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Grande Mosquée de Paris: l’autre ambassade d’Algérie

Depuis l’entrée en fonction du recteur Chems-Eddine Hafiz, la Grande Mosquée de Paris est plus que jamais le porte-voix du régime algérien. Son patron, qui a aussi la mainmise sur la certification halal, estime que tous les Français devraient prendre sa communauté pour modèle.


« Le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine. » C’est par ces quelques mots, adressés dans une lettre officielle à Mohammed VI en juillet dernier, qu’Emmanuel Macron a déclenché la plus grave crise diplomatique que la France ait jamais connue avec l’Algérie. Pouvait-il se douter que le régime du président Tebboune, en rétorsion, laisserait carrément arrêter un écrivain franco-algérien, Boualem Sansal, retenu depuis en otage (il n’y a pas d’autre mot) dans une prison à Alger au seul motif qu’il reconnaît lui aussi, la « marocanité » de l’ancienne Afrique occidentale espagnole ?

La missive présidentielle qui a mis le feu aux poudres ne fait toutefois pas cas d’un autre territoire disputé entre le Maroc et l’Algérie. Un territoire certes minuscule, mais ô combien symbolique et stratégique : la Grande Mosquée de Paris. Érigée juste après la Grande Guerre par la IIIe République pour rendre hommage aux 70 000 soldats musulmans (tirailleurs algériens et tunisiens, goumiers marocains, méharistes et spahis), qui venaient alors de tomber pour la France, elle est, avec son minaret de 33 mètres de haut, la première mosquée construite en Occident depuis la chute du royaume musulman de Grenade en 1492.

À l’origine, tout la raccorde au Maroc. Non seulement parce que ses plans, superbes, sont signés par Maurice Tranchant de Lunel, qui s’est « inspiré des mosquées de Fès », mais aussi parce qu’en 1922, c’est le grand vizir du royaume chérifien qui en pose la première pierre. Quatre ans de travaux plus tard, cerise sur le briouate, le bâtiment est inauguré par le président Gaston Doumergue, qui a convié comme invité d’honneur le sultan Moulay Youssef en personne – l’arrière-grand-père de Mohammed VI –, considéré comme le plus haut dignitaire musulman de l’Empire français.

Un alignement progressif

Logiquement, la tête de l’établissement est alors confiée à Kaddour Ben Ghabrit, un membre du Quai d’Orsay certes d’origine algérienne, mais chargé des relations entre Paris et la cour de Rabat sous le protectorat. À sa mort en 1954, il est remplacé par son neveu, Ahmed Ben Ghabrit, dont les sympathies nationalistes algériennes lui valent d’être vite remplacé, sur ordre du Premier ministre Guy Mollet, par Hamza Boubakeur, député SFIO des Oasis, une circonscription de l’Algérie française. C’est à ce moment-là que la Grande Mosquée rompt toute jonction avec le Maroc.

Depuis, l’institution du Quartier latin a été continuellement dirigée par des Algériens. En 1982, son lien avec Alger est même consolidé lorsque le ministre de l’Intérieur, Gaston Defferre, autorise l’ancienne colonie, alors présidée par Chadli Bendjedid, à la financer directement. Né à Alger en 1954, Chems-Eddine Hafiz le nouveau recteur, ne déroge pas à la règle. Avocat de profession, il a, dès son installation à la Grande Mosquée en 2020, fait savoir sur la chaîne d’État Canal Algérie qu’il avait rendu visite au président Tebboune, ce qui, dans le contexte politique d’alors, signifie une allégeance au pouvoir face au mouvement populaire du Hirak (2019-2021). Il faut dire qu’au barreau de Paris, Hafiz a notamment compté parmi ses clients l’ambassade d’Algérie en France et le front Polisario, ce groupe séparatiste, soutenu par Alger, qui mène la lutte armée au Sahara occidental.

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Mais dans les médias français, celui qui est aussi le producteur de l’émission « Islam » sur France 2 s’est surtout fait connaître en représentant la Grande Mosquée dans les tribunaux, à l’occasion des actions intentées en 2002 contre Michel Houellbecq (qui avait déclaré dans Lire : « La religion la plus con, c’est quand même l’islam. ») puis en 2007 contre Charlie Hebdo, pour avoir publié des caricatures de Mahomet. Deux procès perdus.

Malheureux dans les prétoires, Hafiz a davantage de succès en tant que chef communautaire, comme l’explique Didier Leschi1, directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) : « Son prédécesseur, Dalil Boubakeur, n’avait pu empêcher que l’islam marocain, représenté alors par la Fédération nationale des musulmans de France (FNMF), sorte vainqueur des premières élections du Conseil français du culte musulman (CFCM), créé en 2003 par le ministère de l’Intérieur pour représenter l’islam auprès des autorités. Depuis son investiture il y a cinq ans, le nouveau recteur a mené une efficace contre-offensive, en consolidant son réseau de mosquées d’obédience algérienne et en quittant le CFCM pour pouvoir apparaître comme le principal si ce n’est l’unique interlocuteur sérieux des pouvoirs publics. »

Une stratégie de reconquête bien rodée

Pour mener sa reconquista, Hafiz a su s’assurer de nouvelles sources de financements. En 2022, il a décroché le monopole de la certification halal sur les denrées européennes entrant en Algérie. Selon L’Opinion, la dîme ainsi versée obligatoirement par toutes les entreprises alimentaires et cosmétiques de l’Union souhaitant exporter vers Algérie rapporte 5 millions d’euros par an à la Grande Mosquée.

D’où vient tant d’aplomb ? Tout en prenant soin de se démarquer du djihadisme et du séparatisme – il vient notamment de demander que l’on prie pour la France à l’office du vendredi et a déclaré « si j’avais le pouvoir de sortir de prison Boualem Sansal, je le ferais » –, Hafiz occupe en réalité une place laissée vacante depuis qu’Alger a décidé, en signe de protestation suite à la lettre de Macron à Mohammed VI, de rappeler son ambassadeur à Paris. Faute de diplomate de haut rang dans notre pays, l’Algérie est désormais représentée officieusement en France par le recteur qui se décrit lui-même comme un « trait d’union » entre les deux pays.

Seulement aujourd’hui, Hafiz ne cherche plus uniquement à contrôler les âmes et l’alimentation de ses seules ouailles ou à jouer les diplomates du dimanche. Il prétend aussi diriger les consciences de l’ensemble des Français. Le 6 janvier dernier, le recteur a publié un communiqué pour condamner « certains groupuscules et idéologues extrémistes qui mènent une campagne sournoise pour tenter de déstabiliser la Grande Mosquée de Paris », avant de formuler cette hallucinante mise en demeure à l’adresse de la population de son pays d’accueil : « En ce début d’année, nous appelons tous les citoyens français à s’engager en faveur de l’apaisement, de l’unité et de la cohésion sociale pour lesquels les musulmans de France œuvrent au quotidien. » Non seulement, il s’agirait que nous lui obéissions, mais en plus que nous prenions sa communauté en modèle ! En France, aucune institution étrangère n’avait osé tenir un tel discours depuis… l’occupation allemande.

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  1. Dernier livre paru: Ce grand dérangement. L’immigration en face (Tract Gallimard) ↩︎

« Causeur » pour la vie

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Notre talentueuse contributrice Annabelle est une fidèle lectrice de Causeur. Suivant actuellement une chimiothérapie, elle nous raconte comment son magazine favori a failli être confisqué pour trouble à l’ordre public au sein d’un hôpital de province… Son témoignage nous a émus.


Nous sommes quatre femmes dans la pièce. Je les salue mollement et elles me répondent sans entrain. Aucune de nous n’a envie d’être là. Cette nouvelle journée de chimiothérapie, pourtant indispensable à notre survie, s’annonce interminable et douloureuse. J’observe mes compagnes d’infortune. Une jeune femme à peine majeure, probablement étudiante, a le regard rivé sur son téléphone portable et je devine, au geste machinal de son pouce, qu’elle y fait défiler de courtes vidéos. Une retraitée regarde par la seule fenêtre de la pièce, mains croisées sur ses genoux. Elle semble fascinée par le ballet incessant des voitures sur le gigantesque parking de l’hôpital.

Une fois mes perfusions en place, je m’installe confortablement puis dégaine avec une impatience non dissimulée le Causeur n°131 acheté la veille. Me voyant faire, la troisième femme, une quarantenaire dont j’apprendrai plus tard qu’elle était institutrice, dégaine de son sac à main un gros roman, l’ouvre, s’y absorbe quelques minutes seulement avant de le refermer en s’adressant à moi : « Vous arrivez à lire vous ? » Je soupire. Je n’ai pas envie de lui mentir. Non, c’est difficile. Souvent ma vue se trouble et je dois interrompre ma lecture pendant un long moment. Parfois je dois lire plusieurs fois le même paragraphe pour en saisir le sens mais je persévère malgré tout parce que les mots, que je les lise ou les écrive, c’est toute ma vie.

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« Causeur, c’est pas un magazine people ? », me demande la retraitée. « Non, ça c’est Closer !», lui répondis-je, légèrement vexée. Interpellée par la couverture, elle me demande de lui faire lecture de l’article sur Donald Trump. Je m’exécute avec un plaisir non dissimulé. Elles m’écoutent toutes deux religieusement avant de donner leur avis. Le débat est lancé. Très vite, elles requièrent la lecture d’un autre article qui donne de nouveau lieu à une vive discussion. Les esprits s’échauffent. Le ton monte. Je me fantasme en Élisabeth Lévy sur le plateau de Pascal Praud ou animant une table ronde à la manière de Sophie de Menthon. Mes voisines ne semblent pas m’en tenir rigueur. Il nous reste si peu de choses et, fort heureusement, le droit de rêver en fait partie.

À ma grande surprise, l’étudiante a posé son téléphone portable et semble désormais nous écouter avec intérêt. J’en profite pour l’interpeller, lui demandant son avis sur un sujet. Elle hésite un peu : « Je préfère rien dire parce que je suis pas d’accord !» Je crie presque malgré moi : « Raison de plus ! Explique-nous pourquoi ! » Elle se lance assez maladroitement et, faute de trouver facilement les mots pour exprimer sa pensée, dégaine son téléphone pour utiliser ChatGPT. L’institutrice lui adresse un regard si noir qu’elle interrompt son geste, soupire et fait une nouvelle tentative d’argumentation. La retraitée l’aide un peu et nous voilà désormais quatre à débattre des sujets d’actualité. Tendre revanche sur un monde qu’on pensait arrêté et qui croyait continuer sans nous !

La discussion bat son plein. Nos électrocardiogrammes s’affolent au point qu’une infirmière passablement énervée finit par faire irruption dans la pièce : « On peut savoir ce qui vous agite autant ? » De peur de me le faire confisquer, je m’empresse de cacher Causeur sous mes draps à la manière d’une petite fille fautive. « La vie ! c’est la vie qui nous agite ! », lui répond la retraitée avec une énergie qui nous surprend toutes. La nuit est tombée et nos traitements sont terminés. La jeune fille me confie en partant : « Vous savez, plus tard, je voudrais bien faire des études de sciences sociales. » Je l’y encourage tout en songeant que, statistiquement, seule la moitié des femmes de cette pièce réussiront à passer l’année. Quand vient mon tour de partir, je refuse poliment le brancard que l’ambulancier me présente. Non, ce soir, je me sens capable de marcher.

De Jacques Weber à Solann, Oh ! les belles âmes

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Jacques Weber, le colosse du théâtre, fait encore des siennes. L’acteur engagé s’enflamme et tonne toujours contre tous les méchants fascistes, mais il tremble devant une simple remarque d’Eric Zemmour. Aux Victoires de la musique, la révélation féminine de l’année (notre photo), la voix tremblante et la main sur le cœur, dénonce les prédateurs masculins mais oublie opportunément de préciser lesquels— ce qui permet d’émouvoir sans jamais déranger un public bobo ravi en quête de bonnes causes sans risques. Sur les scènes comme dans le débat public, il vaut mieux crier fort que réfléchir trop.


La petite bourgeoisie culturelle a toujours eu une affection particulière pour la gauche. Le comédien Jacques Weber ne déroge pas à la règle. Se prétendant communiste, il a voté Hollande en 2012 et a soutenu Jean-Luc Mélenchon aux deux dernières élections présidentielles. Courageux… il signe en décembre 2023 la tribune N’effacez pas Gérard Depardieu qui défendait la présomption d’innocence ; mais pas téméraire… il présente quelques jours plus tard ses excuses aux « victimes ». « Ma signature était un autre viol », affirme-t-il en se flagellant avec Le Figaro dans lequel est parue ladite tribune. Cet être de paix et d’amour – « la gentillesse est la noblesse de l’intelligence », déclare-t-il en 2008 au Time – a dernièrement comparé la politique du nouveau gouvernement américain au nazisme et appelé à « supprimer » ce « gros dégueulasse » de Donald Trump.

Colosse contre type épouvantable

Le 12 février, le comédien était reçu sur France Inter dans l’émission de Nagui, “La Bande originale”. Invité par l’animateur à se souvenir d’un moment pénible vécu à la télévision, Jacques Weber hésite un instant puis se remémore une scène douloureuse, un soir de mai 2008, sur le plateau de “On n’est pas couché”, l’émission de Laurent Ruquier : « J’ai le souvenir d’une altercation extrêmement violente avec ce type épouvantable qu’est Éric Zemmour. Le mec te regarde dans les yeux en te disant : “Tout ce que vous dites est extrêmement imbécile”. C’était quasiment dégeulasse. » Brr ! Un frisson d’effroi parcourt les ondes radiophoniques. L’imagination peine à concevoir la scène monstrueuse qui a pu terrifier celui que l’on surnomme le colosse du théâtre français.

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Nous sommes le 31 mai 2008. Face à Jack Lang, Éric Zemmour parle du déclin de l’école et du niveau des élèves qui, indubitablement, dégringole. L’ex-ministre de l’Éducation nationale accuse Zemmour de tenir « des propos du café du commerce ». Laurent Ruquier affirme que « les études montrent que le niveau monte ». Intervient alors Jacques Weber qui déballe mécaniquement les idées gauchisantes sur la gentille prévention et la méchante répression – en gros, on embaucherait moins de professeurs et on injecterait moins d’argent dans l’Éducation nationale pour « remettre plus de gilets pare-balle et de flics dans les banlieues ». Zemmour attend calmement qu’on lui donne la parole pour s’adresser à M. Weber : « Ce que vous avez dit est d’une rare démagogie. Dire qu’il n’y a pas de professeurs et qu’on met plus d’argent pour les flics, c’est d’une démagogie de bas étage. Vous savez très bien que le premier problème dans les banlieues, c’est la sécurité, surtout pour les gens des banlieues, et… » Il n’a pas le temps de finir sa phrase : « NON monsieur, hurle soudain l’acteur qui entre dans une rage folle et martèle son pupitre à coups de poings. […] Vous commencez à m’emmerder avec votre certitude absolue sur tout, tout le temps et toujours […] Je refuse de discuter avec monsieur, il m’emmerde profondément. » Puis, s’égosillant, un doigt assassin tendu vers Éric Zemmour : « Vous n’arrêtez pas de dire des conneries. »


Rage humaniste

Jacques Weber vieillit. Il perd un peu la mémoire. En revanche, les années n’ont en rien entamé sa rage humaniste préfabriquée et ses colères théâtrales d’homme de gauche, forcément de gauche – comme le prouve sa dernière diatribe sur Donald Trump. M. Weber est pour la démocratie, la justice sociale, la paix et la diversité, le tout mâtiné d’un peu d’écologie, ça ne mange pas de pain et ça fait bien dans le tableau d’ensemble. Il est contre le racisme, le repli sur soi, l’islamophobie et certaines idées nauséabondes qui font froid dans le dos. Normal. Dès qu’il en a la possibilité, il prend sa grosse voix pour donner des leçons de morale aux Français qui, selon lui, s’égarent sur les voies du populisme. Il tape du poing sur la table. Il s’enflamme. Il éructe : « Réveillons-nous », la peste brune est à nos portes, le monstre nazi est de retour, l’extrême droite est partout, « on est en très grand danger », une « ordure absolue », un «gros dégeulasse » a pris le pouvoir en Amérique et menace le monde. D’autres sujets, qui touchent directement les Français, ne l’inquiètent en revanche pas du tout. L’immigration, par exemple. Il y a trois ans, le comédien jouait au Théâtre du Rond-Point le rôle d’un sinistre personnage dans une courte pièce d’Éric Fottorino, La pêche du jour. Dans un style rappelant les impénétrables envolées bétonnées de Mme Taubira, ce texte se voulait un réquisitoire contre tous ces salauds d’Européens qui refusent d’accueillir à bras ouverts les migrants, préfèrent les laisser se noyer en Méditerranée, et « fantasment » sur les risques de terrorisme, d’insécurité, « sur les viols de nos femmes et de nos filles », toutes choses délirantes comme le montre l’actualité de ces dernières années, de ces derniers mois, de ces derniers jours. Il fallait montrer que cet acte culturel était détaché de tout mercantilisme, empli seulement d’élans solidaires, d’amour pour l’Autre et d’un sentiment de honte de l’Europe ;les recettes des représentations furent par conséquent reversées à SOS Méditerranée.

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Récupérations

La petite bourgeoisie culturelle vit dans un autre monde. Elle ne voit rien, n’entend rien, ne sait rien des malheurs qui ravagent ce pays. Mauranne, Laura, Lola, Thomas, Claire, Elias et Louise sont des prénoms qui ne lui disent pas grand-chose. Elle est en revanche vent debout contre la fachosphère qui, selon elle, récupère les « faits divers » pour relayer les fantasmes d’un lien entre immigration et insécurité croissante et d’un ensauvagement d’une partie de notre jeunesse. Les femmes violées par des migrants ne l’émeuvent pas autant que les migrants eux-mêmes, ces victimes du racisme systémique qui, c’est bien connu, ronge la société française. Le 14 février, une partie de cette caste cultureuse s’est retrouvée dans les locaux de la Seine musicale lors de la cérémonie des Victoires de la musique animée par l’inévitable meneuse de revue de l’entre soi médiatico-culturel, Léa Salamé. Lors de cette narcotique grand-messe artistique, une chanteuse dénommée Solann a remporté le prix de la révélation féminine. Solann est une chanteuse lymphatique adoubée par Le Nouvel Obs et Télérama qui apprécient notamment ses textes dénonçant la domination masculine et le patriarcat. Elle a chanté ce soir-là son tube, Rome, une rengaine plaintive qui balance certains hommes, « ces vautours et ces hyènes » qui encombrent les cauchemars dans lesquels la pauvre petite créature revoit « l’ombre d’une main qui flotte et se pose sur [sa] cuisse » (1). Qui sont ces hommes qui se comportent si mal avec les femmes ? Nul ne sait exactement – on comprendra toutefois rapidement qu’il ne peut en aucun cas s’agir des agresseurs sexuels qui écument actuellement les rues de nos villes. À la fin de son lénifiant discours de remerciements, la main sur le cœur, Solann annonce vouloir « mettre un peu de lumière sur l’association Utopia 56 qui accueille les réfugiés en France, merci du fond du cœur, merci, merci, merci ». Le public d’artistes boboïsés applaudit. Dans la foulée, Léa Salamé accueille avec enthousiasme JoeyStarr, un homme dont le comportement avec les femmes a toujours été exemplaire, comme chacun sait (2). Le public applaudit derechef, incapable de concevoir l’imbécillité ignominieuse de ses encouragements. Car aucune abjection ne rebute la petite bourgeoisie du monde hypocrite de la culture, monde ridicule et nombriliste, inculte, dégoulinant de moraline, profitard et méprisant, sinistre monde qui vénère l’immigré illégal, la racaille rappeuse et le dealer des cités, mais dédaigne ces Français qui crèvent en silence et redoutent encore un peu, mais de moins en moins, les remontrances morales de cette gauche culturelle qui peine toujours davantage, malgré ses prétentions, à émerger des bas-fonds – et qui, souhaitons-le, disparaîtra bientôt, engloutie, pompée, aspirée par le siphon du vent qui tourne.

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(1) Comment ne pas penser, par une redoutable association d’idées, à Un soir, dans un taxi, une main d’homme sur une cuisse de femme, texte remarquable dans lequel Philippe Muray prévenait le lecteur : « le sexe poursuit ses aventures posthumes », entre exhibition et punition, sous la férule de féministes ambitionnant d’en finir avec la vie privée, « autrement dit la vie tout court où se réfugie un peu de l’ancienne comédie du plaisir fondé sur le secret et sur la différence sexuelle ».

(2) À Lille, au Théâtre du Nord dirigé par l’autoproclamé « décolonialiste des arts » David Bobée, une pièce intitulée Cette petite musique que personne n’entend sera à l’affiche les 18 et 19 mars prochains : « Clarisse Fontaine nous parle de femmes battues, de pervers narcissiques, de masculinité, ainsi que d’amour, de sexe et du rapport de force homme/femme. L’autrice et interprète aborde de façon subtile les maux de notre société encore empreinte de misogynie. » Cette dénonciation théâtrale de la violence des hommes envers les femmes a déjà beaucoup voyagé, de Paris à Avignon. Clarisse Fontaine a tenu à ce qu’elle soit mise en scène par… JoeyStarr, condamné à plusieurs reprises pour coups et blessures volontaires sur des femmes, dont une hôtesse de l’air (fracture du nez) et une de ses ex-compagnes, entre autres méfaits. « Mon choix, explique Clarisse Fontaine sur le plateau de Télématin, choque beaucoup de personnes mais s’explique parce que ça m’a ouvert une porte. » Espérons que ça ne soit pas sur le nez. « Mon choix s’explique aussi par le coup de foudre artistique et la rencontre. Le fait que JoeyStarr n’ait pas peur des mots et ose mettre en valeur tous mes mots, qu’ils soient difficiles, crus, poétiques. » Et JoeyStarr de conclure l’entretien : « Je pense qu’elle est venue me chercher pour faire de la déconstruction, et ça je sais faire. »

Patrimoine: cette France qui croule

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La lente agonie de l’architecture ancienne de nos petites villes de province répond à l’effacement de la culture classique et à d’autres évolutions désolantes.


Phénomène de grande ampleur, de grave conséquence, dont je m’étonne toujours qu’il soit si peu évoqué. Les « petites villes » d’autrefois, de 3, 4, 5 000 âmes, qu’il est d’usage à l’heure actuelle, l’échelle ayant changé, d’appeler « villages », voire « petits villages » (l’adjectif semblant s’imposer au nom comme l’épithète homérique), nos bourgades de jadis, d’un bout de la France à l’autre, croulent et sont près de disparaître. Je parle de leur cœur, du carrefour qui les animait, des deux voies qui les irriguaient. La vie en est partie, les commerces ont fermé, toutes les façades, ou presque, ont rabattu leurs volets. Murs fissurés, toitures percées et tuiles tombant à chaque coup de vent. Beaux encadrements, belles chaînes de pierre, pilastres, impostes, lucarnes de proportions heureuses, tout un précieux patrimoine bâti, œuvre de quatre ou cinq siècles, en pourriture déjà depuis des décennies, arrive au point ultime de décomposition. Encore quelques années et il n’y aura plus rien.

Ça m’suffit plus

La population est stable ou même croissante. Seulement l’humanité s’est retirée des rues pour s’établir à la périphérie, dans des « maisons individuelles » élevées sur des « lotissements » qui ont colonisé depuis longtemps déjà les vignes, vergers, jardins, bosquets ou champs qui formaient un écrin à la petite cité. Loin de moi l’idée de railler ce goût du « home » sur les confins, de ces modernes « chez-soi », ensoleillés et fonctionnels, fleurissant sur les bords des routes. Mais enfin, le problème est là. La petite ville se dilate, prend ses aises, essaime sur les terrains de son site, tandis que son siège historique, son cœur où s’assemblent les siècles achève de se consumer.

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Une exception, tout de même, à ce constat morose. Au cœur du cœur, l’église brille par son bel état, sa toiture refaite et entretenue, ses pierres blanches, ses verrières intactes. Il est juste de souligner le magnifique effort consenti par la France, communes, départements, régions, Etat, depuis une bonne quarantaine d’années. Je me rappelle une publication à laquelle j’avais contribué, à l’occasion de l’ « Année du patrimoine » décrétée en 1980 par le président Giscard d’Estaing, Jean-Philippe Lecat étant ministre de la Culture. Aucune des églises signalées comme en péril qui n’ait fait l’objet, depuis cette date, de travaux souvent importants, au point de refaire un sanctuaire de ce qui n’était qu’une ruine ouverte à la pluie. Vers la fin du siècle dernier, notre pays s’est souvenu de ses églises. Il en est résulté un mouvement très fructueux qui dut réjouir les cendres de Maurice Barrès, auteur d’une Grande pitié des églises de France parue en 1914, à la veille d’une guerre qui devait ajouter tant de destructions à un tableau déjà très sombre.

Souvent, l’église se dresse, restaurée à grands frais et sauvée, au milieu des toitures crevées, des pignons lézardés. L’église ou les églises, car on voit des petites cités, anciennes capitales princières, ducales, comtales, anciens sièges d’une abbaye, qui en comptent deux ou trois. Pour se persuader de la grande pitié des centres de petites villes, il suffit de clouer le bec au G.P.S. (au demeurant, invention bien commode) et de parcourir nos régions en s’écartant des autoroutes, des voies rapides, des nationales, à une sage moyenne de 50 à l’heure. On emprunte de vieilles routes qui furent des voies romaines, on s’approche de cités nichées dans un vallon en suivant les traces d’Arthur Young au soir de l’Ancien Régime. Des pavillons, quelques immeubles d’H.L.M., l’inévitable bazar d’implantations artisanales et commerciales, ferraille, verre et béton s’en donnant à cœur joie… et voici une rue fantôme, débouchant sur une place fantôme, au pied d’une belle église entretenue mais fermée.

Cadre français

Ici, il y a longtemps déjà, s’épanouissait une sociabilité un peu étroite, peut-être, mais qui enchantait un Giraudoux, l’auteur des Provinciales et le fondateur de la Ligue Urbaine et Rurale « pour l’aménagement du cadre de la vie française ». « Ligue » toujours vivante de nos jours dans une Fédération Patrimoine-Environnement, menant le même combat que sa sœur aînée la S.P.P.E.F., Société pour la Protection du Patrimoine et de l’Esthétique de la France, communément désignée sous l’appellation de « Sites et Monuments ».

Ici ne subsistent que des ombres. Et bientôt, le néant. Dans l’Aisne, dans l’Allier, dans l’Aube… Je ne vais pas entreprendre un tour de France alphabétique. Voici un vieil hôtel du XVIIe siècle. Une plaque de société savante signale les hôtes illustres que ces murs abritèrent. Je regarde cette façade lépreuse, ces volets clos qui se dégradent, cette toiture où manquent des tuiles, dont la charpente fléchit, où des lucarnes s’ouvrent au vent. Ce logis a quatre-cents ans. Désert, en déshérence, sans entretien depuis combien de temps ? Exposé aux intempéries, au mérule qui s’acharne sur plafonds et planchers. Instinctivement, je m’interroge sur le nombre d’années pendant lesquelles cette coquille vide, harmonieuse, riche de passé, découpera encore sa silhouette élégante au milieu de la petite ville.

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Ces vides immenses en train de se creuser préparent une transformation désastreuse du visage de notre pays. La perte de l’architecture ancienne répond à l’effacement de la culture classique et à d’autres évolutions. Vaste mouvement, bouleversement quasi géologique, déplacement tectonique sur lequel je crains fort que nous n’ayons pas de prise. Resteront les lieux touristiques dûment estampillés, décapés, lustrés, surexploités et commerciaux. Dès maintenant, dans ces rues mourantes, Giraudoux ne saurait où loger le petit monde d’Intermezzo, le droguiste, l’inspecteur des poids et mesures, Isabelle, l’institutrice rêveuse qui entraîne ses élèves à la cueillette des mandragores… Seul peut-être le gentil fantôme se plairait à trouver refuge dans ces ruines. 

Je brosse un tableau, je marque une situation que je crois irréversible, sans rêver de solutions. On ne saurait tout classer, inscrire ou consacrer « secteur sauvegardé ». Et à quoi bon des protections administratives sur ce qui n’existe déjà plus qu’à peine ? Il faudrait, miracle improbable, le courant d’une mode puissante, une croisade pour les petites villes, qui lancerait au secours de ces demeures en perdition, acquises pour une bouchée de pain, des foules de télétravailleurs décidés à restaurer de toutes pièces un mode de vie sociale disparu. Et prêts à  sauvegarder ces murs avec la même ardeur, la même abnégation que tant de propriétaires dont le château occupe toutes les journées et consomme tous les revenus : admirables châtelains-maçons ! Et je prétends ne pas rêver…

Sur le processus à l’origine de cette situation, je signale, même si le livre aborde le problème d’agglomérations beaucoup plus étendues, l’ouvrage d’Olivier Razemon, paru en 2016 chez Rue de l’Echiquier sous le titre Comment la France a tué ses villes. L’auteur, journaliste indépendant, apôtre de la bicyclette et spécialiste reconnu de ce qu’on appelait hier « transports » et que l’on nomme désormais « mobilités », étudie  la « dévitalisation » des centres autrefois animés, en traçant quelques perspectives et livrant quelques raisons d’espérer.

Notre sujet est apparenté à celui de Razemon, mais en plus désolant encore. Au train où vont les choses, les temps me semblent proches où la figure ancienne de très nombreuses toutes petites villes n’apparaîtra que dans les vieilles cartes postales.

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Retenez-moi ou je fais un malheur!

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La compagnie Air Algérie, vraisemblablement proche du pouvoir algérien, exige désormais des laissez-passer consulaires pour l’embarquement des Algériens en situation irrégulière, y compris lorsqu’ils possèdent une carte d’identité valide ! Cette nouvelle exigence complique encore les procédures d’expulsion des clandestins algériens depuis la France.


Air Algérie attise la crise entre la France et l’Algérie. En fait de crise, c’est une série de camouflets et d’humiliations que l’Algérie nous inflige.

Rappelons d’abord que Boualem Sansal, écrivain français dont le crime est d’avoir critiqué le régime d’Alger, est détenu depuis trois mois. Il est malade, on a très peu de nouvelles. En réalité, il est un otage.

Je ne vous refais pas le film des influenceurs appelant à commettre des horreurs en France. La question explosive c’est maintenant l’expulsion des ressortissants algériens. On se rappelle le gracieux Doualemn renvoyé à l’envoyeur (nous), qui était quand même allé jusqu’à Alger. Hier, le JDD révélait qu’Air Algérie exige désormais un laissez-passer consulaire pour embarquer les expulsés. Or, il n’est absolument pas nécessaire quand ils ont des papiers – ce qui est généralement le cas. C’est une violation des accords bilatéraux, remarque le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau.

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Rassurez-vous, le ministère serre la vis, annonce le Figaro. Une note est diffusée à tous les aéroports et services concernés. Attention les yeux : si un chef d’escale refuse d’embarquer un OQTF, il faut exiger qu’il formule son refus par écrit. Et s’il refuse de le faire, on relève son identité. Imaginez l’effet d’une telle bombe à Alger: on exige un papelard nous disant noir sur blanc d’aller nous faire voir !

J’ironise, mais que faudrait-il faire ?

J’ironise pour ne pas m’énerver. D’abord, il faut dire que ce n’est sans doute pas la faute de Bruno Retailleau. Peut-être pourrait-il faire un peu plus, mais dans ce dossier l’impulsion doit venir de l’Elysée. On attend que la France se fasse respecter.

La seule détention de Boualem Sansal aurait dû justifier des mesures radicales de rétorsion sur les visas ou les avoirs. Les Européens, d’après le journaliste Vincent Hervouet, seraient prêts à nous soutenir sur les visas, mais selon lui c’est la France qui freine. La ligne c’est celle du Quai d’Orsay, toujours favorable à la soumission. N’envenimons pas les choses, regardez comme la coopération anti-terroriste se passe bien, ne les énervons pas, il y a tant de liens entre nos deux pays… Le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot fait des rodomontades contre JD Vance, mais devant Tebboune, il n’y a plus personne.

Il y a trois semaines, la Colombie refusait d’accueillir des immigrés clandestins, notamment des criminels, expulsés des Etats-Unis. Trump a brandi la menace des droits de douane. Le président colombien a envoyé dans la journée son avion pour récupérer ses ressortissants. On peut jouer les vierges outragées à chaque fois que la Maison-Blanche utilise la manière forte (parfois à tort, je préfère vous rassurer : l’affaire du Groenland m’a fait bondir comme tout le monde). Mais face à l’Algérie, il est temps de faire du Trump. Question d’intérêts et aussi d’honneur.


Cette chronique a été diffusée d’abord sur Sud radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale

Paris, théâtre d’une Europe hésitante face au désengagement américain

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Face au mépris américain et à la menace d’un « Yalta 2.0 » entre Trump et Poutine, l’Europe hésite encore à s’affirmer, prisonnière de ses divisions internes. Pendant ce temps, ira-t-on à Washington jusqu’à chercher à imposer une paix qui pourrait se faire au détriment de l’Ukraine, et aux frais du vieux continent? Une réunion d’urgence de dirigeants européens s’est tenue hier après-midi à l’Elysée


L’Europe menacée d’un deuxième Yalta par MM. Trump et Poutine

Il est peu dire que les diverses déclarations de l’administration Trump au sujet de la guerre d’Ukraine n’auront pas laissé indifférents les observateurs européens. Véritable rouleau-compresseur lancé à toute allure, le nouvel exécutif américain multiplie les marques d’hostilité à l’égard de ses alliés traditionnels, menaçant même les fondements du partenariat transatlantique tel que nous le concevons depuis plusieurs décennies.

Sûrement désireux de plaire à son public, Donald Trump a ainsi démarré sur les chapeaux de roue son mandat en indiquant être prêt à faire du Canada son 51ème Etat, en affirmant qu’il entendait éventuellement annexer le Groenland au nez et à la barbe de Copenhague, ou encore en faisant part de son envie de transformer le territoire de Gaza en « Riviera » après que ses habitants palestiniens n’en partent du fait des bombardements ayant rendu la zone inhabitable.

Pour l’heure, ces propos toujours plus excessifs n’ont pas été concrétisés par des actes et l’administration Trump occupe le terrain médiatique par une agitation frénétique qui donne le tournis. Il faut néanmoins se préparer à une tempête. Le sujet le plus important pour nous est celui de la défense collective et des suites de la guerre d’Ukraine. L’orientation donnée par Washington est désormais de plus en plus précise.

L’idée maîtresse de ce plan, comme certains le craignaient en notant les tendances en la matière au sein du camp « Maga », étant d’obtenir à tout prix « une paix », peu importe comment et peu importe laquelle. Pour ce faire, Donald Trump et les siens souhaitent évincer l’Europe de la table des négociations afin d’installer un dialogue direct avec Moscou. L’Ukraine n’est d’ailleurs guère mieux traitée, les Américains ayant dans un premier temps laissé entendre qu’ils pourraient même ne pas convier Kiev aux négociations de paix concernant leur propre pays… Ainsi, une personnalité comme Christoph Waltz a dit sur Fox News Sunday que si les « Ukrainiens avaient combattu vaillamment, ils ne seront pas invités aux négociations » car le « président Trump veut mettre un terme à cette guerre ».

L’Europe méprisée

Ouvertement méprisée, l’Europe a fait l’objet des critiques les plus virulentes des proches de Donald Trump. A commencer par son vice-président JD Vance qui a affirmé que le principal ennemi de l’Europe était elle-même et non « la Chine ou la Russie » dans un discours donné à la conférence de sécurité de Munich. JD Vance n’a pas évoqué la guerre d’Ukraine, se contentant de parler de l’immigration en Europe et des problèmes de démocratie : « De la même manière que l’administration Biden a semblé prête à tout pour faire taire ceux qui exprimaient librement leurs opinions, l’administration Trump va faire précisément l’inverse, et j’espère que nous pourrons travailler en ce sens. Il y a un nouveau shérif à Washington. Et sous la direction de Donald Trump, même si nous pouvons être en désaccord avec vos opinions, nous nous battrons pour défendre votre droit de les exprimer sur la place publique. »

Si l’ensemble du discours n’était pas dénué de nombreuses vérités, il consistait aussi en une diversion et une récréation proposées par la Maison-Blanche pour éviter d’aborder de nombreux sujets fâcheux. Que l’Europe ait un problème d’immigration, personne ne le niera. Que certains de ses Etats membres soient névrosés par la correction politique, personne ne pourra non plus le contester. Plus encore, l’Europe souffre d’être une machine molle, un objet politique peu consistant qui ne parle pas à l’unisson et ne dispose pas d’un « hard power » suffisant pour s’opposer à l’Amérique qui tient en état de dépendance militaire un grand nombre des Etats qui la composent. Cela, JD Vance et son complexe du sauveur typiquement américain ne l’ont pas rappelé.

Ces multiples travers nous affaiblissent à l’intérieur comme à l’extérieur. Depuis 1989, nous avons collectivement embrassé, à l’exception notable de la France, l’idée que « l’histoire était finie » et que plus jamais le monde ne pourrait sombrer dans la guerre. Que notre droit était une construction parfaite qui ne serait jamais contestée, oubliant que la force est une nécessité pour qui veut éviter la violence. Il y a 30 ans, les armées des pays européens pouvaient mobiliser plus de 3 millions de soldats d’active, alors qu’aujourd’hui nous ne pourrions plus en réunir théoriquement qu’un plus de 1,3 million. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres d’un continent qui s’est abandonné à la régulation et à la bureaucratie, une administration aussi lente que méconnue, profondément déconnectée des peuples.

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Pourtant, tous ses problèmes nous regardent et ne doivent pas masquer le jeu américain, aussi pernicieux que brutal. Quel est-il ? L’idée de l’administration américaine est de discuter directement avec la Russie sans nous convier, de nous contraindre à accepter le futur accord, quand bien même serait-il inacceptable, et en plus de ça de nous faire payer la facture. L’Amérique veut un deuxième Yalta, nous casser pour mieux nous dominer.

Nous sommes face à des Etats-Unis qui prolongent leur vocation hégémonique en y ajoutant une rhétorique ouvertement impérialiste. Pire que ça, en mentant pour y parvenir. Ainsi, les très nombreux influenceurs du nouveau régime ne cessent de réclamer que l’Europe leur « rende leur argent » et que nous augmentions drastiquement nos dépenses militaires. Ils ont raison sur le deuxième point, mais leur idée est que ce renchérissement soit corrélé à des achats d’armes américaines. On entend aussi parfois chez eux que seule l’Amérique a contribué à l’aide à l’Ukraine. En somme, ils expliquent toute honte bue qu’ils ne veulent aider en aucune manière l’Europe militairement tout en exigeant qu’elle achète des armes américaines qu’ils pourront suspendre quand ils le souhaitent. Ils nous veulent soumis sans rien donner.

Outre les injures anti-françaises d’un Jack Posobiec, convié avec la délégation américaine, les Américains omettent de préciser que l’Europe a beaucoup donné depuis le début du conflit. Et, à dire vrai, plus que l’Amérique. Le total de l’aide allouée par les Européens s’élève à 132.3 milliards contre 114.2 pour les Etats-Unis, il reste encore 115 milliards d’aides européennes programmées à livrer contre 4.8 pour Washington au moment où ces lignes s’écrivent. Pis encore, sur le plan strictement militaire, l’Europe a aussi donné plus de matériels importants selon Anton Geranshchenko. Des chiffres d’ailleurs impressionnants : 887 tanks européens contre 76 par les USA, 51 avions plus 85 à venir contre aucun, 73 hélicoptères contre 21, etc.

Pourtant, ce sont biens les Etats-Unis cyniques de l’administration Trump qui essayent de racketter l’Ukraine en demandant le « retour de leur investissement ». JD Vance a même essayé de faire signer, entre quatre murs, un accord ignoble à Zelensky lui réclamant « l’exploitation des terres rares » sans aucune contrepartie.

Une tentative de colonisation

De fait, la « paix » que veut obtenir Trump, dans l’unique et pathétique but de se faire décerner le même Nobel que son prédécesseur Obama, consiste en une sanction contre l’Ukraine presque plus dure que ce que l’Allemagne avait subi en 1945 alors même qu’elle est la victime ! Il demande ainsi 500 milliards de dollars de « payback » ainsi que le contrôle total des exploitations de minérais. Il veut aussi contrôler les ports et les infrastructures énergétiques. Un accord qui serait soumis à… la législation de l’Etat de New York !

Interrogé, le président américain a dit que l’Ukraine « pourrait faire ou ne pas faire le deal, mais pourrait aussi devenir russe un jour ». Bref, il s’agit d’un chantage quasiment mafieux. M. Zelensky a d’ailleurs refusé de s’y soumettre et a déclaré que l’Ukraine n’accepterait aucun accord sans son consentement. C’est bien naturel. Il a même indiqué, plus volontaire encore, qu’il ne participerait pas à cette parodie de discussions en Arabie saoudite, même si on le lui demandait. C’est une preuve de courage assez exceptionnelle, il faut le dire.

De l’autre côté, Elon Musk a flatté Lavrov dans un tweet. Commentant sa descente d’avion en Arabie, il a déclaré que c’était à ça que « ressemblait un leadership compétent ». Face à cette fuite en avant américaine, où chaque jour ajoute une outrance, la dernière en date étant le coup de pression mis à la Roumanie pour la délivrance des proxénètes britanniques de la fratrie Tate, l’Europe semble encore tétanisée.

À Paris, les principaux dirigeants du continent n’ont pas su se mettre réellement d’accord. Une petite dizaine de pays a déclaré être prête à envoyer des soldats de maintien de la paix après la conclusion d’un accord. Parmi eux, la France, l’Italie, la Grande-Bretagne, le Benelux ou encore la Suède. La belle affaire ! Il s’agit là d’une exigence américaine, pays qui veut trouver un accord de « paix » injuste et nous faire payer la facture par-dessus le marché. Les réponses doivent être beaucoup plus fermes. Investir dans la défense est une bonne chose, mais les moyens mis en œuvre sont encore beaucoup trop faibles.

Soyons lucides : l’OTAN est morte à l’heure où nous parlons. Les Américains l’ont plus ou moins fait savoir puisqu’ils comptent désengager leurs soldats présents en Lituanie, pays menacé par la machine post-soviétique. Ce qu’ils veulent, au fond, c’est vendre l’Europe à la Russie en échange d’une « alliance » contre la Chine. Une idée aussi idiote que dangereuse. Ils nous méprisent parce que nous ne sommes pas assez forts. Plus vicieux encore, ils veulent nous laisser tomber tout en nous forçant à leur acheter leurs armes et en nous livrant une guerre commerciale destructrice pour ce qu’il nous reste d’industrie.

Sur X / Twitter, les militants MAGA insultent quotidiennement l’Union européenne. Nos alliés « don’t do shit for us », disent-ils. Ils ont oublié que l’unique fois où l’article 5 de l’OTAN fut évoqué… ce fut pour les aider après le 11-Septembre. La France était encore aux côtés des Etats-Unis en 2018 pour bombarder les usines chimiques d’Assad. Nous n’avons refusé qu’une fois de les aider, au moment de la guerre d’Irak qu’ils ont déclenché sur de fausses accusations. C’est depuis lors que le triste mythe des « surrender monkeys » s’est répandu…

Le vieux continent doit enfin s’émanciper

Ne soyons pas Mélos face à Athènes ou le Sud Vietnam abandonné. Ne nous faisons pas avoir comme lors de la crise de Suez ou en 1938 à Munich. L’Europe doit être forte. Oui, nos dirigeants sont médiocres. Nous le savons. Mais il faut parer à l’urgence. Dans cette configuration, la France peut s’affirmer en leader naturel. Nous avons des atouts et des responsabilités différentes du fait de notre puissance nucléaire, de notre siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, de nos outremers, de notre industrie militaire pleinement indépendante et bien sûr de notre histoire millénaire.

Nous devons, dans ce contexte de guerre froide, devenir la première armée d’Europe et la base de la défense commune. Cela sera aussi une opportunité économique immense. L’est ne peut pas être abandonné et nous ne pouvons plus compter l’Amérique comme étant un partenaire fiable avec certitude. Donnons-nous les moyens de notre sécurité.

Une semaine chorégraphique à Paris

Un naufrage, une réussite et des grosses ficelles… petite sélection de ballets à voir, ou pas, dans la capitale.


Plenum/Anima

Que Benjamin Millepied use de sa notoriété et dispose des danseurs de sa compagnie, Los Angeles Dance Projects, pour faire connaître des artistes inconnus au bataillon, voilà quelque chose d’infiniment respectable, sinon de louable. Mais qu’il vende à la Philharmonie de Paris un programme d’une affligeante médiocrité en promouvant des ouvrages parfaitement insignifiants est une faute impardonnable pour un artiste de sa qualité, car on ne saurait imaginer qu’il ne soit pas conscient de l’indigence de ce qu’il propose.

Regroupées sous un titre sibyllin, Plenum/Anima, trois pièces de trois auteurs différents s’inscrivent sur des partitions célébrissimes, comme pour mieux faire vendre l’inexcusable : la Passacaille et fugue en do mineur BWV 582 de Jean-Sébastien Bach ; les Danses polovtsiennes du Prince Igor d’Alexandre Borodine ; Le Sacre du printemps d’Igor Stravinsky.

D’emblée, on exclura de cette déroute la première d’entre elles, composée par Benjamin Millepied lui-même sur la passacaille et fugue exécutée à l’orgue de la salle Pierre Boulez par Olivier Latry, titulaire des grandes orgues de Notre-Dame. Écrite avec l’élégance et le style d’un auteur qui fut un interprète exceptionnel, éclairée par un superbe solo masculin, habillée de costumes noirs, blancs, ou noirs et blancs parfaitement dessinés, la chorégraphie n’a pas d’autre prétention que d’être un divertimento joliment décoratif.

Là où le bât blesse, c’est bien avec les deux pièces suivantes. Sur des partitions elles aussi interprétées à l’orgue, lequel instrument ne possède ni les couleurs, ni le mordant, ni les subtilités d’une formation orchestrale et en vient immanquablement à les dénaturer, se succèdent deux chorégraphies d’une remarquable diversité dans leur insignifiance.

La première est due à un certain Jobel Medina. Établi à Los Angeles, mais originaire des Philippines, celui-ci répond d’une façon terriblement primaire aux rythmes foudroyants des Danses polovtsiennes. C’est un travail mécanique d’amateur totalement dépourvu d’oreille musicale ; une vaine agitation qui fait songer à ce que pourrait être une soirée dansante dans un club de vacances.

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L’auteur de la seconde pièce, le Mozambicain Idio Chichava, paraît avoir consciencieusement visionné les captations filmées de célèbres versions du Sacre du printemps. On en retrouve des traces maladroites, incohérentes, noyées dans un bavardage gestuel impersonnel, sous une agitation hasardeuse relevant d’une appréhension de la musique parfaitement indigente. Bref, un amalgame d’une confondante médiocrité et, au fond, d’une formidable prétention.

Si Millepied est coupable de proposer un tel ragoût, la Philharmonie de Paris l’est bien davantage encore de l’avoir programmé. Une grande salle musicale qui a vocation à être populaire se doit d’offrir à ses publics des concerts ou des chorégraphies d’une certaine tenue, sinon irréprochables, quel qu’en soit le genre.

Former le goût des spectateurs et des auditeurs avec des ouvrages consistants, et par là même, leur permettre d’exercer leur sens critique est un devoir impérieux. D’autant plus impérieux que, faute de posséder des repères et une vraie culture artistique, le public de la Philharmonie accueille avec un enthousiasme aveugle des productions aussi déplorables.

Les Saisons

Les « SAISONS » ©Olivier Houeix

Superbe chorégraphie ! Magnifiques danseurs !

Avec Les Saisons portées à la scène par Thierry Malandain pour son Ballet de Biarritz, on découvre au Théâtre 13, place d’Italie (XIIIe arrondissement), l’absolu contraire du naufrage précédent.

Grâce à une approche intelligente et sensible de la musique, de celles qui dévoilent une vraie culture ; avec une richesse de vocabulaire stupéfiante, d’un registre trop contemporain et trop élastique pour être cantonné à la seule veine du néo-classicisme et où affleurent de malicieuses réminiscences du ballet romantique ou de danses dites de caractère ; avec quelques familiarités de langage aussi, mais trop cadrées, trop allusives pour être malvenues ; sans rien de racoleur ou d’un peu facile, comme cela survient fréquemment lorsqu’un chorégraphe se saisit de partitions archi-connues, Malandain manœuvre avec une grande classe et une habileté infinie au sein des Quatre Saisons d’Antonio Vivaldi. Ces Quatre Saisons entre lesquelles, parfois, il insère quelques pages d’un contemporain du Vénitien, un Génois, Giovanni Antonio Guido, lui aussi violoniste virtuose et qui fut, à Paris, compositeur au service des princes d’Orléans. Allégeant ainsi la partition trop célèbre de Vivaldi, l’ouvrant sur l’inconnu, le chorégraphe lui ajoute des extraits des Scherzi armonici sopra le quattro staggioni dell’ anno, éditées, semble-t-il, à Versailles en 1728.

Les 22 danseurs de la compagnie sont éblouissants. Ils se lancent dans ce périlleux exercice chorégraphique avec une élégance, une virtuosité sans faille. C’est une vraie troupe, homogène, harmonieuse, cultivant un profil qui lui est propre, déployant un raffinement jamais alambiqué. Quelques-uns des interprètes portent avec aisance des costumes joliment inspirés du XVIIIe siècle vénitien et qui ne font que souligner l’élégance de la composition.

Cette union si heureuse entre un chorégraphe et sa compagnie, entre Thierry Malandain et ce Ballet de Biarritz qui se produit près de cent fois par an sous tous les horizons et s’autofinance à 50% (chose rarissime), le ministère de la Culture n’a rien trouvé de mieux que de la rompre en décidant de ne pas renouveler le contrat qui les lie l’un à l’autre et donc de briser l’élan d’une équipe gagnante depuis des décennies. Bon gré, mal gré, en dépit des instances locales et du public qui souhaitaient le conserver au Pays basque, Thierry Malandain va devoir quitter la compagnie qu’il a fondée à Biarritz en 1998.

Ne serait-il pas plus judicieux, réflexion faite, de mettre à la porte une ministre qui a brillé davantage par son arrivisme que par sa culture, et avec elle des séides qui ne valent guère mieux ?

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Onéguine

À l’Opéra de Paris, avec Onéguine entré en 2009 au répertoire du Ballet et qu’on n’y avait plus revu depuis des lustres, on relève un ouvrage composé en 1965 et remanié en 1967 par le Sud-Africain John Cranko (1927-1973) lequel, après Londres, aura mené l’essentiel de sa carrière de chorégraphe à la tête du Ballet de Stuttgart, capitale du Wurtemberg, devenue un temps, sous son égide, le haut lieu du ballet académique allemand.

Si l’on ne devait retenir qu’une œuvre de Cranko, ce serait sans doute son Roméo et Juliette écrite en 1962 sur la partition de Serge Prokofiev, où son talent de metteur en scène et de chorégraphe atteint sa plénitude avec la fascinante scène du bal chez les Capulet. Alliée à une théâtralité exacerbée, portée par une musique proprement géniale, la chorégraphie de Cranko atteint ici une dimension dramatique et une expressivité inégalées.

Alors, évidemment, Onéguine fait, en regard, pâle figure. Et les pages musicales qui accompagnent le ballet n’arrangent rien. Devant les réticences du monde musical à voir la partition d’Eugène Onéguine, l’opéra le plus emblématique peut-être de Tchaïkovsky, mise au service d’une œuvre chorégraphique, ainsi que le projetait Cranko, celui-ci se voit contraint de commander une partition. C’est le directeur musical du Ballet de Stuttgart, Kurt-Heinz Stolze, qui exécute une transcription pour orchestre de pièces pour piano du compositeur du Lac des Cygnes groupées sous le titre Saisons. Pour étoffer l’ensemble, il y ajoute d’autres emprunts au même auteur. Dommage ! Car les pièces musicales qui accompagnent les scènes de bal dans Onéguine apparaissent bien fades, alors que la fastueuse polonaise qui se danse au palais du prince Grémine, au troisième acte de l’opéra, est, elle, d’un éclat sans pareil.

L’Onéguine de John Cranko est l’archétype de ces ballets narratifs inspirés par des ouvrages littéraires comme on les prisera tant dans l’univers du ballet académique de l’après-guerre et qui représentent une certaine régression dans l’évolution de la Danse, quand elle va tendre par ailleurs à se libérer de l’emprise de la musique et de la littérature. Alors qu’une Martha Graham a déjà bouleversé la scène chorégraphique avec ses chefs d’œuvre et que l’avant-garde américaine non-figurative pointe son nez avec Cunningham, Nikolais et l’avalanche de leurs successeurs, on inféode une fois encore la danse à un récit dramatique. L’expressionisme allemand apparu au temps de la République de Weimar était certes une autre forme d’avant-garde. Mais il s’était tellement compromis avec le régime national-socialiste, Kurt Jooss excepté, que les scènes des deux Allemagnes en étaient venues à se replier sur le ballet académique qui n’avait pas eu de lien avec les nazis. Il était de plus inscrit dans la culture des nations victorieuses, l’Union Soviétique d’une part, la Grande-Bretagne et la France d’autre part, mais aussi le Canada et les États-Unis qui l’avaient importé d’Europe. C’est cet académisme là qui allait un temps gouverner les scènes de deux Allemagnes, moralement obligées de rompre avec un passé effroyable.

Remarquablement bien construit et plus fidèle encore au livret de l’opéra de Tchaïkovski qu’au poème de Pouchkine, serti dans des décors raffinés et très éloquents, un peu trop alourdis de dentelles toutefois (décors et costumes étant dus à ce Jürgen Rose dont le nom est attaché à de grandes réalisations chorégraphiques ou lyriques comme Le Songe d’une nuit d’été de Neumeier ou le Roméo et Juliette de Cranko), Onéguine offre une chorégraphie techniquement éblouissante où les difficultés, les prouesses même, sont pour les solistes innombrables.

C’est aussi une succession ininterrompue de solos exaspérés, de duos enamourés, de gentilles danses campagnardes, d’aimables scènes de bal, d’affrontements mélodramatiques… Bref, un vrai ballet pour jeunes filles ou douairières sentimentales, pour touristes japonaises et dames américaines peroxydées, pour jeunes gens ou vieux messieurs sensibles.

Pour les solistes, ce ne sont donc que morceaux de bravoure, exploits techniques et débordements sentimentaux se traduisant par une explosion gestuelle d’une difficulté d’exécution inouïe. Au sein du Ballet de l’Opéra qui assure des représentations impeccables, les quatre solistes principaux (ce soir-là, Florent Melac, Hannah O’Neill, Milo Avêque, Roxane Stojanov) portent leurs rôles complexes, tant sur le plan chorégraphique que sur le plan théâtral, avec un beau talent et un engagement résolu.

Mais que ces arrangements musicaux, ces pages mineures du compositeur russe exécutées par l’Orchestre de l’Opéra sous la conduite de l’Estonien Vello Pähn (qu’on a retrouvé mille fois à la tête du dit orchestre dirigeant des musiques de ballets), apparaissent falotes, sinon incolores ! Et combien mièvre et sucré est ce livret ! Combien cette chorégraphie est débordante de transports outrés, de débordements parfois grandguignolesques, ainsi que la danse académique s’y oblige parfois afin de traduire la tempête des sentiments qui dévorent les héros.


Plenum / Anima

Benjamin Millepied – Jobel Medina – Idio Chichava
Philharmonie de Paris.
Terminé.

Onéguine.

Chorégraphie de John Cranko. Avec les solistes et le Ballet de l’Opéra de Paris.
Palais Garnier jusqu’au 4 mars 2025. 0892 899 090.

Les Saisons.

Chorégraphie de Thierry Malandain. Avec le Ballet de Biarritz.
Le 25 février, Quai 9, à Lanester.
Les 27 et 28 février. Théâtre impérial, à Compiègne.
Les 11 et 12 mars. Théâtre de Provence, à Aix-en-Provence
Du 20 au 23 mai. Gare du Midi, à Biarritz.
Du 31 juillet au 3 août. Teatro Victoria Eugénia, à San Sebastian.
Tournée aux États-Unis du 26 avril au 7 mai, à Detroit, East Lansing, Philadelphie, Pittsburg.

De la «High-tech» à la «Right-tech»

La plupart des sociétés de haute technologie américaines étaient la vitrine du progressisme. Ces géants du numérique ne rallient pas Donald Trump par idéologie mais parce qu’ils partagent son inquiétude face à la concurrence chinoise et son souci de procurer à l’Amérique de l’énergie et des matières premières bon marché


À une ou deux exceptions près, ils ont tous fait le déplacement. Le 20 janvier dernier à Washington, les patrons des plus importantes sociétés technologiques américaines, Elon Musk (Tesla et SpaceX), Jeff Bezos (Amazon), Mark Zuckerberg (Facebook), Sundar Pichai (Google), Tim Cook (Apple) et Sam Altman (OpenAI) étaient assis côte à côte sous la rotonde du Capitole. Tels des grands seigneurs féodaux réunis pour le couronnement de leur roi, ils ont assisté, tout sourire (sauf Cook), à la prestation de serment de Donald Trump. Aux yeux du grand public et des médias, le message était clair : celui de leur adoubement.

Le plus intéressant dans cette histoire, c’est que personne n’avait fait attention à leur présence quatre ans auparavant lors de l’investiture de Joe Biden. Seulement, cette fois-ci, en 2025, la surprise est immense. Qui aurait parié, il y a encore quelques mois, que le gratin de la tech se presserait pour applaudir Trump ? Qui avait prévu que les grands noms du numérique, jadis perçus non seulement comme des moteurs économiques pour leur pays, mais aussi comme des piliers du progressisme et de l’innovation sociale aux États-Unis, opéreraient un spectaculaire virage conservateur et rallieraient la « Right Tech », le club informel des entrepreneurs technologiques de droite ?

La Silicon Valey, bastion progressiste

Historiquement, la plupart des sociétés de haute technologie (« High Tech ») américaines sont ancrées dans des valeurs de gauche sociétale, telles que la diversité, l’ouverture sur le monde et la démocratisation de l’information. Seulement, en devenant des colosses économiques et logistiques, avec des millions d’employés et des capitalisations boursières qui se chiffrent en centaines de milliards de dollars, elles se sont petit à petit éloignées de l’esprit des pionniers pour glisser vers des positions toujours plus compatibles avec le trumpisme.

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Pour comprendre cette évolution, il faut revenir là où tout a commencé : dans la Silicon Valley, au sud de la baie de San Francisco, en Californie. À partir des années 1950, cette région devient le principal centre de recherche et de production de semi-conducteurs de la planète, notamment grâce à des entreprises d’avant-garde comme Fairchild Semiconductor et Intel. Sachant exploiter les propriétés exceptionnelles du silicium, ce sont elles qui mettent au point les circuits intégrés qui révolutionnent l’industrie électronique mondiale.

L’un des facteurs décisifs de leur développement est la proximité de plusieurs universités de renom, comme Stanford et Berkeley. Stanford, en particulier, joue un rôle central, grâce à la vision de son doyen Frederick Terman, qui encourage ses étudiants et professeurs à commercialiser le fruit de leurs recherches, établissant ainsi une tradition d’entrepreneuriat académique, renforcée dès 1951 par l’ouverture du Stanford Research Park, une extension du campus offrant un écosystème favorable aux sociétés innovantes.

Quand l’innovation rencontre la politique

Un autre élément fondamental de ce succès est le financement par les fonds de capital-risque. Dans les années 1950, puis 1960, des sociétés d’investissement comme Sequoia Capital et Kleiner Perkins se constituent pour financer les start-up californiennes. L’essor du secteur est également soutenu par le gouvernement fédéral, qui passe à cette époque d’importants contrats avec diverses entreprises technologiques du cru afin qu’elles développent des systèmes de communication militaire et des outils de défense en lien avec les ingénieurs de l’armée logés dans les bases voisines. Ces collaborations ont été essentielles pour poser les fondations de l’industrie numérique moderne.

Bâtie par des enfants du baby-boom, la Silicon Valley devient vite un creuset d’idées progressistes et d’innovation, inspiré par une quête de liberté individuelle et de défi aux normes établies. Steve Jobs, cofondateur d’Apple, incarnera plus tard de façon éclatante cet état d’esprit, en adoptant en 1997 le célèbre slogan publicitaire « Think Different ». À l’époque ce n’était pas encore un slogan de pub pour des baskets ou pour les fast-foods.

Cette philosophie connaît également un succès politique majeur lors de l’élection présidentielle de 2008, durant laquelle les principaux boss de la Silicon Valley, en particulier ceux de Google, Apple et Facebook, soutiennent Barack Obama et appuient ses propositions en matière d’immigration, d’environnement et de justice sociale. En 2016, la candidate Hillary Clinton bénéficiera, elle aussi, de leur contribution financière, ainsi que des conseils de certains de ses dirigeants, au premier rang desquels Eric Schmidt (Google) et Sheryl Sandberg (Facebook).

Il faut dire que la réforme du code de l’immigration, prônée par le Parti démocrate, répond alors aux attentes des géants américains du Web, qui souhaitent attirer dans leurs effectifs les meilleurs talents étrangers. À quoi s’ajoute un fort engagement du secteur en direction de la communauté LGBTQ+, sous l’influence de Tim Cook, le PDG d’Apple, ardent militant de la cause, qui pousse ses pairs à adopter des pratiques « inclusives » dans leurs départements de ressources humaines et de marketing.

Sur le front climatique, c’est Elon Musk, le constructeur des automobiles électriques Tesla, qui est le fer de lance d’un mouvement en faveur des énergies renouvelables, alignant en cela la tech sur les objectifs environnementaux du Parti démocrate. Autre combat progressiste alors mené par les géants du secteur : la neutralité du Net et l’accès libre à l’information en ligne, promus par les services numériques utilisant le plus de bande passante, c’est-à-dire Netflix, Amazon (numéro un des serveurs informatiques avec sa filiale AWS) et Google (qui possède YouTube).

L’activiste politique Mario Savio s’exprime lors d’un rassemblement du « Free Speech Movement » sur le campus de
Berkeley, alors épicentre de la contestation de gauche aux États-Unis, juin 1969. Dans cette université qui forme
de nombreux ingénieurs de la Silicon Valley, le concept même de liberté d’expression est aujourd’hui contesté © AP Photo/Sal Veder/SIPA

Pourquoi la tech se détourne du camp démocrate

Mais au cours des années 2010, le secteur commence à amorcer un virage à droite, sous l’effet de plusieurs facteurs interconnectés. Le premier – et le plus fédérateur –, c’est l’intensification de la réglementation. Dès ses débuts, la tech américaine s’est placée sous l’horizon des valeurs libertariennes. Cet ethos, qui a été le moteur de son succès, nourrit un conflit structurel avec ceux qui voulaient lui imposer davantage de normes et de surveillance. Pour la plupart des acteurs du numérique, l’intervention des pouvoirs publics est perçue comme un obstacle au progrès. Se conformer par exemple à un texte de loi comme le California Consumer Privacy Act (CCPA) de 2018 entraîne pour eux de coûteux investissements qui freinent leur croissance.

Le cas d’Elon Musk est à cet égard éloquent. Sous l’administration Biden, le patron de Tesla en vient à s’opposer frontalement à la politique visant à interdire les technologies chinoises embarquées à l’intérieur de ses voitures de fabrication américaine. Dans le secteur de l’intelligence artificielle, c’est un autre dirigeant, Sam Altman (OpenAI), qui affiche lui aussi son allergie aux régulations prônées par le président démocrate. Alors qu’il reconnaissait jusqu’alors la nécessité de garde-fous éthiques, le voilà qui se lance dans une campagne acharnée contre la loi californienne SB 1047, dont le but est d’encadrer de façon stricte les activités de recherche et développement en plein boom dans l’IA.

L’administration Biden suscite également l’hostilité des géants du Web quand elle commence à remettre en cause la concentration du secteur. Pour les dirigeants des Gafam (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft), toute velléité « antitrust » représente une menace directe sur leur modèle économique. Ils n’en sont que plus séduits par Trump qui, au même moment, plaide au contraire pour le laisser-faire. Du reste, il leur avait laissé un bon souvenir avec les réductions d’impôts de son premier mandat.

IA et l’énergie : les nouveaux enjeux stratégiques

Enfin, l’IA en pleine croissance représente un défi énergétique majeur. Selon certaines estimations, les data centers pourraient consommer jusqu’à 8 % de l’électricité mondiale d’ici 2030, soit près de 5 fois la consommation annuelle de la France. L’avenir de la tech dépend donc de sources d’énergie abondantes, fiables et, surtout, abordables. Ce constat rend les solutions de Donald Trump plus séduisantes que les causes défendues par Greta Thunberg.

Résultat, les entrepreneurs technologiques de droite, qui forment la  « Right Tech », cessent d’être un phénomène marginal dans le secteur. Surtout quand leur précurseur, le discret milliardaire Peter Thiel – créateur de PayPal et soutien de Donald Trump dès 2016 – est rejoint en 2024 par l’éruptif Elon Musk, autoproclamé « Dark MAGA », comprenez éminence grise du nouveau président américain.

À lire aussi, Jeremy Stubbs : Panique dans le camp du bien: la tech passe à droite

Désormais la plupart des acteurs américains de la tech sont perméables aux mots d’ordre patriotiques de Trump, à son inquiétude devant la concurrence chinoise et à son souci de procurer à l’Amérique de l’énergie et des matières premières (notamment les fameuses terres rares indispensables pour fabriquer les puces électroniques) bon marché. Dans les milieux d’affaires, le principal porte-voix de ce nationalisme économique, frisant parfois l’impérialisme, est la star du capital-risque Marc Andreessen, connu pour avoir fondé Netscape et pour siéger dans le conseil d’administration de Meta, la maison-mère de Facebook, Instagram et WhatsApp.

Immigration, une ligne de fracture persistante

Une nuance de taille doit toutefois être introduite dans ce paysage. Comme dans tout courant de pensée, il existe plusieurs degrés d’adhésion au sein de la « Right Tech ». À côté de pratiquants fondamentalistes, comme Thiel, et de nouveaux convertis zélés, comme Musk, se trouvent des sympathisants plus nuancés, comme Zuckerberg, certes tout à fait disposé à cesser de soumettre Facebook au « fact-checking » (pour lui préférer une modération par les utilisateurs) et prompt à bannir les médias canadiens de sa plateforme pour contrer une récente loi locale obligeant les plateformes numériques à rétribuer les entreprises de presse. Reste que Zuckerberg a fondé en 2013 une ONG, FWD.us, très radicale dans la défense des immigrés. On comprend mieux pourquoi, pour l’heure, il se garde bien d’approuver les promesses trumpistes d’expulser les clandestins par millions.

La tech américaine a longtemps misé sur le fameux programme de visas H-1B pour attirer les talents étrangers qualifiés, considérant même ce système comme un pilier de sa compétitivité. Des entreprises comme Microsoft, Google et Meta ont même plaidé en leur temps pour des quotas d’immigration plus élevés, et ont vivement critiqué les politiques restrictives du premier mandat Trump.

Rares sont les entrepreneurs de la tech qui, dans le sillon de Peter Thiel, déplorent la dépendance du secteur à l’immigration et demandent que l’on embauche davantage d’employés américains. Sundar Pichai, le patron de Google, lui-même immigrant indien, a publiquement dénoncé les restrictions sur les visas H-1B, tout comme Satya Nadella, son homologue chez Microsoft, également né en Inde, ou comme Tim Cook, le PDG d’Apple, qui continue d’affirmer que l’accueil des étrangers fait partie de l’ADN de son entreprise, puisque le fondateur de celle-ci, Steve Jobs, mort en 2011, était d’origine syrienne.

On remarquera aussi la discrétion d’Elon Musk, pourtant omniprésent depuis des semaines aux côtés de Trump, sur le sujet de l’immigration. Lui-même citoyen sud-africain, et ayant un temps résidé aux États-Unis sans papiers, il semble mal placé pour s’exprimer dans ce dossier… Cependant, les relations entre un monarque et ses grands féodaux ne sont jamais simples. Si les trêves et les courbettes sont fréquentes, la paix permanente, elle, est beaucoup plus rare. Les États n’ont pas d’amis, les intérêts non plus.

Fraude et piratage: l’Arcom aux abonnés absents

La nouvelle plateforme de diffusion de la Ligue 1, DAZN, refuse de payer une partie des droits TV qu’elle doit, reprochant un manque d’investissement marketing des clubs et de la Ligue de football professionnel. Mais, le manque à gagner provient surtout de l’offre initiale à 30€/mois qui avait entrainé fraudes et piratage massifs. L’Arcom ne semble pas disposée à agir contre ces abus.


Le foot français est dans ses petits souliers (à crampons). Le groupe anglais DAZN qui a acheté les droits de retransmission du championnat de France ne veut plus cracher au bassinet de la Ligue de football professionnel (LFP), et traîne des pieds pour honorer ses engagements, faute d’un nombre d’abonnés suffisant et rentable.

Parmi les griefs du groupe anglais, le piratage des matches de foot, qui siphonne le réservoir des abonnés potentiels. Et le directeur général de DAZN-France, Brice Daumin, dans un entretien au Figaro, a dénoncé la passivité de l’Arcom, le gendarme du PAF (paysage audiovisuel français), qui les samedis et dimanches, jours de match, est aux abonnés absents : « L’Arcom, le régulateur de l’audiovisuel, ne travaille pas les week-ends. En Angleterre, on est capable de bloquer 10 000 liens en deux jours, en Italie, c’est 18 000. Et l’Arcom, c’est 5 000 par an. Autrement dit, l’Italie réalise en un week-end ce que l’Arcom met trois ans et demi à faire !1 »

Il faut dire que protéger les intérêts du foot n’est pas la préoccupation première de l’Arcom, Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. Plutôt que de traquer les pirates de l’audiovisuel, elle préfère poursuivre et sanctionner les chaînes qu’elle ne juge pas politiquement correctes ; C8 et Cyril Hanouna en ont fait les frais, qui après avoir été condamnés à de lourdes amendes, se font aujourd’hui lourdés du PAF, C8 n’étant plus autorisé à émettre… ses critiques contre le gouvernement.


  1. https://www.lefigaro.fr/medias/droits-tv-de-la-ligue-1-on-ne-resout-jamais-rien-devant-un-tribunal-estime-brice-daumin-directeur-general-de-dazn-20250212 ↩︎

L’homme, ce romantique…

Aux États-Unis, l’IA est une alliée contre la solitude, offrant aux hommes seuls des partenaires robotiques sans revendications quant à la répartition des tâches. Après tout, la place du robot, c’est dans la cuisine…


Aux États-Unis, de plus en plus d’hommes sont célibataires. Si certains le sont malgré eux, d’autres ont fait le choix d’éviter les possibles inconvénients d’une vie de couple régie par les nouvelles sommations féministes sur la répartition de la « charge mentale » et le partage des tâches domestiques.

Bien sûr, certains jours, même le célibataire le plus endurci peut finir par regretter l’absence d’une épouse imaginée idéalement amoureuse, attentive et compréhensive. Le doute s’installe. L’homme s’interroge, hésite, finit par envisager la possibilité d’une vie de couple en bonne et due forme – avec tous les risques que cela comporte, selon lui. Que faire ? Que ne pas faire ? Un beau jour, une lueur d’espoir apparaît finalement sous la forme d’un prospectus publicitaire vantant les produits d’une entreprise ayant créé une gamme de robots humanoïdes issus de l’IA.

A lire aussi:

« Pour faire face à l’étourdissante épidémie de solitude », Realbotix propose en effet des « robots-partenaires romantiques ». Pour 12 000 dollars, le client peut obtenir, pour l’installer par exemple sur la table de sa cuisine, le buste d’une ravissante jeune femme capable de converser avec lui pendant qu’il dîne. Le modèle de luxe – prévoir 175 000 dollars ! – bouge, parle, « se souvient de qui vous êtes, peut agir comme une petite amie et avoir des conversations de nature intime », assure Realbotix.

L’entreprise de robotique affirmant, par ailleurs, pouvoir reproduire des célébrités, le célibataire se prend à rêver. Il imagine une idylle avec le sosie androïde d’une actrice qu’il admire. Il n’est d’ailleurs pas impossible que cela finisse par un mariage : « Dans les deux ou trois prochaines décennies, certains États, au moins aux États-Unis, autoriseront les mariages avec les robots », prédit David Levy, auteur du livre Love and Sex with Robots.

Mais… des féministes radicales annoncent d’ores et déjà qu’elles veilleront à ce que ces nouveaux phénomènes ne perpétuent pas les « fantasmes sexuels agressifs » des hommes et les inégalités dans l’espace domestique. Décidément…

Love and Sex with Robots: The Evolution of Human-Robot Relationships

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Grande Mosquée de Paris: l’autre ambassade d’Algérie

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Le minaret de la Grande Mosquée de Paris © ADIL BENAYACHE/SIPA

Depuis l’entrée en fonction du recteur Chems-Eddine Hafiz, la Grande Mosquée de Paris est plus que jamais le porte-voix du régime algérien. Son patron, qui a aussi la mainmise sur la certification halal, estime que tous les Français devraient prendre sa communauté pour modèle.


« Le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine. » C’est par ces quelques mots, adressés dans une lettre officielle à Mohammed VI en juillet dernier, qu’Emmanuel Macron a déclenché la plus grave crise diplomatique que la France ait jamais connue avec l’Algérie. Pouvait-il se douter que le régime du président Tebboune, en rétorsion, laisserait carrément arrêter un écrivain franco-algérien, Boualem Sansal, retenu depuis en otage (il n’y a pas d’autre mot) dans une prison à Alger au seul motif qu’il reconnaît lui aussi, la « marocanité » de l’ancienne Afrique occidentale espagnole ?

La missive présidentielle qui a mis le feu aux poudres ne fait toutefois pas cas d’un autre territoire disputé entre le Maroc et l’Algérie. Un territoire certes minuscule, mais ô combien symbolique et stratégique : la Grande Mosquée de Paris. Érigée juste après la Grande Guerre par la IIIe République pour rendre hommage aux 70 000 soldats musulmans (tirailleurs algériens et tunisiens, goumiers marocains, méharistes et spahis), qui venaient alors de tomber pour la France, elle est, avec son minaret de 33 mètres de haut, la première mosquée construite en Occident depuis la chute du royaume musulman de Grenade en 1492.

À l’origine, tout la raccorde au Maroc. Non seulement parce que ses plans, superbes, sont signés par Maurice Tranchant de Lunel, qui s’est « inspiré des mosquées de Fès », mais aussi parce qu’en 1922, c’est le grand vizir du royaume chérifien qui en pose la première pierre. Quatre ans de travaux plus tard, cerise sur le briouate, le bâtiment est inauguré par le président Gaston Doumergue, qui a convié comme invité d’honneur le sultan Moulay Youssef en personne – l’arrière-grand-père de Mohammed VI –, considéré comme le plus haut dignitaire musulman de l’Empire français.

Un alignement progressif

Logiquement, la tête de l’établissement est alors confiée à Kaddour Ben Ghabrit, un membre du Quai d’Orsay certes d’origine algérienne, mais chargé des relations entre Paris et la cour de Rabat sous le protectorat. À sa mort en 1954, il est remplacé par son neveu, Ahmed Ben Ghabrit, dont les sympathies nationalistes algériennes lui valent d’être vite remplacé, sur ordre du Premier ministre Guy Mollet, par Hamza Boubakeur, député SFIO des Oasis, une circonscription de l’Algérie française. C’est à ce moment-là que la Grande Mosquée rompt toute jonction avec le Maroc.

Depuis, l’institution du Quartier latin a été continuellement dirigée par des Algériens. En 1982, son lien avec Alger est même consolidé lorsque le ministre de l’Intérieur, Gaston Defferre, autorise l’ancienne colonie, alors présidée par Chadli Bendjedid, à la financer directement. Né à Alger en 1954, Chems-Eddine Hafiz le nouveau recteur, ne déroge pas à la règle. Avocat de profession, il a, dès son installation à la Grande Mosquée en 2020, fait savoir sur la chaîne d’État Canal Algérie qu’il avait rendu visite au président Tebboune, ce qui, dans le contexte politique d’alors, signifie une allégeance au pouvoir face au mouvement populaire du Hirak (2019-2021). Il faut dire qu’au barreau de Paris, Hafiz a notamment compté parmi ses clients l’ambassade d’Algérie en France et le front Polisario, ce groupe séparatiste, soutenu par Alger, qui mène la lutte armée au Sahara occidental.

À lire aussi, Elisabeth Lévy : Trouble allégeance

Mais dans les médias français, celui qui est aussi le producteur de l’émission « Islam » sur France 2 s’est surtout fait connaître en représentant la Grande Mosquée dans les tribunaux, à l’occasion des actions intentées en 2002 contre Michel Houellbecq (qui avait déclaré dans Lire : « La religion la plus con, c’est quand même l’islam. ») puis en 2007 contre Charlie Hebdo, pour avoir publié des caricatures de Mahomet. Deux procès perdus.

Malheureux dans les prétoires, Hafiz a davantage de succès en tant que chef communautaire, comme l’explique Didier Leschi1, directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) : « Son prédécesseur, Dalil Boubakeur, n’avait pu empêcher que l’islam marocain, représenté alors par la Fédération nationale des musulmans de France (FNMF), sorte vainqueur des premières élections du Conseil français du culte musulman (CFCM), créé en 2003 par le ministère de l’Intérieur pour représenter l’islam auprès des autorités. Depuis son investiture il y a cinq ans, le nouveau recteur a mené une efficace contre-offensive, en consolidant son réseau de mosquées d’obédience algérienne et en quittant le CFCM pour pouvoir apparaître comme le principal si ce n’est l’unique interlocuteur sérieux des pouvoirs publics. »

Une stratégie de reconquête bien rodée

Pour mener sa reconquista, Hafiz a su s’assurer de nouvelles sources de financements. En 2022, il a décroché le monopole de la certification halal sur les denrées européennes entrant en Algérie. Selon L’Opinion, la dîme ainsi versée obligatoirement par toutes les entreprises alimentaires et cosmétiques de l’Union souhaitant exporter vers Algérie rapporte 5 millions d’euros par an à la Grande Mosquée.

D’où vient tant d’aplomb ? Tout en prenant soin de se démarquer du djihadisme et du séparatisme – il vient notamment de demander que l’on prie pour la France à l’office du vendredi et a déclaré « si j’avais le pouvoir de sortir de prison Boualem Sansal, je le ferais » –, Hafiz occupe en réalité une place laissée vacante depuis qu’Alger a décidé, en signe de protestation suite à la lettre de Macron à Mohammed VI, de rappeler son ambassadeur à Paris. Faute de diplomate de haut rang dans notre pays, l’Algérie est désormais représentée officieusement en France par le recteur qui se décrit lui-même comme un « trait d’union » entre les deux pays.

Seulement aujourd’hui, Hafiz ne cherche plus uniquement à contrôler les âmes et l’alimentation de ses seules ouailles ou à jouer les diplomates du dimanche. Il prétend aussi diriger les consciences de l’ensemble des Français. Le 6 janvier dernier, le recteur a publié un communiqué pour condamner « certains groupuscules et idéologues extrémistes qui mènent une campagne sournoise pour tenter de déstabiliser la Grande Mosquée de Paris », avant de formuler cette hallucinante mise en demeure à l’adresse de la population de son pays d’accueil : « En ce début d’année, nous appelons tous les citoyens français à s’engager en faveur de l’apaisement, de l’unité et de la cohésion sociale pour lesquels les musulmans de France œuvrent au quotidien. » Non seulement, il s’agirait que nous lui obéissions, mais en plus que nous prenions sa communauté en modèle ! En France, aucune institution étrangère n’avait osé tenir un tel discours depuis… l’occupation allemande.

Ce grand dérangement: L’immigration en face

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  1. Dernier livre paru: Ce grand dérangement. L’immigration en face (Tract Gallimard) ↩︎

« Causeur » pour la vie

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DR.

Notre talentueuse contributrice Annabelle est une fidèle lectrice de Causeur. Suivant actuellement une chimiothérapie, elle nous raconte comment son magazine favori a failli être confisqué pour trouble à l’ordre public au sein d’un hôpital de province… Son témoignage nous a émus.


Nous sommes quatre femmes dans la pièce. Je les salue mollement et elles me répondent sans entrain. Aucune de nous n’a envie d’être là. Cette nouvelle journée de chimiothérapie, pourtant indispensable à notre survie, s’annonce interminable et douloureuse. J’observe mes compagnes d’infortune. Une jeune femme à peine majeure, probablement étudiante, a le regard rivé sur son téléphone portable et je devine, au geste machinal de son pouce, qu’elle y fait défiler de courtes vidéos. Une retraitée regarde par la seule fenêtre de la pièce, mains croisées sur ses genoux. Elle semble fascinée par le ballet incessant des voitures sur le gigantesque parking de l’hôpital.

Une fois mes perfusions en place, je m’installe confortablement puis dégaine avec une impatience non dissimulée le Causeur n°131 acheté la veille. Me voyant faire, la troisième femme, une quarantenaire dont j’apprendrai plus tard qu’elle était institutrice, dégaine de son sac à main un gros roman, l’ouvre, s’y absorbe quelques minutes seulement avant de le refermer en s’adressant à moi : « Vous arrivez à lire vous ? » Je soupire. Je n’ai pas envie de lui mentir. Non, c’est difficile. Souvent ma vue se trouble et je dois interrompre ma lecture pendant un long moment. Parfois je dois lire plusieurs fois le même paragraphe pour en saisir le sens mais je persévère malgré tout parce que les mots, que je les lise ou les écrive, c’est toute ma vie.

A lire aussi: De la «High-tech» à la «Right-tech»

« Causeur, c’est pas un magazine people ? », me demande la retraitée. « Non, ça c’est Closer !», lui répondis-je, légèrement vexée. Interpellée par la couverture, elle me demande de lui faire lecture de l’article sur Donald Trump. Je m’exécute avec un plaisir non dissimulé. Elles m’écoutent toutes deux religieusement avant de donner leur avis. Le débat est lancé. Très vite, elles requièrent la lecture d’un autre article qui donne de nouveau lieu à une vive discussion. Les esprits s’échauffent. Le ton monte. Je me fantasme en Élisabeth Lévy sur le plateau de Pascal Praud ou animant une table ronde à la manière de Sophie de Menthon. Mes voisines ne semblent pas m’en tenir rigueur. Il nous reste si peu de choses et, fort heureusement, le droit de rêver en fait partie.

À ma grande surprise, l’étudiante a posé son téléphone portable et semble désormais nous écouter avec intérêt. J’en profite pour l’interpeller, lui demandant son avis sur un sujet. Elle hésite un peu : « Je préfère rien dire parce que je suis pas d’accord !» Je crie presque malgré moi : « Raison de plus ! Explique-nous pourquoi ! » Elle se lance assez maladroitement et, faute de trouver facilement les mots pour exprimer sa pensée, dégaine son téléphone pour utiliser ChatGPT. L’institutrice lui adresse un regard si noir qu’elle interrompt son geste, soupire et fait une nouvelle tentative d’argumentation. La retraitée l’aide un peu et nous voilà désormais quatre à débattre des sujets d’actualité. Tendre revanche sur un monde qu’on pensait arrêté et qui croyait continuer sans nous !

La discussion bat son plein. Nos électrocardiogrammes s’affolent au point qu’une infirmière passablement énervée finit par faire irruption dans la pièce : « On peut savoir ce qui vous agite autant ? » De peur de me le faire confisquer, je m’empresse de cacher Causeur sous mes draps à la manière d’une petite fille fautive. « La vie ! c’est la vie qui nous agite ! », lui répond la retraitée avec une énergie qui nous surprend toutes. La nuit est tombée et nos traitements sont terminés. La jeune fille me confie en partant : « Vous savez, plus tard, je voudrais bien faire des études de sciences sociales. » Je l’y encourage tout en songeant que, statistiquement, seule la moitié des femmes de cette pièce réussiront à passer l’année. Quand vient mon tour de partir, je refuse poliment le brancard que l’ambulancier me présente. Non, ce soir, je me sens capable de marcher.

De Jacques Weber à Solann, Oh ! les belles âmes

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Solann, Victoire Révélation féminine de l'année Cérémonie des 40eme Victoires de la Musique en direct de la Seine Musicale et diffusée sur France 2, Boulogne-Billancourt, 14 février 2025 © ROMUALD MEIGNEUX/SIPA

Jacques Weber, le colosse du théâtre, fait encore des siennes. L’acteur engagé s’enflamme et tonne toujours contre tous les méchants fascistes, mais il tremble devant une simple remarque d’Eric Zemmour. Aux Victoires de la musique, la révélation féminine de l’année (notre photo), la voix tremblante et la main sur le cœur, dénonce les prédateurs masculins mais oublie opportunément de préciser lesquels— ce qui permet d’émouvoir sans jamais déranger un public bobo ravi en quête de bonnes causes sans risques. Sur les scènes comme dans le débat public, il vaut mieux crier fort que réfléchir trop.


La petite bourgeoisie culturelle a toujours eu une affection particulière pour la gauche. Le comédien Jacques Weber ne déroge pas à la règle. Se prétendant communiste, il a voté Hollande en 2012 et a soutenu Jean-Luc Mélenchon aux deux dernières élections présidentielles. Courageux… il signe en décembre 2023 la tribune N’effacez pas Gérard Depardieu qui défendait la présomption d’innocence ; mais pas téméraire… il présente quelques jours plus tard ses excuses aux « victimes ». « Ma signature était un autre viol », affirme-t-il en se flagellant avec Le Figaro dans lequel est parue ladite tribune. Cet être de paix et d’amour – « la gentillesse est la noblesse de l’intelligence », déclare-t-il en 2008 au Time – a dernièrement comparé la politique du nouveau gouvernement américain au nazisme et appelé à « supprimer » ce « gros dégueulasse » de Donald Trump.

Colosse contre type épouvantable

Le 12 février, le comédien était reçu sur France Inter dans l’émission de Nagui, “La Bande originale”. Invité par l’animateur à se souvenir d’un moment pénible vécu à la télévision, Jacques Weber hésite un instant puis se remémore une scène douloureuse, un soir de mai 2008, sur le plateau de “On n’est pas couché”, l’émission de Laurent Ruquier : « J’ai le souvenir d’une altercation extrêmement violente avec ce type épouvantable qu’est Éric Zemmour. Le mec te regarde dans les yeux en te disant : “Tout ce que vous dites est extrêmement imbécile”. C’était quasiment dégeulasse. » Brr ! Un frisson d’effroi parcourt les ondes radiophoniques. L’imagination peine à concevoir la scène monstrueuse qui a pu terrifier celui que l’on surnomme le colosse du théâtre français.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Gang bang theory

Nous sommes le 31 mai 2008. Face à Jack Lang, Éric Zemmour parle du déclin de l’école et du niveau des élèves qui, indubitablement, dégringole. L’ex-ministre de l’Éducation nationale accuse Zemmour de tenir « des propos du café du commerce ». Laurent Ruquier affirme que « les études montrent que le niveau monte ». Intervient alors Jacques Weber qui déballe mécaniquement les idées gauchisantes sur la gentille prévention et la méchante répression – en gros, on embaucherait moins de professeurs et on injecterait moins d’argent dans l’Éducation nationale pour « remettre plus de gilets pare-balle et de flics dans les banlieues ». Zemmour attend calmement qu’on lui donne la parole pour s’adresser à M. Weber : « Ce que vous avez dit est d’une rare démagogie. Dire qu’il n’y a pas de professeurs et qu’on met plus d’argent pour les flics, c’est d’une démagogie de bas étage. Vous savez très bien que le premier problème dans les banlieues, c’est la sécurité, surtout pour les gens des banlieues, et… » Il n’a pas le temps de finir sa phrase : « NON monsieur, hurle soudain l’acteur qui entre dans une rage folle et martèle son pupitre à coups de poings. […] Vous commencez à m’emmerder avec votre certitude absolue sur tout, tout le temps et toujours […] Je refuse de discuter avec monsieur, il m’emmerde profondément. » Puis, s’égosillant, un doigt assassin tendu vers Éric Zemmour : « Vous n’arrêtez pas de dire des conneries. »


Rage humaniste

Jacques Weber vieillit. Il perd un peu la mémoire. En revanche, les années n’ont en rien entamé sa rage humaniste préfabriquée et ses colères théâtrales d’homme de gauche, forcément de gauche – comme le prouve sa dernière diatribe sur Donald Trump. M. Weber est pour la démocratie, la justice sociale, la paix et la diversité, le tout mâtiné d’un peu d’écologie, ça ne mange pas de pain et ça fait bien dans le tableau d’ensemble. Il est contre le racisme, le repli sur soi, l’islamophobie et certaines idées nauséabondes qui font froid dans le dos. Normal. Dès qu’il en a la possibilité, il prend sa grosse voix pour donner des leçons de morale aux Français qui, selon lui, s’égarent sur les voies du populisme. Il tape du poing sur la table. Il s’enflamme. Il éructe : « Réveillons-nous », la peste brune est à nos portes, le monstre nazi est de retour, l’extrême droite est partout, « on est en très grand danger », une « ordure absolue », un «gros dégeulasse » a pris le pouvoir en Amérique et menace le monde. D’autres sujets, qui touchent directement les Français, ne l’inquiètent en revanche pas du tout. L’immigration, par exemple. Il y a trois ans, le comédien jouait au Théâtre du Rond-Point le rôle d’un sinistre personnage dans une courte pièce d’Éric Fottorino, La pêche du jour. Dans un style rappelant les impénétrables envolées bétonnées de Mme Taubira, ce texte se voulait un réquisitoire contre tous ces salauds d’Européens qui refusent d’accueillir à bras ouverts les migrants, préfèrent les laisser se noyer en Méditerranée, et « fantasment » sur les risques de terrorisme, d’insécurité, « sur les viols de nos femmes et de nos filles », toutes choses délirantes comme le montre l’actualité de ces dernières années, de ces derniers mois, de ces derniers jours. Il fallait montrer que cet acte culturel était détaché de tout mercantilisme, empli seulement d’élans solidaires, d’amour pour l’Autre et d’un sentiment de honte de l’Europe ;les recettes des représentations furent par conséquent reversées à SOS Méditerranée.

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Récupérations

La petite bourgeoisie culturelle vit dans un autre monde. Elle ne voit rien, n’entend rien, ne sait rien des malheurs qui ravagent ce pays. Mauranne, Laura, Lola, Thomas, Claire, Elias et Louise sont des prénoms qui ne lui disent pas grand-chose. Elle est en revanche vent debout contre la fachosphère qui, selon elle, récupère les « faits divers » pour relayer les fantasmes d’un lien entre immigration et insécurité croissante et d’un ensauvagement d’une partie de notre jeunesse. Les femmes violées par des migrants ne l’émeuvent pas autant que les migrants eux-mêmes, ces victimes du racisme systémique qui, c’est bien connu, ronge la société française. Le 14 février, une partie de cette caste cultureuse s’est retrouvée dans les locaux de la Seine musicale lors de la cérémonie des Victoires de la musique animée par l’inévitable meneuse de revue de l’entre soi médiatico-culturel, Léa Salamé. Lors de cette narcotique grand-messe artistique, une chanteuse dénommée Solann a remporté le prix de la révélation féminine. Solann est une chanteuse lymphatique adoubée par Le Nouvel Obs et Télérama qui apprécient notamment ses textes dénonçant la domination masculine et le patriarcat. Elle a chanté ce soir-là son tube, Rome, une rengaine plaintive qui balance certains hommes, « ces vautours et ces hyènes » qui encombrent les cauchemars dans lesquels la pauvre petite créature revoit « l’ombre d’une main qui flotte et se pose sur [sa] cuisse » (1). Qui sont ces hommes qui se comportent si mal avec les femmes ? Nul ne sait exactement – on comprendra toutefois rapidement qu’il ne peut en aucun cas s’agir des agresseurs sexuels qui écument actuellement les rues de nos villes. À la fin de son lénifiant discours de remerciements, la main sur le cœur, Solann annonce vouloir « mettre un peu de lumière sur l’association Utopia 56 qui accueille les réfugiés en France, merci du fond du cœur, merci, merci, merci ». Le public d’artistes boboïsés applaudit. Dans la foulée, Léa Salamé accueille avec enthousiasme JoeyStarr, un homme dont le comportement avec les femmes a toujours été exemplaire, comme chacun sait (2). Le public applaudit derechef, incapable de concevoir l’imbécillité ignominieuse de ses encouragements. Car aucune abjection ne rebute la petite bourgeoisie du monde hypocrite de la culture, monde ridicule et nombriliste, inculte, dégoulinant de moraline, profitard et méprisant, sinistre monde qui vénère l’immigré illégal, la racaille rappeuse et le dealer des cités, mais dédaigne ces Français qui crèvent en silence et redoutent encore un peu, mais de moins en moins, les remontrances morales de cette gauche culturelle qui peine toujours davantage, malgré ses prétentions, à émerger des bas-fonds – et qui, souhaitons-le, disparaîtra bientôt, engloutie, pompée, aspirée par le siphon du vent qui tourne.

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(1) Comment ne pas penser, par une redoutable association d’idées, à Un soir, dans un taxi, une main d’homme sur une cuisse de femme, texte remarquable dans lequel Philippe Muray prévenait le lecteur : « le sexe poursuit ses aventures posthumes », entre exhibition et punition, sous la férule de féministes ambitionnant d’en finir avec la vie privée, « autrement dit la vie tout court où se réfugie un peu de l’ancienne comédie du plaisir fondé sur le secret et sur la différence sexuelle ».

(2) À Lille, au Théâtre du Nord dirigé par l’autoproclamé « décolonialiste des arts » David Bobée, une pièce intitulée Cette petite musique que personne n’entend sera à l’affiche les 18 et 19 mars prochains : « Clarisse Fontaine nous parle de femmes battues, de pervers narcissiques, de masculinité, ainsi que d’amour, de sexe et du rapport de force homme/femme. L’autrice et interprète aborde de façon subtile les maux de notre société encore empreinte de misogynie. » Cette dénonciation théâtrale de la violence des hommes envers les femmes a déjà beaucoup voyagé, de Paris à Avignon. Clarisse Fontaine a tenu à ce qu’elle soit mise en scène par… JoeyStarr, condamné à plusieurs reprises pour coups et blessures volontaires sur des femmes, dont une hôtesse de l’air (fracture du nez) et une de ses ex-compagnes, entre autres méfaits. « Mon choix, explique Clarisse Fontaine sur le plateau de Télématin, choque beaucoup de personnes mais s’explique parce que ça m’a ouvert une porte. » Espérons que ça ne soit pas sur le nez. « Mon choix s’explique aussi par le coup de foudre artistique et la rencontre. Le fait que JoeyStarr n’ait pas peur des mots et ose mettre en valeur tous mes mots, qu’ils soient difficiles, crus, poétiques. » Et JoeyStarr de conclure l’entretien : « Je pense qu’elle est venue me chercher pour faire de la déconstruction, et ça je sais faire. »

Patrimoine: cette France qui croule

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© D.R.

La lente agonie de l’architecture ancienne de nos petites villes de province répond à l’effacement de la culture classique et à d’autres évolutions désolantes.


Phénomène de grande ampleur, de grave conséquence, dont je m’étonne toujours qu’il soit si peu évoqué. Les « petites villes » d’autrefois, de 3, 4, 5 000 âmes, qu’il est d’usage à l’heure actuelle, l’échelle ayant changé, d’appeler « villages », voire « petits villages » (l’adjectif semblant s’imposer au nom comme l’épithète homérique), nos bourgades de jadis, d’un bout de la France à l’autre, croulent et sont près de disparaître. Je parle de leur cœur, du carrefour qui les animait, des deux voies qui les irriguaient. La vie en est partie, les commerces ont fermé, toutes les façades, ou presque, ont rabattu leurs volets. Murs fissurés, toitures percées et tuiles tombant à chaque coup de vent. Beaux encadrements, belles chaînes de pierre, pilastres, impostes, lucarnes de proportions heureuses, tout un précieux patrimoine bâti, œuvre de quatre ou cinq siècles, en pourriture déjà depuis des décennies, arrive au point ultime de décomposition. Encore quelques années et il n’y aura plus rien.

Ça m’suffit plus

La population est stable ou même croissante. Seulement l’humanité s’est retirée des rues pour s’établir à la périphérie, dans des « maisons individuelles » élevées sur des « lotissements » qui ont colonisé depuis longtemps déjà les vignes, vergers, jardins, bosquets ou champs qui formaient un écrin à la petite cité. Loin de moi l’idée de railler ce goût du « home » sur les confins, de ces modernes « chez-soi », ensoleillés et fonctionnels, fleurissant sur les bords des routes. Mais enfin, le problème est là. La petite ville se dilate, prend ses aises, essaime sur les terrains de son site, tandis que son siège historique, son cœur où s’assemblent les siècles achève de se consumer.

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Une exception, tout de même, à ce constat morose. Au cœur du cœur, l’église brille par son bel état, sa toiture refaite et entretenue, ses pierres blanches, ses verrières intactes. Il est juste de souligner le magnifique effort consenti par la France, communes, départements, régions, Etat, depuis une bonne quarantaine d’années. Je me rappelle une publication à laquelle j’avais contribué, à l’occasion de l’ « Année du patrimoine » décrétée en 1980 par le président Giscard d’Estaing, Jean-Philippe Lecat étant ministre de la Culture. Aucune des églises signalées comme en péril qui n’ait fait l’objet, depuis cette date, de travaux souvent importants, au point de refaire un sanctuaire de ce qui n’était qu’une ruine ouverte à la pluie. Vers la fin du siècle dernier, notre pays s’est souvenu de ses églises. Il en est résulté un mouvement très fructueux qui dut réjouir les cendres de Maurice Barrès, auteur d’une Grande pitié des églises de France parue en 1914, à la veille d’une guerre qui devait ajouter tant de destructions à un tableau déjà très sombre.

Souvent, l’église se dresse, restaurée à grands frais et sauvée, au milieu des toitures crevées, des pignons lézardés. L’église ou les églises, car on voit des petites cités, anciennes capitales princières, ducales, comtales, anciens sièges d’une abbaye, qui en comptent deux ou trois. Pour se persuader de la grande pitié des centres de petites villes, il suffit de clouer le bec au G.P.S. (au demeurant, invention bien commode) et de parcourir nos régions en s’écartant des autoroutes, des voies rapides, des nationales, à une sage moyenne de 50 à l’heure. On emprunte de vieilles routes qui furent des voies romaines, on s’approche de cités nichées dans un vallon en suivant les traces d’Arthur Young au soir de l’Ancien Régime. Des pavillons, quelques immeubles d’H.L.M., l’inévitable bazar d’implantations artisanales et commerciales, ferraille, verre et béton s’en donnant à cœur joie… et voici une rue fantôme, débouchant sur une place fantôme, au pied d’une belle église entretenue mais fermée.

Cadre français

Ici, il y a longtemps déjà, s’épanouissait une sociabilité un peu étroite, peut-être, mais qui enchantait un Giraudoux, l’auteur des Provinciales et le fondateur de la Ligue Urbaine et Rurale « pour l’aménagement du cadre de la vie française ». « Ligue » toujours vivante de nos jours dans une Fédération Patrimoine-Environnement, menant le même combat que sa sœur aînée la S.P.P.E.F., Société pour la Protection du Patrimoine et de l’Esthétique de la France, communément désignée sous l’appellation de « Sites et Monuments ».

Ici ne subsistent que des ombres. Et bientôt, le néant. Dans l’Aisne, dans l’Allier, dans l’Aube… Je ne vais pas entreprendre un tour de France alphabétique. Voici un vieil hôtel du XVIIe siècle. Une plaque de société savante signale les hôtes illustres que ces murs abritèrent. Je regarde cette façade lépreuse, ces volets clos qui se dégradent, cette toiture où manquent des tuiles, dont la charpente fléchit, où des lucarnes s’ouvrent au vent. Ce logis a quatre-cents ans. Désert, en déshérence, sans entretien depuis combien de temps ? Exposé aux intempéries, au mérule qui s’acharne sur plafonds et planchers. Instinctivement, je m’interroge sur le nombre d’années pendant lesquelles cette coquille vide, harmonieuse, riche de passé, découpera encore sa silhouette élégante au milieu de la petite ville.

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Ces vides immenses en train de se creuser préparent une transformation désastreuse du visage de notre pays. La perte de l’architecture ancienne répond à l’effacement de la culture classique et à d’autres évolutions. Vaste mouvement, bouleversement quasi géologique, déplacement tectonique sur lequel je crains fort que nous n’ayons pas de prise. Resteront les lieux touristiques dûment estampillés, décapés, lustrés, surexploités et commerciaux. Dès maintenant, dans ces rues mourantes, Giraudoux ne saurait où loger le petit monde d’Intermezzo, le droguiste, l’inspecteur des poids et mesures, Isabelle, l’institutrice rêveuse qui entraîne ses élèves à la cueillette des mandragores… Seul peut-être le gentil fantôme se plairait à trouver refuge dans ces ruines. 

Je brosse un tableau, je marque une situation que je crois irréversible, sans rêver de solutions. On ne saurait tout classer, inscrire ou consacrer « secteur sauvegardé ». Et à quoi bon des protections administratives sur ce qui n’existe déjà plus qu’à peine ? Il faudrait, miracle improbable, le courant d’une mode puissante, une croisade pour les petites villes, qui lancerait au secours de ces demeures en perdition, acquises pour une bouchée de pain, des foules de télétravailleurs décidés à restaurer de toutes pièces un mode de vie sociale disparu. Et prêts à  sauvegarder ces murs avec la même ardeur, la même abnégation que tant de propriétaires dont le château occupe toutes les journées et consomme tous les revenus : admirables châtelains-maçons ! Et je prétends ne pas rêver…

Sur le processus à l’origine de cette situation, je signale, même si le livre aborde le problème d’agglomérations beaucoup plus étendues, l’ouvrage d’Olivier Razemon, paru en 2016 chez Rue de l’Echiquier sous le titre Comment la France a tué ses villes. L’auteur, journaliste indépendant, apôtre de la bicyclette et spécialiste reconnu de ce qu’on appelait hier « transports » et que l’on nomme désormais « mobilités », étudie  la « dévitalisation » des centres autrefois animés, en traçant quelques perspectives et livrant quelques raisons d’espérer.

Notre sujet est apparenté à celui de Razemon, mais en plus désolant encore. Au train où vont les choses, les temps me semblent proches où la figure ancienne de très nombreuses toutes petites villes n’apparaîtra que dans les vieilles cartes postales.

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Retenez-moi ou je fais un malheur!

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Orly, image d'archive © Mario FOURMY/SIPA

La compagnie Air Algérie, vraisemblablement proche du pouvoir algérien, exige désormais des laissez-passer consulaires pour l’embarquement des Algériens en situation irrégulière, y compris lorsqu’ils possèdent une carte d’identité valide ! Cette nouvelle exigence complique encore les procédures d’expulsion des clandestins algériens depuis la France.


Air Algérie attise la crise entre la France et l’Algérie. En fait de crise, c’est une série de camouflets et d’humiliations que l’Algérie nous inflige.

Rappelons d’abord que Boualem Sansal, écrivain français dont le crime est d’avoir critiqué le régime d’Alger, est détenu depuis trois mois. Il est malade, on a très peu de nouvelles. En réalité, il est un otage.

Je ne vous refais pas le film des influenceurs appelant à commettre des horreurs en France. La question explosive c’est maintenant l’expulsion des ressortissants algériens. On se rappelle le gracieux Doualemn renvoyé à l’envoyeur (nous), qui était quand même allé jusqu’à Alger. Hier, le JDD révélait qu’Air Algérie exige désormais un laissez-passer consulaire pour embarquer les expulsés. Or, il n’est absolument pas nécessaire quand ils ont des papiers – ce qui est généralement le cas. C’est une violation des accords bilatéraux, remarque le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau.

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Rassurez-vous, le ministère serre la vis, annonce le Figaro. Une note est diffusée à tous les aéroports et services concernés. Attention les yeux : si un chef d’escale refuse d’embarquer un OQTF, il faut exiger qu’il formule son refus par écrit. Et s’il refuse de le faire, on relève son identité. Imaginez l’effet d’une telle bombe à Alger: on exige un papelard nous disant noir sur blanc d’aller nous faire voir !

J’ironise, mais que faudrait-il faire ?

J’ironise pour ne pas m’énerver. D’abord, il faut dire que ce n’est sans doute pas la faute de Bruno Retailleau. Peut-être pourrait-il faire un peu plus, mais dans ce dossier l’impulsion doit venir de l’Elysée. On attend que la France se fasse respecter.

La seule détention de Boualem Sansal aurait dû justifier des mesures radicales de rétorsion sur les visas ou les avoirs. Les Européens, d’après le journaliste Vincent Hervouet, seraient prêts à nous soutenir sur les visas, mais selon lui c’est la France qui freine. La ligne c’est celle du Quai d’Orsay, toujours favorable à la soumission. N’envenimons pas les choses, regardez comme la coopération anti-terroriste se passe bien, ne les énervons pas, il y a tant de liens entre nos deux pays… Le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot fait des rodomontades contre JD Vance, mais devant Tebboune, il n’y a plus personne.

Il y a trois semaines, la Colombie refusait d’accueillir des immigrés clandestins, notamment des criminels, expulsés des Etats-Unis. Trump a brandi la menace des droits de douane. Le président colombien a envoyé dans la journée son avion pour récupérer ses ressortissants. On peut jouer les vierges outragées à chaque fois que la Maison-Blanche utilise la manière forte (parfois à tort, je préfère vous rassurer : l’affaire du Groenland m’a fait bondir comme tout le monde). Mais face à l’Algérie, il est temps de faire du Trump. Question d’intérêts et aussi d’honneur.


Cette chronique a été diffusée d’abord sur Sud radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale

Paris, théâtre d’une Europe hésitante face au désengagement américain

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Réunion informelle des chefs d'États européens à l'Élysée, le 17 février 2025 © D.R.

Face au mépris américain et à la menace d’un « Yalta 2.0 » entre Trump et Poutine, l’Europe hésite encore à s’affirmer, prisonnière de ses divisions internes. Pendant ce temps, ira-t-on à Washington jusqu’à chercher à imposer une paix qui pourrait se faire au détriment de l’Ukraine, et aux frais du vieux continent? Une réunion d’urgence de dirigeants européens s’est tenue hier après-midi à l’Elysée


L’Europe menacée d’un deuxième Yalta par MM. Trump et Poutine

Il est peu dire que les diverses déclarations de l’administration Trump au sujet de la guerre d’Ukraine n’auront pas laissé indifférents les observateurs européens. Véritable rouleau-compresseur lancé à toute allure, le nouvel exécutif américain multiplie les marques d’hostilité à l’égard de ses alliés traditionnels, menaçant même les fondements du partenariat transatlantique tel que nous le concevons depuis plusieurs décennies.

Sûrement désireux de plaire à son public, Donald Trump a ainsi démarré sur les chapeaux de roue son mandat en indiquant être prêt à faire du Canada son 51ème Etat, en affirmant qu’il entendait éventuellement annexer le Groenland au nez et à la barbe de Copenhague, ou encore en faisant part de son envie de transformer le territoire de Gaza en « Riviera » après que ses habitants palestiniens n’en partent du fait des bombardements ayant rendu la zone inhabitable.

Pour l’heure, ces propos toujours plus excessifs n’ont pas été concrétisés par des actes et l’administration Trump occupe le terrain médiatique par une agitation frénétique qui donne le tournis. Il faut néanmoins se préparer à une tempête. Le sujet le plus important pour nous est celui de la défense collective et des suites de la guerre d’Ukraine. L’orientation donnée par Washington est désormais de plus en plus précise.

L’idée maîtresse de ce plan, comme certains le craignaient en notant les tendances en la matière au sein du camp « Maga », étant d’obtenir à tout prix « une paix », peu importe comment et peu importe laquelle. Pour ce faire, Donald Trump et les siens souhaitent évincer l’Europe de la table des négociations afin d’installer un dialogue direct avec Moscou. L’Ukraine n’est d’ailleurs guère mieux traitée, les Américains ayant dans un premier temps laissé entendre qu’ils pourraient même ne pas convier Kiev aux négociations de paix concernant leur propre pays… Ainsi, une personnalité comme Christoph Waltz a dit sur Fox News Sunday que si les « Ukrainiens avaient combattu vaillamment, ils ne seront pas invités aux négociations » car le « président Trump veut mettre un terme à cette guerre ».

L’Europe méprisée

Ouvertement méprisée, l’Europe a fait l’objet des critiques les plus virulentes des proches de Donald Trump. A commencer par son vice-président JD Vance qui a affirmé que le principal ennemi de l’Europe était elle-même et non « la Chine ou la Russie » dans un discours donné à la conférence de sécurité de Munich. JD Vance n’a pas évoqué la guerre d’Ukraine, se contentant de parler de l’immigration en Europe et des problèmes de démocratie : « De la même manière que l’administration Biden a semblé prête à tout pour faire taire ceux qui exprimaient librement leurs opinions, l’administration Trump va faire précisément l’inverse, et j’espère que nous pourrons travailler en ce sens. Il y a un nouveau shérif à Washington. Et sous la direction de Donald Trump, même si nous pouvons être en désaccord avec vos opinions, nous nous battrons pour défendre votre droit de les exprimer sur la place publique. »

Si l’ensemble du discours n’était pas dénué de nombreuses vérités, il consistait aussi en une diversion et une récréation proposées par la Maison-Blanche pour éviter d’aborder de nombreux sujets fâcheux. Que l’Europe ait un problème d’immigration, personne ne le niera. Que certains de ses Etats membres soient névrosés par la correction politique, personne ne pourra non plus le contester. Plus encore, l’Europe souffre d’être une machine molle, un objet politique peu consistant qui ne parle pas à l’unisson et ne dispose pas d’un « hard power » suffisant pour s’opposer à l’Amérique qui tient en état de dépendance militaire un grand nombre des Etats qui la composent. Cela, JD Vance et son complexe du sauveur typiquement américain ne l’ont pas rappelé.

Ces multiples travers nous affaiblissent à l’intérieur comme à l’extérieur. Depuis 1989, nous avons collectivement embrassé, à l’exception notable de la France, l’idée que « l’histoire était finie » et que plus jamais le monde ne pourrait sombrer dans la guerre. Que notre droit était une construction parfaite qui ne serait jamais contestée, oubliant que la force est une nécessité pour qui veut éviter la violence. Il y a 30 ans, les armées des pays européens pouvaient mobiliser plus de 3 millions de soldats d’active, alors qu’aujourd’hui nous ne pourrions plus en réunir théoriquement qu’un plus de 1,3 million. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres d’un continent qui s’est abandonné à la régulation et à la bureaucratie, une administration aussi lente que méconnue, profondément déconnectée des peuples.

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Pourtant, tous ses problèmes nous regardent et ne doivent pas masquer le jeu américain, aussi pernicieux que brutal. Quel est-il ? L’idée de l’administration américaine est de discuter directement avec la Russie sans nous convier, de nous contraindre à accepter le futur accord, quand bien même serait-il inacceptable, et en plus de ça de nous faire payer la facture. L’Amérique veut un deuxième Yalta, nous casser pour mieux nous dominer.

Nous sommes face à des Etats-Unis qui prolongent leur vocation hégémonique en y ajoutant une rhétorique ouvertement impérialiste. Pire que ça, en mentant pour y parvenir. Ainsi, les très nombreux influenceurs du nouveau régime ne cessent de réclamer que l’Europe leur « rende leur argent » et que nous augmentions drastiquement nos dépenses militaires. Ils ont raison sur le deuxième point, mais leur idée est que ce renchérissement soit corrélé à des achats d’armes américaines. On entend aussi parfois chez eux que seule l’Amérique a contribué à l’aide à l’Ukraine. En somme, ils expliquent toute honte bue qu’ils ne veulent aider en aucune manière l’Europe militairement tout en exigeant qu’elle achète des armes américaines qu’ils pourront suspendre quand ils le souhaitent. Ils nous veulent soumis sans rien donner.

Outre les injures anti-françaises d’un Jack Posobiec, convié avec la délégation américaine, les Américains omettent de préciser que l’Europe a beaucoup donné depuis le début du conflit. Et, à dire vrai, plus que l’Amérique. Le total de l’aide allouée par les Européens s’élève à 132.3 milliards contre 114.2 pour les Etats-Unis, il reste encore 115 milliards d’aides européennes programmées à livrer contre 4.8 pour Washington au moment où ces lignes s’écrivent. Pis encore, sur le plan strictement militaire, l’Europe a aussi donné plus de matériels importants selon Anton Geranshchenko. Des chiffres d’ailleurs impressionnants : 887 tanks européens contre 76 par les USA, 51 avions plus 85 à venir contre aucun, 73 hélicoptères contre 21, etc.

Pourtant, ce sont biens les Etats-Unis cyniques de l’administration Trump qui essayent de racketter l’Ukraine en demandant le « retour de leur investissement ». JD Vance a même essayé de faire signer, entre quatre murs, un accord ignoble à Zelensky lui réclamant « l’exploitation des terres rares » sans aucune contrepartie.

Une tentative de colonisation

De fait, la « paix » que veut obtenir Trump, dans l’unique et pathétique but de se faire décerner le même Nobel que son prédécesseur Obama, consiste en une sanction contre l’Ukraine presque plus dure que ce que l’Allemagne avait subi en 1945 alors même qu’elle est la victime ! Il demande ainsi 500 milliards de dollars de « payback » ainsi que le contrôle total des exploitations de minérais. Il veut aussi contrôler les ports et les infrastructures énergétiques. Un accord qui serait soumis à… la législation de l’Etat de New York !

Interrogé, le président américain a dit que l’Ukraine « pourrait faire ou ne pas faire le deal, mais pourrait aussi devenir russe un jour ». Bref, il s’agit d’un chantage quasiment mafieux. M. Zelensky a d’ailleurs refusé de s’y soumettre et a déclaré que l’Ukraine n’accepterait aucun accord sans son consentement. C’est bien naturel. Il a même indiqué, plus volontaire encore, qu’il ne participerait pas à cette parodie de discussions en Arabie saoudite, même si on le lui demandait. C’est une preuve de courage assez exceptionnelle, il faut le dire.

De l’autre côté, Elon Musk a flatté Lavrov dans un tweet. Commentant sa descente d’avion en Arabie, il a déclaré que c’était à ça que « ressemblait un leadership compétent ». Face à cette fuite en avant américaine, où chaque jour ajoute une outrance, la dernière en date étant le coup de pression mis à la Roumanie pour la délivrance des proxénètes britanniques de la fratrie Tate, l’Europe semble encore tétanisée.

À Paris, les principaux dirigeants du continent n’ont pas su se mettre réellement d’accord. Une petite dizaine de pays a déclaré être prête à envoyer des soldats de maintien de la paix après la conclusion d’un accord. Parmi eux, la France, l’Italie, la Grande-Bretagne, le Benelux ou encore la Suède. La belle affaire ! Il s’agit là d’une exigence américaine, pays qui veut trouver un accord de « paix » injuste et nous faire payer la facture par-dessus le marché. Les réponses doivent être beaucoup plus fermes. Investir dans la défense est une bonne chose, mais les moyens mis en œuvre sont encore beaucoup trop faibles.

Soyons lucides : l’OTAN est morte à l’heure où nous parlons. Les Américains l’ont plus ou moins fait savoir puisqu’ils comptent désengager leurs soldats présents en Lituanie, pays menacé par la machine post-soviétique. Ce qu’ils veulent, au fond, c’est vendre l’Europe à la Russie en échange d’une « alliance » contre la Chine. Une idée aussi idiote que dangereuse. Ils nous méprisent parce que nous ne sommes pas assez forts. Plus vicieux encore, ils veulent nous laisser tomber tout en nous forçant à leur acheter leurs armes et en nous livrant une guerre commerciale destructrice pour ce qu’il nous reste d’industrie.

Sur X / Twitter, les militants MAGA insultent quotidiennement l’Union européenne. Nos alliés « don’t do shit for us », disent-ils. Ils ont oublié que l’unique fois où l’article 5 de l’OTAN fut évoqué… ce fut pour les aider après le 11-Septembre. La France était encore aux côtés des Etats-Unis en 2018 pour bombarder les usines chimiques d’Assad. Nous n’avons refusé qu’une fois de les aider, au moment de la guerre d’Irak qu’ils ont déclenché sur de fausses accusations. C’est depuis lors que le triste mythe des « surrender monkeys » s’est répandu…

Le vieux continent doit enfin s’émanciper

Ne soyons pas Mélos face à Athènes ou le Sud Vietnam abandonné. Ne nous faisons pas avoir comme lors de la crise de Suez ou en 1938 à Munich. L’Europe doit être forte. Oui, nos dirigeants sont médiocres. Nous le savons. Mais il faut parer à l’urgence. Dans cette configuration, la France peut s’affirmer en leader naturel. Nous avons des atouts et des responsabilités différentes du fait de notre puissance nucléaire, de notre siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, de nos outremers, de notre industrie militaire pleinement indépendante et bien sûr de notre histoire millénaire.

Nous devons, dans ce contexte de guerre froide, devenir la première armée d’Europe et la base de la défense commune. Cela sera aussi une opportunité économique immense. L’est ne peut pas être abandonné et nous ne pouvons plus compter l’Amérique comme étant un partenaire fiable avec certitude. Donnons-nous les moyens de notre sécurité.

Une semaine chorégraphique à Paris

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Alejandro Sánchez Bretones, Clémence Chevillotte, Laurine Viel, Ismael Turel Yagüe, Les Saisons © Olivier Houeix

Un naufrage, une réussite et des grosses ficelles… petite sélection de ballets à voir, ou pas, dans la capitale.


Plenum/Anima

Que Benjamin Millepied use de sa notoriété et dispose des danseurs de sa compagnie, Los Angeles Dance Projects, pour faire connaître des artistes inconnus au bataillon, voilà quelque chose d’infiniment respectable, sinon de louable. Mais qu’il vende à la Philharmonie de Paris un programme d’une affligeante médiocrité en promouvant des ouvrages parfaitement insignifiants est une faute impardonnable pour un artiste de sa qualité, car on ne saurait imaginer qu’il ne soit pas conscient de l’indigence de ce qu’il propose.

Regroupées sous un titre sibyllin, Plenum/Anima, trois pièces de trois auteurs différents s’inscrivent sur des partitions célébrissimes, comme pour mieux faire vendre l’inexcusable : la Passacaille et fugue en do mineur BWV 582 de Jean-Sébastien Bach ; les Danses polovtsiennes du Prince Igor d’Alexandre Borodine ; Le Sacre du printemps d’Igor Stravinsky.

D’emblée, on exclura de cette déroute la première d’entre elles, composée par Benjamin Millepied lui-même sur la passacaille et fugue exécutée à l’orgue de la salle Pierre Boulez par Olivier Latry, titulaire des grandes orgues de Notre-Dame. Écrite avec l’élégance et le style d’un auteur qui fut un interprète exceptionnel, éclairée par un superbe solo masculin, habillée de costumes noirs, blancs, ou noirs et blancs parfaitement dessinés, la chorégraphie n’a pas d’autre prétention que d’être un divertimento joliment décoratif.

Là où le bât blesse, c’est bien avec les deux pièces suivantes. Sur des partitions elles aussi interprétées à l’orgue, lequel instrument ne possède ni les couleurs, ni le mordant, ni les subtilités d’une formation orchestrale et en vient immanquablement à les dénaturer, se succèdent deux chorégraphies d’une remarquable diversité dans leur insignifiance.

La première est due à un certain Jobel Medina. Établi à Los Angeles, mais originaire des Philippines, celui-ci répond d’une façon terriblement primaire aux rythmes foudroyants des Danses polovtsiennes. C’est un travail mécanique d’amateur totalement dépourvu d’oreille musicale ; une vaine agitation qui fait songer à ce que pourrait être une soirée dansante dans un club de vacances.

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L’auteur de la seconde pièce, le Mozambicain Idio Chichava, paraît avoir consciencieusement visionné les captations filmées de célèbres versions du Sacre du printemps. On en retrouve des traces maladroites, incohérentes, noyées dans un bavardage gestuel impersonnel, sous une agitation hasardeuse relevant d’une appréhension de la musique parfaitement indigente. Bref, un amalgame d’une confondante médiocrité et, au fond, d’une formidable prétention.

Si Millepied est coupable de proposer un tel ragoût, la Philharmonie de Paris l’est bien davantage encore de l’avoir programmé. Une grande salle musicale qui a vocation à être populaire se doit d’offrir à ses publics des concerts ou des chorégraphies d’une certaine tenue, sinon irréprochables, quel qu’en soit le genre.

Former le goût des spectateurs et des auditeurs avec des ouvrages consistants, et par là même, leur permettre d’exercer leur sens critique est un devoir impérieux. D’autant plus impérieux que, faute de posséder des repères et une vraie culture artistique, le public de la Philharmonie accueille avec un enthousiasme aveugle des productions aussi déplorables.

Les Saisons

Les « SAISONS » ©Olivier Houeix

Superbe chorégraphie ! Magnifiques danseurs !

Avec Les Saisons portées à la scène par Thierry Malandain pour son Ballet de Biarritz, on découvre au Théâtre 13, place d’Italie (XIIIe arrondissement), l’absolu contraire du naufrage précédent.

Grâce à une approche intelligente et sensible de la musique, de celles qui dévoilent une vraie culture ; avec une richesse de vocabulaire stupéfiante, d’un registre trop contemporain et trop élastique pour être cantonné à la seule veine du néo-classicisme et où affleurent de malicieuses réminiscences du ballet romantique ou de danses dites de caractère ; avec quelques familiarités de langage aussi, mais trop cadrées, trop allusives pour être malvenues ; sans rien de racoleur ou d’un peu facile, comme cela survient fréquemment lorsqu’un chorégraphe se saisit de partitions archi-connues, Malandain manœuvre avec une grande classe et une habileté infinie au sein des Quatre Saisons d’Antonio Vivaldi. Ces Quatre Saisons entre lesquelles, parfois, il insère quelques pages d’un contemporain du Vénitien, un Génois, Giovanni Antonio Guido, lui aussi violoniste virtuose et qui fut, à Paris, compositeur au service des princes d’Orléans. Allégeant ainsi la partition trop célèbre de Vivaldi, l’ouvrant sur l’inconnu, le chorégraphe lui ajoute des extraits des Scherzi armonici sopra le quattro staggioni dell’ anno, éditées, semble-t-il, à Versailles en 1728.

Les 22 danseurs de la compagnie sont éblouissants. Ils se lancent dans ce périlleux exercice chorégraphique avec une élégance, une virtuosité sans faille. C’est une vraie troupe, homogène, harmonieuse, cultivant un profil qui lui est propre, déployant un raffinement jamais alambiqué. Quelques-uns des interprètes portent avec aisance des costumes joliment inspirés du XVIIIe siècle vénitien et qui ne font que souligner l’élégance de la composition.

Cette union si heureuse entre un chorégraphe et sa compagnie, entre Thierry Malandain et ce Ballet de Biarritz qui se produit près de cent fois par an sous tous les horizons et s’autofinance à 50% (chose rarissime), le ministère de la Culture n’a rien trouvé de mieux que de la rompre en décidant de ne pas renouveler le contrat qui les lie l’un à l’autre et donc de briser l’élan d’une équipe gagnante depuis des décennies. Bon gré, mal gré, en dépit des instances locales et du public qui souhaitaient le conserver au Pays basque, Thierry Malandain va devoir quitter la compagnie qu’il a fondée à Biarritz en 1998.

Ne serait-il pas plus judicieux, réflexion faite, de mettre à la porte une ministre qui a brillé davantage par son arrivisme que par sa culture, et avec elle des séides qui ne valent guère mieux ?

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Onéguine

À l’Opéra de Paris, avec Onéguine entré en 2009 au répertoire du Ballet et qu’on n’y avait plus revu depuis des lustres, on relève un ouvrage composé en 1965 et remanié en 1967 par le Sud-Africain John Cranko (1927-1973) lequel, après Londres, aura mené l’essentiel de sa carrière de chorégraphe à la tête du Ballet de Stuttgart, capitale du Wurtemberg, devenue un temps, sous son égide, le haut lieu du ballet académique allemand.

Si l’on ne devait retenir qu’une œuvre de Cranko, ce serait sans doute son Roméo et Juliette écrite en 1962 sur la partition de Serge Prokofiev, où son talent de metteur en scène et de chorégraphe atteint sa plénitude avec la fascinante scène du bal chez les Capulet. Alliée à une théâtralité exacerbée, portée par une musique proprement géniale, la chorégraphie de Cranko atteint ici une dimension dramatique et une expressivité inégalées.

Alors, évidemment, Onéguine fait, en regard, pâle figure. Et les pages musicales qui accompagnent le ballet n’arrangent rien. Devant les réticences du monde musical à voir la partition d’Eugène Onéguine, l’opéra le plus emblématique peut-être de Tchaïkovsky, mise au service d’une œuvre chorégraphique, ainsi que le projetait Cranko, celui-ci se voit contraint de commander une partition. C’est le directeur musical du Ballet de Stuttgart, Kurt-Heinz Stolze, qui exécute une transcription pour orchestre de pièces pour piano du compositeur du Lac des Cygnes groupées sous le titre Saisons. Pour étoffer l’ensemble, il y ajoute d’autres emprunts au même auteur. Dommage ! Car les pièces musicales qui accompagnent les scènes de bal dans Onéguine apparaissent bien fades, alors que la fastueuse polonaise qui se danse au palais du prince Grémine, au troisième acte de l’opéra, est, elle, d’un éclat sans pareil.

L’Onéguine de John Cranko est l’archétype de ces ballets narratifs inspirés par des ouvrages littéraires comme on les prisera tant dans l’univers du ballet académique de l’après-guerre et qui représentent une certaine régression dans l’évolution de la Danse, quand elle va tendre par ailleurs à se libérer de l’emprise de la musique et de la littérature. Alors qu’une Martha Graham a déjà bouleversé la scène chorégraphique avec ses chefs d’œuvre et que l’avant-garde américaine non-figurative pointe son nez avec Cunningham, Nikolais et l’avalanche de leurs successeurs, on inféode une fois encore la danse à un récit dramatique. L’expressionisme allemand apparu au temps de la République de Weimar était certes une autre forme d’avant-garde. Mais il s’était tellement compromis avec le régime national-socialiste, Kurt Jooss excepté, que les scènes des deux Allemagnes en étaient venues à se replier sur le ballet académique qui n’avait pas eu de lien avec les nazis. Il était de plus inscrit dans la culture des nations victorieuses, l’Union Soviétique d’une part, la Grande-Bretagne et la France d’autre part, mais aussi le Canada et les États-Unis qui l’avaient importé d’Europe. C’est cet académisme là qui allait un temps gouverner les scènes de deux Allemagnes, moralement obligées de rompre avec un passé effroyable.

Remarquablement bien construit et plus fidèle encore au livret de l’opéra de Tchaïkovski qu’au poème de Pouchkine, serti dans des décors raffinés et très éloquents, un peu trop alourdis de dentelles toutefois (décors et costumes étant dus à ce Jürgen Rose dont le nom est attaché à de grandes réalisations chorégraphiques ou lyriques comme Le Songe d’une nuit d’été de Neumeier ou le Roméo et Juliette de Cranko), Onéguine offre une chorégraphie techniquement éblouissante où les difficultés, les prouesses même, sont pour les solistes innombrables.

C’est aussi une succession ininterrompue de solos exaspérés, de duos enamourés, de gentilles danses campagnardes, d’aimables scènes de bal, d’affrontements mélodramatiques… Bref, un vrai ballet pour jeunes filles ou douairières sentimentales, pour touristes japonaises et dames américaines peroxydées, pour jeunes gens ou vieux messieurs sensibles.

Pour les solistes, ce ne sont donc que morceaux de bravoure, exploits techniques et débordements sentimentaux se traduisant par une explosion gestuelle d’une difficulté d’exécution inouïe. Au sein du Ballet de l’Opéra qui assure des représentations impeccables, les quatre solistes principaux (ce soir-là, Florent Melac, Hannah O’Neill, Milo Avêque, Roxane Stojanov) portent leurs rôles complexes, tant sur le plan chorégraphique que sur le plan théâtral, avec un beau talent et un engagement résolu.

Mais que ces arrangements musicaux, ces pages mineures du compositeur russe exécutées par l’Orchestre de l’Opéra sous la conduite de l’Estonien Vello Pähn (qu’on a retrouvé mille fois à la tête du dit orchestre dirigeant des musiques de ballets), apparaissent falotes, sinon incolores ! Et combien mièvre et sucré est ce livret ! Combien cette chorégraphie est débordante de transports outrés, de débordements parfois grandguignolesques, ainsi que la danse académique s’y oblige parfois afin de traduire la tempête des sentiments qui dévorent les héros.


Plenum / Anima

Benjamin Millepied – Jobel Medina – Idio Chichava
Philharmonie de Paris.
Terminé.

Onéguine.

Chorégraphie de John Cranko. Avec les solistes et le Ballet de l’Opéra de Paris.
Palais Garnier jusqu’au 4 mars 2025. 0892 899 090.

Les Saisons.

Chorégraphie de Thierry Malandain. Avec le Ballet de Biarritz.
Le 25 février, Quai 9, à Lanester.
Les 27 et 28 février. Théâtre impérial, à Compiègne.
Les 11 et 12 mars. Théâtre de Provence, à Aix-en-Provence
Du 20 au 23 mai. Gare du Midi, à Biarritz.
Du 31 juillet au 3 août. Teatro Victoria Eugénia, à San Sebastian.
Tournée aux États-Unis du 26 avril au 7 mai, à Detroit, East Lansing, Philadelphie, Pittsburg.

De la «High-tech» à la «Right-tech»

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Une puce GPU H800 de Nvidia. Leader mondial dans la fabrication de puces graphiques, Nvidia a subi une perte historique en Bourse après le lancement, le 20 janvier 2025, de DeepSeek, un modèle d’IA chinoise entraîné sur ses puces GPU mais nécessitant une puissance de calcul bien moindre que ses concurrentes américaines © D.R.

La plupart des sociétés de haute technologie américaines étaient la vitrine du progressisme. Ces géants du numérique ne rallient pas Donald Trump par idéologie mais parce qu’ils partagent son inquiétude face à la concurrence chinoise et son souci de procurer à l’Amérique de l’énergie et des matières premières bon marché


À une ou deux exceptions près, ils ont tous fait le déplacement. Le 20 janvier dernier à Washington, les patrons des plus importantes sociétés technologiques américaines, Elon Musk (Tesla et SpaceX), Jeff Bezos (Amazon), Mark Zuckerberg (Facebook), Sundar Pichai (Google), Tim Cook (Apple) et Sam Altman (OpenAI) étaient assis côte à côte sous la rotonde du Capitole. Tels des grands seigneurs féodaux réunis pour le couronnement de leur roi, ils ont assisté, tout sourire (sauf Cook), à la prestation de serment de Donald Trump. Aux yeux du grand public et des médias, le message était clair : celui de leur adoubement.

Le plus intéressant dans cette histoire, c’est que personne n’avait fait attention à leur présence quatre ans auparavant lors de l’investiture de Joe Biden. Seulement, cette fois-ci, en 2025, la surprise est immense. Qui aurait parié, il y a encore quelques mois, que le gratin de la tech se presserait pour applaudir Trump ? Qui avait prévu que les grands noms du numérique, jadis perçus non seulement comme des moteurs économiques pour leur pays, mais aussi comme des piliers du progressisme et de l’innovation sociale aux États-Unis, opéreraient un spectaculaire virage conservateur et rallieraient la « Right Tech », le club informel des entrepreneurs technologiques de droite ?

La Silicon Valey, bastion progressiste

Historiquement, la plupart des sociétés de haute technologie (« High Tech ») américaines sont ancrées dans des valeurs de gauche sociétale, telles que la diversité, l’ouverture sur le monde et la démocratisation de l’information. Seulement, en devenant des colosses économiques et logistiques, avec des millions d’employés et des capitalisations boursières qui se chiffrent en centaines de milliards de dollars, elles se sont petit à petit éloignées de l’esprit des pionniers pour glisser vers des positions toujours plus compatibles avec le trumpisme.

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Pour comprendre cette évolution, il faut revenir là où tout a commencé : dans la Silicon Valley, au sud de la baie de San Francisco, en Californie. À partir des années 1950, cette région devient le principal centre de recherche et de production de semi-conducteurs de la planète, notamment grâce à des entreprises d’avant-garde comme Fairchild Semiconductor et Intel. Sachant exploiter les propriétés exceptionnelles du silicium, ce sont elles qui mettent au point les circuits intégrés qui révolutionnent l’industrie électronique mondiale.

L’un des facteurs décisifs de leur développement est la proximité de plusieurs universités de renom, comme Stanford et Berkeley. Stanford, en particulier, joue un rôle central, grâce à la vision de son doyen Frederick Terman, qui encourage ses étudiants et professeurs à commercialiser le fruit de leurs recherches, établissant ainsi une tradition d’entrepreneuriat académique, renforcée dès 1951 par l’ouverture du Stanford Research Park, une extension du campus offrant un écosystème favorable aux sociétés innovantes.

Quand l’innovation rencontre la politique

Un autre élément fondamental de ce succès est le financement par les fonds de capital-risque. Dans les années 1950, puis 1960, des sociétés d’investissement comme Sequoia Capital et Kleiner Perkins se constituent pour financer les start-up californiennes. L’essor du secteur est également soutenu par le gouvernement fédéral, qui passe à cette époque d’importants contrats avec diverses entreprises technologiques du cru afin qu’elles développent des systèmes de communication militaire et des outils de défense en lien avec les ingénieurs de l’armée logés dans les bases voisines. Ces collaborations ont été essentielles pour poser les fondations de l’industrie numérique moderne.

Bâtie par des enfants du baby-boom, la Silicon Valley devient vite un creuset d’idées progressistes et d’innovation, inspiré par une quête de liberté individuelle et de défi aux normes établies. Steve Jobs, cofondateur d’Apple, incarnera plus tard de façon éclatante cet état d’esprit, en adoptant en 1997 le célèbre slogan publicitaire « Think Different ». À l’époque ce n’était pas encore un slogan de pub pour des baskets ou pour les fast-foods.

Cette philosophie connaît également un succès politique majeur lors de l’élection présidentielle de 2008, durant laquelle les principaux boss de la Silicon Valley, en particulier ceux de Google, Apple et Facebook, soutiennent Barack Obama et appuient ses propositions en matière d’immigration, d’environnement et de justice sociale. En 2016, la candidate Hillary Clinton bénéficiera, elle aussi, de leur contribution financière, ainsi que des conseils de certains de ses dirigeants, au premier rang desquels Eric Schmidt (Google) et Sheryl Sandberg (Facebook).

Il faut dire que la réforme du code de l’immigration, prônée par le Parti démocrate, répond alors aux attentes des géants américains du Web, qui souhaitent attirer dans leurs effectifs les meilleurs talents étrangers. À quoi s’ajoute un fort engagement du secteur en direction de la communauté LGBTQ+, sous l’influence de Tim Cook, le PDG d’Apple, ardent militant de la cause, qui pousse ses pairs à adopter des pratiques « inclusives » dans leurs départements de ressources humaines et de marketing.

Sur le front climatique, c’est Elon Musk, le constructeur des automobiles électriques Tesla, qui est le fer de lance d’un mouvement en faveur des énergies renouvelables, alignant en cela la tech sur les objectifs environnementaux du Parti démocrate. Autre combat progressiste alors mené par les géants du secteur : la neutralité du Net et l’accès libre à l’information en ligne, promus par les services numériques utilisant le plus de bande passante, c’est-à-dire Netflix, Amazon (numéro un des serveurs informatiques avec sa filiale AWS) et Google (qui possède YouTube).

L’activiste politique Mario Savio s’exprime lors d’un rassemblement du « Free Speech Movement » sur le campus de
Berkeley, alors épicentre de la contestation de gauche aux États-Unis, juin 1969. Dans cette université qui forme
de nombreux ingénieurs de la Silicon Valley, le concept même de liberté d’expression est aujourd’hui contesté © AP Photo/Sal Veder/SIPA

Pourquoi la tech se détourne du camp démocrate

Mais au cours des années 2010, le secteur commence à amorcer un virage à droite, sous l’effet de plusieurs facteurs interconnectés. Le premier – et le plus fédérateur –, c’est l’intensification de la réglementation. Dès ses débuts, la tech américaine s’est placée sous l’horizon des valeurs libertariennes. Cet ethos, qui a été le moteur de son succès, nourrit un conflit structurel avec ceux qui voulaient lui imposer davantage de normes et de surveillance. Pour la plupart des acteurs du numérique, l’intervention des pouvoirs publics est perçue comme un obstacle au progrès. Se conformer par exemple à un texte de loi comme le California Consumer Privacy Act (CCPA) de 2018 entraîne pour eux de coûteux investissements qui freinent leur croissance.

Le cas d’Elon Musk est à cet égard éloquent. Sous l’administration Biden, le patron de Tesla en vient à s’opposer frontalement à la politique visant à interdire les technologies chinoises embarquées à l’intérieur de ses voitures de fabrication américaine. Dans le secteur de l’intelligence artificielle, c’est un autre dirigeant, Sam Altman (OpenAI), qui affiche lui aussi son allergie aux régulations prônées par le président démocrate. Alors qu’il reconnaissait jusqu’alors la nécessité de garde-fous éthiques, le voilà qui se lance dans une campagne acharnée contre la loi californienne SB 1047, dont le but est d’encadrer de façon stricte les activités de recherche et développement en plein boom dans l’IA.

L’administration Biden suscite également l’hostilité des géants du Web quand elle commence à remettre en cause la concentration du secteur. Pour les dirigeants des Gafam (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft), toute velléité « antitrust » représente une menace directe sur leur modèle économique. Ils n’en sont que plus séduits par Trump qui, au même moment, plaide au contraire pour le laisser-faire. Du reste, il leur avait laissé un bon souvenir avec les réductions d’impôts de son premier mandat.

IA et l’énergie : les nouveaux enjeux stratégiques

Enfin, l’IA en pleine croissance représente un défi énergétique majeur. Selon certaines estimations, les data centers pourraient consommer jusqu’à 8 % de l’électricité mondiale d’ici 2030, soit près de 5 fois la consommation annuelle de la France. L’avenir de la tech dépend donc de sources d’énergie abondantes, fiables et, surtout, abordables. Ce constat rend les solutions de Donald Trump plus séduisantes que les causes défendues par Greta Thunberg.

Résultat, les entrepreneurs technologiques de droite, qui forment la  « Right Tech », cessent d’être un phénomène marginal dans le secteur. Surtout quand leur précurseur, le discret milliardaire Peter Thiel – créateur de PayPal et soutien de Donald Trump dès 2016 – est rejoint en 2024 par l’éruptif Elon Musk, autoproclamé « Dark MAGA », comprenez éminence grise du nouveau président américain.

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Désormais la plupart des acteurs américains de la tech sont perméables aux mots d’ordre patriotiques de Trump, à son inquiétude devant la concurrence chinoise et à son souci de procurer à l’Amérique de l’énergie et des matières premières (notamment les fameuses terres rares indispensables pour fabriquer les puces électroniques) bon marché. Dans les milieux d’affaires, le principal porte-voix de ce nationalisme économique, frisant parfois l’impérialisme, est la star du capital-risque Marc Andreessen, connu pour avoir fondé Netscape et pour siéger dans le conseil d’administration de Meta, la maison-mère de Facebook, Instagram et WhatsApp.

Immigration, une ligne de fracture persistante

Une nuance de taille doit toutefois être introduite dans ce paysage. Comme dans tout courant de pensée, il existe plusieurs degrés d’adhésion au sein de la « Right Tech ». À côté de pratiquants fondamentalistes, comme Thiel, et de nouveaux convertis zélés, comme Musk, se trouvent des sympathisants plus nuancés, comme Zuckerberg, certes tout à fait disposé à cesser de soumettre Facebook au « fact-checking » (pour lui préférer une modération par les utilisateurs) et prompt à bannir les médias canadiens de sa plateforme pour contrer une récente loi locale obligeant les plateformes numériques à rétribuer les entreprises de presse. Reste que Zuckerberg a fondé en 2013 une ONG, FWD.us, très radicale dans la défense des immigrés. On comprend mieux pourquoi, pour l’heure, il se garde bien d’approuver les promesses trumpistes d’expulser les clandestins par millions.

La tech américaine a longtemps misé sur le fameux programme de visas H-1B pour attirer les talents étrangers qualifiés, considérant même ce système comme un pilier de sa compétitivité. Des entreprises comme Microsoft, Google et Meta ont même plaidé en leur temps pour des quotas d’immigration plus élevés, et ont vivement critiqué les politiques restrictives du premier mandat Trump.

Rares sont les entrepreneurs de la tech qui, dans le sillon de Peter Thiel, déplorent la dépendance du secteur à l’immigration et demandent que l’on embauche davantage d’employés américains. Sundar Pichai, le patron de Google, lui-même immigrant indien, a publiquement dénoncé les restrictions sur les visas H-1B, tout comme Satya Nadella, son homologue chez Microsoft, également né en Inde, ou comme Tim Cook, le PDG d’Apple, qui continue d’affirmer que l’accueil des étrangers fait partie de l’ADN de son entreprise, puisque le fondateur de celle-ci, Steve Jobs, mort en 2011, était d’origine syrienne.

On remarquera aussi la discrétion d’Elon Musk, pourtant omniprésent depuis des semaines aux côtés de Trump, sur le sujet de l’immigration. Lui-même citoyen sud-africain, et ayant un temps résidé aux États-Unis sans papiers, il semble mal placé pour s’exprimer dans ce dossier… Cependant, les relations entre un monarque et ses grands féodaux ne sont jamais simples. Si les trêves et les courbettes sont fréquentes, la paix permanente, elle, est beaucoup plus rare. Les États n’ont pas d’amis, les intérêts non plus.

Fraude et piratage: l’Arcom aux abonnés absents

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© Mourad_ALLILI/SIPA

La nouvelle plateforme de diffusion de la Ligue 1, DAZN, refuse de payer une partie des droits TV qu’elle doit, reprochant un manque d’investissement marketing des clubs et de la Ligue de football professionnel. Mais, le manque à gagner provient surtout de l’offre initiale à 30€/mois qui avait entrainé fraudes et piratage massifs. L’Arcom ne semble pas disposée à agir contre ces abus.


Le foot français est dans ses petits souliers (à crampons). Le groupe anglais DAZN qui a acheté les droits de retransmission du championnat de France ne veut plus cracher au bassinet de la Ligue de football professionnel (LFP), et traîne des pieds pour honorer ses engagements, faute d’un nombre d’abonnés suffisant et rentable.

Parmi les griefs du groupe anglais, le piratage des matches de foot, qui siphonne le réservoir des abonnés potentiels. Et le directeur général de DAZN-France, Brice Daumin, dans un entretien au Figaro, a dénoncé la passivité de l’Arcom, le gendarme du PAF (paysage audiovisuel français), qui les samedis et dimanches, jours de match, est aux abonnés absents : « L’Arcom, le régulateur de l’audiovisuel, ne travaille pas les week-ends. En Angleterre, on est capable de bloquer 10 000 liens en deux jours, en Italie, c’est 18 000. Et l’Arcom, c’est 5 000 par an. Autrement dit, l’Italie réalise en un week-end ce que l’Arcom met trois ans et demi à faire !1 »

Il faut dire que protéger les intérêts du foot n’est pas la préoccupation première de l’Arcom, Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. Plutôt que de traquer les pirates de l’audiovisuel, elle préfère poursuivre et sanctionner les chaînes qu’elle ne juge pas politiquement correctes ; C8 et Cyril Hanouna en ont fait les frais, qui après avoir été condamnés à de lourdes amendes, se font aujourd’hui lourdés du PAF, C8 n’étant plus autorisé à émettre… ses critiques contre le gouvernement.


  1. https://www.lefigaro.fr/medias/droits-tv-de-la-ligue-1-on-ne-resout-jamais-rien-devant-un-tribunal-estime-brice-daumin-directeur-general-de-dazn-20250212 ↩︎

L’homme, ce romantique…

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© D.R.

Aux États-Unis, l’IA est une alliée contre la solitude, offrant aux hommes seuls des partenaires robotiques sans revendications quant à la répartition des tâches. Après tout, la place du robot, c’est dans la cuisine…


Aux États-Unis, de plus en plus d’hommes sont célibataires. Si certains le sont malgré eux, d’autres ont fait le choix d’éviter les possibles inconvénients d’une vie de couple régie par les nouvelles sommations féministes sur la répartition de la « charge mentale » et le partage des tâches domestiques.

Bien sûr, certains jours, même le célibataire le plus endurci peut finir par regretter l’absence d’une épouse imaginée idéalement amoureuse, attentive et compréhensive. Le doute s’installe. L’homme s’interroge, hésite, finit par envisager la possibilité d’une vie de couple en bonne et due forme – avec tous les risques que cela comporte, selon lui. Que faire ? Que ne pas faire ? Un beau jour, une lueur d’espoir apparaît finalement sous la forme d’un prospectus publicitaire vantant les produits d’une entreprise ayant créé une gamme de robots humanoïdes issus de l’IA.

A lire aussi:

« Pour faire face à l’étourdissante épidémie de solitude », Realbotix propose en effet des « robots-partenaires romantiques ». Pour 12 000 dollars, le client peut obtenir, pour l’installer par exemple sur la table de sa cuisine, le buste d’une ravissante jeune femme capable de converser avec lui pendant qu’il dîne. Le modèle de luxe – prévoir 175 000 dollars ! – bouge, parle, « se souvient de qui vous êtes, peut agir comme une petite amie et avoir des conversations de nature intime », assure Realbotix.

L’entreprise de robotique affirmant, par ailleurs, pouvoir reproduire des célébrités, le célibataire se prend à rêver. Il imagine une idylle avec le sosie androïde d’une actrice qu’il admire. Il n’est d’ailleurs pas impossible que cela finisse par un mariage : « Dans les deux ou trois prochaines décennies, certains États, au moins aux États-Unis, autoriseront les mariages avec les robots », prédit David Levy, auteur du livre Love and Sex with Robots.

Mais… des féministes radicales annoncent d’ores et déjà qu’elles veilleront à ce que ces nouveaux phénomènes ne perpétuent pas les « fantasmes sexuels agressifs » des hommes et les inégalités dans l’espace domestique. Décidément…

Love and Sex with Robots: The Evolution of Human-Robot Relationships

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