de la Chambre des communes, s’exhiber en maillot de bain dans « Splash », toujours sur ITV, tandis qu’en 2016, c’est la BBC qui embauchait un ex-ministre du Trésor, le travailliste Ed Balls, dans la version britannique de « Danse avec les stars ». Pourquoi se livrer à de telles pitreries ?

Sans doute parce que l’exercice a plutôt réussi à Donald Trump, lui-même ancien animateur du show « The Apprentice » sur NBC entre 2008 et 2015. Sauf que le nouveau président américain ne s’est pas servi de la télévision pour « faire peuple ». Au contraire, son émission, véritable hymne à l’argent, lui a permis de montrer qui il était vraiment : un milliardaire décomplexé. Une rare franchise qui plaît manifestement à ses partisans.

En Angleterre, celui qui a peut-être le mieux compris cela s’appelle Jacob Rees-Mogg. Pour revenir en selle après une cruelle défaite aux dernières élections, cet ex-ministre des Opportunités du Brexit dans le gouvernement de Boris Johnson, pur produit de l’establishment britannique, père de six enfants, est depuis le 2 décembre le héros d’une série diffusée sur la plateforme Discovery +, dans laquelle on le voit assumer pleinement sa vie de château et ses convictions de catho tradi. Une émission qui frôle souvent la caricature, notamment dans une séquence où une femme de chambre montre comment elle repasse les mouchoirs de poche du maître de maison. Surprise, si, sur les réseaux sociaux, certains téléspectateurs sont moqueurs, d’autres applaudissent l’élégance très « Downton Abbey » de Rees-Mogg !

Reste dès lors une question : avec son goût des voitures polluantes et sa légendaire collection de costumes sur mesure, François Fillon ne regagnerait-il pas le cœur des Français en ouvrant aux caméras les portes de son manoir dans la Sarthe ?


  1. Lire https://www.causeur.fr/au-boulot-francois-ruffin-294537 ↩︎

Damas année zéro

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Abou Mohammed al-Joulani (Ahmed Hussein al-Charaa) prend la parole à la mosquée des Omeyyades à Damas, Syrie, 8 décembre 2024 © AP Photo/Omar Albam/Sipa

L’effondrement si rapide du régime syrien s’explique par la stratégie gagnante menée par Israël depuis le 7-Octobre : écraser le Hamas à Gaza et le Hezbollah au Liban. Ces alliés de l’Iran garantissaient la survie de Bachar al-Assad. Les cartes politiques étant désormais rebattues, reste à l’opposition armée syrienne de reconstruire un État.


À Khan Younès, dans la nuit du 6 au 7 octobre 2023, les caméras de surveillance installées par le Hamas captent des images de Yahya Sinwar, chef de la milice islamiste palestinienne dans la bande de Gaza. Ce sont les dernières de lui vivantes. Accompagné de sa femme et de ses enfants, chargé de plusieurs sacs, il s’engouffre dans un complexe de tunnels situé dans le secteur de Khan Younès. Sur ces images, récupérées par l’armée israélienne (IDF, Israel Defence Forces) quelques semaines plus tard et diffusées plus d’un an après, on voit un homme qui se prépare à la déflagration qu’il a imaginée et orchestrée. Dans son esprit, l’attentat-suicide collectif sera l’étincelle qui embrasera la région et submergera Israël. Il aurait dû méditer l’expression anglaise « be careful what you wish for » (« méfie-toi de tes rêves »). Tué par Tsahal un an et une semaine plus tard, Sinwar ne verra pas toutes les conséquences de son œuvre macabre. On regrette presque qu’il n’ait pas assisté à la déconfiture progressive (et chèrement payée par Israël et les Palestiniens) de l’axe de la Résistance. En revanche, le destin de Bachar Al-Assad, l’homme qui a massacré les Palestiniens du camp de Yarmouk (sans émouvoir notre islamo-gauche), ne lui aurait pas arraché une larme.

Assad dépassé par la crise régionale

Quand les nouvelles du 7-Octobre arrivent à Damas, le président syrien a d’autres problèmes en tête. Deux jours plus tôt, son régime a lui aussi été touché en plein cœur. À 140 kilomètres au nord de la capitale syrienne, 129 personnes ont été tuées par la guérilla. Une attaque aux drones, lancée par les rebelles de la région d’Idlib, a frappé une cérémonie de remise de diplômes à l’académie militaire locale de Homs. Il s’agit de la plus ancienne et de la plus prestigieuse école de guerre du pays. Le père du chef de l’État, Hafez Al-Assad, y a été formé. Après treize ans de guerre civile, son fils, fort du soutien russe et iranien, pensait son régime à l’abri. Il sait qu’il est de nouveau menacé. Toutefois, personne ne devine alors que les événements terribles du sud d’Israël inaugurent l’engrenage qui aboutira à sa chute. Comme toujours, les hommes ignorent l’Histoire qu’ils font. Aujourd’hui, quand on remonte le fil, on comprend que si le 7-Octobre n’avait pas rebattu totalement les cartes politiques et militaires au Proche-Orient, on n’aurait pas vécu, en novembre-décembre 2024, ces onze jours qui ont ébranlé la Syrie – et la région.

En octobre 2023, comme en octobre 1973, Israël était à la fois omniscient et aveugle. Il connaissait les capacités de ses ennemis, mais s’est complètement fourvoyé sur ses intentions. Désormais, l’État hébreu ne cherche plus à deviner ce que ses ennemis ont en tête, mais à les priver des capacités de lui nuire. Principe de précaution.

Après le 7-Octobre, Bachar Al-Assad change de statut aux yeux d’Israël : d’ennemi acceptable, car stable et fiable, il devient un problème. Dès lors qu’Israël ne cherche plus à établir un équilibre de dissuasion avec le Hezbollah, mais à détruire cette force militaire et politique hégémonique au Liban, Assad est un obstacle : son territoire est une pièce essentielle de l’axe Téhéran-Beyrouth. Autrement dit, pour asphyxier le Hezbollah, il faut se débarrasser du tyran de Damas. Et Assad semnle l’avoir compris. Alors que le Hezbollah entre en guerre dès le 8 octobre, Assad se garde de toute implication militaire directe. Sa priorité, c’est la survie du régime, donc la sécurité intérieure.

En réalité, son destin est entre les mains de Yahya Sinwar et d’Hassan Nasrallah. En prolongeant la guerre, Sinwar a mis le Hezbollah (qui s’est engagé à combattre tant que le Hamas n’accepterait pas un cessez-le-feu) en grande difficulté. Israël frappe sans relâche les infrastructures et dépôts d’armes de l’Iran et du Hezbollah ainsi que leurs installations logistiques et voies de communication en Syrie. Et de temps en temps, les moyens syriens aussi, notamment les systèmes de défense aériens. L’Iran lui-même est directement visé et, pour la première fois, riposte directement contre Israël. Le leader syrien se retrouve au milieu d’une crise régionale qui le dépasse. L’assassinat de Hassan Nasrallah, le 27 septembre 2024, marque le début de l’acte final du drame.

Quarante-huit heures après, Israël bombarde des propriétés appartenant à Maher el-Assad, frère du président et commandant de la Quatrième Division d’élite, garde prétorienne du régime. Le message est limpide. Dans les semaines qui suivent, Assad assiste, impuissant, à la destruction du Hezbollah par les forces israéliennes. Fin octobre, il est sans doute informé par son armée en temps réel, quand la chasse israélienne survole son territoire en direction de l’Iran. Le 26 novembre, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu annonce qu’il va soumettre à l’approbation du cabinet un accord de cessez-le-feu avec le Liban. Et il précise qu’en aidant le Hezbollah et l’Iran, Assad jouerait avec le feu.

Le soir même, le gouvernement libanais accepte le cessez-le-feu, dont les termes entérinent la défaite de la milice chiite, décapitée et épuisée par deux mois de guerre. Pour l’opposition armée syrienne, c’est un tournant décisif : le moment est venu de sortir de l’enclave où ses combattants sont enfermés depuis leur défaite, en 2016-2017, et de lancer l’assaut.

Alignement des astres

Le choix du moment ne s’explique pas seulement par la quasi-disparition du pouvoir de nuisance du Hezbollah, soutien stratégique du régime syrien, mais aussi par la vulnérabilité croissante de l’Iran, frappé directement par l’ennemi sioniste. Israël n’a plus d’intérêt au maintien d’Assad et la Turquie, après avoir tenté de renouer avec lui et s’être heurtée à une fin de non-recevoir, s’est résolue à voir ses proxys syriens recourir à la force. Si on ajoute que les États-Unis sont en fin de règne et la Russie embourbée en Ukraine, l’alignement des astres est quasi parfait.

L’opposition armée, concentrée dans la région d’Idlib, repose sur deux forces principales : l’Armée syrienne libre (ASL), une milice financée et soutenue par la Turquie, et Hayat Tahrir Al-Cham (HTC), une fédération de groupes djihadistes issus principalement d’Al-Qaïda et de Daech. Un troisième acteur, qui joue un rôle important, est constitué par les groupes armés de Deraa, le berceau de la révolution syrienne.

Le HTC est dirigé par Abou Mohammed Al-Joulani, nom de guerre d’Ahmed Hussein Al-Chara, qui s’est imposé comme le chef et la figure de proue de cette coalition disparate. Il s’est vite révélé comme l’atout principal des rebelles.

Né en 1982 à Riyad dans une famille originaire du Golan, il a grandi à Damas avant de rejoindre en 2003 l’insurrection contre les forces américaines en Irak, où il s’est rapproché d’Al-Qaïda, avant d’être emprisonné pendant plusieurs années. En 2011, il revient en Syrie pour fonder Jabhat Al-Nosra, branche locale d’Al-Qaïda, qui sera l’une des principales forces en guerre contre le régime d’Assad. Toutefois, sa rupture avec l’État islamique en 2013 et avec Al-Qaïda en 2016 pour fonder HTC traduit son pragmatisme stratégique. Al-Joulani est plus qu’un fin politique. Dès 2014, il s’emploie à ajouter une corde à son arc de chef de guerre en construisant une alternative institutionnelle crédible et attractive à l’État des Assad. En parallèle, il instaure des tribunaux islamiques chargés d’appliquer une version stricte de la charia. Cet exemple des tribunaux islamiques montre les dynamiques complexes de la gouvernance dans les zones de conflit. La population les accepte largement moins par sentiment religieux que parce qu’ils pallient l’effondrement des institutions étatiques pendant la guerre civile. Mais il y a aussi, évidemment, la coercition et la peur de déplaire aux nouveaux maîtres. Légitimité d’un côté, autoritarisme de l’autre, ce sont les deux faces de la médaille Joulani. Et si les médias français, soucieux de ne plus se faire avoir, ont déjà décidé que le gars était infréquentable à vie, nul ne sait en réalité de quel côté la pièce tombera.

À partir de 2017, Al-Joulani parvient à établir une administration embryonnaire à Idlib, un mini-État financé par des taxes, des droits de douane et le commerce illégal, tout en s’adaptant aux réalités locales. Il assouplit l’application de la charia et prend ses distances avec le djihad mondial, comme en témoigne son entretien de juin 2023 avec Wassim Nasr, de France 24. C’est ainsi que, lorsque les rebelles se lancent à la reconquête d’Alep le 27 novembre 2024, ils disposent non seulement de capacités militaires non négligeables, mais également de ce qui a toujours manqué aux anti-Assad : un leadership crédible, une opposition organisée capable de gouverner des populations et des territoires, et surtout une légitimité qui ne repose pas uniquement sur la pointe de la baïonnette.

L’homme qui insiste désormais pour être appelé Ahmad Al-Chara, le nom que lui ont donné ses parents, et non plus par son nom de guerre (Al-Joulani), suit une voie tracée depuis au moins une décennie. Opportuniste plus que vraiment modéré, Al-Chara est un ex-djihadiste, mais il est toujours islamiste. S’il a rompu avec Al-Qaïda et Daech, sa société idéale ressemble à l’Iran, à l’Arabie saoudite, au Qatar et à la Turquie plutôt qu’à Dubaï ou à la Syrie des Assad – et ne parlons pas de l’Europe dépravée –, où politique et religieux sont inséparables. L’un de ses proches conseillers a même salué le modèle politique des talibans. Bref, il ne rêve pas de la laïcité la nuit. À ses yeux, l’islam sunnite version Frères musulmans constitue le meilleur programme politique possible. En même temps, il sait que la Syrie a besoin d’un État et que cet État sera celui de tous ses citoyens ou ne sera pas. Au final, il s’inscrira plus volontiers dans les traces d’un Erdogan que dans celles de Mustapha Kemal. On verra quelle dose de démocratie réelle son gouvernement admettra.

Pour l’instant, il a d’autres priorités que la vertu des Syriennes. La Syrie est aujourd’hui divisée en cinq parties. La bande côtière avec ses trois ports, ses bases russes et sa large population alaouite ; la bande allant d’Idlib et Alep au nord jusqu’au sud de Damas dominé par les sunnites, jadis la « Syrie utile » contrôlée par Assad et désormais sous contrôle de Chara et d’HTC ; l’est du pays et la rive gauche de l’Euphrate (30 % du territoire syrien) dominés par les Kurdes ; une bande le long de la frontière nord de la Syrie sous occupation turque (à l’exception de la région de Kobané, contrôlée par les Kurdes et âprement disputée aujourd’hui) ; et enfin une région autonome de facto, à proximité des frontières israélienne et jordanienne, contrôlée par des forces locales en étroite coopération avec HTC. La rupture entre les Kurdes et le reste du pays est difficilement réversible, malgré l’intervention turque en cours, ce qui rend probable une solution à l’irakienne – un État kurde qui ne s’appelle pas État. La nature de la présence russe reste à préciser, mais la Turquie va essayer de maintenir la sienne dans les régions qu’elle contrôle déjà. Elle jouera un rôle décisif dans la reconstruction et plus largement dans l’économie syrienne, notamment grâce aux Syriens qui ont trouvé refuge en Turquie. Israël veillera à ce que la Syrie quitte définitivement et totalement l’alliance iranienne et cesse de soutenir les Palestiniens radicaux, en exerçant un contrôle – avec ou sans présence permanente – sur les régions frontalières et leurs populations. C’est dire si l’État syrien sera placé sous surveillances et sous pressions de toutes sortes. Alors qu’ils sont dépourvus de ressources financières – quatorze ans de guerre civile et le pillage méthodique perpétré par le clan Assad ayant vidé les caisses –, et incapables de se défendre contre des armées – faute de marine, d’aviation et d’armes lourdes – Chara et ses alliés politiques ne peuvent que jouer entre ces différents acteurs – et les uns contre les autres – pour tenter de s’ouvrir une marge de manœuvre. Aussi dramatiques et inattendus qu’ils soient, ces derniers événements ne sont pas les derniers soubresauts que vit le Moyen Orient. Après Gaza, Beyrouth et Damas, tous les yeux sont désormais rivés sur Téhéran.

Lutte contre le narcotrafic: impossible est français !

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Le ministre de la Justice Gérald Darmanin à Marseille, 2 janvier 2024 © Alain ROBERT/SIPA

Avocats et magistrats accueillent malheureusement avec beaucoup de réserves l’idée d’isoler les « narcos » qui sèment la mort et engrangent des profits depuis leur lieu de détention


Impossible n’est pas français : cette citation est prêtée à Napoléon.

J’admets qu’en certaines circonstances dramatiques elle a pu se vérifier. Par exemple, pour Notre-Dame de Paris restaurée magnifiquement en cinq ans alors que personne, sauf le président de la République, n’y croyait. J’espère qu’il en sera de même pour Mayotte dont le Premier ministre s’est engagé à la sortir du marasme en deux ans.

Malgré les quelques réussites exceptionnelles qui démontrent la lucidité napoléonienne, que de péripéties politiques ou sociales qui, au contraire, valident cette impression qu’impossible est français…

Ces derniers jours j’ai été frappé par le volontarisme du garde des Sceaux et les mesures que Gérald Darmanin projette, notamment à l’encontre des narco-trafiquants. Il souhaiterait « placer les profils à risque dans des conditions de détention drastiques », dans un état d’isolement comparable à celui des détenus terroristes qui n’ont jamais pu, eux, d’où ils étaient, inspirer et organiser des massacres. Le ministre aspirerait à un régime strictement identique pour les premiers.

Savoir et déplorer

Le constat qu’il a fait, révélant que trop souvent des « narcos » d’envergure avaient commandité des trafics et des assassinats de l’intérieur de la prison, était, avant sa nomination place Vendôme, partagé par beaucoup. Les professionnels de la police, de la justice et de l’univers pénitentiaire en prenaient acte mais rien de plus : c’était comme cela, un scandale, mais il n’y avait rien à faire !

Ce qui hier était insupportable est devenu aujourd’hui tolérable parce que, paraît-il, sans solution pour le supprimer, trop compliqué en tout cas.

Il a suffi que Gérald Darmanin interroge la possibilité de remédier à ces terrifiantes défaillances de l’ordre, à ces graves anomalies qui pourrissent la vie carcérale comme la tranquillité publique, en imposant un isolement rigide à cette catégorie de transgresseurs dont il a demandé la liste à l’administration, pour qu’aussitôt la résistance s’organise.

Le mal dénoncé auparavant ne devait pas être réparé ni éradiqué. Les criminels incarcérés mais demeurant actifs pour le pire devaient être laissés dans les conditions qui autorisaient leur malfaisance. La conclusion à en tirer était qu’on avait le droit de faire tous les constats du monde, de même que pour la prolifération des portables, mais que surtout il fallait bien se garder de s’en inspirer pour l’action, pour des réformes et des pratiques effectives, immédiatement opératoires. Comme si seul comptait le fait de savoir et de déplorer.

Je pourrais comprendre que, si on s’accordait absolument sur l’obligation de lutter contre ces dysfonctionnements carcéraux, on discutât telle ou telle modalité, on préférât celle-ci à celle-là. Mais ce n’est pas ce qui s’est produit à l’égard de l’initiative prise par le garde des Sceaux. « Avocats et magistrats ont été partagés » et même le personnel pénitentiaire a été moins convaincu que réticent.

Passivité jamais remise en cause

On n’a même pas soutenu le ministre dans sa résolution forte d’aboutir malgré les obstacles, on a de tous côtés et à tous niveaux focalisé seulement sur les obstacles.

Comme s’il y avait, dans le désir élémentaire de mettre fin à un laisser-aller carcéral créateur de délits et de crimes au dehors, une forme de provocation.

Comme si le garde des Sceaux, en refusant la facilité et le confort d’une objectivité sans le moindre risque d’effet, donnait mauvaise conscience à tous ses prédécesseurs trop heureux d’avoir fait preuve d’une lucidité similaire mais d’une passivité jamais remise en cause.

On devrait se féliciter d’avoir, avec cet authentique couple régalien voulu par le Premier ministre, le miracle politique d’un duo cherchant à s’échapper de la perversion nationale : les mots pour dénoncer et promettre, l’immobilité pour ne pas courir le risque d’échec par les actes.

Aussi bien Bruno Retailleau que Gérald Darmanin, chacun à sa manière, remettent ainsi de la crédibilité dans un univers politique, de l’efficacité dans le comportement ministériel. Il n’y a pas de moyen plus sûr pour redonner confiance aux citoyens.

Changer ce qui va mal et faire renaître « Impossible n’est pas français ».

Boualem et la peste verte

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© Hannah Assouline

Les Écologistes sont indifférents au sort de Boualem Sansal. Ils sont trop occupés par les priorités climatiques.


Les Verts français ne se sont guère précipités pour voler au secours de Boualem Sansal et exiger sa libération immédiate. Sandrine Rousseau l’a traité de suprémaciste d’extrême droite. Mutisme remarquable de Marine Tondelier, faute de temps sans doute, puisqu’elle consacre toute son énergie (renouvelable évidemment) à « sauver l’Humanité » de la catastrophe climatique.

La formule revient en boucle et l’« Humanité » semble d’ailleurs la seule entité collective respectable, en tout cas la seule à la hauteur des ambitions écologistes. Hasard sans doute, le marxisme-léninisme raisonnait lui aussi à l’échelle mondiale et ambitionnait de révolutionner la vie de l’Internationale des travailleurs. Curieusement, Soljenitsyne fut en son temps aussi bien soutenu par la gauche française que Boualem. C’est d’ailleurs au titre de cette filiation communiste qu’un courageux anonyme du PS a déclaré que sous son tailleur vert, Marine Tondelier portait des sous-vêtements rouges. Incapables de comprendre cette re-visitation de la blague de la pastèque – qui comme les écolos est verte à l’extérieur, mais rouge à l’intérieur –, les Olivier Faure et consorts ont cru à une blague sexiste et s’en sont excusés – évoquer la culotte d’une femme, en ces temps de pudibonderie, n’est visiblement plus admissible.

Comme ce numéro de Causeur rend hommage à l’esprit Charlie, j’aurais bien suggéré un dessin de mauvais goût à nos chers confrères : faire porter à Miss Tondelier une culotte rouge certes, mais du type de celle qu’on trouve à Pigalle – fendue. Le dessin aurait été accompagné de la légende « favorable à la pénétration de l’islam »… Quoi qu’il en soit, se soucier du citoyen français Boualem Sansal victime de la dictature salafo-compatible algérienne, par simple humanité, ne semble pas avoir effleuré nos Verts. L’humanisme serait-il incompatible avec le sauvetage général ? Assurément pour les Khmers verts dont l’appartenance à l’« arc républicain » constitue une autre blague, d’encore plus mauvais goût.

Est-ce que ce « Monde » est sérieux ?

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Magali Lafourcade © D.R.

Faites connaissance avec Magali Lafourcade, la présidente du Comité d’éthique du Monde qui se targue de moraliser les journalistes, mais dont deux des décisions récentes sont controversées.


Magali Lafourcade gagne à être connue. Avec ses fonctions (dont un scénariste de comédie n’aurait pu avoir l’idée) de secrétaire générale de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, de senior expert pour l’Agence européenne des droits fondamentaux et de directrice de la formation continue de lutte contre le racisme à l’École nationale de la magistrature, elle a manifestement décidé d’établir un nouveau standard dans le métier de professeur de morale. Depuis 2024, la jeune femme, que l’on entend parfois sur France Culture à l’heure de la messe le dimanche matin, préside le Comité d’éthique et de déontologie du journal Le Monde.

C’est donc très légitimement, à l’occasion des 80 ans du titre, qu’elle y a publié, le 19 décembre, un article pro domo, dans lequel elle se flatte de protéger les journalistes non seulement des pouvoirs extérieurs à la rédaction (y compris les actionnaires), mais aussi d’eux-mêmes, grâce à une implacable surveillance de leurs éventuels conflits d’intérêts. Mais la diseuse de vertu ne se hausse-t-elle pas un peu trop du col ? Deux jours avant la parution de son texte d’autopromotion, on a en effet appris, dans une magistrale enquête du Figaro consacré au tropisme palestinien (voire plus) du Monde, signée Eugénie Bastié, que le comité d’éthique de Mme Lafourcade avait pris deux décisions pour le moins aporétiques cette année. D’une part, il a estimé logique de demander à la rédactrice politique Ivanne Trippenbach de s’abstenir d’écrire sur l’actualité gouvernementale tant qu’elle serait la compagne d’un conseiller à Matignon. D’autre part, elle a considéré que le reporter Benjamin Barthe (bien connu de nos services), marié à une activiste pro-Hamas (qui a notamment applaudi le 7-Octobre), pouvait continuer de couvrir le conflit au Proche-Orient.

Un « deux poids, deux mesures » qui choque bon nombre de journalistes en interne et qui confirme une fois encore combien la formule ronflante « éthique et déontologie » peut être trompeuse, surtout quand elle est brandie avec componction par une orgueilleuse « spécialiste » de la question.

J’ai vu la fin du « Monde »

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La journaliste Eugénie Bastié © Hannah Assouline

Le président d’Avocats Sans Frontières salue la récente enquête d’Eugénie Bastié dans Le Figaro consacrée au fameux quotidien du soir.


J’aurai assisté à cela. À la fin d’une impunité. D’une manière d’omerta. D’un complot du silence qui prospérait sur la crainte obséquieuse et le corporatisme. Eugénie Bastié, de la maison Figaro, aura dynamité tout cela avec ses petites mains et sa tête bien faite. Par un article joliment troussé et une belle enquête.

Je ne sais plus depuis combien de temps j’attendais cela. Depuis bien avant le 7-Octobre. L’anti-israélisme pathologique du Monde, j’ai vécu avec, je me suis construit contre. Mais le 7-Octobre est arrivé. Avec les titres quasi pornographiques du quotidien du soir, où les faux bilans du Hamas sont tenus pour le Journal officiel, et ses terroristes éliminés pour de bien gentils journalistes.

Et il y a bien sûr Benjamin Barthe. Sans vouloir me pousser du col, je ne suis pas pour rien pour sa gloire. Je ne compte plus les articles et les tweets que je lui ai dédiés. Ainsi qu’à sa Muzna d’épouse palestinienne qui chante le 7-Octobre et pleure le jour de la mort du chef du Hamas. On dira ce qu’on voudra, mais les Barthe ne sont pas des faux jetons. Lui, sur sa page X n’hésite pas à approuver d’un « Yes my friend » un post selon lequel « Israël n’apporte que la mort ». Ou à relayer du François Burgat dans le texte. Elle est sans limites connues et justifie la mort des innocents. Elle devra donc en répondre en justice, Avocats sans frontières la voulant voir reconnue coupable.

Mais le mérite insigne d’Eugénie Bastié aura été dans son intelligente enquête et ses révélations. J’ignorais l’existence du « mur de Gaza » [un ensemble de dessins et slogans violemment antisionistes affichés dans un open space au siège du Monde à Paris, ndlr], qui me rappelle un autre « mur » d’immondices d’un Syndicat de la magistrature de la même texture, que je fis condamner malgré l’opposition magistrale du parquet. J’ignorais ces remarques qui ne fleurent pas le philosémitisme exacerbé, comme lorsqu’un journaliste lance à sa juive de collègue : « C’est mal parti pour ton aliyah. » J’ignorais ceux qui confessent qu’ils ont désormais un problème avec la communauté juive. J’ignorais ceux qui désapprouvent, dans un silence gêné.

Je savais néanmoins, en fréquentant d’aucuns de la chronique judiciaire, honnêtes et talentueux, qu’un fossé générationnel les séparait de jeunes pousses insoumises et avait métamorphosé les salles de rédaction en campus faussement rebelle.

Mais le plus important est sans doute ailleurs. Dans le fait que cette enquête ait été sans crainte publiée. Cela en dit long sur la fin de la domination de l’extrême gauche médiatique. Et sur la perte du respect ombrageux que Le Monde inspirait encore il n’y a pas deux ans. Le wokisme stupide est passé par là, et la cruelle réalité de l’immigration et de l’islamisme. Cette réalité encore plus forte que l’idéologie.

Le Monde était déjà à terre avant qu’il soit tombé.