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Enseigner l’histoire, c’est combattre l’antisémitisme

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Après l’assassinat de quatre juifs par Amedy Coulibaly le 9 janvier porte de Vincennes, nous publions cet article refusé par Libération en octobre 2014.

La rédaction

Si nous étions taquins, nous pourrions moquer Libération qui semble découvrir, ces jours-ci, et notamment aujourd’hui, que les juifs de France ont peur. Mais il faut les comprendre, à Libération : jusque-là, il  y avait juste eu la mort d’Ilan Halimi, les assassinats dans l’école juive perpétrés par Merah, la tuerie de Nemmouche et les multiples actes antisémites depuis quinze ans que les acteurs de terrain n’ont cessé de dénoncer sans que jamais le journal ne daigne prendre conscience de la réalité de la situation.

Ah mais non ! Vous diront-ils. Regardez ! Nous avons, entre autres, organisé, en octobre 2014, avec l’American Jewish Commitee et Fondapol, en collaboration avec Le Figaro, un colloque à Sciences Po et même que vous étiez convié ! Oui, c’est vrai, j’étais convié mais n’avais pu m’y rendre. Néanmoins, Libération et le Figaro devaient donner une suite à ce colloque, ouvrant leurs colonnes à des textes des participants. On me demanda alors une libre opinion pour Libération, avec, pour consigne, de faire un état des lieux de ce qui se passait sur le terrain, de faire apparaître une éventuelle évolution et enfin, de proposer des solutions. Je m’exécutais donc. Mais Libération ne voulait pas nommer les choses, alors le texte fut refusé. « Trop violent » me dit-on alors[1. Je tiens à disposition les échanges mail pour qui douterait de la réalité de la chose.]. Libération n’avait encore rien vu… ni compris.

Il est assis, la tête baissée, dans le bureau du Chef d’établissement. Il tente de nier, répondant difficilement aux questions. « Non, c’est pas moi », puis il finit par avouer à demi-mot. « Mais y a pas que moi ! L’autre il arrête pas de dire que s’il voit un juif il le tue !» ; « Donc, reprend le Principal du collège, tu confirmes ce que le professeur a entendu en classe, tu as bien dit « quand ce sera la fin du monde, les juifs seront exterminés » ? « Y a pas que moi…  » articule péniblement le gamin de 13 ans, incapable d’expliquer ni sa phrase ni les raisons de celle-ci. Cette scène s’est déroulée début octobre, dans un collège de Seine-Saint-Denis.  Elle frappe par la violence des propos mais elle témoigne aussi de la réactivité de l’administration de cet établissement scolaire, ce qui n’est pas toujours le cas.

Il serait néanmoins faux d’affirmer que des jeunes n’ont que cela à la bouche et ne rêvent que d’en découdre, tant ces discours peuvent apparaître comme sporadiques et ponctuels. Toutefois, tout professeur d’histoire, sait que, chaque année, il peut être amené à répondre à des assertions, des contestations, des interrogations faussement naïves qui sont autant de manifestations antisémites car il serait aussi erroné de penser qu’elles ne sont que propos d’adolescents en perte de repères. Quand cela fait plus de quinze ans que les établissements scolaires de certains territoires affrontent ce type de discours, quand les assassins de Toulouse et de Bruxelles sont passés par nos collèges, ce n’est ni ponctuel ni sporadique, cela ressemble à un fait culturel.

Non, les classes de banlieue ne sont pas à feu et à sang dès qu’il est question du nazisme, de la Shoah ou du Proche-Orient, mais chacun sait que ces cours peuvent être difficiles, que le professeur doit être prêt à lutter pied à pied, à ne rien laisser passer, à rappeler aux élèves ce que l’on peut dire et ce qui tombe sous le coup de la loi. Ces rappels à la loi sont nécessaires car l’école est parfois le seul lieu qui leur permet de s’extraire d’un discours qui peut être dominant autour d’eux, laissant accroire qu’il est la norme. Mais cet antisémitisme ne sera pas combattu efficacement par des leçons de morale qui ne convaincront pas un antisémite convaincu ; ni par un catéchisme antiraciste avec lequel les élèves sont tous d’accord. La loi fixe les limites et elle doit être appliquée. En revanche, les élèves qui tiennent ces propos ne sont pas tous, loin de là, des idéologues, des Merah en puissance et, avec ceux-ci, il faut faire un travail de fond. Leur antisémitisme repose d’abord sur l’ignorance et les confusions alimentées entre autres par internet et les réseaux sociaux où tout le monde est spécialiste de tout, mais aussi, parfois, par un sentiment d’exclusion, de jalousie, face au poids qu’ils pensent que l’école donne à la Shoah.

Or, ce n’est pas à l’école, mais dans la société que la Shoah est omniprésente, pouvant entraîner un sentiment de trop-plein dont ont dernièrement témoigné les fans d’un ex-humoriste. Mais ce problème n’est pas lié à un défaut de mémoire ; on ne cesse de se souvenir, mais sans vraiment connaître. Ce qui fait défaut, c’est l’histoire. Le cours d’histoire doit faire apparaître clairement la portée universelle de la Shoah, sans faire dans le victimaire et le dolorisme, mais en lui donnant toute sa dimension politique. Il s’agit bel et bien, ce qui paraîtra surprenant à certains, de disqualifier le nazisme, sa vision complotiste et obsidionale du monde, de faire comprendre aux élèves que l’idéologie nazie enfermait l’être humain, quel qu’il fut, dans une vision utilitariste basée sur une conception biologico-raciale de l’humanité. C’est pour cela que furent assassinés des dizaines de milliers d’Allemands considérés comme porteurs de vie qui, alors, « ne méritent pas d’être vécues ». Disqualifier le nazisme, c’est disqualifier l’antisémitisme qui s’inscrit pleinement dans cette vision du monde, mais cela n’exonère pas d’expliquer d’où vient la haine antijuive. L’antisémitisme actuel ne tombe pas du ciel, c’est une très vieille histoire et il faut la raconter.

*Photo : wikicommons.

Les mêmes dangers pèsent sur l’Europe et sur Israël

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Le sionisme s’est pensé dès l’origine comme une entreprise de normalisation. Avec la création de l’État d’Israël, les juifs ont voulu se mettre à l’heure des nations européennes. Or, au même moment, ces nations changeaient d’heure, elles devenaient des sociétés post-nationales. Et cela au nom même de la mémoire d’Auschwitz. Méditer le malheur des juifs en Europe, c’est appeler à la venue d’une humanité que ne romprait aucune séparation intérieure. L’Europe se targue de donner l’exemple en empruntant, pour ne jamais exclure personne, la voie rédemptrice de l’indétermination. Fuir éperdument le spécifique, l’enracinement, le charnel, l’héritage, l’appartenance : telle est la mission auto-civilisatrice que s’assigne l’Europe en tant qu’Union européenne. Comme l’écrit le philosophe Jean-Marc Ferry, « l’identité européenne est une identité dont le principe consiste à s’ouvrir à d’autres identités ».

>Depuis le début des Temps modernes, la culture était, pour le dire avec les mots de Kundera, « la réalisation des valeurs suprêmes par lesquelles l’humanité européenne se comprenait, se définissait, s’identifiait ». Aujourd’hui, ce n’est plus la culture qui occupe cette place, c’est le respect des autres cultures, et notamment de celles qui ne respectent pas l’Europe. Israël est ainsi condamné de plus en plus souvent en tant qu’État juif.[access capability= »lire_inedits »] Il est, selon les tenants du devoir de mémoire, l’État occidental qui n’a tenu aucun compte de la Shoah. Et le sionisme, œuvre de normalisation, devient une anomalie, ou, comme l’a écrit Tony Judt, un « anachronisme ». Il faut croire que la Bible avait raison et que les juifs sont voués, quoi qu’ils fassent, à un destin séparé. En tout cas, Natan Sharansky voit juste : plus l’Europe sera multiculturelle et moins les juifs s’y sentiront chez eux. Je n’en conclus pas qu’ils doivent maintenant faire leurs valises, mais si les juifs ont un avenir en tant que juifs, c’est dans une Europe européenne et dans une France encore française, c’est-à-dire fidèle à elle-même.

Quant à l’avenir d’Israël, il est obscurci par une menace interne que Sharansky refuse de prendre en compte. Si les Israéliens ne trouvent pas le courage de se séparer des Palestiniens, alors l’État juif deviendra inexorablement un État binational. Et son modèle sera soit l’apartheid, soit, plus vraisemblablement, le Liban. Comme l’écrivait Bernard Lewis dès 1991, Israël risque de « devenir une association, une de plus, entre des ethnies et des groupes religieux en conflit. Les juifs se trouveraient dans la position dominante qu’avaient autrefois les maronites et la perspective d’un destin à la libanaise en fin de parcours ». La politique d’implantations est suicidaire, et seul un divorce avec les Palestiniens permettra au directeur de l’Agence juive en Israël de continuer à dire : « Bienvenue dans l’État juif et démocratique. »[/access]

 *Photo : wikicommons.

Grazie mille Anita Ekberg

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« Marcello, come here ! » Tout homme, qui fut adolescent sous le magistère cinématographique de Federico Fellini, garde un souvenir ému de la sculpturale Anita Ekberg rafraîchissant son large buste en fermant les yeux. Ah ! rejoindre Anita dans la fontaine Trevi, à Rome, répondre à l’invitation de sa voix mêlée au son perlé de la cascade, se blottir dans ses bras aimables, succomber à ce non-péché originel, à cette origine du monde, de la vie, de la dolce vita… 

Née à Malmö (Suède) en 1931, élue Miss Suède, repérée à Atlantic City parmi les finalistes du concours de Miss Univers en 1951, choisie pour le rôle de Sheena, reine de la jungle, série télévisuelle[1. Elle préféra suivre John Wayne, qui lui donna sa chance hollywoodienne dans Blood Alley. Irish McCalla, splendide blonde, plus athlétique, d’abord écartée, fut une impeccable reine de la jungle. Elle fit beaucoup pour le succès des grandes pulmonaires vêtues de quelques centimètres de peau de léopard.], elle reçut un Golden globe en 1956, au titre de « New Star Of The Year, Actress », pour son rôle de jeune femme chinoise (!) dans Blood Alley (L’Allée sanglante), de William Wellmann, avec John Wayne et Lauren Bacall.

Elle vivait presque dans la misère, alors qu’un peu de la collecte quotidienne des pièces de monnaie jetées dans cette même Trévi, destinée aux nécessiteux, lui aurait assuré une retraite plus confortable.

Marcello est mort, Fellini aussi, et Anita itou : à la fin, c’est toujours la même qui gagne !

Attentats islamistes de Paris : Forza Bastia!

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Et ce soir, j’aime la marine, Potemkine… chantait Jean Ferrat dans ma jeunesse.

Eh bien moi, ce matin, j’aime la Corse.

Remarquez, je l’ai toujours aimée, et je suis bien obligé, il paraît que les yeux clairs dans ma famille paternelle sont dus au passage en Egypte des armées de la République commandées par Napoléon Bonaparte. Ça crée des liens.

Excepté Tino Rossi et les faux figatellis, j’aime tout en Corse. Les gens, la terre, l’odeur, le champagne à gogo et les pompes en croco, tout quoi. L’Histoire, aussi. Je ne sais pas si le procès en béatification à Yad Vashem aboutira un jour, mais chacun sait que ces foutus Corses ont battu tous les records de planquage de juifs pendant l’occupation nazie. Il y a même des petits titis de Belleville réfugiés chez de justes bergers du maquis qui sont rentrés à Paname en 45 en ne parlant plus que la langue insulaire.

Mais revenons à nos mouflons. Si ce matin, j’aime la Corse, c’est à cause des supporters du SC Bastia. Samedi dernier, lors du match SCB-PSG à Furiani, quelques géopoliticiens à crampons ont eu la bonne idée de déployer dans les tribunes une banderole où l’on pouvait lire : « Le Qatar finance le PSG et le terrorisme ».

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Je sais bien que Nicolas Sarkozy a jugé qu’il était indispensable d’affirmer haut et fort après les boucheries de Paris que le Qatar était un «ami de la France », mais je pense que sur ce coup-là, les supporters bastiais sont mieux informés que lui.

Je sais bien que l’émir du Qatar a nié que son pays ait financé Daech , mais on n’est pas obligé de le croire sur parole, beaucoup d’experts crédibles et indépendants expliquent juste le contraire. On n’est d’autant moins obligé de croire l’émir que selon lui, dixit Le Monde « Ce serait une « grave erreur » de qualifier d’« extrémistes » tous les mouvements islamistes » Toujours d’après Le Monde, le même émir du Qatar aurait déclaré à CNN : « Nous n’acceptons pas de mettre toutes les organisations islamistes dans le même sac, a ajouté le jeune émir en référence aux étiquettes « terroristes » accolées à la confrérie des Frères musulmans ou au Hamas palestinien » .

Faut-il rappeler ici tous les attentats terroristes contre des civils innocents commis ou chaudement approuvés par le Hamas palestinien ou les Frères musulmans ? Faut-il rappeler que le Qatar a versé des milliards au Hamas palestinien et aux  Frères musulmans à tel point qu’en mars dernier, l’Arabie saoudite et les Emirats ont rappelé leurs ambassadeurs à Doha, pour ne pas passer comme complices du terrorisme aux yeux de l’opinion internationale ?

D’après la radio corse Alta Fréquenza, « les dirigeants du PSG ont demandé au corps arbitral de rédiger un rapport afin de saisir la Ligue de Football Professionnel ». Selon Le Parisien, toujours très bien informé sur les dessous du Parc des Princes, « le PSG envisage de porter plainte dans la semaine ».

Auquel cas, le club de Nasser Al-Khelaïfi aurait bien tort de porter bêtement plainte contre X, comme je l’ai lu çà et là. Si plainte il y a, il faudra aussi porter plainte contre Charlie Hebdo qui, sur son compte officiel avait posté, le 23 septembre dernier, ce message encore plus explicit lyrics que la banderole de Furiani : « Peur d’un attentat à Paris ? Réfugiez-vous au PSG. C’est le seul endroit que n’attaqueront pas les djihadistes financés par le Qatar. »

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Alors allez-y cher Nasser, portez plainte, contre X, contre le SC Bastia, contre Charlie, contre moi ou contre qui vous voulez. Venez au tribunal avec comme expert assermenté ou comme témoin de moralité votre fervent supporter Pascal Boniface qui déclarait en avril 2013 aux Echos « Que cherche le Qatar ? Il cherche à être visible, à se protéger. Au lieu d’acheter des armes, il investit dans le sport. »

Donc, allez en justice si vous le souhaitez. Mais je vous préviens : il n’ y a pas de loi française qui interdise formellement de rappeler des vérités élémentaires.

Parce que justement, en France, on n’est pas au Qatar…

*Photo : Twitter.

Terrorisme : une guerre pas comme les autres

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La guerre. La guerre notre mère, comme la qualifiait Ernst Jünger. Que n’a-t-on entendu prononcer ce mot depuis quelques jours. La guerre, polemos,  bellum celle que les hommes pratiquent depuis bien avant le néolithique comme l’ont établi archéologues et anthropologues, nous y serions, à nouveau plongés ? Dans 2001 l’odyssée de l’espace, Kubrick nous a montré homo erectus devenant habilis et commençant, par occire un congénère. Pour débuter une évolution qui l’amènera jusqu’à la conquête de l’espace. Saisissant raccourci d’un des plus somptueux raccords de l’histoire du cinéma qui peut nous dispenser de la lecture de Marx et de Darwin. En même temps qu’il accède à la connaissance, l’homme fait la guerre, continuant ainsi la politique par d’autres moyens comme nous l’a dit Clausewitz. Ou le contraire.

De Nicolas Sarkozy à François Hollande en passant par les politiques, les journalistes, les intellectuels, tous ceux que nous entendons depuis quelques jours nous assènent cette nouvelle évidence. Nous sommes en guerre disent ces désinvoltes. Maniant ce mot sans précaution probablement plus comme une métaphore que pour nourrir une prise de conscience. Ne créant que la confusion. Ce que les plus fins comprennent vite comme Dominique de Villepin ou Régis Debray par exemple, qui nous disent qu’il faut lutter contre le terrorisme avec les outils de l’État de droit et de la démocratie du temps de paix. Malheureusement c’est un piège.

Mais il faut y répondre, à cette question. Sommes-nous en guerre ? Notre pays vient d’être victime d’une attaque terroriste. Dirigée par des fanatiques qui s’en prenant à des symboles, choisis pour cela, nous en ont fait brutalement mesurer l’importance. Je n’aimais pas ce Charlie hebdo. Lecteur assidu de ses prédécesseurs, je considérais que la version Philippe Val était une imposture. La soi-disant bataille des caricatures ne relevant pour moi, que du marketing et de la posture. Mais j’ai ressenti la violence de l’agression. La colère s’ajoutant à l’inquiétude devant la montée de ce fanatisme délirant, régressif et barbare. D’Islamabad à Nouakchott, du Mali à l’Indonésie, de la Tchétchénie à la Libye de Boko Haram à Daech, de l’Algérie à Gaza, en passant par les talibans, l’islamisme a déclaré la guerre, d’abord aux musulmans mais aussi à l’Occident. Et je crois que la France a un problème spécifique lié à l’existence sur son sol d’une importante population d’origine maghrébine. Travaillée par la crise des identités et la crise économique qui jettent nombre de jeunes musulmans, mais pas seulement, dans les bras du fanatisme.

Dans l’histoire, la guerre a pris des formes diverses. Au temps des chasseurs-cueilleurs, c’était tribu contre tribu avec des taux de perte de l’ordre de 60 %. Le XXe siècle a d’abord vu des affrontements gigantesques, qui concernaient l’ensemble de la planète avec des taux de perte d’un peu plus de 1 %… Puis ce furent les guerres de libération nationale, des guérillas sans front. Des guerres asymétriques opposant gros et petits, se terminant en général par la victoire politique du petit. Depuis 20 ans, nous sommes confrontés au terrorisme islamiste. Qui a connu depuis quelques années une mutation considérable, puisqu’aujourd’hui il contrôle des territoires entiers. Et nous lance un terrible défi affichant et revendiquant une barbarie sans nom.

Le terrorisme est une guerre particulière, asymétrique, et insupportable. Quoique faiblement létale comparée aux conflits classiques. Il s’attaque par ses méthodes atroces à ce qui relève finalement de notre intime et de notre identité profonde. Alors probablement, faut-il lui faire la guerre. Mais avec les armes de la guerre. Car celle-ci a ses règles, ses méthodes, et quoi qu’on pense, son droit. N’oublions pas qu’il s’agit d’anéantir les forces de l’ennemi, et pour cela le tuer et le détruire. Dans ce cas, il vaut mieux le haïr.

La guerre, il faut d’abord décider de la mener. C’est la responsabilité du politique. Et dans un pays comme le nôtre, nous avons confié par notre constitution à des représentants la capacité de la décision. C’est ce politique qui doit la conduire, le militaire ayant en charge les opérations. Ce qui veut dire que si nous sommes en guerre, il faut savoir contre qui et quels sont nos objectifs. Et que ces questions relèvent de la décision politique. Qui est l’ennemi ? Charles De Gaulle, dans le fameux discours de l’Albert Hall du 11 novembre 1942, alors que la trahison vichyste avait brouillé les lignes, asséna cette extraordinaire tautologie : «La masse française est unie en réalité sur le premier impératif que voici : l’ennemi est l’ennemi. »

Dans une France où 10 % de la population est de confession musulmane, faire la différence entre l’islam et l’islamisme est fondamental. Son corollaire étant qu’une fois l’ennemi désigné, défini, là il faut choisir et dire de quel côté on est.

Le deuxième impératif c’est celui des buts de guerre. De Gaulle toujours : «le salut de la patrie n’est que dans la victoire ». Que voulons-nous ? Le pouvons-nous ? Comment le faire ? Classique matrice d’analyse stratégique. C’est le moment où le politique ayant répondu à ces questions passe le relais opératif aux militaires. Toujours sous son contrôle. Contrairement à ce que l’on peut penser, l’action militaire est extrêmement réglementée. La préparation, l’exécution obéissent à des procédures normées minutieuses fondées sur des principes qui ne sont pas ceux qui gouvernent la vie civile. Il existe un droit militaire, en temps de guerre des juridictions militaires, et surtout un droit de la guerre. La question des populations civiles, des prisonniers, la notion de crime de guerre etc.

Car se pose maintenant la question des méthodes. Lesquelles ? Et c’est là que cela devient terriblement compliqué. Je comprendrais qu’on puisse penser qu’elle est insoluble. Les guerres révolutionnaires ont montré en Algérie ou au Vietnam que des armées contrôlées de pays démocratiques pouvaient faire n’importe quoi. Les révélations sur le comportement des États-Unis depuis le 11 septembre sont quand même problématiques. Les interventions militaires classiques en Afghanistan ou en Irak ont débouché sur des catastrophes et n’ont fait, comme le relève Dominique de Villepin à juste titre, que renforcer le terrorisme islamique et lui donner encore plus de moyens. Les interventions indirectes comme en Libye ou en Syrie ont eu le même résultat. Quant aux interventions occultes une fois révélées, elles constituent autant de catastrophes morales.

Il existe un fort courant pour penser qu’il faut s’en remettre à la force démocratique de nos sociétés et utiliser les méthodes d’un État de droit en temps de paix pour faire la guerre au terrorisme. C’est à la fois une illusion et un piège. Une illusion, car appliquer contre le terrorisme les méthodes prévues pour la délinquance, la transgression du pacte social, c’est-à-dire user de la violence légitime à l’égard de ceux qui trahissent les règles de la communauté ne peut déboucher sur rien de sérieux. Le propre du droit pénal est d’intervenir à posteriori. Les infractions que l’on va poursuivre, en utilisant légitimement des mises en cause des libertés individuelles, doivent avoir reçu au moins un commencement d’exécution. Et ces procédures obéissent à un formalisme strict car si l’on entend punir les coupables il faut aussi protéger les innocents. Tout ce qui relève du renseignement préalable, des visites domiciliaires, des écoutes, des incarcérations, des filatures, des mises au secret, sont encadrées par des règles qui en émoussent considérablement l’efficacité dès lors qu’il s’agit du type de terrorisme auquel nous sommes désormais confrontés. Je suis personnellement totalement partisan du respect scrupuleux de ces règles comme par exemple la présence de l’avocat en garde à vue. Je pense que cette présence n’est pas souhaitable en matière de terrorisme islamique fanatique. Lutter contre celui-ci n’est pas un problème de maintien de l’ordre. Alors on va me dire, que je prône une justice et des mesures d’exception. Justement non.

Car le piège est là. Et il a déjà commencé à fonctionner comme très récemment avec l’adoption du texte concernant le contrôle d’Internet. Valérie Pécresse vient de nous twitter que nous avions besoin d’un « Patriot act » à la française. Ben voyons. Comme aux États-Unis, si les méthodes classiques d’un État de droit sont inefficaces dans la lutte contre le terrorisme, on nous proposera au fur et à mesure des lois restrictives et souvent liberticides qui finiront par illustrer ce dessin du New Yorker ou l’on voit un couple d’Américains enfermés dans une cellule de prison bardée de caméras, enfin protégés du terrorisme.…

Finalement, le choix auquel nous sommes aujourd’hui confronté peut se définir simplement. Soit nous considérons vraiment que nous sommes en guerre et nous nous donnons les moyens de la faire et de la gagner en confiant aux militaires la mission qui doit être la leur. Soit, nous nous en remettons aux règles d’un État démocratique en temps de paix et dans ce cas-là, il faudra en payer le prix. La restriction progressive de nos libertés, ou l’acceptation de ce terrorisme endémique particulièrement dangereux pour notre société française.

Si ce choix peut se définir simplement, le régler et une autre paire de manches. Et d’ici là il faudrait éviter de parler à tort et à travers.

*Photo : REVELLI-BEAUMONT/SIPA. 00701353_000037. 

Attentats de Paris : Le vacarme républicain

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Je n’étais pas vraiment décidé à me rendre à la « marche républicaine » de dimanche. Quelle qu’ait pu être l’importance du choc ressenti après l’attentat de mercredi et des jours qui ont suivi, j’avais bien conscience que la grande « mobilisation citoyenne », comme toutes les grandes mobilisations citoyennes que nous subissons depuis plus de dix ans, avait toute les chances de se transformer en farce. Tout, dans les effets d’annonce, les éléments de langage plus lénifiants que jamais, l’éviction polie du Front national et l’invitation du premier ministre turc Davutoglu démentait les grandes promesses d’union républicaine et sonnait faux, irrémédiablement faux. Comme cela arrive parfois dans ce genre de cas et devant ce genre de dilemme, ce fût quelqu’un d’autre qui m’aida à prendre la décision. Quelqu’un avec qui j’aurais souhaité être dans ces moments-là mais qui était ailleurs, dans une autre ville, et qui m’a juste dit : « Moi j’y vais. Fais comme tu veux. » Je me suis senti un peu con, j’ai senti aussi qu’il me fallait mettre mes réticences de côté et aller simplement rendre hommage à nouveau aux morts en oubliant pour un moment François Hollande ou Davutoglu.

J’y suis donc allé, un peu à contrecœur et un peu tendu aussi, de même que l’amie qui m’accompagnait, parce que nous pensions tous deux sans trop le dire que faire descendre des centaines de milliers de personnes dans les rues pouvait exciter les ardeurs de quelque nouveau cinglé désireux de négocier son quart d’heure de gloire ou sa place au paradis, les deux semblant aller de pair désormais. Et puis surtout, au-delà de la peur, je ne voulais, avant toute chose, ne pas entendre ce jour-là de discours pontifiant, je ne voulais pas entendre encore, pour la centième, millième fois, entendre parler des zamalgams ou des zidénozéabondes. J’avais lu, la veille, l’article de Joffrin qui regrettait presque ouvertement que les terroristes n’aient pas descendus les bons islamophobes et aient épargné Houellebecq ou Zemmour. Je trouvais du coup les gens comme Joffrin suffisamment nauséabonds pour ne pas avoir à subir encore leurs discours dilués ou repris à l’envi dans les slogans d’une manifestation. Je n’avais vraiment pas envie de cela en ce jour précis.

Mais il n’y eut pas de discours. Pas d’excité à une tribune braillant des appels au mieux vivre-ensemble, ni de prêcheurs de la religion de la Sainte Guimauve, il n’y eut qu’une foule immense, multitude bouillonnante de visages qui se déversait dans les artères soudain étroites et les avenues rendues minuscules, une foule qui criait, qui applaudissait, qui huait, qui interpellait mais une foule qui ne braillait pas de slogans, qui n’écoutait pas de discours. Ce n’était pas, heureusement, un jour pour les discours.

Des huées ou des vivats remontaient comme une immense vague de colère l’immense cortège et le vacarme de milliers de bouches nous engloutissait, à en faire crever les tympans et il y avait beaucoup de drapeaux, de drapeaux français. J’étais heureux de les voir. J’étais là comme des milliers pour rendre hommage à des gens qui avaient payé de leurs vies le simple fait de défier ceux qui voulaient nous imposer, au prix du sang, la terreur d’une religion et celle du blasphème. J’étais là pour dire : « je suis Français » et qu’en tant que Français je ne voulais pas que le blasphème soit soudain passible de mort dans mon pays. Et j’étais même plus heureux de voir ces drapeaux que le logo sympathique imaginé par un styliste, décliné sous toutes les formes et destiné peut-être à orner bientôt les T-Shirts dans les boutiques de souvenir. J’en avais marre aussi ce jour-là des hashtags et des logos, j’avais envie de voir des gens qui portaient bêtement des drapeaux et qui gueulaient.

Soudain, quelques personnes autour de nous ont commencé à crier : « Les snipers ! Les snipers ! » J’ai juste eu le temps de penser que, merde, c’était dommage d’y passer comme ça avant qu’un immense hourra s’élance dans le ciel, porté par des milliers de gosiers en furie, à la conquête des toits de Paris sur lesquels se dressaient de petites figures, des silhouettes que l’on voyait vaguement faire signe de la main. Les tireurs d’élite de la police étaient salués par la foule tout comme les CRS caparaçonnés qui surveillaient le cortège se voyaient abordés et congratulés par les manifestants. Il y eu, cependant, des absents notables. A bien regarder le cortège, je n’y ai pas retrouvé la France de la diversité, la France des cités que j’avais pourtant vu en masse descendre dans les rues pour s’égosiller contre les juifs un certain autre jour de colère. Pourtant, ce dimanche, les transports étaient gratuits. Peut-être avait-elle eu un empêchement ?

En rentrant à la maison, un peu plus tard, j’ai appris que près de quatre millions de personnes étaient descendues dans la rue dimanche. Deux millions à Paris et deux millions cinq en province. Cent cinquante mille à Bordeaux, la moitié de la population de la ville en somme, cent quinze mille à Rennes, le tiers environ, un quart de la population lyonnaise et… soixante mille à Marseille, ce qui est peu pour une cité de presque un million d’habitants. Les médias se réjouissent de la belle façade d’unanimité républicaine présentée par la manifestation de dimanche. Mais pendant qu’une partie de la France descendait dans la rue pour se plier de bonne grâce à l’injonction républicaine, Twitter vrombissait encore des messages de soutien aux meurtriers sur le hashtag #jesuiskaouchi et, dans les écoles, nombre d’élèves de collège ou de lycée disent encore aujourd’hui ne pas trouver anormal que l’on tue pour des caricatures. Et le vacarme optimiste des vivats et des huées me semble soudain être un peu moins fort.

*Photo :  ROMUALD MEIGNEUX/SIPA. 00701617_000001. 

L’Europe post-libérale et son problème juif

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Traduit de l’anglais par Gisèle Abazon

De puissants courants idéologiques sont à l’œuvre en Europe, et les juifs vivent une situation de plus en plus précaire sur ce Vieux Continent où ils ne se sentent plus chez eux. On peut distinguer trois phénomènes à l’origine de leur sentiment d’insécurité : l’échec de l’intégration des musulmans, la résurgence de l’antisémitisme de droite et les mutations du libéralisme politique européen. Baignant dans le relativisme culturel, les pays européens rejettent aujourd’hui les particularismes nationaux, n’exigent plus des nouveaux arrivants qu’ils adoptent les normes et valeurs culturelles de la majorité et créent ainsi un climat favorable au terrorisme islamiste. Ayant adopté une culture « post-identitaire », l’Europe devient de plus en plus hostile à l’idée même d’un État juif. Cette situation place les juifs face à un dilemme profond : préserver leur attachement à Israël ou rejoindre le chœur de la critique européenne au détriment de leur propre identité.

À certains égards, ce dilemme n’est certes pas nouveau. Déjà, à la fin du xviiie siècle, au moment de l’émancipation civile du judaïsme d’Europe occidentale, lorsque les ghettos disparurent, les juifs affrontaient un choix similaire : vivre entre soi, en s’impliquant moins dans la vie de la cité, se convertir au christianisme et se fondre dans la majorité, ou encore renoncer à leur identité de peuple et cantonner leur pratique religieuse à la sphère privée, selon le principe formulé par Clermont-Tonnerre : « Il faut tout refuser aux juifs comme nation et tout leur accorder comme individus. »

Beaucoup de juifs ont choisi cette dernière option. En respectant scrupuleusement les conditions de ce pacte, ils se sont acclimatés à la nouvelle réalité. Quel que soit leur degré de croyance ou de pratique religieuse, ils sont restés des citoyens dévoués à leurs nations respectives, y compris dans les moments de tension.[access capability= »lire_inedits »]

Au fil du temps, la plupart des juifs européens ont fermement défendu l’idéal libéral qui chevillait une Europe ayant placé les droits de l’homme au cœur de sa vision du progrès. Ce n’est qu’avec la montée en puissance du fascisme et du totalitarisme que ce monde libéral s’est effondré comme un château de cartes.

La Seconde Guerre mondiale et la Shoah ont changé à jamais le destin de la communauté juive mondiale. Le sionisme, auparavant rejeté par une grande partie de l’intelligentsia juive, a été perçu comme la seule réponse aux défis redoutables de l’histoire. Nombre de rescapés du génocide ont émigré vers l’État juif nouvellement créé. Israël devint une part essentielle de l’identité des juifs qui choisirent de rester en diaspora.

Après un traumatisme comme la perte brutale de toute sa famille et du seul monde que l’on ait jamais connu, il est normal de chercher la preuve que des millénaires de prières n’ont pas été peine perdue ; qu’il existe encore un fil qui relie le passé à l’espoir d’un avenir ; qu’il n’est ni futile ni fou de continuer à rêver la possibilité d’un monde meilleur. Israël est devenu cette preuve.

Tout comme le monde juif, l’Europe libérale a été profondément ébranlée par l’horreur de la Shoah. Après des siècles de conflits religieux et nationaux, aboutissant à deux terribles guerres mondiales, les Européens libéraux ont décidé de rejeter leurs identités nationales pour éloigner les sombres spectres du passé. Ils ont donc entrepris de remplacer l’idéal moderne de l’État-nation par un post-nationalisme ayant pour horizon une société mondialisée, et par un postmodernisme qui considère toutes les cultures et traditions comme moralement équivalentes.

Or, et c’est le plus frappant, l’Europe multiculturelle qui est l’aboutissement de cette conception post-nationale est aussi à bien des égards une Europe post-libérale. En démocratie libérale, on est appelé à respecter l’identité de ses concitoyens, et celle des populations minoritaires du pays, autant que sa propre identité. Dans la démocratie post-libérale, on n’est pas encouragé à aimer sa propre identité – de fortes identités nationales amènent les guerres, et la guerre, c’est le mal absolu. Dans une société libérale, les droits individuels sont une valeur suprême, pour laquelle on est prêt à lutter, voire à mourir. Mais dans l’Europe multiculturelle, toutes les cultures devant être tenues pour égales, il est interdit de considérer qu’une culture qui respecte les droits individuels est supérieure aux identités illibérales. Bref, l’Europe post-libérale pourrait adopter comme devise les paroles de John Lennon : « Imagine qu’il n’existe pas de pays… Aucune raison de tuer ou mourir, et pas de religion non plus. »

Où se situe Israël, l’État juif et démocratique, par rapport à cette conception du monde ? Israël a vu le jour au moment où l’idée de l’État-nation n’était plus au goût du jour en Europe. Si, après la Shoah, aucun libéral au monde ne pouvait s’opposer à l’idée d’un État juif, les Européens post-libéraux d’aujourd’hui voient de plus en plus Israël comme le dernier vestige de leurs errements passés, colonialistes et nationalistes. Alors que l’Europe commençait à rejeter les aspirations identitaires, l’on vit la création d’un État ancré sans vergogne dans une identité ethno-religieuse après deux mille ans d’exil. Alors que l’Europe arrivait à la conclusion que le contrôle du territoire souverain était sans importance, Israël revendiquait sa souveraineté territoriale en se fondant à la fois sur les textes sacrés du judaïsme et sur le droit. Alors que l’Europe décidait que la guerre était le plus grand des maux, Israël était – et est toujours – prêt à lutter, par les armes au besoin, pour garantir son existence nationale.

Cela explique au moins en partie pourquoi, en dépit des innombrables dangers, l’Europe tient Israël pour l’une des plus grandes menaces à la stabilité mondiale. L’intégration des juifs avait été l’un des piliers de la conception européenne du progrès. En insistant pour obtenir leur propre État national, les juifs ont choisi le mauvais côté de l’histoire. Même si Israël arrivait à démontrer qu’il fait tout ce qui est en son pouvoir pour parvenir à la paix et minimiser le nombre de victimes civiles palestiniennes au combat, cela ne satisferait pas ceux qui considèrent son existence même comme problématique.

Tout cela, je l’ai compris il y a douze ans, pendant la deuxième Intifada, en discutant avec un groupe d’intellectuels français. « L’expérience sioniste a échoué, me disait-on avec sollicitude. L’Orient est l’Orient et l’Occident est l’Occident. Qu’est-ce que les juifs ont à faire au Moyen-Orient ? En fin de compte, Israël cessera d’exister et les juifs devront revenir en Europe d’où ils viennent. » Autrement dit, les juifs sont autorisés à conserver leur identité juive tant que son maintien ne sème pas le trouble. Pour les Européens post-libéraux aujourd’hui, aucun idéal ne peut justifier de se battre. Qu’est-ce que les « colonialistes » juifs ont à faire au Moyen-Orient ? Combien d’enfants palestiniens et israéliens seront tués pour maintenir en vie ce projet nationaliste ?

Chaque fois qu’Israël est obligé de se défendre, cela amène non seulement à remettre en question sa légitimité, mais aussi à accroître la pression sur ses partisans. Et la pression fonctionne. Considérons un exemple récent, le cas largement rapporté de Henk Zanoli, un Néerlandais qui avait reçu une médaille du gouvernement d’Israël pour avoir courageusement sauvé un garçon juif durant la Shoah. Cet été, pendant la guerre de légitime défense d’Israël dans la bande de Gaza, Zanoli a décidé de rendre sa médaille. Son désaveu est frappant. Initialement, écrivit-il, il avait soutenu l’idée d’un foyer national juif, mais il en est venu à croire que le sionisme contenait « un élément raciste dans l’aspiration à construire un État exclusivement pour les juifs ». En effet, a-t-il ajouté, « le seul moyen de sortir du bourbier dans lequel le peuple juif d’Israël s’est enfoncé serait de renoncer totalement au caractère juif d’Israël ». À ce moment-là, il envisagerait de reprendre sa médaille.

Si l’idée même d’un État-nation juif peut provoquer cette répulsion chez un non-juif compatissant, cela peut inciter les juifs, aussi, à se distancier publiquement de l’État juif. Ces critiques juifs soulignent souvent que leur problème n’est pas tant l’existence d’Israël en tant que tel, mais plutôt les politiques du gouvernement israélien : son traitement des Palestiniens, ses méthodes de guerre, et ainsi de suite. À ceux-là, je répondrai que tant que nos ennemis continueront à chercher notre destruction, quelle que soit la composition du gouvernement israélien il n’aura pas d’autre choix que de défendre ses citoyens militairement. Et tant que nos ennemis, dans leur culte avoué de la mort, déploieront leurs propres populations comme boucliers humains, on verra des photos de victimes civiles diffusées dans les médias internationaux. Quel que soit le parti israélien au pouvoir et quelles que soient ses politiques spécifiques, les juifs resteront acculés à choisir entre leur engagement envers le sionisme et leur fidélité à l’Europe post-libérale.

Pourquoi donc les juifs d’Europe, ou n’importe qui d’autre, s’accrocheraient-ils fermement à leur identité face aux pressions qu’ils subissent pour l’abandonner ? Parce que l’identité, juive ou autre, donne un sens et un but à la vie, par-delà son simple aspect matériel. Elle répond à un besoin humain de base qui consiste à vouloir faire partie d’un ensemble plus grand que soi-même, d’une communauté intergénérationnelle qui partage un ensemble de valeurs et des aspirations collectives.

Bien sûr, il y a un autre désir humain fondamental : celui d’être libre, de penser par soi-même et de choisir sa propre voie. Mais ces deux aspirations – appartenance et liberté – peuvent se renforcer mutuellement plutôt que de s’opposer l’une à l’autre. La liberté offre la possibilité de cultiver pleinement son identité ; mais la liberté doit être défendue, et c’est l’identité qui donne la force d’accomplir cette tâche. C’est une erreur dangereuse de sacrifier la liberté au nom de l’identité, mais, réciproquement, c’est une erreur non moins désastreuse que de se délester de l’identité au nom de la liberté, comme l’ont fait les Européens de notre temps.

Dans l’Europe libérale du passé, l’on pouvait être citoyen dans la rue et juif pratiquant à la maison, dans l’Europe post-libérale d’aujourd’hui, il est extrêmement difficile de rester européen convaincu dans la rue et juif fier de l’être et relié à Israël à la maison.

Cependant, la vraie question n’est pas l’avenir des juifs, mais l’avenir de l’Europe. En tentant de se libérer de son histoire et de ses institutions traditionnelles, l’Europe est devenue décadente et vulnérable. Maintenant que le fondamentalisme islamique a pénétré ses sociétés tolérantes et multiculturelles, la question est de savoir si une société qui a fui sa propre identité pour profiter de sa liberté peut encore trouver la volonté de se battre, avant de perdre les deux.

Ayant toujours puisé dans la grande tradition libérale européenne la force de lutter contre l’oppression, je ne peux qu’espérer que les nations démocratiques d’Europe sauront se battre pour leur liberté. Mais ma tâche en tant que citoyen israélien est plus simple. Je dois m’assurer que tous les juifs dans le monde qui se sentent sans abri seront en mesure de trouver un foyer ici, sur ce petit îlot de liberté au cœur d’un grand océan de tyrannie, dans cette petite oasis d’identité dans un désert d’anomie post-identitaire. À ces juifs, je dis : bienvenue dans l’État juif et démocratique.[/access]

*Photo : Matthieu Alexandre/AP/SIPA. AP21676854_000250. 

Attentats islamistes : la mobilisation ne fait que commencer

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charlie hebdo terrorisme

C’est tout un symbole, ont répété en chœur les commentateurs sur les plateaux, que de voir le Palestinien Mahmoud Abbas et l’Israélien Benyamin Netanyahou à quelques mètres l’un de l’autre, au premier rang du cortège des chefs d’Etats. Ces deux là incarnent parfaitement l’union sacrée née des « Trois affreuses » journées que nous venons de vivre : une communion dans l’émotion,  donc extrêmement fragile, qui cache des divisions profondes. Nous avons tous reçu un coup de poing dans le ventre, nous avons tous mal. Mais nous ne sommes pas d’accord sur l’identité de l’ennemi, et encore moins sur la marche à suivre pour mettre fin à ce déferlement de violence et de haine. Sur ce point, les Français ne sont pas plus unis que Netanyahou et Abbas.

Pour autant, aussi précaire soit ce moment de grâce et de communion, de nombreux Français aimeraient en vivre de semblables plus souvent. Or, le défi lancé par les terroristes islamistes qui ont frappé les 7, 8 et 9 janvier, exige non seulement de prendre rapidement des mesures de sécurité, mais aussi de remettre en question le fonctionnement de notre société.

Concernant la dimension sécuritaire, la première leçon à tirer est la nécessité de renforcer, voire de refondre notre dispositif de protection contre les attentats. Certes, il s’agit de soutenir nos services de renseignement pour leur donner les moyens d’empêcher les passages à l’acte. Mais le nouveau terrorisme est malheureusement beaucoup plus rudimentaire, donc plus difficile à détecter, que ses devanciers qui se sont succédé depuis les années 1960. En conséquence, il faut que les forces défensives disponibles sur le terrain tous les jours – policiers, gendarmes, garde du corps – soient en mesure d’agir dès les premiers secondes, dans ce très court laps de temps qui fait la différence entre un incident et une catastrophe nationale, voire mondiale.

Ce n’est pas faute de courage : le policier du Service de protection des hautes personnalités chargé de la protection rapprochée de Charb, comme son collègue tombé sous les balles des frères terroristes après avoir tiré sur eux, n’en manquaient pas. Malheureusement, ni l’un ni l’autre n’ont pu changer le cours de l’histoire. Tout doit être mis en œuvre pour que, à l’avenir, de telles rencontres de hasards entre les représentants armés de l’Etat et des terroristes aient une tout autre issue. Faisons au moins en sorte de faciliter la tâche du RAID ou du GIGN, unités de très grande qualité qui par définition arrivent très tard sur les lieux. Cela suppose beaucoup de moyens, d’efforts, d’équipements et d’entraînement, mais nous n’avons pas le choix.

Reste la question la plus difficile : comment passer d’un combat contre les moustiques à l’assèchement méthodique des marécages. La seule façon d’y parvenir, c’est de convaincre les Français musulmans d’effectuer leur autocritique de façon à ce que personne ne se sente plus jamais légitime pour commettre des actes terroristes au nom de l’islam. Or, aujourd’hui, une minorité trop importante parmi les musulmans de France se montre exagérément compréhensive à l’égard des tueurs. Ils sont trop nombreux à penser que Charlie « l’avait bien cherché », que le 11 septembre n’est qu’un complot du Mossad, que Merah est un héros. Il y a un terreau, sur lequel poussent ceux qui finissent par passer à l’acte. L’école républicaine ne nous sauvera pas si les familles, les voisins, les milieux dans lesquels grandissent les enfants musulmans en France ne sont pas républicains.

Enfin, il faudrait prendre au sérieux le terme de « guerre ». Si, dans une guerre, la première victime est la vérité, la deuxième est la liberté. Si on veut surveiller 5 000 djihadistes, prévenir des attentats et empêcher les médias de fournir de précieuses informations aux terroristes comme on l’a vu ces derniers jours, il faudra se résoudre limiter la liberté de l’information.

Pour que le formidable élan d’énergie né dimanche se transforme en état d’esprit durable et en politiques nationales pérennes, il faut affronter un débat douloureux, tout en trouvant la force de surmonter la discorde qui succèdera nécessairement à l’union nationale. Respecter et écouter ceux qui ne pensent pas comme nous, répondre aux arguments par des arguments : à la fin des fins, c’est ça la République.

*Photo :  SEBASTIEN SALOM-GOMIS/SIPA. 00701436_000003. 

En Arabie saoudite, Charlie s’appelle Raef Badawi

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Nous publions sans commentaire cette information, donnée ce matin sur le site de Radio France internationale.

« En Arabie saoudite, le blogueur Raef Badawi a été fouetté publiquement ce vendredi 9 janvier, après la prière hebdomadaire, près d’une mosquée de Jeddah. Condamné à 10 ans de prison et à 1 000 coups de fouets pour avoir plaidé en faveur de la Saint-Valentin et pour des mesures libérales en Arabie saoudite.

Conduit par un véhicule de police, Raef Badawi a été placé ce vendredi 9 janvier, debout, dos à la foule, près de la mosquée al-Jafali à Jeddah. Un fonctionnaire a lu la sentence du tribunal. La foule était silencieuse. Le blogueur a reçu 50 coups de fouet.

Raef Badawi, blogueur, est lauréat du prix Reporters sans frontières 2014. Il anime le site internet Liberal Saudi Network. Jeudi, les Etats-Unis avaient demandé à l’Arabie saoudite d’annuler sa condamnation à 1 000 coups de fouet répartis sur 20 semaines. »

RSF, tout comme Amnesty International, dénonce une «condamnation inhumaine, contraire au droit international» et a lancé une pétition appelant le roi Abdallah d’Arabie à accorder une grâce à Raef Badawi. »

Cette info se passe de commentaire, donc, sauf un. Nos confrères du Parisien affirment qu’un officiel saoudien a participé au cortège d’hier. J’espère très sincèrement que c’est n’importe quoi. Sinon, c’est n’importe quoi.

Alain Finkielkraut analyse les attentats contre Charlie Hebdo et le supermarché casher

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alain finkielkraut academie

Interrogé par Elisabeth Lévy, Alain Finkielkraut revient sur le double attentat islamiste de ces derniers jours, perpétré contre la rédaction de Charlie Hebdo et une épicerie casher de la Porte de Vincennes.

Enseigner l’histoire, c’est combattre l’antisémitisme

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ecole antisemitisme liberation

ecole antisemitisme liberation

Après l’assassinat de quatre juifs par Amedy Coulibaly le 9 janvier porte de Vincennes, nous publions cet article refusé par Libération en octobre 2014.

La rédaction

Si nous étions taquins, nous pourrions moquer Libération qui semble découvrir, ces jours-ci, et notamment aujourd’hui, que les juifs de France ont peur. Mais il faut les comprendre, à Libération : jusque-là, il  y avait juste eu la mort d’Ilan Halimi, les assassinats dans l’école juive perpétrés par Merah, la tuerie de Nemmouche et les multiples actes antisémites depuis quinze ans que les acteurs de terrain n’ont cessé de dénoncer sans que jamais le journal ne daigne prendre conscience de la réalité de la situation.

Ah mais non ! Vous diront-ils. Regardez ! Nous avons, entre autres, organisé, en octobre 2014, avec l’American Jewish Commitee et Fondapol, en collaboration avec Le Figaro, un colloque à Sciences Po et même que vous étiez convié ! Oui, c’est vrai, j’étais convié mais n’avais pu m’y rendre. Néanmoins, Libération et le Figaro devaient donner une suite à ce colloque, ouvrant leurs colonnes à des textes des participants. On me demanda alors une libre opinion pour Libération, avec, pour consigne, de faire un état des lieux de ce qui se passait sur le terrain, de faire apparaître une éventuelle évolution et enfin, de proposer des solutions. Je m’exécutais donc. Mais Libération ne voulait pas nommer les choses, alors le texte fut refusé. « Trop violent » me dit-on alors[1. Je tiens à disposition les échanges mail pour qui douterait de la réalité de la chose.]. Libération n’avait encore rien vu… ni compris.

Il est assis, la tête baissée, dans le bureau du Chef d’établissement. Il tente de nier, répondant difficilement aux questions. « Non, c’est pas moi », puis il finit par avouer à demi-mot. « Mais y a pas que moi ! L’autre il arrête pas de dire que s’il voit un juif il le tue !» ; « Donc, reprend le Principal du collège, tu confirmes ce que le professeur a entendu en classe, tu as bien dit « quand ce sera la fin du monde, les juifs seront exterminés » ? « Y a pas que moi…  » articule péniblement le gamin de 13 ans, incapable d’expliquer ni sa phrase ni les raisons de celle-ci. Cette scène s’est déroulée début octobre, dans un collège de Seine-Saint-Denis.  Elle frappe par la violence des propos mais elle témoigne aussi de la réactivité de l’administration de cet établissement scolaire, ce qui n’est pas toujours le cas.

Il serait néanmoins faux d’affirmer que des jeunes n’ont que cela à la bouche et ne rêvent que d’en découdre, tant ces discours peuvent apparaître comme sporadiques et ponctuels. Toutefois, tout professeur d’histoire, sait que, chaque année, il peut être amené à répondre à des assertions, des contestations, des interrogations faussement naïves qui sont autant de manifestations antisémites car il serait aussi erroné de penser qu’elles ne sont que propos d’adolescents en perte de repères. Quand cela fait plus de quinze ans que les établissements scolaires de certains territoires affrontent ce type de discours, quand les assassins de Toulouse et de Bruxelles sont passés par nos collèges, ce n’est ni ponctuel ni sporadique, cela ressemble à un fait culturel.

Non, les classes de banlieue ne sont pas à feu et à sang dès qu’il est question du nazisme, de la Shoah ou du Proche-Orient, mais chacun sait que ces cours peuvent être difficiles, que le professeur doit être prêt à lutter pied à pied, à ne rien laisser passer, à rappeler aux élèves ce que l’on peut dire et ce qui tombe sous le coup de la loi. Ces rappels à la loi sont nécessaires car l’école est parfois le seul lieu qui leur permet de s’extraire d’un discours qui peut être dominant autour d’eux, laissant accroire qu’il est la norme. Mais cet antisémitisme ne sera pas combattu efficacement par des leçons de morale qui ne convaincront pas un antisémite convaincu ; ni par un catéchisme antiraciste avec lequel les élèves sont tous d’accord. La loi fixe les limites et elle doit être appliquée. En revanche, les élèves qui tiennent ces propos ne sont pas tous, loin de là, des idéologues, des Merah en puissance et, avec ceux-ci, il faut faire un travail de fond. Leur antisémitisme repose d’abord sur l’ignorance et les confusions alimentées entre autres par internet et les réseaux sociaux où tout le monde est spécialiste de tout, mais aussi, parfois, par un sentiment d’exclusion, de jalousie, face au poids qu’ils pensent que l’école donne à la Shoah.

Or, ce n’est pas à l’école, mais dans la société que la Shoah est omniprésente, pouvant entraîner un sentiment de trop-plein dont ont dernièrement témoigné les fans d’un ex-humoriste. Mais ce problème n’est pas lié à un défaut de mémoire ; on ne cesse de se souvenir, mais sans vraiment connaître. Ce qui fait défaut, c’est l’histoire. Le cours d’histoire doit faire apparaître clairement la portée universelle de la Shoah, sans faire dans le victimaire et le dolorisme, mais en lui donnant toute sa dimension politique. Il s’agit bel et bien, ce qui paraîtra surprenant à certains, de disqualifier le nazisme, sa vision complotiste et obsidionale du monde, de faire comprendre aux élèves que l’idéologie nazie enfermait l’être humain, quel qu’il fut, dans une vision utilitariste basée sur une conception biologico-raciale de l’humanité. C’est pour cela que furent assassinés des dizaines de milliers d’Allemands considérés comme porteurs de vie qui, alors, « ne méritent pas d’être vécues ». Disqualifier le nazisme, c’est disqualifier l’antisémitisme qui s’inscrit pleinement dans cette vision du monde, mais cela n’exonère pas d’expliquer d’où vient la haine antijuive. L’antisémitisme actuel ne tombe pas du ciel, c’est une très vieille histoire et il faut la raconter.

*Photo : wikicommons.

Les mêmes dangers pèsent sur l’Europe et sur Israël

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israel multiculturalisme antisemitisme

israel multiculturalisme antisemitisme

Le sionisme s’est pensé dès l’origine comme une entreprise de normalisation. Avec la création de l’État d’Israël, les juifs ont voulu se mettre à l’heure des nations européennes. Or, au même moment, ces nations changeaient d’heure, elles devenaient des sociétés post-nationales. Et cela au nom même de la mémoire d’Auschwitz. Méditer le malheur des juifs en Europe, c’est appeler à la venue d’une humanité que ne romprait aucune séparation intérieure. L’Europe se targue de donner l’exemple en empruntant, pour ne jamais exclure personne, la voie rédemptrice de l’indétermination. Fuir éperdument le spécifique, l’enracinement, le charnel, l’héritage, l’appartenance : telle est la mission auto-civilisatrice que s’assigne l’Europe en tant qu’Union européenne. Comme l’écrit le philosophe Jean-Marc Ferry, « l’identité européenne est une identité dont le principe consiste à s’ouvrir à d’autres identités ».

>Depuis le début des Temps modernes, la culture était, pour le dire avec les mots de Kundera, « la réalisation des valeurs suprêmes par lesquelles l’humanité européenne se comprenait, se définissait, s’identifiait ». Aujourd’hui, ce n’est plus la culture qui occupe cette place, c’est le respect des autres cultures, et notamment de celles qui ne respectent pas l’Europe. Israël est ainsi condamné de plus en plus souvent en tant qu’État juif.[access capability= »lire_inedits »] Il est, selon les tenants du devoir de mémoire, l’État occidental qui n’a tenu aucun compte de la Shoah. Et le sionisme, œuvre de normalisation, devient une anomalie, ou, comme l’a écrit Tony Judt, un « anachronisme ». Il faut croire que la Bible avait raison et que les juifs sont voués, quoi qu’ils fassent, à un destin séparé. En tout cas, Natan Sharansky voit juste : plus l’Europe sera multiculturelle et moins les juifs s’y sentiront chez eux. Je n’en conclus pas qu’ils doivent maintenant faire leurs valises, mais si les juifs ont un avenir en tant que juifs, c’est dans une Europe européenne et dans une France encore française, c’est-à-dire fidèle à elle-même.

Quant à l’avenir d’Israël, il est obscurci par une menace interne que Sharansky refuse de prendre en compte. Si les Israéliens ne trouvent pas le courage de se séparer des Palestiniens, alors l’État juif deviendra inexorablement un État binational. Et son modèle sera soit l’apartheid, soit, plus vraisemblablement, le Liban. Comme l’écrivait Bernard Lewis dès 1991, Israël risque de « devenir une association, une de plus, entre des ethnies et des groupes religieux en conflit. Les juifs se trouveraient dans la position dominante qu’avaient autrefois les maronites et la perspective d’un destin à la libanaise en fin de parcours ». La politique d’implantations est suicidaire, et seul un divorce avec les Palestiniens permettra au directeur de l’Agence juive en Israël de continuer à dire : « Bienvenue dans l’État juif et démocratique. »[/access]

 *Photo : wikicommons.

Grazie mille Anita Ekberg

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« Marcello, come here ! » Tout homme, qui fut adolescent sous le magistère cinématographique de Federico Fellini, garde un souvenir ému de la sculpturale Anita Ekberg rafraîchissant son large buste en fermant les yeux. Ah ! rejoindre Anita dans la fontaine Trevi, à Rome, répondre à l’invitation de sa voix mêlée au son perlé de la cascade, se blottir dans ses bras aimables, succomber à ce non-péché originel, à cette origine du monde, de la vie, de la dolce vita… 

Née à Malmö (Suède) en 1931, élue Miss Suède, repérée à Atlantic City parmi les finalistes du concours de Miss Univers en 1951, choisie pour le rôle de Sheena, reine de la jungle, série télévisuelle[1. Elle préféra suivre John Wayne, qui lui donna sa chance hollywoodienne dans Blood Alley. Irish McCalla, splendide blonde, plus athlétique, d’abord écartée, fut une impeccable reine de la jungle. Elle fit beaucoup pour le succès des grandes pulmonaires vêtues de quelques centimètres de peau de léopard.], elle reçut un Golden globe en 1956, au titre de « New Star Of The Year, Actress », pour son rôle de jeune femme chinoise (!) dans Blood Alley (L’Allée sanglante), de William Wellmann, avec John Wayne et Lauren Bacall.

Elle vivait presque dans la misère, alors qu’un peu de la collecte quotidienne des pièces de monnaie jetées dans cette même Trévi, destinée aux nécessiteux, lui aurait assuré une retraite plus confortable.

Marcello est mort, Fellini aussi, et Anita itou : à la fin, c’est toujours la même qui gagne !

Attentats islamistes de Paris : Forza Bastia!

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qatar bastia psg

qatar bastia psg

Et ce soir, j’aime la marine, Potemkine… chantait Jean Ferrat dans ma jeunesse.

Eh bien moi, ce matin, j’aime la Corse.

Remarquez, je l’ai toujours aimée, et je suis bien obligé, il paraît que les yeux clairs dans ma famille paternelle sont dus au passage en Egypte des armées de la République commandées par Napoléon Bonaparte. Ça crée des liens.

Excepté Tino Rossi et les faux figatellis, j’aime tout en Corse. Les gens, la terre, l’odeur, le champagne à gogo et les pompes en croco, tout quoi. L’Histoire, aussi. Je ne sais pas si le procès en béatification à Yad Vashem aboutira un jour, mais chacun sait que ces foutus Corses ont battu tous les records de planquage de juifs pendant l’occupation nazie. Il y a même des petits titis de Belleville réfugiés chez de justes bergers du maquis qui sont rentrés à Paname en 45 en ne parlant plus que la langue insulaire.

Mais revenons à nos mouflons. Si ce matin, j’aime la Corse, c’est à cause des supporters du SC Bastia. Samedi dernier, lors du match SCB-PSG à Furiani, quelques géopoliticiens à crampons ont eu la bonne idée de déployer dans les tribunes une banderole où l’on pouvait lire : « Le Qatar finance le PSG et le terrorisme ».

psg bastia qatar

Je sais bien que Nicolas Sarkozy a jugé qu’il était indispensable d’affirmer haut et fort après les boucheries de Paris que le Qatar était un «ami de la France », mais je pense que sur ce coup-là, les supporters bastiais sont mieux informés que lui.

Je sais bien que l’émir du Qatar a nié que son pays ait financé Daech , mais on n’est pas obligé de le croire sur parole, beaucoup d’experts crédibles et indépendants expliquent juste le contraire. On n’est d’autant moins obligé de croire l’émir que selon lui, dixit Le Monde « Ce serait une « grave erreur » de qualifier d’« extrémistes » tous les mouvements islamistes » Toujours d’après Le Monde, le même émir du Qatar aurait déclaré à CNN : « Nous n’acceptons pas de mettre toutes les organisations islamistes dans le même sac, a ajouté le jeune émir en référence aux étiquettes « terroristes » accolées à la confrérie des Frères musulmans ou au Hamas palestinien » .

Faut-il rappeler ici tous les attentats terroristes contre des civils innocents commis ou chaudement approuvés par le Hamas palestinien ou les Frères musulmans ? Faut-il rappeler que le Qatar a versé des milliards au Hamas palestinien et aux  Frères musulmans à tel point qu’en mars dernier, l’Arabie saoudite et les Emirats ont rappelé leurs ambassadeurs à Doha, pour ne pas passer comme complices du terrorisme aux yeux de l’opinion internationale ?

D’après la radio corse Alta Fréquenza, « les dirigeants du PSG ont demandé au corps arbitral de rédiger un rapport afin de saisir la Ligue de Football Professionnel ». Selon Le Parisien, toujours très bien informé sur les dessous du Parc des Princes, « le PSG envisage de porter plainte dans la semaine ».

Auquel cas, le club de Nasser Al-Khelaïfi aurait bien tort de porter bêtement plainte contre X, comme je l’ai lu çà et là. Si plainte il y a, il faudra aussi porter plainte contre Charlie Hebdo qui, sur son compte officiel avait posté, le 23 septembre dernier, ce message encore plus explicit lyrics que la banderole de Furiani : « Peur d’un attentat à Paris ? Réfugiez-vous au PSG. C’est le seul endroit que n’attaqueront pas les djihadistes financés par le Qatar. »

charlie hebdo psg qatar 

Alors allez-y cher Nasser, portez plainte, contre X, contre le SC Bastia, contre Charlie, contre moi ou contre qui vous voulez. Venez au tribunal avec comme expert assermenté ou comme témoin de moralité votre fervent supporter Pascal Boniface qui déclarait en avril 2013 aux Echos « Que cherche le Qatar ? Il cherche à être visible, à se protéger. Au lieu d’acheter des armes, il investit dans le sport. »

Donc, allez en justice si vous le souhaitez. Mais je vous préviens : il n’ y a pas de loi française qui interdise formellement de rappeler des vérités élémentaires.

Parce que justement, en France, on n’est pas au Qatar…

*Photo : Twitter.

Terrorisme : une guerre pas comme les autres

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guerre terrorisme valls charlie

guerre terrorisme valls charlie

La guerre. La guerre notre mère, comme la qualifiait Ernst Jünger. Que n’a-t-on entendu prononcer ce mot depuis quelques jours. La guerre, polemos,  bellum celle que les hommes pratiquent depuis bien avant le néolithique comme l’ont établi archéologues et anthropologues, nous y serions, à nouveau plongés ? Dans 2001 l’odyssée de l’espace, Kubrick nous a montré homo erectus devenant habilis et commençant, par occire un congénère. Pour débuter une évolution qui l’amènera jusqu’à la conquête de l’espace. Saisissant raccourci d’un des plus somptueux raccords de l’histoire du cinéma qui peut nous dispenser de la lecture de Marx et de Darwin. En même temps qu’il accède à la connaissance, l’homme fait la guerre, continuant ainsi la politique par d’autres moyens comme nous l’a dit Clausewitz. Ou le contraire.

De Nicolas Sarkozy à François Hollande en passant par les politiques, les journalistes, les intellectuels, tous ceux que nous entendons depuis quelques jours nous assènent cette nouvelle évidence. Nous sommes en guerre disent ces désinvoltes. Maniant ce mot sans précaution probablement plus comme une métaphore que pour nourrir une prise de conscience. Ne créant que la confusion. Ce que les plus fins comprennent vite comme Dominique de Villepin ou Régis Debray par exemple, qui nous disent qu’il faut lutter contre le terrorisme avec les outils de l’État de droit et de la démocratie du temps de paix. Malheureusement c’est un piège.

Mais il faut y répondre, à cette question. Sommes-nous en guerre ? Notre pays vient d’être victime d’une attaque terroriste. Dirigée par des fanatiques qui s’en prenant à des symboles, choisis pour cela, nous en ont fait brutalement mesurer l’importance. Je n’aimais pas ce Charlie hebdo. Lecteur assidu de ses prédécesseurs, je considérais que la version Philippe Val était une imposture. La soi-disant bataille des caricatures ne relevant pour moi, que du marketing et de la posture. Mais j’ai ressenti la violence de l’agression. La colère s’ajoutant à l’inquiétude devant la montée de ce fanatisme délirant, régressif et barbare. D’Islamabad à Nouakchott, du Mali à l’Indonésie, de la Tchétchénie à la Libye de Boko Haram à Daech, de l’Algérie à Gaza, en passant par les talibans, l’islamisme a déclaré la guerre, d’abord aux musulmans mais aussi à l’Occident. Et je crois que la France a un problème spécifique lié à l’existence sur son sol d’une importante population d’origine maghrébine. Travaillée par la crise des identités et la crise économique qui jettent nombre de jeunes musulmans, mais pas seulement, dans les bras du fanatisme.

Dans l’histoire, la guerre a pris des formes diverses. Au temps des chasseurs-cueilleurs, c’était tribu contre tribu avec des taux de perte de l’ordre de 60 %. Le XXe siècle a d’abord vu des affrontements gigantesques, qui concernaient l’ensemble de la planète avec des taux de perte d’un peu plus de 1 %… Puis ce furent les guerres de libération nationale, des guérillas sans front. Des guerres asymétriques opposant gros et petits, se terminant en général par la victoire politique du petit. Depuis 20 ans, nous sommes confrontés au terrorisme islamiste. Qui a connu depuis quelques années une mutation considérable, puisqu’aujourd’hui il contrôle des territoires entiers. Et nous lance un terrible défi affichant et revendiquant une barbarie sans nom.

Le terrorisme est une guerre particulière, asymétrique, et insupportable. Quoique faiblement létale comparée aux conflits classiques. Il s’attaque par ses méthodes atroces à ce qui relève finalement de notre intime et de notre identité profonde. Alors probablement, faut-il lui faire la guerre. Mais avec les armes de la guerre. Car celle-ci a ses règles, ses méthodes, et quoi qu’on pense, son droit. N’oublions pas qu’il s’agit d’anéantir les forces de l’ennemi, et pour cela le tuer et le détruire. Dans ce cas, il vaut mieux le haïr.

La guerre, il faut d’abord décider de la mener. C’est la responsabilité du politique. Et dans un pays comme le nôtre, nous avons confié par notre constitution à des représentants la capacité de la décision. C’est ce politique qui doit la conduire, le militaire ayant en charge les opérations. Ce qui veut dire que si nous sommes en guerre, il faut savoir contre qui et quels sont nos objectifs. Et que ces questions relèvent de la décision politique. Qui est l’ennemi ? Charles De Gaulle, dans le fameux discours de l’Albert Hall du 11 novembre 1942, alors que la trahison vichyste avait brouillé les lignes, asséna cette extraordinaire tautologie : «La masse française est unie en réalité sur le premier impératif que voici : l’ennemi est l’ennemi. »

Dans une France où 10 % de la population est de confession musulmane, faire la différence entre l’islam et l’islamisme est fondamental. Son corollaire étant qu’une fois l’ennemi désigné, défini, là il faut choisir et dire de quel côté on est.

Le deuxième impératif c’est celui des buts de guerre. De Gaulle toujours : «le salut de la patrie n’est que dans la victoire ». Que voulons-nous ? Le pouvons-nous ? Comment le faire ? Classique matrice d’analyse stratégique. C’est le moment où le politique ayant répondu à ces questions passe le relais opératif aux militaires. Toujours sous son contrôle. Contrairement à ce que l’on peut penser, l’action militaire est extrêmement réglementée. La préparation, l’exécution obéissent à des procédures normées minutieuses fondées sur des principes qui ne sont pas ceux qui gouvernent la vie civile. Il existe un droit militaire, en temps de guerre des juridictions militaires, et surtout un droit de la guerre. La question des populations civiles, des prisonniers, la notion de crime de guerre etc.

Car se pose maintenant la question des méthodes. Lesquelles ? Et c’est là que cela devient terriblement compliqué. Je comprendrais qu’on puisse penser qu’elle est insoluble. Les guerres révolutionnaires ont montré en Algérie ou au Vietnam que des armées contrôlées de pays démocratiques pouvaient faire n’importe quoi. Les révélations sur le comportement des États-Unis depuis le 11 septembre sont quand même problématiques. Les interventions militaires classiques en Afghanistan ou en Irak ont débouché sur des catastrophes et n’ont fait, comme le relève Dominique de Villepin à juste titre, que renforcer le terrorisme islamique et lui donner encore plus de moyens. Les interventions indirectes comme en Libye ou en Syrie ont eu le même résultat. Quant aux interventions occultes une fois révélées, elles constituent autant de catastrophes morales.

Il existe un fort courant pour penser qu’il faut s’en remettre à la force démocratique de nos sociétés et utiliser les méthodes d’un État de droit en temps de paix pour faire la guerre au terrorisme. C’est à la fois une illusion et un piège. Une illusion, car appliquer contre le terrorisme les méthodes prévues pour la délinquance, la transgression du pacte social, c’est-à-dire user de la violence légitime à l’égard de ceux qui trahissent les règles de la communauté ne peut déboucher sur rien de sérieux. Le propre du droit pénal est d’intervenir à posteriori. Les infractions que l’on va poursuivre, en utilisant légitimement des mises en cause des libertés individuelles, doivent avoir reçu au moins un commencement d’exécution. Et ces procédures obéissent à un formalisme strict car si l’on entend punir les coupables il faut aussi protéger les innocents. Tout ce qui relève du renseignement préalable, des visites domiciliaires, des écoutes, des incarcérations, des filatures, des mises au secret, sont encadrées par des règles qui en émoussent considérablement l’efficacité dès lors qu’il s’agit du type de terrorisme auquel nous sommes désormais confrontés. Je suis personnellement totalement partisan du respect scrupuleux de ces règles comme par exemple la présence de l’avocat en garde à vue. Je pense que cette présence n’est pas souhaitable en matière de terrorisme islamique fanatique. Lutter contre celui-ci n’est pas un problème de maintien de l’ordre. Alors on va me dire, que je prône une justice et des mesures d’exception. Justement non.

Car le piège est là. Et il a déjà commencé à fonctionner comme très récemment avec l’adoption du texte concernant le contrôle d’Internet. Valérie Pécresse vient de nous twitter que nous avions besoin d’un « Patriot act » à la française. Ben voyons. Comme aux États-Unis, si les méthodes classiques d’un État de droit sont inefficaces dans la lutte contre le terrorisme, on nous proposera au fur et à mesure des lois restrictives et souvent liberticides qui finiront par illustrer ce dessin du New Yorker ou l’on voit un couple d’Américains enfermés dans une cellule de prison bardée de caméras, enfin protégés du terrorisme.…

Finalement, le choix auquel nous sommes aujourd’hui confronté peut se définir simplement. Soit nous considérons vraiment que nous sommes en guerre et nous nous donnons les moyens de la faire et de la gagner en confiant aux militaires la mission qui doit être la leur. Soit, nous nous en remettons aux règles d’un État démocratique en temps de paix et dans ce cas-là, il faudra en payer le prix. La restriction progressive de nos libertés, ou l’acceptation de ce terrorisme endémique particulièrement dangereux pour notre société française.

Si ce choix peut se définir simplement, le régler et une autre paire de manches. Et d’ici là il faudrait éviter de parler à tort et à travers.

*Photo : REVELLI-BEAUMONT/SIPA. 00701353_000037. 

Attentats de Paris : Le vacarme républicain

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manifestation charlie hebdo twitter

manifestation charlie hebdo twitter

Je n’étais pas vraiment décidé à me rendre à la « marche républicaine » de dimanche. Quelle qu’ait pu être l’importance du choc ressenti après l’attentat de mercredi et des jours qui ont suivi, j’avais bien conscience que la grande « mobilisation citoyenne », comme toutes les grandes mobilisations citoyennes que nous subissons depuis plus de dix ans, avait toute les chances de se transformer en farce. Tout, dans les effets d’annonce, les éléments de langage plus lénifiants que jamais, l’éviction polie du Front national et l’invitation du premier ministre turc Davutoglu démentait les grandes promesses d’union républicaine et sonnait faux, irrémédiablement faux. Comme cela arrive parfois dans ce genre de cas et devant ce genre de dilemme, ce fût quelqu’un d’autre qui m’aida à prendre la décision. Quelqu’un avec qui j’aurais souhaité être dans ces moments-là mais qui était ailleurs, dans une autre ville, et qui m’a juste dit : « Moi j’y vais. Fais comme tu veux. » Je me suis senti un peu con, j’ai senti aussi qu’il me fallait mettre mes réticences de côté et aller simplement rendre hommage à nouveau aux morts en oubliant pour un moment François Hollande ou Davutoglu.

J’y suis donc allé, un peu à contrecœur et un peu tendu aussi, de même que l’amie qui m’accompagnait, parce que nous pensions tous deux sans trop le dire que faire descendre des centaines de milliers de personnes dans les rues pouvait exciter les ardeurs de quelque nouveau cinglé désireux de négocier son quart d’heure de gloire ou sa place au paradis, les deux semblant aller de pair désormais. Et puis surtout, au-delà de la peur, je ne voulais, avant toute chose, ne pas entendre ce jour-là de discours pontifiant, je ne voulais pas entendre encore, pour la centième, millième fois, entendre parler des zamalgams ou des zidénozéabondes. J’avais lu, la veille, l’article de Joffrin qui regrettait presque ouvertement que les terroristes n’aient pas descendus les bons islamophobes et aient épargné Houellebecq ou Zemmour. Je trouvais du coup les gens comme Joffrin suffisamment nauséabonds pour ne pas avoir à subir encore leurs discours dilués ou repris à l’envi dans les slogans d’une manifestation. Je n’avais vraiment pas envie de cela en ce jour précis.

Mais il n’y eut pas de discours. Pas d’excité à une tribune braillant des appels au mieux vivre-ensemble, ni de prêcheurs de la religion de la Sainte Guimauve, il n’y eut qu’une foule immense, multitude bouillonnante de visages qui se déversait dans les artères soudain étroites et les avenues rendues minuscules, une foule qui criait, qui applaudissait, qui huait, qui interpellait mais une foule qui ne braillait pas de slogans, qui n’écoutait pas de discours. Ce n’était pas, heureusement, un jour pour les discours.

Des huées ou des vivats remontaient comme une immense vague de colère l’immense cortège et le vacarme de milliers de bouches nous engloutissait, à en faire crever les tympans et il y avait beaucoup de drapeaux, de drapeaux français. J’étais heureux de les voir. J’étais là comme des milliers pour rendre hommage à des gens qui avaient payé de leurs vies le simple fait de défier ceux qui voulaient nous imposer, au prix du sang, la terreur d’une religion et celle du blasphème. J’étais là pour dire : « je suis Français » et qu’en tant que Français je ne voulais pas que le blasphème soit soudain passible de mort dans mon pays. Et j’étais même plus heureux de voir ces drapeaux que le logo sympathique imaginé par un styliste, décliné sous toutes les formes et destiné peut-être à orner bientôt les T-Shirts dans les boutiques de souvenir. J’en avais marre aussi ce jour-là des hashtags et des logos, j’avais envie de voir des gens qui portaient bêtement des drapeaux et qui gueulaient.

Soudain, quelques personnes autour de nous ont commencé à crier : « Les snipers ! Les snipers ! » J’ai juste eu le temps de penser que, merde, c’était dommage d’y passer comme ça avant qu’un immense hourra s’élance dans le ciel, porté par des milliers de gosiers en furie, à la conquête des toits de Paris sur lesquels se dressaient de petites figures, des silhouettes que l’on voyait vaguement faire signe de la main. Les tireurs d’élite de la police étaient salués par la foule tout comme les CRS caparaçonnés qui surveillaient le cortège se voyaient abordés et congratulés par les manifestants. Il y eu, cependant, des absents notables. A bien regarder le cortège, je n’y ai pas retrouvé la France de la diversité, la France des cités que j’avais pourtant vu en masse descendre dans les rues pour s’égosiller contre les juifs un certain autre jour de colère. Pourtant, ce dimanche, les transports étaient gratuits. Peut-être avait-elle eu un empêchement ?

En rentrant à la maison, un peu plus tard, j’ai appris que près de quatre millions de personnes étaient descendues dans la rue dimanche. Deux millions à Paris et deux millions cinq en province. Cent cinquante mille à Bordeaux, la moitié de la population de la ville en somme, cent quinze mille à Rennes, le tiers environ, un quart de la population lyonnaise et… soixante mille à Marseille, ce qui est peu pour une cité de presque un million d’habitants. Les médias se réjouissent de la belle façade d’unanimité républicaine présentée par la manifestation de dimanche. Mais pendant qu’une partie de la France descendait dans la rue pour se plier de bonne grâce à l’injonction républicaine, Twitter vrombissait encore des messages de soutien aux meurtriers sur le hashtag #jesuiskaouchi et, dans les écoles, nombre d’élèves de collège ou de lycée disent encore aujourd’hui ne pas trouver anormal que l’on tue pour des caricatures. Et le vacarme optimiste des vivats et des huées me semble soudain être un peu moins fort.

*Photo :  ROMUALD MEIGNEUX/SIPA. 00701617_000001. 

L’Europe post-libérale et son problème juif

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israel juifs europe

israel juifs europe

Traduit de l’anglais par Gisèle Abazon

De puissants courants idéologiques sont à l’œuvre en Europe, et les juifs vivent une situation de plus en plus précaire sur ce Vieux Continent où ils ne se sentent plus chez eux. On peut distinguer trois phénomènes à l’origine de leur sentiment d’insécurité : l’échec de l’intégration des musulmans, la résurgence de l’antisémitisme de droite et les mutations du libéralisme politique européen. Baignant dans le relativisme culturel, les pays européens rejettent aujourd’hui les particularismes nationaux, n’exigent plus des nouveaux arrivants qu’ils adoptent les normes et valeurs culturelles de la majorité et créent ainsi un climat favorable au terrorisme islamiste. Ayant adopté une culture « post-identitaire », l’Europe devient de plus en plus hostile à l’idée même d’un État juif. Cette situation place les juifs face à un dilemme profond : préserver leur attachement à Israël ou rejoindre le chœur de la critique européenne au détriment de leur propre identité.

À certains égards, ce dilemme n’est certes pas nouveau. Déjà, à la fin du xviiie siècle, au moment de l’émancipation civile du judaïsme d’Europe occidentale, lorsque les ghettos disparurent, les juifs affrontaient un choix similaire : vivre entre soi, en s’impliquant moins dans la vie de la cité, se convertir au christianisme et se fondre dans la majorité, ou encore renoncer à leur identité de peuple et cantonner leur pratique religieuse à la sphère privée, selon le principe formulé par Clermont-Tonnerre : « Il faut tout refuser aux juifs comme nation et tout leur accorder comme individus. »

Beaucoup de juifs ont choisi cette dernière option. En respectant scrupuleusement les conditions de ce pacte, ils se sont acclimatés à la nouvelle réalité. Quel que soit leur degré de croyance ou de pratique religieuse, ils sont restés des citoyens dévoués à leurs nations respectives, y compris dans les moments de tension.[access capability= »lire_inedits »]

Au fil du temps, la plupart des juifs européens ont fermement défendu l’idéal libéral qui chevillait une Europe ayant placé les droits de l’homme au cœur de sa vision du progrès. Ce n’est qu’avec la montée en puissance du fascisme et du totalitarisme que ce monde libéral s’est effondré comme un château de cartes.

La Seconde Guerre mondiale et la Shoah ont changé à jamais le destin de la communauté juive mondiale. Le sionisme, auparavant rejeté par une grande partie de l’intelligentsia juive, a été perçu comme la seule réponse aux défis redoutables de l’histoire. Nombre de rescapés du génocide ont émigré vers l’État juif nouvellement créé. Israël devint une part essentielle de l’identité des juifs qui choisirent de rester en diaspora.

Après un traumatisme comme la perte brutale de toute sa famille et du seul monde que l’on ait jamais connu, il est normal de chercher la preuve que des millénaires de prières n’ont pas été peine perdue ; qu’il existe encore un fil qui relie le passé à l’espoir d’un avenir ; qu’il n’est ni futile ni fou de continuer à rêver la possibilité d’un monde meilleur. Israël est devenu cette preuve.

Tout comme le monde juif, l’Europe libérale a été profondément ébranlée par l’horreur de la Shoah. Après des siècles de conflits religieux et nationaux, aboutissant à deux terribles guerres mondiales, les Européens libéraux ont décidé de rejeter leurs identités nationales pour éloigner les sombres spectres du passé. Ils ont donc entrepris de remplacer l’idéal moderne de l’État-nation par un post-nationalisme ayant pour horizon une société mondialisée, et par un postmodernisme qui considère toutes les cultures et traditions comme moralement équivalentes.

Or, et c’est le plus frappant, l’Europe multiculturelle qui est l’aboutissement de cette conception post-nationale est aussi à bien des égards une Europe post-libérale. En démocratie libérale, on est appelé à respecter l’identité de ses concitoyens, et celle des populations minoritaires du pays, autant que sa propre identité. Dans la démocratie post-libérale, on n’est pas encouragé à aimer sa propre identité – de fortes identités nationales amènent les guerres, et la guerre, c’est le mal absolu. Dans une société libérale, les droits individuels sont une valeur suprême, pour laquelle on est prêt à lutter, voire à mourir. Mais dans l’Europe multiculturelle, toutes les cultures devant être tenues pour égales, il est interdit de considérer qu’une culture qui respecte les droits individuels est supérieure aux identités illibérales. Bref, l’Europe post-libérale pourrait adopter comme devise les paroles de John Lennon : « Imagine qu’il n’existe pas de pays… Aucune raison de tuer ou mourir, et pas de religion non plus. »

Où se situe Israël, l’État juif et démocratique, par rapport à cette conception du monde ? Israël a vu le jour au moment où l’idée de l’État-nation n’était plus au goût du jour en Europe. Si, après la Shoah, aucun libéral au monde ne pouvait s’opposer à l’idée d’un État juif, les Européens post-libéraux d’aujourd’hui voient de plus en plus Israël comme le dernier vestige de leurs errements passés, colonialistes et nationalistes. Alors que l’Europe commençait à rejeter les aspirations identitaires, l’on vit la création d’un État ancré sans vergogne dans une identité ethno-religieuse après deux mille ans d’exil. Alors que l’Europe arrivait à la conclusion que le contrôle du territoire souverain était sans importance, Israël revendiquait sa souveraineté territoriale en se fondant à la fois sur les textes sacrés du judaïsme et sur le droit. Alors que l’Europe décidait que la guerre était le plus grand des maux, Israël était – et est toujours – prêt à lutter, par les armes au besoin, pour garantir son existence nationale.

Cela explique au moins en partie pourquoi, en dépit des innombrables dangers, l’Europe tient Israël pour l’une des plus grandes menaces à la stabilité mondiale. L’intégration des juifs avait été l’un des piliers de la conception européenne du progrès. En insistant pour obtenir leur propre État national, les juifs ont choisi le mauvais côté de l’histoire. Même si Israël arrivait à démontrer qu’il fait tout ce qui est en son pouvoir pour parvenir à la paix et minimiser le nombre de victimes civiles palestiniennes au combat, cela ne satisferait pas ceux qui considèrent son existence même comme problématique.

Tout cela, je l’ai compris il y a douze ans, pendant la deuxième Intifada, en discutant avec un groupe d’intellectuels français. « L’expérience sioniste a échoué, me disait-on avec sollicitude. L’Orient est l’Orient et l’Occident est l’Occident. Qu’est-ce que les juifs ont à faire au Moyen-Orient ? En fin de compte, Israël cessera d’exister et les juifs devront revenir en Europe d’où ils viennent. » Autrement dit, les juifs sont autorisés à conserver leur identité juive tant que son maintien ne sème pas le trouble. Pour les Européens post-libéraux aujourd’hui, aucun idéal ne peut justifier de se battre. Qu’est-ce que les « colonialistes » juifs ont à faire au Moyen-Orient ? Combien d’enfants palestiniens et israéliens seront tués pour maintenir en vie ce projet nationaliste ?

Chaque fois qu’Israël est obligé de se défendre, cela amène non seulement à remettre en question sa légitimité, mais aussi à accroître la pression sur ses partisans. Et la pression fonctionne. Considérons un exemple récent, le cas largement rapporté de Henk Zanoli, un Néerlandais qui avait reçu une médaille du gouvernement d’Israël pour avoir courageusement sauvé un garçon juif durant la Shoah. Cet été, pendant la guerre de légitime défense d’Israël dans la bande de Gaza, Zanoli a décidé de rendre sa médaille. Son désaveu est frappant. Initialement, écrivit-il, il avait soutenu l’idée d’un foyer national juif, mais il en est venu à croire que le sionisme contenait « un élément raciste dans l’aspiration à construire un État exclusivement pour les juifs ». En effet, a-t-il ajouté, « le seul moyen de sortir du bourbier dans lequel le peuple juif d’Israël s’est enfoncé serait de renoncer totalement au caractère juif d’Israël ». À ce moment-là, il envisagerait de reprendre sa médaille.

Si l’idée même d’un État-nation juif peut provoquer cette répulsion chez un non-juif compatissant, cela peut inciter les juifs, aussi, à se distancier publiquement de l’État juif. Ces critiques juifs soulignent souvent que leur problème n’est pas tant l’existence d’Israël en tant que tel, mais plutôt les politiques du gouvernement israélien : son traitement des Palestiniens, ses méthodes de guerre, et ainsi de suite. À ceux-là, je répondrai que tant que nos ennemis continueront à chercher notre destruction, quelle que soit la composition du gouvernement israélien il n’aura pas d’autre choix que de défendre ses citoyens militairement. Et tant que nos ennemis, dans leur culte avoué de la mort, déploieront leurs propres populations comme boucliers humains, on verra des photos de victimes civiles diffusées dans les médias internationaux. Quel que soit le parti israélien au pouvoir et quelles que soient ses politiques spécifiques, les juifs resteront acculés à choisir entre leur engagement envers le sionisme et leur fidélité à l’Europe post-libérale.

Pourquoi donc les juifs d’Europe, ou n’importe qui d’autre, s’accrocheraient-ils fermement à leur identité face aux pressions qu’ils subissent pour l’abandonner ? Parce que l’identité, juive ou autre, donne un sens et un but à la vie, par-delà son simple aspect matériel. Elle répond à un besoin humain de base qui consiste à vouloir faire partie d’un ensemble plus grand que soi-même, d’une communauté intergénérationnelle qui partage un ensemble de valeurs et des aspirations collectives.

Bien sûr, il y a un autre désir humain fondamental : celui d’être libre, de penser par soi-même et de choisir sa propre voie. Mais ces deux aspirations – appartenance et liberté – peuvent se renforcer mutuellement plutôt que de s’opposer l’une à l’autre. La liberté offre la possibilité de cultiver pleinement son identité ; mais la liberté doit être défendue, et c’est l’identité qui donne la force d’accomplir cette tâche. C’est une erreur dangereuse de sacrifier la liberté au nom de l’identité, mais, réciproquement, c’est une erreur non moins désastreuse que de se délester de l’identité au nom de la liberté, comme l’ont fait les Européens de notre temps.

Dans l’Europe libérale du passé, l’on pouvait être citoyen dans la rue et juif pratiquant à la maison, dans l’Europe post-libérale d’aujourd’hui, il est extrêmement difficile de rester européen convaincu dans la rue et juif fier de l’être et relié à Israël à la maison.

Cependant, la vraie question n’est pas l’avenir des juifs, mais l’avenir de l’Europe. En tentant de se libérer de son histoire et de ses institutions traditionnelles, l’Europe est devenue décadente et vulnérable. Maintenant que le fondamentalisme islamique a pénétré ses sociétés tolérantes et multiculturelles, la question est de savoir si une société qui a fui sa propre identité pour profiter de sa liberté peut encore trouver la volonté de se battre, avant de perdre les deux.

Ayant toujours puisé dans la grande tradition libérale européenne la force de lutter contre l’oppression, je ne peux qu’espérer que les nations démocratiques d’Europe sauront se battre pour leur liberté. Mais ma tâche en tant que citoyen israélien est plus simple. Je dois m’assurer que tous les juifs dans le monde qui se sentent sans abri seront en mesure de trouver un foyer ici, sur ce petit îlot de liberté au cœur d’un grand océan de tyrannie, dans cette petite oasis d’identité dans un désert d’anomie post-identitaire. À ces juifs, je dis : bienvenue dans l’État juif et démocratique.[/access]

*Photo : Matthieu Alexandre/AP/SIPA. AP21676854_000250. 

Attentats islamistes : la mobilisation ne fait que commencer

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charlie hebdo terrorisme

charlie hebdo terrorisme

C’est tout un symbole, ont répété en chœur les commentateurs sur les plateaux, que de voir le Palestinien Mahmoud Abbas et l’Israélien Benyamin Netanyahou à quelques mètres l’un de l’autre, au premier rang du cortège des chefs d’Etats. Ces deux là incarnent parfaitement l’union sacrée née des « Trois affreuses » journées que nous venons de vivre : une communion dans l’émotion,  donc extrêmement fragile, qui cache des divisions profondes. Nous avons tous reçu un coup de poing dans le ventre, nous avons tous mal. Mais nous ne sommes pas d’accord sur l’identité de l’ennemi, et encore moins sur la marche à suivre pour mettre fin à ce déferlement de violence et de haine. Sur ce point, les Français ne sont pas plus unis que Netanyahou et Abbas.

Pour autant, aussi précaire soit ce moment de grâce et de communion, de nombreux Français aimeraient en vivre de semblables plus souvent. Or, le défi lancé par les terroristes islamistes qui ont frappé les 7, 8 et 9 janvier, exige non seulement de prendre rapidement des mesures de sécurité, mais aussi de remettre en question le fonctionnement de notre société.

Concernant la dimension sécuritaire, la première leçon à tirer est la nécessité de renforcer, voire de refondre notre dispositif de protection contre les attentats. Certes, il s’agit de soutenir nos services de renseignement pour leur donner les moyens d’empêcher les passages à l’acte. Mais le nouveau terrorisme est malheureusement beaucoup plus rudimentaire, donc plus difficile à détecter, que ses devanciers qui se sont succédé depuis les années 1960. En conséquence, il faut que les forces défensives disponibles sur le terrain tous les jours – policiers, gendarmes, garde du corps – soient en mesure d’agir dès les premiers secondes, dans ce très court laps de temps qui fait la différence entre un incident et une catastrophe nationale, voire mondiale.

Ce n’est pas faute de courage : le policier du Service de protection des hautes personnalités chargé de la protection rapprochée de Charb, comme son collègue tombé sous les balles des frères terroristes après avoir tiré sur eux, n’en manquaient pas. Malheureusement, ni l’un ni l’autre n’ont pu changer le cours de l’histoire. Tout doit être mis en œuvre pour que, à l’avenir, de telles rencontres de hasards entre les représentants armés de l’Etat et des terroristes aient une tout autre issue. Faisons au moins en sorte de faciliter la tâche du RAID ou du GIGN, unités de très grande qualité qui par définition arrivent très tard sur les lieux. Cela suppose beaucoup de moyens, d’efforts, d’équipements et d’entraînement, mais nous n’avons pas le choix.

Reste la question la plus difficile : comment passer d’un combat contre les moustiques à l’assèchement méthodique des marécages. La seule façon d’y parvenir, c’est de convaincre les Français musulmans d’effectuer leur autocritique de façon à ce que personne ne se sente plus jamais légitime pour commettre des actes terroristes au nom de l’islam. Or, aujourd’hui, une minorité trop importante parmi les musulmans de France se montre exagérément compréhensive à l’égard des tueurs. Ils sont trop nombreux à penser que Charlie « l’avait bien cherché », que le 11 septembre n’est qu’un complot du Mossad, que Merah est un héros. Il y a un terreau, sur lequel poussent ceux qui finissent par passer à l’acte. L’école républicaine ne nous sauvera pas si les familles, les voisins, les milieux dans lesquels grandissent les enfants musulmans en France ne sont pas républicains.

Enfin, il faudrait prendre au sérieux le terme de « guerre ». Si, dans une guerre, la première victime est la vérité, la deuxième est la liberté. Si on veut surveiller 5 000 djihadistes, prévenir des attentats et empêcher les médias de fournir de précieuses informations aux terroristes comme on l’a vu ces derniers jours, il faudra se résoudre limiter la liberté de l’information.

Pour que le formidable élan d’énergie né dimanche se transforme en état d’esprit durable et en politiques nationales pérennes, il faut affronter un débat douloureux, tout en trouvant la force de surmonter la discorde qui succèdera nécessairement à l’union nationale. Respecter et écouter ceux qui ne pensent pas comme nous, répondre aux arguments par des arguments : à la fin des fins, c’est ça la République.

*Photo :  SEBASTIEN SALOM-GOMIS/SIPA. 00701436_000003. 

En Arabie saoudite, Charlie s’appelle Raef Badawi

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Nous publions sans commentaire cette information, donnée ce matin sur le site de Radio France internationale.

« En Arabie saoudite, le blogueur Raef Badawi a été fouetté publiquement ce vendredi 9 janvier, après la prière hebdomadaire, près d’une mosquée de Jeddah. Condamné à 10 ans de prison et à 1 000 coups de fouets pour avoir plaidé en faveur de la Saint-Valentin et pour des mesures libérales en Arabie saoudite.

Conduit par un véhicule de police, Raef Badawi a été placé ce vendredi 9 janvier, debout, dos à la foule, près de la mosquée al-Jafali à Jeddah. Un fonctionnaire a lu la sentence du tribunal. La foule était silencieuse. Le blogueur a reçu 50 coups de fouet.

Raef Badawi, blogueur, est lauréat du prix Reporters sans frontières 2014. Il anime le site internet Liberal Saudi Network. Jeudi, les Etats-Unis avaient demandé à l’Arabie saoudite d’annuler sa condamnation à 1 000 coups de fouet répartis sur 20 semaines. »

RSF, tout comme Amnesty International, dénonce une «condamnation inhumaine, contraire au droit international» et a lancé une pétition appelant le roi Abdallah d’Arabie à accorder une grâce à Raef Badawi. »

Cette info se passe de commentaire, donc, sauf un. Nos confrères du Parisien affirment qu’un officiel saoudien a participé au cortège d’hier. J’espère très sincèrement que c’est n’importe quoi. Sinon, c’est n’importe quoi.

Alain Finkielkraut analyse les attentats contre Charlie Hebdo et le supermarché casher

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alain finkielkraut academie

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Interrogé par Elisabeth Lévy, Alain Finkielkraut revient sur le double attentat islamiste de ces derniers jours, perpétré contre la rédaction de Charlie Hebdo et une épicerie casher de la Porte de Vincennes.