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Causons! Le podcast hebdomadaire de Causeur

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Avec Driss Ghali, Eliott Mamane, Céline Pina et Jeremy Stubbs.


Cette semaine, François Bayrou a parlé d' »un sentiment de submersion ». Il citait – sans le savoir – Margaret Thatcher qui, en 1978, avait déclaré dans un entretien télévisé : « Les gens ont plutôt peur que ce pays soit dans une certaine mesure submergé par des gens d’une autre culture ». Dans les deux cas, la gauche a eu la même réaction d’horreur. Pourquoi? Parce qu’elle n’a pas pu échapper au choc du réel. Une grande partie des électeurs – qui comprend dans une certaine mesure l’électorat traditionnel de la gauche – ressent une forme d’insécurité culturelle. C’est pour s’attaquer à ce problème existentiel, que le nouveau président américain a pris autant de mesures vigoureuses dès le début de son mandat. Et que Friedrich Merz, le chef du parti conservateur allemand, la CDU, a accepté le soutien de l’AfD pour voter une proposition de loi destinée à limiter l’afflux de réfugiés en Allemagne.

Driss Ghali vient de publier L’identité d’abord : Lettre ouverte d’un immigré aux Français qui ne veulent pas disparaître (L’Artilleur, 19,00€, 256 pages, voir lien en fin d’article). Il nous explique pourquoi, afin d’aborder la question fondamentale de l’identité, il commence son ouvrage par une discussion très personnelle de sa propre identité et de la manière dont il en est venu à l’assumer. Car pour brûlante que soit aujourd’hui la notion d’identité, elle reste nébuleuse. Comme elle est vague, elle est facilement exploitée par des militants politiques à des fins idéologiques. Mais cette instrumentalisation de l’identité, qui est présentée comme positive quand il s’agit de communautés d’immigrés, et négative quand il s’agit de la France, nuit autant aux intérêts nationaux qu’aux intérêts communautaires. Les identités de tous sont privées de leur profondeur historique. La conséquence, c’est que nos institutions sont tombées entre les mains de personnes diplômées mais incapables, des « enfoirés »

Bernard Arnault mène la charge pour l’industrie française

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Le ministre de l’Économie Éric Lombard s’est dit surpris par la récente fronde des grands patrons, comme Bernard Arnault et le président du Medef, contre la hausse des taxes, soulignant que l’effort demandé aux grandes entreprises serait limité à un an… Après avoir assisté à l’investiture de Donald Trump aux États-Unis, le patron de LVMH, habituellement discret, avait effectivement fustigé la hausse des taxes aux entreprises prévue dans le Budget, qualifiée de « taxation du made in France » qui « pousse à la délocalisation ».


D’ordinaire extrêmement discret sur les sujets de politique française, Bernard Arnault est sorti pour la première fois de sa réserve lors de la conférence de presse relative aux résultats du groupe LVMH. Visiblement courroucé, l’entrepreneur a déclaré la chose suivante : « Aux USA, les impôts vont descendre à 15%. En France, on s’apprête à augmenter de 40% les impôts des entreprises qui fabriquent en France… Pour pousser à la délocalisation, c’est idéal ! » Il a ensuite ironisé sur le poids de l’administration en France, se demandant s’il ne serait pas bon que nous nous dotions d’un DOGE national, et fustigé une « taxe qui ne dit pas son nom sur le Made In France ».

Arnault, contributeur majeur de la balance commerciale

Quand l’homme dont le groupe paye le plus d’impôts sur les sociétés en France et qui dirige le groupe leader du luxe dans le monde s’exprime avec une telle virulence, le gouvernement a le devoir d’écouter. D’autant qu’il n’est pas le seul à faire part de cette inquiétude. Les entrepreneurs, petits et gros, n’en peuvent plus de payer. Ils sont devenus la roue de secours d’un État qui a endetté les Français et qui détruit méthodiquement notre industrie. Comme l’État est mal géré depuis plusieurs décennies, il n’a trouvé comme solution que le racket des derniers producteurs de richesses. Mais quand il n’y aura plus de richesses produites, qui va payer ? Qui va maintenir les courbes ?

A lire aussi: Prestations sociales: l’omerta

Pour rappel, un groupe comme LVMH a réalisé à lui seul 23 milliards d’exportations depuis la France en 2023 et est un contributeur majeur de notre balance commerciale qui était sur la même année déficitaire de 100 milliards d’euros. Le groupe emploie aussi 40 000 personnes en France et en a recruté 3 500 pour la seule année 2024 ! Il a aussi payé 13 milliards d’euros d’impôt sur les sociétés depuis 10 ans, sans compter les dons comme celui pour Notre-Dame de Paris ou le financement des Jeux de Paris.

Trop tard ?

La gauche peut toujours aiguiser ses faucilles, le départ d’un groupe comme celui-ci pour la Bourse de New-York serait une défaite majeure pour la France et une victoire pour les États-Unis. D’aucuns ont même prétendu vouloir nationaliser LVMH, comme si un groupe de luxe était comparable à Lada… Soyons un peu sérieux. Nous ne faisons pas les règles du commerce mondial et la France se met d’elle-même en déficit complet de compétitivité. Afin de complaire à une gauche totalement minoritaire dans le pays, nous renforçons chaque année un peu plus un corset fiscal qui finira un jour par assécher toutes les forces créatrices françaises et nous fera ressembler à l’URSS. Agissons avant qu’il ne soit trop tard. Qui sait mieux ce qui augmenterait la richesse des Français : Bernard Arnault et le PDG de Michelin ou Éric Lombard ? Comme dirait l’autre, « la question, elle est vite répondue ».

Ary Abittan, clap de fin judiciaire

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Après bien des errements, un non-lieu définitif rend justice au comédien


Le fantaisiste, ce jeudi 30 mars, a été définitivement mis hors de cause en appel dans une fumeuse affaire d’agression sexuelle. Camouflet cinglant pour le tribunal médiatique, peu enclin à reconnaître ses errements, et certains collectifs féministes, qui ont du « mâle » à désarmer…

Les magistrats de la Cour d’appel ont donc définitivement tranché, en confirmant le non-lieu qui opposait le comédien à une ex-compagne. Le couperet est tombé mais pas celui que journalistes empressés et bouillants collectifs féministes avaient hâtivement – ou habilement, c’est selon – aiguisé. L’information a été relayée par l’AFP et reprise par de rares titres, dont Le Figaro.

La jeune femme, qui connaissait Ary Abittan depuis quelques semaines, soutenait que l’artiste lui avait imposé un rapport sexuel divergent à son domicile privé, en octobre 2021. Avec une étonnante célérité, l’artiste avait été mis en examen pour ces faits, qu’il réfutait avec une belle constance. Très vite l’entrain médiatique et la frénésie de collectifs féministes en avaient fait un coupable de fait, se riant de la présomption d’innocence. Sans doute un nouveau gros mot…  Mais la justice ne se rend pas dans les colonnes des journaux, encore moins au fil des miasmes des réseaux ou sous les banderoles enflammées d’excitées de l’outrage. Après trois années d’investigations en tous genres, les sept magistrats qui se sont penchés sur cette malheureuse affaire ont unanimement constaté l’innocence du comédien. « Absence d’indices graves et concordants, mis en cause respectueux sans pulsions sexuelles agressives, déclarations évolutives de la plaignante assorties d’une certaine équivocité dans sa conduite envers le prévenu » : cette liste à la Prévert n’a pourtant rien de poétique et pourrait faire sourire si le comédien n’en avait pas été si cruellement affecté et sa carrière figée. L’homme s’était alors réfugié dans un assourdissant silence, lui qui bruissait d’espièglerie bon enfant, dans la vie, sur les réseaux, la scène ou à l’écran. Un véritable enfer pour lui et ses proches. Le métier qui lui tourne le dos, les « amis » qui le fuient… Seuls quelques-uns, dont son producteur de toujours, lui feront confiance pour l’aider à surmonter l’indicible.

Au printemps dernier, un premier non-lieu avait été prononcé. L’artiste volubile avait alors repris les tournées. Et le public – qui ne l’avait jamais abandonné à dire vrai, interpellé par ce curieux hallali – avait suivi, au fil de représentations bondées en Hexagone mais aussi à l’international.

À qui imputer de telles dérives, en laissant de côté les assertions d’une victime qui ne l’était pas et dont les accusations flirtent avec la dénonciation calomnieuse ? Recherche effrénée de scoops journalistiques mettant à l’index les stars incriminées, vénération imbécile du buzz mais surtout sacralité immédiate et sans appel de la plainte féminine, qu’elle soit fondée ou non… Sans autre forme de procès, oserait-on ajouter. « La calomnie tue plus sûrement qu’une arme à feu » : prévient le vieil adage populaire.

Vos larmes ont séché M. Abittan. Faites-nous rire encore…

Du mieux côté crime parfait

Le légiste, star des séries télévisées, est en réalité en voie d’extinction dans la réalité. Le docteur Philippe Boxho, légiste belge, a expliqué pourquoi et déploré le déclin de sa profession…


Dans les fictions policières télévisées, il apparaît dès les premières images, emballé façon surgelé. La tenue est de convention comme le détachement avec lequel il prend les choses. Macabres, les choses. Il s’agit du médecin légiste. Spectateurs, nous pourrions penser que cela est le reflet de la réalité et que, dans la vraie vie aussi, l’homme de l’art est quasiment omniprésent. Il n’en est rien, semble-t-il.

La discipline, figurez-vous, a sa star. Le docteur Boxho, légiste belge, auteur de livres à succès, dont le dernier La Mort en face. Docteur en criminologie, diplômé en anthropologie judiciaire de l’université de Leyde, directeur de l’institut de médecine légale de l’université de Liège, membre de l’Académie royale de médecine de Belgique, l’homme, qui se crut d’abord une vocation ecclésiastique, sait de quoi il parle. Invité le 9 janvier sur LCI, il enchanta son monde en rapportant quelques anecdotes.

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Ainsi de ce désespéré qui, ayant les bras trop courts pour ajuster le canon de sa carabine à hauteur du cœur, tira à 14 reprises avant de réussir son coup. Plus important, l’invité dresse un constat assez inquiétant de la situation. Pour raison d’économies, le recours à l’expertise du légiste tendrait à se raréfier.

« Pour que nous intervenions, encore faut-il qu’on nous appelle ! » déplore-t-il. « On », les autorités judiciaires bien sûr. Apparemment, on rechignerait. D’ailleurs on ne compte en France que 161 praticiens. En effet, dix années d’études pour un revenu brut mensuel d’environ 4 500 euros en début de carrière et 10 000 en toute fin n’est guère alléchant. Si la tendance se confirmait, entrevoit Boxho, les chances de réussir le crime parfait augmenteraient d’autant. Ce serait déjà le cas dans son pays. Ce qui lui permet de glisser, avec cet humour si caractéristique de sa corporation : « Vos assassinats, venez donc les commettre en Belgique. » À bon entendeur…

La mort en face: Dr. Philippe Boxho, le médecin légiste qui fait parler les morts.

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Pourquoi l’INSEE a raison de demander le pays de naissance des parents lors du nouveau recensement

Immigration. La gauche est persuadée que l’INSEE prépare les futures politiques répressives de l’extrême droite au pouvoir. Elle est sourde à la majorité silencieuse qui éprouve bien le « sentiment de submersion » évoqué par le Premier ministre en début de semaine.


Branle-bas de combat dans la gauchistosphère ! Enfin les heures épiques sont revenues et une glorieuse bataille antiraciste se profile… contre l’INSEE et le recensement. En cause, une question sur l’origine des parents introduite dans le questionnaire de cette année.

Enfin un retour des heures sombres à combattre sans qu’il n’en coûte rien. Peu importe que l’INSEE ait tenté d’expliquer que ce type de question se trouvait dans un certain nombre de ses enquêtes depuis des années, que cette collecte n’était pas interdite et que le but de ces données anonymisées étaient « de mesurer les inégalités à un niveau plus précis », comme l’a déclaré en conférence de presse, Muriel Barlet, responsable du département de la démographie à l’Insee, rien n’y fait. Elle a beau rappeler le rôle que cela pourrait jouer dans la mesure des inégalités de logement en fonction de l’origine (zones géographiques, types de logement, etc), des inégalités dans l’accès à l’emploi, à la santé par exemple, les grands esprits n’en démordent pas : il y a du racisme là-dessous. La gauche en mal de respectabilité depuis qu’elle a dévoilé sa tolérance à l’antisémitisme et ses liens avec les islamistes ne va pas lâcher immédiatement une telle occasion de se poser en donneuse de leçon.

La Ligue des droits de l’homme trouve une nouvelle occupation

Alors, dans une tribune que Mediapart a accueilli, Nathalie Tehio, présidente de la Ligue des droits de l’homme (LDH), Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, Benoît Teste, secrétaire général FSU, François Sauterey, coprésident du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap), Julie Ferrua et Murielle Guilbert, co-déléguées Union syndicale Solidaires soutiennent que cette question « est un pas vers une possible inégalité de traitement par l’État » et serait « un critère [des] politiques d’extrême droite ».  Pour qui ne décrypterait pas le message, la « possible inégalité de traitement » renvoie à la mise en place du racisme systémique et le « critère des politiques d’extrême-droite » vise à laisser envisager un fichage individuel, prélude au pire (la tribune nous alerte même sur le fait que l’on peut ainsi être pisté « à travers les générations »). La vieille dame frileuse qu’est l’INSEE est toute retournée par ces accusations.

Il n’y a qu’une toute petite minorité d’immigrés qui ne s’assimilent pas, c’est bien connu

Mais pourquoi tant de hargne et d’agressivité ? Parce que l’on répète aux Français comme un mantra, que depuis les années 30, la proportion d’étrangers en France est stable. C’est ce qu’avait déclaré Benoit Hamon en 2017, pendant la campagne pour les présidentielles. De son côté, en 2021, affrontant en débat Marine Le Pen, Gérald Darmanin lui assénait : « Quand je suis né, en 1982, il y avait 6,8% d’étrangers en France, aujourd’hui il y en a 7,4% dont la moitié d’Européens. » Or, les Français doutent de toutes ces rodomontades. Et ces chiffres leur semblent peu significatifs.

La question de l’insécurité culturelle, le fait d’avoir le sentiment « de ne plus être chez soi en tant que peuple » font que les Français ne croient plus à la possibilité d’assimiler des populations nombreuses dont les références culturelles sont trop éloignées. L’acquisition automatique de la nationalité masque à leurs yeux la réalité de l’ampleur de l’absence d’intégration, donc cache la réalité migratoire sur leur sol. Comme le rappelait la démographe Michèle Tribalat dans un article sur Atlantico, en août 2021, « Immigration : le grand mensonge » : « Les effets démographiques de l’immigration étrangère ne peuvent, en effet, se mesurer par la proportion d’étrangers en France. Les étrangers qui arrivent en France, pour partie, acquièrent la nationalité française. » Puis, ils font des enfants… Néanmoins, le discours politique s’est arc-bouté sur ce discours de déni.

À tel point que lorsque France Stratégie sort en 2021 une cartographie basée sur les données de l’INSEE et que l’organisme montre que les enfants immigrés ou nés de parents immigrés extra-européens sont majoritaires parmi les 0-18 ans dans plus de la moitié des communes de Seine-Saint-Denis en 2017, cela fait l’effet d’une bombe. Cette proportion est particulièrement marquée dans les quartiers (jusqu’à 84% à Clichy-sous-Bois). Et les chiffres concernent également nombre de grandes et moyennes villes : 51% des 0-18 sont des enfants d’immigrés extra-européens dans certains quartiers de Rennes ; ils sont 61% à Limoges…

Aussitôt, les chiffres sont accusés de servir le discours de l’extrême droite et la polémique ensevelit les données pourtant significatives qui avaient été utilisées. Avec la polémique autour du recensement, c’est le même déni et la même tentative d’étouffement qui est à l’œuvre. En effet les chiffres lénifiants qui essaient de nous faire confondre nombre d’étrangers et pression migratoire ne correspondent pas à la réalité et aux tensions culturelles qui existent sur certains territoires. Dans le même article d’Atlantico, la démographe Michèle Tribalat expliquait que : « en conjuguant les données des enquêtes Emploi pour les 15 ans ou plus et celles des recensements pour les moins de 15 ans, au total, en 2020, on peut estimer à 21,5 % la proportion de personnes d’origine étrangère sur deux générations, soit un peu plus d’un habitant sur cinq. » Or nous touchons là au tabou ultime : la question du nombre, du seuil à partir duquel aucune assimilation ne peut fonctionner et un communautarisme agressif peut se constituer. Toutes les immigrations ne portent pas en elles la volonté de remettre en cause les principes, valeurs et idéaux du pays qui les accueille, toutes ne s’attaquent pas au fondement de notre contrat social. Les islamistes, eux, à travers la réislamisation, entendent créer une cinquième colonne destinée à imposer la charia là où ils vivent. C’est la capacité à se structurer en force revendicative et politique autant que le nombre qui explique l’impossibilité de l’intégration de certains profils et la radicalité de la jeunesse musulmane notamment. Les Français font aujourd’hui ce constat amer, et ne croient plus que le simple fait d’aller à l’école d’une République qui ne sait plus où elle habite va régler le problème.

Case infamante

La gauche veut casser le thermomètre pour nier l’existence de la fièvre mais le chiffre de 21,5% qu’avance Michèle Tribalat est bien plus compatible avec la réalité des difficultés qui sont devant nous, que le discours en mode « rendormez-vous braves gens, et surtout ne remplissez pas cette case infamante de l’INSEE » de certains de nos représentants…

Pour autant, ces chiffres ne disent rien des solutions à mettre en place, voilà pourquoi nous gagnerions à cesser ce genre de débats idéologiques, aussi infamants qu’inutiles, et à accepter au contraire que cette question soit posée par l’INSEE.

Parce que même en lui tournant de dos, nul n’évite indéfiniment le mur du réel.

Bernard-Henri Lévy sur la post-vérité et les fake news: « La question de l’époque où nous entrons: qui veut encore la vérité ? »

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Au micro de Philippe Bilger, le philosophe évoque Nuit Blanche, son dernier essai.


Je rêvais depuis longtemps de pouvoir questionner à ma manière Bernard-Henri Lévy.

J’ai pu le faire. Mon souci était de le voir répondre non seulement à mes interrogations intellectuelles ou même philosophiques mais à ma curiosité plus prosaïque.

Sur son attitude au quotidien face aux hostilités, voire aux haines que sa personnalité et ses actions multiples suscitent chez certains. J’ai désiré l’entendre sur les reproches qui lui étaient faits la plupart du temps : d’être un privilégié, un milliardaire, un homme d’affaires !

À lire aussi, Philippe Bilger : Comptons les moutons avec BHL

Avec les limites que j’avais fixées à notre dialogue, j’ai été séduit par son intelligence, sa profondeur, la qualité de son oralité, son écoute et son extrême courtoisie. Celle-ci m’a d’autant plus frappé que dans les joutes politiques et médiatiques auxquelles il se livre volontiers, il ne laisse pas forcément apparaître une telle urbanité.

Ce qui m’a plu est de pouvoir mettre en lumière, grâce à sa parfaite complaisance, en quelque sorte le BHL de tous les jours, sur le plan des idées comme sur celui du travail, de l’écriture et de la découverte du « terrain ».

Et sur sa vision du bonheur et du futur.

Nuit blanche

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Causeur vous propose de visionner cet entretien, enregistré dans le studio de Fréquence Protestante (100.7 FM Paris).

Sur son interventionnisme à l’étranger ou la Libye :

« Un écrivain qui décide de se mêler un peu des affaires de la Cité et qui ne décide pas d’aller mettre le fer dans la plaie, d’aller mettre le doigt là où ça fait mal, d’aller se mêler des questions les plus brûlantes, alors, il sert à quoi ? Si c’est pour aller dans le sens du consensus, ça ne sert à rien. »

« Je crois que c’est noble et légitime de faire des Droits de l’homme le cœur de la politique. Mais il y a d’autres cœurs, par exemple l’affrontement de la civilisation et la barbarie. C’est encore pour moi le cœur de la politique. La barbarie, c’est l’islamisme radical par exemple, ou c’est les débordements de l’idéologie poutinienne. Ça, j’appelle ça de la barbarie et la bataille contre ça, j’appelle ça la politique. »

« Je suis étreint par le doute en permanence (…) je ne suis pas sûr du tout que les gens que j’aide à venir au pouvoir [en Libye] seront des démocrates, je ne suis pas sûr qu’ils seront infiniment mieux que le colonel Kadhafi et ses gangs, je ne suis pas certain que les islamistes dans la bataille qui va s’ouvrir après la chute de Kadhafi ne vont pas l’emporter. »

Sur la gauche :

« Je considère être avec mon ami André Glucksman parmi ceux qui ont contribué à guérir toute une partie de la gauche française de la maladie du marxisme-léninisme. »

« Je n’aime pas ce qu’est devenue la gauche, je n’aime pas ce qu’est devenu la droite (…) Je n’aime pas la gauche qui a fait alliance avec la France Insoumise qui est pour moi un parti qui est sorti de l’arc républicain par son antiparlementarisme, par son antisémitisme, par son analphabétisme aussi parce que savoir, ça fait partie du respect des électeurs ! Je n’aime pas ce qu’est devenu la droite… J’aimais bien M. Barnier, je trouvais qu’il avait de l’allure. Je trouvais que c’était un bon Premier ministre. Ce n’était pas mon choix. Je suis plutôt de gauche que de droite, mettons… mais enfin cela n’a plus autant de sens que jadis… »

« Je n’aimerais pas que, par la force de l’arithmétique électorale, le pouvoir soit entre les mains du Rassemblement National que je n’aime pas davantage que LFI pour des raisons voisines et différentes. Parce que je les trouve également violents, populistes, faux amis de leur pays, trop indulgents à l’égard des gens qui veulent du mal à notre pays commun – je pense à Poutine, je pense à Bachar Al-Assad, je pense aujourd’hui à Trump »

« Une partie de l’Assemblée nationale ne nous fait plus honneur. LFI brandissant des drapeaux palestiniens à l’Assemblée ne nous fait plus honneur ! »

Sur l’avenir :

Après Nuit Blanche, le philosophe révèle qu’il aimerait s’attaquer à ses mémoires: «J’aimerais écrire mon Lièvre de Patagonie.» [ndlr : livre de Claude Lanzmann]

« La question de l’époque où nous entrons, la question de la post-vérité, la question des fake news, la question des deepfake, la question des nouvelles technologies, c’est celle-là : qui veut encore la vérité ? Ce qu’il se passe aux États-Unis est extrêmement inquiétant puisque l’on a affaire à une oligarchie extrêmement puissante qui n’a plus pour désir la vérité. Qui a le désir d’autre chose. Si cela devait devenir la règle, cela nous ferait entrer dans un âge nouveau de l’humanité. »

Le crépuscule des saints

Le passé de l’abbé Pierre ressurgit, et ce dernier ne peut plus répondre à tous ceux qui l’accusent d’être un prédateur sexuel. La fondation qu’il a créée est renommée « Fondation pour le Logement des Défavorisés ». Accuser publiquement un mort n’est déjà pas élégant, mais est-il juste d’effacer son souvenir ?


Il était le favori dans la liste des notabilités préférées des Français durant des années. Il était reçu au palais de l’Elysée, il a eu droit à un hommage national lors de ses obsèques en janvier 2007. Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy assistèrent à la messe de son enterrement à Notre-Dame. Plusieurs films ont été réalisés pour célébrer son œuvre de bienfaisance. Au crépuscule de sa vie, il était considéré comme un quasi-saint vivant ; c’était Henry Grouès, dit l’abbé Pierre, l’ancien maquisard, passeur de familles juives, ancien député et surtout connu pour être le cofondateur de l’organisation Emmaüs qui vient en aide aux plus déshérités et pour son appel de l’hiver 1954.

Il aurait pu être panthéonisé tant il faisait l’unanimité dans la classe politique. Et puis, patatras ! Plus de quinze ans après sa mort, un rapport commandé par une officine dirigée par la militante féministe Caroline De Haas fait état de « comportements pouvant s’apparenter à des agressions sexuelles ou des faits de harcèlement sexuel » de la part de l’abbé Pierre entre la fin des années 1970 et 2005… Bigre ! Plusieurs décennies après les supposés faits, l’abbé, post mortem, réussit à faire parler ces femmes jusqu’alors muettes ! Ne serait-ce pas le miracle qui manquait à la canonisation du saint homme ?

À l’époque où un baiser volé peut vous valoir une convocation devant le juge d’instruction, on ne badine pas avec ce sujet ! Adieu la sainteté, bonjour la diabolisation. Il a fallu ces témoignages impossibles à contredire pour faire tomber en quelques jours l’ex-personnalité préférée des Français de son piédestal ! Fi de la Résistance, fi des milliers de personnes secourues, fi de l’aide apportée aux plus démunis, fi de toute une vie dévouée à résorber la misère…

À lire aussi, Elisabeth Lévy : Abbé Pierre: peut-on juger un mort?

Même les actuels dirigeants d’Emmaüs veulent effacer le nom du créateur ! Les langues se délient toujours plus facilement pour salir que pour bénir et l’ingratitude des peuples n’est plus à prouver. C’est tellement grisant de brûler ses idoles. Faire le procès des morts, Déboulonner les statues, débaptiser des lieux, oublier des noms…

C’est ainsi que la culture de l’effacement commence. Accuser publiquement un mort n’est déjà pas élégant mais est-il juste d’effacer son souvenir ? Quand bien même l’abbé Pierre aurait des péchés à se faire pardonner, est-il honnête de le bannir alors qu’il a passé toute sa vie au service des nécessiteux et qu’il laisse derrière lui une œuvre efficace à laquelle il fut entièrement dévoué ? Faut-il revisiter la vie de tous nos héros au risque d’y trouver quelques péchés ? Je constate que la société est bien plus sévère que l’Église. Cette dernière, après résipiscence, sait absoudre les péchés mortels, mais le bon peuple ne tolère pas les péchés véniels.

À ce compte-là, bien des saints qui furent de grands pécheurs avant leur conversion ne mériteraient pas de figurer dans le calendrier. Dans une société geignarde, à une époque où la mentalité victimaire est dominante, voire sacralisée, il n’est pas bon d’admirer les grands noms qui font l’histoire ou ceux qui excellent dans leur domaine. Que vous soyez un comédien à la mode, un footballeur ou un illustre personnage du passé, personne n’échappera au jugement terrestre ! Après le crépuscule des dieux et celui des idoles, voici le crépuscule des saints.

La Belgique toujours sans gouvernement: anatomie d’une déliquescence

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Dernière minute ! Les négociateurs réunis pour former un nouveau gouvernement en Belgique ont jusqu’à aujourd’hui pour finaliser les tractations. Les discussions ont eu lieu toute la nuit, sans fumée blanche pour le moment. On ignore donc s’ils aboutiront ; à l’heure où nous publions ces lignes, le pays n’a toujours pas de gouvernement, huit mois après les élections •

Les Belges se sont rendus aux urnes le 9 juin 2024, délivrant un message clair : au nord du pays, les formations de la droite nationaliste (la Nieuw-Vlaams Alliantie – que l’on peut traduire par Alliance néo-flamande – et le Vlaams Belang – Intérêt flamand -) sont arrivés en tête, devant les partis du centre et de la gauche ; au sud du pays, après plusieurs décennies de mainmise socialiste sur la « chose publique », le centre et son voisin de centre-droit sont sortis vainqueurs ; pourtant, huit mois plus tard, le pays n’a toujours pas de gouvernement, dans l’indifférence générale, mais non sans honte. Mais, nous rassure-t-on, on est près du dénouement.

Chauffage en panne

La scène pourrait prêter à sourire : tandis qu’ils devaient se réunir une énième fois pour tenter d’accorder leurs violons, les responsables des partis supposés entrer au gouvernement, loin d’être des Stradivarius, ont dû revoir leur plan, car l’endroit choisi se trouvait confronté à une panne de… chauffage. On ne pourrait trouver meilleure allégorie du mal qui ronge la vie politique belge. L’élégant Château de Val Duchesse dont il est question, sis en bordure de forêt de Soignes, fut le lieu par excellence des négociations dans les années quatre-vingt-dix : à l’époque, le parti au centre de la vie politique s’affichait encore sous l’étiquette « démocrate-chrétienne », les socialistes n’étaient pas encore woke, les écologistes aimaient les fleurs et étaient loin d’être islamisés ; les ministres avaient encore un semblant de culture – en tout cas celle du pays – ; à la fin, tout se terminait par un compromis brinquebalant dit « à la Belge » et Jean-Luc Dehaene restait Premier ministre.

A lire aussi: Le métro bruxellois, symbole du déclin de la capitale belge

Depuis les difficiles négociations entre partis flamands et francophones dans les années 2000, notamment sur les facilités accordées aux francophones dans certaines communes situées sur le territoire flamand, plus rien n’est vraiment comme avant, avec en point d’orgue le record du monde de la formation de gouvernement la plus longue, en 2011. À l’époque, il fallut la menace d’une agence de notation de dégrader la note de la Belgique pour que, soudainement, les négociateurs retrouvassent un semblant de raison.

Depuis, les mois suivant les élections ont donné lieu à d’affligeants spectacles au cours desquels le Roi dût nommer des informateurs, des formateurs, des médiateurs, des démineurs, des conciliateurs, des explorateurs, autant de vocables entrés dans le lexique politique du plat pays, pour dénouer des crises qui ont aggravé la fracture belge. Les raisons de la déliquescence sont multiples, en voici au moins trois, autres que l’existence de deux opinions publiques distinctes – l’une flamande, l’autre francophone.

La terreur intellectuelle que fait planer la gauche (politique, médiatique, syndicale…) a institutionnalisé le très antidémocratique principe du cordon sanitaire (à quand sa constitutionnalisation ?). Selon celui-ci, il est formellement interdit de discuter et a fortiori de s’allier avec l’ « extrême droite ». Même le très « sarkozyste » état-major de la N-VA s’y plie et préfère les socialistes francophones au Vlaams Belang, avec pour conséquence la mise en minorité politique des Flamands, pourtant démographiquement majoritaires dans le pays, et de la droite – au point que le MR de centre-droit signa le Pacte de Marrakech, au prix de la chute d’un gouvernement, et vota plus récemment le Pacte migratoire européen.

Grand malade européen

Quand il n’existe pas de vrai débat, faute d’opposition, l’époque est au mieux à la cristallisation des discussions, au pire à leur hystérisation, avec pour acteurs de série B (comme Belgique) des politiciens qui n’ont pas l’aura de leurs aînés : nains politiques qui débusquent l’extrême droite partout mais qui refusent de voir l’islamisme gangréner la société, épigones belges de Sandrine Rousseau dont l’horizon politique s’arrête aux arrêts de bus qu’il faut renommer, godillots qui insultent et excommunient à tout-va, responsables de partis de la majorité qui passent leur temps à critiquer le… gouvernement sur les réseaux sociaux. Quand on manque de culture, de civilité, de grandes ambitions, d’esprit collectif, il devient compliqué d’exercer le pouvoir en vue d’y accomplir de grandes choses : relance économique, défi de l’IA, intérêts géostratégiques, crise énergétique et pouvoir d’achat…

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Enfin, à force d’avoir « cramé la caisse » à coups de subsides généreusement accordés à des ASBL1 politisées ou en raison du train de vie dispendieux de l’État et de ses entités fédérées, imposé un vivre ensemble qui ne fonctionne pas, tout déconstruit jusqu’à la dernière pierre, les moyens financiers à disposition et la capacité à gérer une communauté d’individus qui se trouvent un destin commun sont forcément limitées. Pendant des années, les socialistes francophones et leurs alliés traditionnels ont augmenté la dette tout en vivant aux crochets des flamands – qui finiront bien par fermer le robinet -, ont poursuivi une politique d’immigration insensée et coûteuse, ont bafoué les droits démocratiques les plus élémentaires en muselant leurs adversaires et nivelé par le très très très bas l’enseignement – tel un symbole, des milliers de professeurs ont manifesté à Bruxelles lundi dernier : plutôt que de réclamer une école de qualité, ils se sont surtout illustrés par les dégradations et autres gestes déplacés dont ils ont été les auteurs. 

Ce portrait n’est malheureusement pas celui d’une république bananière ou d’une dictature lointaine, mais de la femme malade de l’Europe. À propos de la Belgique, il est souvent dit de façon un peu bêtasse que quiconque comprenait ce pays se l’était sans doute mal fait expliquer. C’est faux. En réalité, la Belgique est un millefeuille de niveaux de pouvoirs, de partis, de corps intermédiaires tout heureux de trouver dans la complexité une manière de ne pas à avoir à justifier leur bilan calamiteux.


  1. Association sans but lucratif ↩︎

Et maintenant, l’homme princesse

Sur TikTok, des hommes revendiquent désormais d’être traités avec les mêmes égards que les femmes autrefois. Cette mode éloigne encore davantage l’homme de la virilité traditionnelle. Les femmes seront-elles amenées à regretter la galanterie d’antan?


Le phénomène de « l’homme princesse » sur TikTok suscite de vives réactions depuis plusieurs mois, oscillant entre amusement et controverse. Cette tendance, qui cumule plus de 60 millions de vues sur le réseau social chinois, où des hommes adoptent des comportements traditionnellement associés aux femmes, tels que le raffinement, la tendresse et le soin apporté à l’apparence, entend bousculer les rôles de genre et ouvrir un débat sur l’égalité dans les relations de couple.

Un concept qui remet en question les normes traditionnelles de masculinité et qui divise. Si, certains s’en félicitent et y voient une avancée vers plus de flexibilité et d’équilibre dans le couple, d’autres y décèlent une forme de passivité, voire un recul de plus face aux luttes féministes de plus en plus radicales. Pour une autre fraction d’internautes, ces comportements sont perçus comme une manière de fuir les responsabilités plutôt que de réinventer la masculinité.

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Des experts, comme la psychologue Johanna Rozenblum, soulignent que l’expression « homme princesse » reste pourtant elle-même péjorative, car elle renforce des stéréotypes en assignant certains comportements à un genre comme à un autre. « Je ne vois pas en quoi certains traitements devraient être réservés aux femmes et d’autres aux hommes », s’agace l’autrice du livre Déconditionnez-vous. Elle reconnaît toutefois que cette tendance sur les réseaux sociaux démontre « l’intérêt pour cette nouvelle manière de vivre sa masculinité ». Ainsi, en réappropriant des attitudes dites « féminines », l’homme princesse entendrait s’affranchir de l’idée même de patriarcat et des représentations immuables de la masculinité dans lequel il a été élevé.

En faisant la promotion d’une passivité libératrice pour l’homme, cette tendance en vogue pose en définitive une question essentielle qui nous mène à une profonde introspection sociétale : comment les hommes peuvent-ils évoluer dans un monde où la définition de la masculinité est en constante transformation castratrice ?

Un pape déconstruit

Fervent catholique, le sociologue Philippe d’Iribarne s’inquiète dans son dernier livre[1] de la fièvre relativiste qui s’est emparée du Vatican depuis l’élection du pape François.


Quand il était au CNRS, Philippe d’Iribarne laissait ses convictions religieuses au vestiaire. Il faut dire que son domaine de recherches (le monde du travail et la diversité des systèmes de valeurs qui s’y exercent) requiert la neutralité la plus stricte chez l’observateur. Mais depuis qu’il a pris sa retraite, au terme de quarante années d’une carrière passionnante marquée par des publications phares comme La Logique de l’honneur (Seuil, 1989), c’est aussi en tant que croyant qu’il intervient dans le débat public.

Son dernier ouvrage n’en est que plus touchant. A bientôt 88 ans, d’Iribarne s’y penche, documents à l’appui, sur la crise profonde que traverse l’Eglise et qui l’affecte lui-même. Sur un ton tout sauf querelleur, le sociologue décrit un phénomène troublant: à présent, même parmi les fidèles ayant soutenu l’aggiornamento de Vatican II, bon nombre de catholiques sont mal à l’aise quand le pape fait les yeux doux au wokisme.

Difficile en effet de ne pas être stupéfait quand, en 2019, le souverain pontife publie une Déclaration d’Abou Dhabi (texte dont le titre officiel est : Document sur la fraternité humaine, pour la paix mondiale et la coexistence commune), dans laquelle il écrit : « Le pluralisme et les diversités de religion, de couleur, de sexe, de race et de langue sont une sage volonté divine. »  Lui qui est jésuite, c’est-à-dire l’enfant spirituel des missionnaires ayant évangélisé son Amérique latine natale, sait pourtant bien que l’adhésion au credo ne procède en rien de l’identité biologique, ethnique ou culturelle.

Et comment ne pas être effaré quand, en 2023, il déclare, avant de se rendre dans la cité phocéenne : « J’irai à Marseille, mais pas en France » ? En tant que chef d’Etat, ne connaît-il pas l’importance des institutions nationales ? Que dirait-il si l’un de ses visiteurs officiels affirmait, au moment de rentrer dans la basilique Saint-Pierre, que celle-ci se trouve à Rome mais pas au Vatican ?

Lorsqu’on pousse l’adoration des peuples du Sud jusqu’à nier la vocation universelle de son propre culte, lorsqu’on s’essaye au jeu du radicalisme chic en déniant aux peuples occidentaux les cadres et les conventions dont on est pourtant le premier à bénéficier, ne risque-t-on pas de sombrer dans l’aveuglement, la haine de soi, l’anomie ? Se gardant d’attaquer frontalement le Vatican, d’Iribarne plaide pour une autre voie, moins progressiste que celle du pape sans être tradi, et identifie certains signes d’espoir, notamment dans l’Amérique de Donald Trump. Un regard mesuré, mais pas si consensuel que ça.


Causeur. Le 8 décembre dernier, le pape François a séché la réouverture de Notre-Dame de Paris. Qu’avez-vous pensé de cette absence remarquée ?

Philippe d’Iribarne. Quand le pape a fait savoir qu’il déclinait l’invitation des autorités françaises, il a indiqué que c’était pour ne pas faire d’ombre à la cathédrale, ne pas lui ravir la vedette. L’argument a du sens. Mais aussi louable ce refus de la peopolisation soit-il, il cache une seconde raison, moins officielle, de la défection papale : le désintérêt de François pour le continent européen. Il suffit de lire son encyclique Fratelli Tutti, parue en 2020 pour voir combien il préfère les pays du Sud, qui représentent à ses yeux les marges auxquelles il convient d’être attentif comme l’avenir de l’Eglise. Le souverain pontife est, à sa manière, un militant tiers-mondiste.

Diriez-vous carrément que c’est un pape révolutionnaire ?

Je n’irai pas jusque là. Dans mon livre, je montre que François est très influencé par la pensée postmoderne, façonnée en réaction à l’horreur de la Shoah, avec le projet de créer une humanité nouvelle ayant surmonté les antagonismes entre les peuples, les religions, les cultures et aboli toutes les formes de domination. Cette pensée n’est pas révolutionnaire au sens d’une volonté de déconstruction radicale des structures traditionnelles. Il s’agit plutôt d’affirmer que toutes ces structures sont également respectables, y compris les spiritualités ancestrales, comme le chamanisme ou le zen, qui avaient été méprisées par la modernité. Le pape semble supposer, naïvement selon moi, que cette vision d’une ouverture indifférenciée est conforme à un esprit évangélique.

Mais est-ce une si mauvaise idée de son point de vue ? Les Saintes Ecritures ne trouvent-elles pas quelque résonance dans la pensée post-moderne ? Jésus n’aspirait-il pas, lui aussi, à une société sans frontières ?

Il est vrai que, dans les Evangiles, le Christ passe son temps à prêcher l’accueil inconditionnel de tous. Mais il insiste de façon tout aussi appuyée pour que cet accueil se fasse dans la vérité, c’est-à-dire en étant lucide sur ceux qui sont accueillis, à la fois sur ce qu’on peut en attendre, avec des appels à se méfier des hommes, et sur le chemin que chacun doit parcourir pour mener une vie féconde. Le thème des fruits revient sans cesse dans l’Evangile. Il y a une tendance dans l’Eglise à oublier cet aspect pourtant essentiel.

Dans l’Eglise, dites-vous. Y compris au Vatican ?

Tout dépend des situations. Par exemple quand le pape François se rend, en septembre dernier, à Bruxelles et qu’il s’incline devant la tombe du roi Baudoin pour saluer son « courage » et son opposition à la « loi meurtrière » sur l’avortement promulguée en 1990 en Belgique, on ne peut pas dire qu’il prône un catholicisme sans exigence ! En revanche, à chaque fois qu’il laisse entendre que l’on peut venir comme on est (pour parler comme dans les publicités pour Mac Donald) dans son Église, il flatte la doxa contemporaine selon laquelle tous les choix de vie se valent. Pourtant le Christ n’était pas aussi accommodant. Il voyait en chaque homme un pécheur. Il pouvait même avoir des paroles blessantes, commettre des micro-agressions comme on dit aujourd’hui, y compris envers les plus faibles, en mettant par exemple en garde les pauvres contre le risque de s’enfermer dans le ressentiment.

Dans votre livre, vous employez le terme de « catholicisme inclusif » pour décrire ceux qui, dans l’Eglise, ont peur de blesser les païens et conçoivent leur religion comme égale aux autres. A quand remonte cette poussée d’angélisme ?

Une date importante est évidemment Vatican II. En 1965, au dernier jour du concile, le texte Gaudium et Spes (Joie et espoir) est approuvé par la quasi-totalité des évêques. En lisant ce document soixante ans après, on est frappé par la candeur de ses auteurs, qui s’imaginaient alors qu’une société mondiale hors sol, transcendant les cultures, était sur le point d’advenir ! On a l’impression qu’ils ont cultivé une utopie consolatrice.

Vous étiez un jeune homme lors de Vatican II. Comment l’avez-vous vécu, en tant que croyant ?

J’ai été très sensible au souffle du concile. J’étais marqué par de grandes figures qui y ont joué un grand rôle, tels les Pères de Lubac ou Congar. Le Pays basque, dont je suis originaire, a été protégé de l’appauvrissement liturgique associé au passage aux langues profanes par le fait que de grands auteurs et musiciens de l’abbaye de Belloc ont produit des chants liturgiques e, basque aussi beaux que dans l’Eglise orthodoxe ! On aurait tort d’imputer à Vatican II des dérives ultérieures. Joseph Ratzinger, le futur pape Benoît XVI, aux positions doctrinaires très classiques, était l’un des théologiens influent du concile. L’Eglise a eu un problème épineux à résoudre : comment réformer un système autoritaire, qui en a bien besoin, sans le casser ? C’est la question que pose Tocqueville dans L’Ancien Régime et la Révolution.

Et à Paris, où vous avez fait vos études ?

Quand j’étais élève à Polytechnique, l’aumônerie des étudiants de Paris était dirigée par Jean-Marie Lustiger, qui allait devenir cardinal de Paris vingt ans plus tard et dont le dynamisme et l’intelligence donnaient l’image d’une foi pleine de souffle. Très investi dans des groupes bibliques, je ne prêtais pas attention aux théories des théologiens qui développaient une approche des religions niant ou du moins relativisant l’apport spécifique du christianisme.

Mais au fond, pourquoi réformer l’Eglise catholique ?

Il fallait tourner une page. L’Eglise s’était crispée depuis Vatican I sur des positions défensives, dans une vision très disciplinaire de la foi, loin de la proclamation d’un message de lumière et de joie. Le Vatican n’avait pas été exemplaire face au nazisme. A l’intérieur d’une partie du monde chrétien, on sentait la séduction du communisme. Maurice Clavel, disait avec humour : « Le dernier des marxistes sera un chanoine breton. » Il fallait réagir.

Étiez-vous présent à la Porte de Versailles en 1974, lors du congrès annuel des Jeunesses ouvrières chrétiennes, durant lequel, comme vous le rappelez dans votre livre, 35.000 participants ont entonné l’Internationale pour saluer l’arrivée du communiste Georges Marchais à la tribune…

Ce n’était pas mon univers.

A ce sujet, comment expliquez-vous que vous-même n’ayez jamais été tenté par le communisme ?

Dès mon enfance le procès Kravchenko, dissident soviétique, a été donné un aperçu de la réalité du « paradis soviétique ». J’ai été élevé dans une grande méfiance par rapport aux idéologies porteuses d’illusion et un attachement à la rigueur de la pensée, en lisant dès l’adolescence des ouvrages de philosophie des sciences, de Louis de Broglie, Henri Poincaré ou Albert Einstein. Cela m’a sûrement immunisé contre la séduction du communisme avant même de le côtoyer de près, ce qui s’est produit dans les années 60 avec les apparatchiks du PCF au sein de la Direction de la prévision du ministère de l’Economie. J’ai perçu à quel point ils vivaient dans un univers parallèle, que j’ai retrouvé en lisant Lénine. La répression du printemps de Prague, à cette époque, est apparue non comme un dérapage, mais la quintessence du régime soviétique.

Votre foi catholique ne vous a-t-elle pas également prémuni contre le matérialisme ?

Sûrement. L’univers chrétien, avec toutes les expressions de la foi, dans la musique, la peinture, l’architecture, la littérature, ouvre à la richesse du monde, d’une façon qui protège de la superficialité pitoyable du matérialisme. Cet univers fait écho à la profondeur humaine de l’Ecriture, depuis la poésie des Psaumes et du Cantique des cantiques. Je trouve bien triste que, dans notre monde, la doxa matérialiste déguisée en idéologie laïque empêche notre système éducatif de faire découvrir cette richesse par tous. 

Pensez-vous que l’Eglise soit prête à entendre vos critiques contre elle ?

Mon intention n’est nullement de la critiquer mais de l’aider à comprendre et à dépasser la situation difficile où elle se trouve.

Le pape peut-il évoluer sur cette question ?

Difficile de vous répondre. C’est un homme complexe. J’ai été frappé par le documentaire que Wim Wenders a tourné sur lui en 2018, Un homme de parole, dans lequel on perçoit bien sa personnalité à double face. La première est celle d’un être éminemment sensible à la souffrance humaine, authentiquement à l’écoute, par exemple, des prisonniers qu’il rencontre devant la caméra de Wenders. La seconde est celle d’un dirigeant sûr de lui et autoritaire qui a du mal à accepter la critique.

Et au sein de la communauté des fidèles, votre discours est-il audible ?

Pas par ceux qui, du côté « progressiste » comme du côté « tradi » sont convaincus qu’il suffirait de les suivre. Tout à fait par ceux qui ont du mal à exprimer leur foi et à la transmettre, et qui sont heureux de mieux comprendre ce qu’ils vivent. On a dans le monde un certain renouveau chrétien, en particulier chez les catholiques. On l’a vu en France avec ce qui s’est passé autour du Notre-Dame. On a un fort mouvement aux États-Unis, dont le Vice-président J.D. Vance est un bon représentant, associé à un refus des errances du néo-libéralisme économique et de la dérive woke, dans une recherche d’une existence à la fois ordonnée et riche de sens. Un grand point d’interrogation, auquel je tente spécialement de répondre, concerne le rôle de la vie spirituelle dans les orientations que prend la cité.


[1] Au-delà des fractures chrétiennes, Salvator

Causons! Le podcast hebdomadaire de Causeur

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Migrants à Calais en 2015 © JEROME MARS/JDD/SIPA

Avec Driss Ghali, Eliott Mamane, Céline Pina et Jeremy Stubbs.


Cette semaine, François Bayrou a parlé d' »un sentiment de submersion ». Il citait – sans le savoir – Margaret Thatcher qui, en 1978, avait déclaré dans un entretien télévisé : « Les gens ont plutôt peur que ce pays soit dans une certaine mesure submergé par des gens d’une autre culture ». Dans les deux cas, la gauche a eu la même réaction d’horreur. Pourquoi? Parce qu’elle n’a pas pu échapper au choc du réel. Une grande partie des électeurs – qui comprend dans une certaine mesure l’électorat traditionnel de la gauche – ressent une forme d’insécurité culturelle. C’est pour s’attaquer à ce problème existentiel, que le nouveau président américain a pris autant de mesures vigoureuses dès le début de son mandat. Et que Friedrich Merz, le chef du parti conservateur allemand, la CDU, a accepté le soutien de l’AfD pour voter une proposition de loi destinée à limiter l’afflux de réfugiés en Allemagne.

Driss Ghali vient de publier L’identité d’abord : Lettre ouverte d’un immigré aux Français qui ne veulent pas disparaître (L’Artilleur, 19,00€, 256 pages, voir lien en fin d’article). Il nous explique pourquoi, afin d’aborder la question fondamentale de l’identité, il commence son ouvrage par une discussion très personnelle de sa propre identité et de la manière dont il en est venu à l’assumer. Car pour brûlante que soit aujourd’hui la notion d’identité, elle reste nébuleuse. Comme elle est vague, elle est facilement exploitée par des militants politiques à des fins idéologiques. Mais cette instrumentalisation de l’identité, qui est présentée comme positive quand il s’agit de communautés d’immigrés, et négative quand il s’agit de la France, nuit autant aux intérêts nationaux qu’aux intérêts communautaires. Les identités de tous sont privées de leur profondeur historique. La conséquence, c’est que nos institutions sont tombées entre les mains de personnes diplômées mais incapables, des « enfoirés »

Bernard Arnault mène la charge pour l’industrie française

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Bernard Arnault. Image d'archive © NICOLAS MESSYASZ/SIPA

Le ministre de l’Économie Éric Lombard s’est dit surpris par la récente fronde des grands patrons, comme Bernard Arnault et le président du Medef, contre la hausse des taxes, soulignant que l’effort demandé aux grandes entreprises serait limité à un an… Après avoir assisté à l’investiture de Donald Trump aux États-Unis, le patron de LVMH, habituellement discret, avait effectivement fustigé la hausse des taxes aux entreprises prévue dans le Budget, qualifiée de « taxation du made in France » qui « pousse à la délocalisation ».


D’ordinaire extrêmement discret sur les sujets de politique française, Bernard Arnault est sorti pour la première fois de sa réserve lors de la conférence de presse relative aux résultats du groupe LVMH. Visiblement courroucé, l’entrepreneur a déclaré la chose suivante : « Aux USA, les impôts vont descendre à 15%. En France, on s’apprête à augmenter de 40% les impôts des entreprises qui fabriquent en France… Pour pousser à la délocalisation, c’est idéal ! » Il a ensuite ironisé sur le poids de l’administration en France, se demandant s’il ne serait pas bon que nous nous dotions d’un DOGE national, et fustigé une « taxe qui ne dit pas son nom sur le Made In France ».

Arnault, contributeur majeur de la balance commerciale

Quand l’homme dont le groupe paye le plus d’impôts sur les sociétés en France et qui dirige le groupe leader du luxe dans le monde s’exprime avec une telle virulence, le gouvernement a le devoir d’écouter. D’autant qu’il n’est pas le seul à faire part de cette inquiétude. Les entrepreneurs, petits et gros, n’en peuvent plus de payer. Ils sont devenus la roue de secours d’un État qui a endetté les Français et qui détruit méthodiquement notre industrie. Comme l’État est mal géré depuis plusieurs décennies, il n’a trouvé comme solution que le racket des derniers producteurs de richesses. Mais quand il n’y aura plus de richesses produites, qui va payer ? Qui va maintenir les courbes ?

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Pour rappel, un groupe comme LVMH a réalisé à lui seul 23 milliards d’exportations depuis la France en 2023 et est un contributeur majeur de notre balance commerciale qui était sur la même année déficitaire de 100 milliards d’euros. Le groupe emploie aussi 40 000 personnes en France et en a recruté 3 500 pour la seule année 2024 ! Il a aussi payé 13 milliards d’euros d’impôt sur les sociétés depuis 10 ans, sans compter les dons comme celui pour Notre-Dame de Paris ou le financement des Jeux de Paris.

Trop tard ?

La gauche peut toujours aiguiser ses faucilles, le départ d’un groupe comme celui-ci pour la Bourse de New-York serait une défaite majeure pour la France et une victoire pour les États-Unis. D’aucuns ont même prétendu vouloir nationaliser LVMH, comme si un groupe de luxe était comparable à Lada… Soyons un peu sérieux. Nous ne faisons pas les règles du commerce mondial et la France se met d’elle-même en déficit complet de compétitivité. Afin de complaire à une gauche totalement minoritaire dans le pays, nous renforçons chaque année un peu plus un corset fiscal qui finira un jour par assécher toutes les forces créatrices françaises et nous fera ressembler à l’URSS. Agissons avant qu’il ne soit trop tard. Qui sait mieux ce qui augmenterait la richesse des Français : Bernard Arnault et le PDG de Michelin ou Éric Lombard ? Comme dirait l’autre, « la question, elle est vite répondue ».

Ary Abittan, clap de fin judiciaire

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© Jacques BENAROCH/SIPA

Après bien des errements, un non-lieu définitif rend justice au comédien


Le fantaisiste, ce jeudi 30 mars, a été définitivement mis hors de cause en appel dans une fumeuse affaire d’agression sexuelle. Camouflet cinglant pour le tribunal médiatique, peu enclin à reconnaître ses errements, et certains collectifs féministes, qui ont du « mâle » à désarmer…

Les magistrats de la Cour d’appel ont donc définitivement tranché, en confirmant le non-lieu qui opposait le comédien à une ex-compagne. Le couperet est tombé mais pas celui que journalistes empressés et bouillants collectifs féministes avaient hâtivement – ou habilement, c’est selon – aiguisé. L’information a été relayée par l’AFP et reprise par de rares titres, dont Le Figaro.

La jeune femme, qui connaissait Ary Abittan depuis quelques semaines, soutenait que l’artiste lui avait imposé un rapport sexuel divergent à son domicile privé, en octobre 2021. Avec une étonnante célérité, l’artiste avait été mis en examen pour ces faits, qu’il réfutait avec une belle constance. Très vite l’entrain médiatique et la frénésie de collectifs féministes en avaient fait un coupable de fait, se riant de la présomption d’innocence. Sans doute un nouveau gros mot…  Mais la justice ne se rend pas dans les colonnes des journaux, encore moins au fil des miasmes des réseaux ou sous les banderoles enflammées d’excitées de l’outrage. Après trois années d’investigations en tous genres, les sept magistrats qui se sont penchés sur cette malheureuse affaire ont unanimement constaté l’innocence du comédien. « Absence d’indices graves et concordants, mis en cause respectueux sans pulsions sexuelles agressives, déclarations évolutives de la plaignante assorties d’une certaine équivocité dans sa conduite envers le prévenu » : cette liste à la Prévert n’a pourtant rien de poétique et pourrait faire sourire si le comédien n’en avait pas été si cruellement affecté et sa carrière figée. L’homme s’était alors réfugié dans un assourdissant silence, lui qui bruissait d’espièglerie bon enfant, dans la vie, sur les réseaux, la scène ou à l’écran. Un véritable enfer pour lui et ses proches. Le métier qui lui tourne le dos, les « amis » qui le fuient… Seuls quelques-uns, dont son producteur de toujours, lui feront confiance pour l’aider à surmonter l’indicible.

Au printemps dernier, un premier non-lieu avait été prononcé. L’artiste volubile avait alors repris les tournées. Et le public – qui ne l’avait jamais abandonné à dire vrai, interpellé par ce curieux hallali – avait suivi, au fil de représentations bondées en Hexagone mais aussi à l’international.

À qui imputer de telles dérives, en laissant de côté les assertions d’une victime qui ne l’était pas et dont les accusations flirtent avec la dénonciation calomnieuse ? Recherche effrénée de scoops journalistiques mettant à l’index les stars incriminées, vénération imbécile du buzz mais surtout sacralité immédiate et sans appel de la plainte féminine, qu’elle soit fondée ou non… Sans autre forme de procès, oserait-on ajouter. « La calomnie tue plus sûrement qu’une arme à feu » : prévient le vieil adage populaire.

Vos larmes ont séché M. Abittan. Faites-nous rire encore…

Du mieux côté crime parfait

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Philippe Boxho © Wikimedia commons

Le légiste, star des séries télévisées, est en réalité en voie d’extinction dans la réalité. Le docteur Philippe Boxho, légiste belge, a expliqué pourquoi et déploré le déclin de sa profession…


Dans les fictions policières télévisées, il apparaît dès les premières images, emballé façon surgelé. La tenue est de convention comme le détachement avec lequel il prend les choses. Macabres, les choses. Il s’agit du médecin légiste. Spectateurs, nous pourrions penser que cela est le reflet de la réalité et que, dans la vraie vie aussi, l’homme de l’art est quasiment omniprésent. Il n’en est rien, semble-t-il.

La discipline, figurez-vous, a sa star. Le docteur Boxho, légiste belge, auteur de livres à succès, dont le dernier La Mort en face. Docteur en criminologie, diplômé en anthropologie judiciaire de l’université de Leyde, directeur de l’institut de médecine légale de l’université de Liège, membre de l’Académie royale de médecine de Belgique, l’homme, qui se crut d’abord une vocation ecclésiastique, sait de quoi il parle. Invité le 9 janvier sur LCI, il enchanta son monde en rapportant quelques anecdotes.

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Ainsi de ce désespéré qui, ayant les bras trop courts pour ajuster le canon de sa carabine à hauteur du cœur, tira à 14 reprises avant de réussir son coup. Plus important, l’invité dresse un constat assez inquiétant de la situation. Pour raison d’économies, le recours à l’expertise du légiste tendrait à se raréfier.

« Pour que nous intervenions, encore faut-il qu’on nous appelle ! » déplore-t-il. « On », les autorités judiciaires bien sûr. Apparemment, on rechignerait. D’ailleurs on ne compte en France que 161 praticiens. En effet, dix années d’études pour un revenu brut mensuel d’environ 4 500 euros en début de carrière et 10 000 en toute fin n’est guère alléchant. Si la tendance se confirmait, entrevoit Boxho, les chances de réussir le crime parfait augmenteraient d’autant. Ce serait déjà le cas dans son pays. Ce qui lui permet de glisser, avec cet humour si caractéristique de sa corporation : « Vos assassinats, venez donc les commettre en Belgique. » À bon entendeur…

La mort en face: Dr. Philippe Boxho, le médecin légiste qui fait parler les morts.

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Pourquoi l’INSEE a raison de demander le pays de naissance des parents lors du nouveau recensement

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Image d'archive, 2006 © CHAUVEAU NICOLAS/SIPA

Immigration. La gauche est persuadée que l’INSEE prépare les futures politiques répressives de l’extrême droite au pouvoir. Elle est sourde à la majorité silencieuse qui éprouve bien le « sentiment de submersion » évoqué par le Premier ministre en début de semaine.


Branle-bas de combat dans la gauchistosphère ! Enfin les heures épiques sont revenues et une glorieuse bataille antiraciste se profile… contre l’INSEE et le recensement. En cause, une question sur l’origine des parents introduite dans le questionnaire de cette année.

Enfin un retour des heures sombres à combattre sans qu’il n’en coûte rien. Peu importe que l’INSEE ait tenté d’expliquer que ce type de question se trouvait dans un certain nombre de ses enquêtes depuis des années, que cette collecte n’était pas interdite et que le but de ces données anonymisées étaient « de mesurer les inégalités à un niveau plus précis », comme l’a déclaré en conférence de presse, Muriel Barlet, responsable du département de la démographie à l’Insee, rien n’y fait. Elle a beau rappeler le rôle que cela pourrait jouer dans la mesure des inégalités de logement en fonction de l’origine (zones géographiques, types de logement, etc), des inégalités dans l’accès à l’emploi, à la santé par exemple, les grands esprits n’en démordent pas : il y a du racisme là-dessous. La gauche en mal de respectabilité depuis qu’elle a dévoilé sa tolérance à l’antisémitisme et ses liens avec les islamistes ne va pas lâcher immédiatement une telle occasion de se poser en donneuse de leçon.

La Ligue des droits de l’homme trouve une nouvelle occupation

Alors, dans une tribune que Mediapart a accueilli, Nathalie Tehio, présidente de la Ligue des droits de l’homme (LDH), Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, Benoît Teste, secrétaire général FSU, François Sauterey, coprésident du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap), Julie Ferrua et Murielle Guilbert, co-déléguées Union syndicale Solidaires soutiennent que cette question « est un pas vers une possible inégalité de traitement par l’État » et serait « un critère [des] politiques d’extrême droite ».  Pour qui ne décrypterait pas le message, la « possible inégalité de traitement » renvoie à la mise en place du racisme systémique et le « critère des politiques d’extrême-droite » vise à laisser envisager un fichage individuel, prélude au pire (la tribune nous alerte même sur le fait que l’on peut ainsi être pisté « à travers les générations »). La vieille dame frileuse qu’est l’INSEE est toute retournée par ces accusations.

Il n’y a qu’une toute petite minorité d’immigrés qui ne s’assimilent pas, c’est bien connu

Mais pourquoi tant de hargne et d’agressivité ? Parce que l’on répète aux Français comme un mantra, que depuis les années 30, la proportion d’étrangers en France est stable. C’est ce qu’avait déclaré Benoit Hamon en 2017, pendant la campagne pour les présidentielles. De son côté, en 2021, affrontant en débat Marine Le Pen, Gérald Darmanin lui assénait : « Quand je suis né, en 1982, il y avait 6,8% d’étrangers en France, aujourd’hui il y en a 7,4% dont la moitié d’Européens. » Or, les Français doutent de toutes ces rodomontades. Et ces chiffres leur semblent peu significatifs.

La question de l’insécurité culturelle, le fait d’avoir le sentiment « de ne plus être chez soi en tant que peuple » font que les Français ne croient plus à la possibilité d’assimiler des populations nombreuses dont les références culturelles sont trop éloignées. L’acquisition automatique de la nationalité masque à leurs yeux la réalité de l’ampleur de l’absence d’intégration, donc cache la réalité migratoire sur leur sol. Comme le rappelait la démographe Michèle Tribalat dans un article sur Atlantico, en août 2021, « Immigration : le grand mensonge » : « Les effets démographiques de l’immigration étrangère ne peuvent, en effet, se mesurer par la proportion d’étrangers en France. Les étrangers qui arrivent en France, pour partie, acquièrent la nationalité française. » Puis, ils font des enfants… Néanmoins, le discours politique s’est arc-bouté sur ce discours de déni.

À tel point que lorsque France Stratégie sort en 2021 une cartographie basée sur les données de l’INSEE et que l’organisme montre que les enfants immigrés ou nés de parents immigrés extra-européens sont majoritaires parmi les 0-18 ans dans plus de la moitié des communes de Seine-Saint-Denis en 2017, cela fait l’effet d’une bombe. Cette proportion est particulièrement marquée dans les quartiers (jusqu’à 84% à Clichy-sous-Bois). Et les chiffres concernent également nombre de grandes et moyennes villes : 51% des 0-18 sont des enfants d’immigrés extra-européens dans certains quartiers de Rennes ; ils sont 61% à Limoges…

Aussitôt, les chiffres sont accusés de servir le discours de l’extrême droite et la polémique ensevelit les données pourtant significatives qui avaient été utilisées. Avec la polémique autour du recensement, c’est le même déni et la même tentative d’étouffement qui est à l’œuvre. En effet les chiffres lénifiants qui essaient de nous faire confondre nombre d’étrangers et pression migratoire ne correspondent pas à la réalité et aux tensions culturelles qui existent sur certains territoires. Dans le même article d’Atlantico, la démographe Michèle Tribalat expliquait que : « en conjuguant les données des enquêtes Emploi pour les 15 ans ou plus et celles des recensements pour les moins de 15 ans, au total, en 2020, on peut estimer à 21,5 % la proportion de personnes d’origine étrangère sur deux générations, soit un peu plus d’un habitant sur cinq. » Or nous touchons là au tabou ultime : la question du nombre, du seuil à partir duquel aucune assimilation ne peut fonctionner et un communautarisme agressif peut se constituer. Toutes les immigrations ne portent pas en elles la volonté de remettre en cause les principes, valeurs et idéaux du pays qui les accueille, toutes ne s’attaquent pas au fondement de notre contrat social. Les islamistes, eux, à travers la réislamisation, entendent créer une cinquième colonne destinée à imposer la charia là où ils vivent. C’est la capacité à se structurer en force revendicative et politique autant que le nombre qui explique l’impossibilité de l’intégration de certains profils et la radicalité de la jeunesse musulmane notamment. Les Français font aujourd’hui ce constat amer, et ne croient plus que le simple fait d’aller à l’école d’une République qui ne sait plus où elle habite va régler le problème.

Case infamante

La gauche veut casser le thermomètre pour nier l’existence de la fièvre mais le chiffre de 21,5% qu’avance Michèle Tribalat est bien plus compatible avec la réalité des difficultés qui sont devant nous, que le discours en mode « rendormez-vous braves gens, et surtout ne remplissez pas cette case infamante de l’INSEE » de certains de nos représentants…

Pour autant, ces chiffres ne disent rien des solutions à mettre en place, voilà pourquoi nous gagnerions à cesser ce genre de débats idéologiques, aussi infamants qu’inutiles, et à accepter au contraire que cette question soit posée par l’INSEE.

Parce que même en lui tournant de dos, nul n’évite indéfiniment le mur du réel.

Bernard-Henri Lévy sur la post-vérité et les fake news: « La question de l’époque où nous entrons: qui veut encore la vérité ? »

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Bernard-Henri Lévy © Alexis Duclos/SIPA

Au micro de Philippe Bilger, le philosophe évoque Nuit Blanche, son dernier essai.


Je rêvais depuis longtemps de pouvoir questionner à ma manière Bernard-Henri Lévy.

J’ai pu le faire. Mon souci était de le voir répondre non seulement à mes interrogations intellectuelles ou même philosophiques mais à ma curiosité plus prosaïque.

Sur son attitude au quotidien face aux hostilités, voire aux haines que sa personnalité et ses actions multiples suscitent chez certains. J’ai désiré l’entendre sur les reproches qui lui étaient faits la plupart du temps : d’être un privilégié, un milliardaire, un homme d’affaires !

À lire aussi, Philippe Bilger : Comptons les moutons avec BHL

Avec les limites que j’avais fixées à notre dialogue, j’ai été séduit par son intelligence, sa profondeur, la qualité de son oralité, son écoute et son extrême courtoisie. Celle-ci m’a d’autant plus frappé que dans les joutes politiques et médiatiques auxquelles il se livre volontiers, il ne laisse pas forcément apparaître une telle urbanité.

Ce qui m’a plu est de pouvoir mettre en lumière, grâce à sa parfaite complaisance, en quelque sorte le BHL de tous les jours, sur le plan des idées comme sur celui du travail, de l’écriture et de la découverte du « terrain ».

Et sur sa vision du bonheur et du futur.

Nuit blanche

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Causeur vous propose de visionner cet entretien, enregistré dans le studio de Fréquence Protestante (100.7 FM Paris).

Sur son interventionnisme à l’étranger ou la Libye :

« Un écrivain qui décide de se mêler un peu des affaires de la Cité et qui ne décide pas d’aller mettre le fer dans la plaie, d’aller mettre le doigt là où ça fait mal, d’aller se mêler des questions les plus brûlantes, alors, il sert à quoi ? Si c’est pour aller dans le sens du consensus, ça ne sert à rien. »

« Je crois que c’est noble et légitime de faire des Droits de l’homme le cœur de la politique. Mais il y a d’autres cœurs, par exemple l’affrontement de la civilisation et la barbarie. C’est encore pour moi le cœur de la politique. La barbarie, c’est l’islamisme radical par exemple, ou c’est les débordements de l’idéologie poutinienne. Ça, j’appelle ça de la barbarie et la bataille contre ça, j’appelle ça la politique. »

« Je suis étreint par le doute en permanence (…) je ne suis pas sûr du tout que les gens que j’aide à venir au pouvoir [en Libye] seront des démocrates, je ne suis pas sûr qu’ils seront infiniment mieux que le colonel Kadhafi et ses gangs, je ne suis pas certain que les islamistes dans la bataille qui va s’ouvrir après la chute de Kadhafi ne vont pas l’emporter. »

Sur la gauche :

« Je considère être avec mon ami André Glucksman parmi ceux qui ont contribué à guérir toute une partie de la gauche française de la maladie du marxisme-léninisme. »

« Je n’aime pas ce qu’est devenue la gauche, je n’aime pas ce qu’est devenu la droite (…) Je n’aime pas la gauche qui a fait alliance avec la France Insoumise qui est pour moi un parti qui est sorti de l’arc républicain par son antiparlementarisme, par son antisémitisme, par son analphabétisme aussi parce que savoir, ça fait partie du respect des électeurs ! Je n’aime pas ce qu’est devenu la droite… J’aimais bien M. Barnier, je trouvais qu’il avait de l’allure. Je trouvais que c’était un bon Premier ministre. Ce n’était pas mon choix. Je suis plutôt de gauche que de droite, mettons… mais enfin cela n’a plus autant de sens que jadis… »

« Je n’aimerais pas que, par la force de l’arithmétique électorale, le pouvoir soit entre les mains du Rassemblement National que je n’aime pas davantage que LFI pour des raisons voisines et différentes. Parce que je les trouve également violents, populistes, faux amis de leur pays, trop indulgents à l’égard des gens qui veulent du mal à notre pays commun – je pense à Poutine, je pense à Bachar Al-Assad, je pense aujourd’hui à Trump »

« Une partie de l’Assemblée nationale ne nous fait plus honneur. LFI brandissant des drapeaux palestiniens à l’Assemblée ne nous fait plus honneur ! »

Sur l’avenir :

Après Nuit Blanche, le philosophe révèle qu’il aimerait s’attaquer à ses mémoires: «J’aimerais écrire mon Lièvre de Patagonie.» [ndlr : livre de Claude Lanzmann]

« La question de l’époque où nous entrons, la question de la post-vérité, la question des fake news, la question des deepfake, la question des nouvelles technologies, c’est celle-là : qui veut encore la vérité ? Ce qu’il se passe aux États-Unis est extrêmement inquiétant puisque l’on a affaire à une oligarchie extrêmement puissante qui n’a plus pour désir la vérité. Qui a le désir d’autre chose. Si cela devait devenir la règle, cela nous ferait entrer dans un âge nouveau de l’humanité. »

Le crépuscule des saints

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L'abbé Pierre © VASSEUR THIERRY/SIPA

Le passé de l’abbé Pierre ressurgit, et ce dernier ne peut plus répondre à tous ceux qui l’accusent d’être un prédateur sexuel. La fondation qu’il a créée est renommée « Fondation pour le Logement des Défavorisés ». Accuser publiquement un mort n’est déjà pas élégant, mais est-il juste d’effacer son souvenir ?


Il était le favori dans la liste des notabilités préférées des Français durant des années. Il était reçu au palais de l’Elysée, il a eu droit à un hommage national lors de ses obsèques en janvier 2007. Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy assistèrent à la messe de son enterrement à Notre-Dame. Plusieurs films ont été réalisés pour célébrer son œuvre de bienfaisance. Au crépuscule de sa vie, il était considéré comme un quasi-saint vivant ; c’était Henry Grouès, dit l’abbé Pierre, l’ancien maquisard, passeur de familles juives, ancien député et surtout connu pour être le cofondateur de l’organisation Emmaüs qui vient en aide aux plus déshérités et pour son appel de l’hiver 1954.

Il aurait pu être panthéonisé tant il faisait l’unanimité dans la classe politique. Et puis, patatras ! Plus de quinze ans après sa mort, un rapport commandé par une officine dirigée par la militante féministe Caroline De Haas fait état de « comportements pouvant s’apparenter à des agressions sexuelles ou des faits de harcèlement sexuel » de la part de l’abbé Pierre entre la fin des années 1970 et 2005… Bigre ! Plusieurs décennies après les supposés faits, l’abbé, post mortem, réussit à faire parler ces femmes jusqu’alors muettes ! Ne serait-ce pas le miracle qui manquait à la canonisation du saint homme ?

À l’époque où un baiser volé peut vous valoir une convocation devant le juge d’instruction, on ne badine pas avec ce sujet ! Adieu la sainteté, bonjour la diabolisation. Il a fallu ces témoignages impossibles à contredire pour faire tomber en quelques jours l’ex-personnalité préférée des Français de son piédestal ! Fi de la Résistance, fi des milliers de personnes secourues, fi de l’aide apportée aux plus démunis, fi de toute une vie dévouée à résorber la misère…

À lire aussi, Elisabeth Lévy : Abbé Pierre: peut-on juger un mort?

Même les actuels dirigeants d’Emmaüs veulent effacer le nom du créateur ! Les langues se délient toujours plus facilement pour salir que pour bénir et l’ingratitude des peuples n’est plus à prouver. C’est tellement grisant de brûler ses idoles. Faire le procès des morts, Déboulonner les statues, débaptiser des lieux, oublier des noms…

C’est ainsi que la culture de l’effacement commence. Accuser publiquement un mort n’est déjà pas élégant mais est-il juste d’effacer son souvenir ? Quand bien même l’abbé Pierre aurait des péchés à se faire pardonner, est-il honnête de le bannir alors qu’il a passé toute sa vie au service des nécessiteux et qu’il laisse derrière lui une œuvre efficace à laquelle il fut entièrement dévoué ? Faut-il revisiter la vie de tous nos héros au risque d’y trouver quelques péchés ? Je constate que la société est bien plus sévère que l’Église. Cette dernière, après résipiscence, sait absoudre les péchés mortels, mais le bon peuple ne tolère pas les péchés véniels.

À ce compte-là, bien des saints qui furent de grands pécheurs avant leur conversion ne mériteraient pas de figurer dans le calendrier. Dans une société geignarde, à une époque où la mentalité victimaire est dominante, voire sacralisée, il n’est pas bon d’admirer les grands noms qui font l’histoire ou ceux qui excellent dans leur domaine. Que vous soyez un comédien à la mode, un footballeur ou un illustre personnage du passé, personne n’échappera au jugement terrestre ! Après le crépuscule des dieux et celui des idoles, voici le crépuscule des saints.

La Belgique toujours sans gouvernement: anatomie d’une déliquescence

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Des professeurs belges manifestent à Bruxelles, 27 janvier 2025 © Shutterstock/SIPA
Dernière minute ! Les négociateurs réunis pour former un nouveau gouvernement en Belgique ont jusqu’à aujourd’hui pour finaliser les tractations. Les discussions ont eu lieu toute la nuit, sans fumée blanche pour le moment. On ignore donc s’ils aboutiront ; à l’heure où nous publions ces lignes, le pays n’a toujours pas de gouvernement, huit mois après les élections •

Les Belges se sont rendus aux urnes le 9 juin 2024, délivrant un message clair : au nord du pays, les formations de la droite nationaliste (la Nieuw-Vlaams Alliantie – que l’on peut traduire par Alliance néo-flamande – et le Vlaams Belang – Intérêt flamand -) sont arrivés en tête, devant les partis du centre et de la gauche ; au sud du pays, après plusieurs décennies de mainmise socialiste sur la « chose publique », le centre et son voisin de centre-droit sont sortis vainqueurs ; pourtant, huit mois plus tard, le pays n’a toujours pas de gouvernement, dans l’indifférence générale, mais non sans honte. Mais, nous rassure-t-on, on est près du dénouement.

Chauffage en panne

La scène pourrait prêter à sourire : tandis qu’ils devaient se réunir une énième fois pour tenter d’accorder leurs violons, les responsables des partis supposés entrer au gouvernement, loin d’être des Stradivarius, ont dû revoir leur plan, car l’endroit choisi se trouvait confronté à une panne de… chauffage. On ne pourrait trouver meilleure allégorie du mal qui ronge la vie politique belge. L’élégant Château de Val Duchesse dont il est question, sis en bordure de forêt de Soignes, fut le lieu par excellence des négociations dans les années quatre-vingt-dix : à l’époque, le parti au centre de la vie politique s’affichait encore sous l’étiquette « démocrate-chrétienne », les socialistes n’étaient pas encore woke, les écologistes aimaient les fleurs et étaient loin d’être islamisés ; les ministres avaient encore un semblant de culture – en tout cas celle du pays – ; à la fin, tout se terminait par un compromis brinquebalant dit « à la Belge » et Jean-Luc Dehaene restait Premier ministre.

A lire aussi: Le métro bruxellois, symbole du déclin de la capitale belge

Depuis les difficiles négociations entre partis flamands et francophones dans les années 2000, notamment sur les facilités accordées aux francophones dans certaines communes situées sur le territoire flamand, plus rien n’est vraiment comme avant, avec en point d’orgue le record du monde de la formation de gouvernement la plus longue, en 2011. À l’époque, il fallut la menace d’une agence de notation de dégrader la note de la Belgique pour que, soudainement, les négociateurs retrouvassent un semblant de raison.

Depuis, les mois suivant les élections ont donné lieu à d’affligeants spectacles au cours desquels le Roi dût nommer des informateurs, des formateurs, des médiateurs, des démineurs, des conciliateurs, des explorateurs, autant de vocables entrés dans le lexique politique du plat pays, pour dénouer des crises qui ont aggravé la fracture belge. Les raisons de la déliquescence sont multiples, en voici au moins trois, autres que l’existence de deux opinions publiques distinctes – l’une flamande, l’autre francophone.

La terreur intellectuelle que fait planer la gauche (politique, médiatique, syndicale…) a institutionnalisé le très antidémocratique principe du cordon sanitaire (à quand sa constitutionnalisation ?). Selon celui-ci, il est formellement interdit de discuter et a fortiori de s’allier avec l’ « extrême droite ». Même le très « sarkozyste » état-major de la N-VA s’y plie et préfère les socialistes francophones au Vlaams Belang, avec pour conséquence la mise en minorité politique des Flamands, pourtant démographiquement majoritaires dans le pays, et de la droite – au point que le MR de centre-droit signa le Pacte de Marrakech, au prix de la chute d’un gouvernement, et vota plus récemment le Pacte migratoire européen.

Grand malade européen

Quand il n’existe pas de vrai débat, faute d’opposition, l’époque est au mieux à la cristallisation des discussions, au pire à leur hystérisation, avec pour acteurs de série B (comme Belgique) des politiciens qui n’ont pas l’aura de leurs aînés : nains politiques qui débusquent l’extrême droite partout mais qui refusent de voir l’islamisme gangréner la société, épigones belges de Sandrine Rousseau dont l’horizon politique s’arrête aux arrêts de bus qu’il faut renommer, godillots qui insultent et excommunient à tout-va, responsables de partis de la majorité qui passent leur temps à critiquer le… gouvernement sur les réseaux sociaux. Quand on manque de culture, de civilité, de grandes ambitions, d’esprit collectif, il devient compliqué d’exercer le pouvoir en vue d’y accomplir de grandes choses : relance économique, défi de l’IA, intérêts géostratégiques, crise énergétique et pouvoir d’achat…

A lire aussi: «Otages palestiniens» de France info: ce qui se cache derrière la manipulation journalistique insidieuse

Enfin, à force d’avoir « cramé la caisse » à coups de subsides généreusement accordés à des ASBL1 politisées ou en raison du train de vie dispendieux de l’État et de ses entités fédérées, imposé un vivre ensemble qui ne fonctionne pas, tout déconstruit jusqu’à la dernière pierre, les moyens financiers à disposition et la capacité à gérer une communauté d’individus qui se trouvent un destin commun sont forcément limitées. Pendant des années, les socialistes francophones et leurs alliés traditionnels ont augmenté la dette tout en vivant aux crochets des flamands – qui finiront bien par fermer le robinet -, ont poursuivi une politique d’immigration insensée et coûteuse, ont bafoué les droits démocratiques les plus élémentaires en muselant leurs adversaires et nivelé par le très très très bas l’enseignement – tel un symbole, des milliers de professeurs ont manifesté à Bruxelles lundi dernier : plutôt que de réclamer une école de qualité, ils se sont surtout illustrés par les dégradations et autres gestes déplacés dont ils ont été les auteurs. 

Ce portrait n’est malheureusement pas celui d’une république bananière ou d’une dictature lointaine, mais de la femme malade de l’Europe. À propos de la Belgique, il est souvent dit de façon un peu bêtasse que quiconque comprenait ce pays se l’était sans doute mal fait expliquer. C’est faux. En réalité, la Belgique est un millefeuille de niveaux de pouvoirs, de partis, de corps intermédiaires tout heureux de trouver dans la complexité une manière de ne pas à avoir à justifier leur bilan calamiteux.


  1. Association sans but lucratif ↩︎

Et maintenant, l’homme princesse

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Représentation d'un homme princesse sur le compte TikTok qouizzdecouple, 4 février 2024 © Capture TikTok qouizzdecouple

Sur TikTok, des hommes revendiquent désormais d’être traités avec les mêmes égards que les femmes autrefois. Cette mode éloigne encore davantage l’homme de la virilité traditionnelle. Les femmes seront-elles amenées à regretter la galanterie d’antan?


Le phénomène de « l’homme princesse » sur TikTok suscite de vives réactions depuis plusieurs mois, oscillant entre amusement et controverse. Cette tendance, qui cumule plus de 60 millions de vues sur le réseau social chinois, où des hommes adoptent des comportements traditionnellement associés aux femmes, tels que le raffinement, la tendresse et le soin apporté à l’apparence, entend bousculer les rôles de genre et ouvrir un débat sur l’égalité dans les relations de couple.

Un concept qui remet en question les normes traditionnelles de masculinité et qui divise. Si, certains s’en félicitent et y voient une avancée vers plus de flexibilité et d’équilibre dans le couple, d’autres y décèlent une forme de passivité, voire un recul de plus face aux luttes féministes de plus en plus radicales. Pour une autre fraction d’internautes, ces comportements sont perçus comme une manière de fuir les responsabilités plutôt que de réinventer la masculinité.

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Des experts, comme la psychologue Johanna Rozenblum, soulignent que l’expression « homme princesse » reste pourtant elle-même péjorative, car elle renforce des stéréotypes en assignant certains comportements à un genre comme à un autre. « Je ne vois pas en quoi certains traitements devraient être réservés aux femmes et d’autres aux hommes », s’agace l’autrice du livre Déconditionnez-vous. Elle reconnaît toutefois que cette tendance sur les réseaux sociaux démontre « l’intérêt pour cette nouvelle manière de vivre sa masculinité ». Ainsi, en réappropriant des attitudes dites « féminines », l’homme princesse entendrait s’affranchir de l’idée même de patriarcat et des représentations immuables de la masculinité dans lequel il a été élevé.

En faisant la promotion d’une passivité libératrice pour l’homme, cette tendance en vogue pose en définitive une question essentielle qui nous mène à une profonde introspection sociétale : comment les hommes peuvent-ils évoluer dans un monde où la définition de la masculinité est en constante transformation castratrice ?

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Un pape déconstruit

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Le directeur de recherches du CNRS Philippe d'Iribarne © ROMUALD MEIGNEUX/SIPA

Fervent catholique, le sociologue Philippe d’Iribarne s’inquiète dans son dernier livre[1] de la fièvre relativiste qui s’est emparée du Vatican depuis l’élection du pape François.


Quand il était au CNRS, Philippe d’Iribarne laissait ses convictions religieuses au vestiaire. Il faut dire que son domaine de recherches (le monde du travail et la diversité des systèmes de valeurs qui s’y exercent) requiert la neutralité la plus stricte chez l’observateur. Mais depuis qu’il a pris sa retraite, au terme de quarante années d’une carrière passionnante marquée par des publications phares comme La Logique de l’honneur (Seuil, 1989), c’est aussi en tant que croyant qu’il intervient dans le débat public.

Son dernier ouvrage n’en est que plus touchant. A bientôt 88 ans, d’Iribarne s’y penche, documents à l’appui, sur la crise profonde que traverse l’Eglise et qui l’affecte lui-même. Sur un ton tout sauf querelleur, le sociologue décrit un phénomène troublant: à présent, même parmi les fidèles ayant soutenu l’aggiornamento de Vatican II, bon nombre de catholiques sont mal à l’aise quand le pape fait les yeux doux au wokisme.

Difficile en effet de ne pas être stupéfait quand, en 2019, le souverain pontife publie une Déclaration d’Abou Dhabi (texte dont le titre officiel est : Document sur la fraternité humaine, pour la paix mondiale et la coexistence commune), dans laquelle il écrit : « Le pluralisme et les diversités de religion, de couleur, de sexe, de race et de langue sont une sage volonté divine. »  Lui qui est jésuite, c’est-à-dire l’enfant spirituel des missionnaires ayant évangélisé son Amérique latine natale, sait pourtant bien que l’adhésion au credo ne procède en rien de l’identité biologique, ethnique ou culturelle.

Et comment ne pas être effaré quand, en 2023, il déclare, avant de se rendre dans la cité phocéenne : « J’irai à Marseille, mais pas en France » ? En tant que chef d’Etat, ne connaît-il pas l’importance des institutions nationales ? Que dirait-il si l’un de ses visiteurs officiels affirmait, au moment de rentrer dans la basilique Saint-Pierre, que celle-ci se trouve à Rome mais pas au Vatican ?

Lorsqu’on pousse l’adoration des peuples du Sud jusqu’à nier la vocation universelle de son propre culte, lorsqu’on s’essaye au jeu du radicalisme chic en déniant aux peuples occidentaux les cadres et les conventions dont on est pourtant le premier à bénéficier, ne risque-t-on pas de sombrer dans l’aveuglement, la haine de soi, l’anomie ? Se gardant d’attaquer frontalement le Vatican, d’Iribarne plaide pour une autre voie, moins progressiste que celle du pape sans être tradi, et identifie certains signes d’espoir, notamment dans l’Amérique de Donald Trump. Un regard mesuré, mais pas si consensuel que ça.


Causeur. Le 8 décembre dernier, le pape François a séché la réouverture de Notre-Dame de Paris. Qu’avez-vous pensé de cette absence remarquée ?

Philippe d’Iribarne. Quand le pape a fait savoir qu’il déclinait l’invitation des autorités françaises, il a indiqué que c’était pour ne pas faire d’ombre à la cathédrale, ne pas lui ravir la vedette. L’argument a du sens. Mais aussi louable ce refus de la peopolisation soit-il, il cache une seconde raison, moins officielle, de la défection papale : le désintérêt de François pour le continent européen. Il suffit de lire son encyclique Fratelli Tutti, parue en 2020 pour voir combien il préfère les pays du Sud, qui représentent à ses yeux les marges auxquelles il convient d’être attentif comme l’avenir de l’Eglise. Le souverain pontife est, à sa manière, un militant tiers-mondiste.

Diriez-vous carrément que c’est un pape révolutionnaire ?

Je n’irai pas jusque là. Dans mon livre, je montre que François est très influencé par la pensée postmoderne, façonnée en réaction à l’horreur de la Shoah, avec le projet de créer une humanité nouvelle ayant surmonté les antagonismes entre les peuples, les religions, les cultures et aboli toutes les formes de domination. Cette pensée n’est pas révolutionnaire au sens d’une volonté de déconstruction radicale des structures traditionnelles. Il s’agit plutôt d’affirmer que toutes ces structures sont également respectables, y compris les spiritualités ancestrales, comme le chamanisme ou le zen, qui avaient été méprisées par la modernité. Le pape semble supposer, naïvement selon moi, que cette vision d’une ouverture indifférenciée est conforme à un esprit évangélique.

Mais est-ce une si mauvaise idée de son point de vue ? Les Saintes Ecritures ne trouvent-elles pas quelque résonance dans la pensée post-moderne ? Jésus n’aspirait-il pas, lui aussi, à une société sans frontières ?

Il est vrai que, dans les Evangiles, le Christ passe son temps à prêcher l’accueil inconditionnel de tous. Mais il insiste de façon tout aussi appuyée pour que cet accueil se fasse dans la vérité, c’est-à-dire en étant lucide sur ceux qui sont accueillis, à la fois sur ce qu’on peut en attendre, avec des appels à se méfier des hommes, et sur le chemin que chacun doit parcourir pour mener une vie féconde. Le thème des fruits revient sans cesse dans l’Evangile. Il y a une tendance dans l’Eglise à oublier cet aspect pourtant essentiel.

Dans l’Eglise, dites-vous. Y compris au Vatican ?

Tout dépend des situations. Par exemple quand le pape François se rend, en septembre dernier, à Bruxelles et qu’il s’incline devant la tombe du roi Baudoin pour saluer son « courage » et son opposition à la « loi meurtrière » sur l’avortement promulguée en 1990 en Belgique, on ne peut pas dire qu’il prône un catholicisme sans exigence ! En revanche, à chaque fois qu’il laisse entendre que l’on peut venir comme on est (pour parler comme dans les publicités pour Mac Donald) dans son Église, il flatte la doxa contemporaine selon laquelle tous les choix de vie se valent. Pourtant le Christ n’était pas aussi accommodant. Il voyait en chaque homme un pécheur. Il pouvait même avoir des paroles blessantes, commettre des micro-agressions comme on dit aujourd’hui, y compris envers les plus faibles, en mettant par exemple en garde les pauvres contre le risque de s’enfermer dans le ressentiment.

Dans votre livre, vous employez le terme de « catholicisme inclusif » pour décrire ceux qui, dans l’Eglise, ont peur de blesser les païens et conçoivent leur religion comme égale aux autres. A quand remonte cette poussée d’angélisme ?

Une date importante est évidemment Vatican II. En 1965, au dernier jour du concile, le texte Gaudium et Spes (Joie et espoir) est approuvé par la quasi-totalité des évêques. En lisant ce document soixante ans après, on est frappé par la candeur de ses auteurs, qui s’imaginaient alors qu’une société mondiale hors sol, transcendant les cultures, était sur le point d’advenir ! On a l’impression qu’ils ont cultivé une utopie consolatrice.

Vous étiez un jeune homme lors de Vatican II. Comment l’avez-vous vécu, en tant que croyant ?

J’ai été très sensible au souffle du concile. J’étais marqué par de grandes figures qui y ont joué un grand rôle, tels les Pères de Lubac ou Congar. Le Pays basque, dont je suis originaire, a été protégé de l’appauvrissement liturgique associé au passage aux langues profanes par le fait que de grands auteurs et musiciens de l’abbaye de Belloc ont produit des chants liturgiques e, basque aussi beaux que dans l’Eglise orthodoxe ! On aurait tort d’imputer à Vatican II des dérives ultérieures. Joseph Ratzinger, le futur pape Benoît XVI, aux positions doctrinaires très classiques, était l’un des théologiens influent du concile. L’Eglise a eu un problème épineux à résoudre : comment réformer un système autoritaire, qui en a bien besoin, sans le casser ? C’est la question que pose Tocqueville dans L’Ancien Régime et la Révolution.

Et à Paris, où vous avez fait vos études ?

Quand j’étais élève à Polytechnique, l’aumônerie des étudiants de Paris était dirigée par Jean-Marie Lustiger, qui allait devenir cardinal de Paris vingt ans plus tard et dont le dynamisme et l’intelligence donnaient l’image d’une foi pleine de souffle. Très investi dans des groupes bibliques, je ne prêtais pas attention aux théories des théologiens qui développaient une approche des religions niant ou du moins relativisant l’apport spécifique du christianisme.

Mais au fond, pourquoi réformer l’Eglise catholique ?

Il fallait tourner une page. L’Eglise s’était crispée depuis Vatican I sur des positions défensives, dans une vision très disciplinaire de la foi, loin de la proclamation d’un message de lumière et de joie. Le Vatican n’avait pas été exemplaire face au nazisme. A l’intérieur d’une partie du monde chrétien, on sentait la séduction du communisme. Maurice Clavel, disait avec humour : « Le dernier des marxistes sera un chanoine breton. » Il fallait réagir.

Étiez-vous présent à la Porte de Versailles en 1974, lors du congrès annuel des Jeunesses ouvrières chrétiennes, durant lequel, comme vous le rappelez dans votre livre, 35.000 participants ont entonné l’Internationale pour saluer l’arrivée du communiste Georges Marchais à la tribune…

Ce n’était pas mon univers.

A ce sujet, comment expliquez-vous que vous-même n’ayez jamais été tenté par le communisme ?

Dès mon enfance le procès Kravchenko, dissident soviétique, a été donné un aperçu de la réalité du « paradis soviétique ». J’ai été élevé dans une grande méfiance par rapport aux idéologies porteuses d’illusion et un attachement à la rigueur de la pensée, en lisant dès l’adolescence des ouvrages de philosophie des sciences, de Louis de Broglie, Henri Poincaré ou Albert Einstein. Cela m’a sûrement immunisé contre la séduction du communisme avant même de le côtoyer de près, ce qui s’est produit dans les années 60 avec les apparatchiks du PCF au sein de la Direction de la prévision du ministère de l’Economie. J’ai perçu à quel point ils vivaient dans un univers parallèle, que j’ai retrouvé en lisant Lénine. La répression du printemps de Prague, à cette époque, est apparue non comme un dérapage, mais la quintessence du régime soviétique.

Votre foi catholique ne vous a-t-elle pas également prémuni contre le matérialisme ?

Sûrement. L’univers chrétien, avec toutes les expressions de la foi, dans la musique, la peinture, l’architecture, la littérature, ouvre à la richesse du monde, d’une façon qui protège de la superficialité pitoyable du matérialisme. Cet univers fait écho à la profondeur humaine de l’Ecriture, depuis la poésie des Psaumes et du Cantique des cantiques. Je trouve bien triste que, dans notre monde, la doxa matérialiste déguisée en idéologie laïque empêche notre système éducatif de faire découvrir cette richesse par tous. 

Pensez-vous que l’Eglise soit prête à entendre vos critiques contre elle ?

Mon intention n’est nullement de la critiquer mais de l’aider à comprendre et à dépasser la situation difficile où elle se trouve.

Le pape peut-il évoluer sur cette question ?

Difficile de vous répondre. C’est un homme complexe. J’ai été frappé par le documentaire que Wim Wenders a tourné sur lui en 2018, Un homme de parole, dans lequel on perçoit bien sa personnalité à double face. La première est celle d’un être éminemment sensible à la souffrance humaine, authentiquement à l’écoute, par exemple, des prisonniers qu’il rencontre devant la caméra de Wenders. La seconde est celle d’un dirigeant sûr de lui et autoritaire qui a du mal à accepter la critique.

Et au sein de la communauté des fidèles, votre discours est-il audible ?

Pas par ceux qui, du côté « progressiste » comme du côté « tradi » sont convaincus qu’il suffirait de les suivre. Tout à fait par ceux qui ont du mal à exprimer leur foi et à la transmettre, et qui sont heureux de mieux comprendre ce qu’ils vivent. On a dans le monde un certain renouveau chrétien, en particulier chez les catholiques. On l’a vu en France avec ce qui s’est passé autour du Notre-Dame. On a un fort mouvement aux États-Unis, dont le Vice-président J.D. Vance est un bon représentant, associé à un refus des errances du néo-libéralisme économique et de la dérive woke, dans une recherche d’une existence à la fois ordonnée et riche de sens. Un grand point d’interrogation, auquel je tente spécialement de répondre, concerne le rôle de la vie spirituelle dans les orientations que prend la cité.


[1] Au-delà des fractures chrétiennes, Salvator