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Nadal : partir un jour

Un billet de « Monsieur Nostalgie »


Nadal : partir un jour
Hommage à Rafael Nadal au tournoi de Roland Garros, Paris, 25 mai 2025 © CHRISTOPHE SAIDI/SIPA

Hier, Rafael Nadal nous a montré, une fois de plus, sa bonne éducation, avant de tirer sa révérence sur le Central dans ce tournoi de Roland-Garros tant de fois gagné qui lui colle à la peau. Désormais, le court portera à jamais son empreinte et son palmarès s’apprendra dans les livres d’Histoire…


Quand un étranger déclare sa flamme à la France, à son peuple et aux Parisiens, on se dit que tout n’est pas foutu et que nos compatriotes seraient bien inspirés de l’imiter parfois. Que notre vieille carcasse hexagonale brille encore dans les yeux d’un Majorquin couvert de victoires ; il avait jadis les cheveux longs et les biceps saillants, aujourd’hui, il porte le costume noir et la mèche éparse, son fils dans les tribunes avait enfilé une marinière bretonne pour l’occasion, ses parents, son oncle, sa sœur, les cousins, l’« abuela » et Xisca, l’épouse brune au regard tendre, toute la famille des Baléares était hier dans les tribunes du Chatrier pour saluer l’enfant prodige ; le public était aux anges.

Sacré caractère

Hier, on a pris une leçon d’éducation à l’espagnole. Une claque dans un pays où l’autoflagellation est discipline olympique. Ou d’éphémères ministres voulurent le salir. Quel autre sportif de son pedigree, celui d’une légende, est capable de remercier simplement, sincèrement, aussi naïvement. Lui, on le croit. Hier, ses mots ont touché. Rafa est une star, il connaît parfaitement les ressorts de son sport-business, la communication, les sponsors, les contrats, les institutions fédérales et la gestion d’un sport exercé à son plus haut niveau pendant toutes ces années, devant les caméras du monde entier et les réseaux, ce barnum n’a pas entamé sa gentillesse qui n’est pas ici faiblesse, sa politesse qui n’est pas une manœuvre. La vérité de cet Homme est transparente. Oui, Rafa est un garçon poli qui a la larme facile, il n’a pas perdu son âme dans de fausses confidences comme tant de vedettes, alors que les sollicitations, les pièges, la douleur physique et les attentes ont pavé sa carrière. Ce ne fut pas un long fleuve tranquille malgré l’énormité des trophées accumulés. Pour ceux qui estiment qu’il en a fait trop hier, qu’ils regardent attentivement les premières images de son apparition Porte d’Auteuil, il était exactement le même. Timide et conquérant. Réservé et sensible. Déterminé, il l’était plus que quiconque et on savait cependant qu’il ne marcherait pas sur ses adversaires par des méthodes déloyales. Avant chaque quinzaine des Internationaux de France, on savait que Rafa ne se ferait pas remarquer par des agressions verbales ou de l’antijeu. Chacun son style. Chacun son caractère. D’aucuns trouveront que cette image de bon fils manque de sel, de panache et de souffre. Comme Julio Iglesias, Rafa n’a pas changé. Il exprimait sa hargne, son corps en a fait si souvent l’amère expérience, il l’a usé jusqu’à la corde, sur le court. Nulle part ailleurs. Ni en polémiques, ni en sautes d’humeur.

À relire : La tactique pour battre Nadal à Roland Garros

Une machine

Rafa n’est pas un « bad boy » du circuit, c’est un gentleman. Sur son île, le tennis professionnel demeure un jeu. Hier, cet hommage national, dans son arène, sans fioritures, en présence de l’élite de son métier, Roger, Novak, Andy et les « petites mains » de Roland, était comme une réunion de famille. Rafa n’a pas craché sur la couronne, ni sur notre République qui l’a vu naître sportivement, c’était à la bascule millénaire, du côté de Tarbes, au tournoi des Petits As, avec son camarade, Richard Gasquet, le prince de Béziers.

Depuis, il a beaucoup gagné sur terre battue, son prénom raccourci est devenu un diminutif, son rituel avant de servir, longtemps moqué, est enseigné dans les écoles, son engagement à frapper toutes les balles est un modèle de volonté. Ce sacerdoce n’était pas feint. Quand il rentrait sur le court, le public avait l’intime conviction que ce joueur-là ne s’économiserait pas. Dès l’échauffement, la puissance et la vitesse, la précision et la vista se mettaient en mouvement. La machine était lancée. L’aura d’une star se mesure à la fébrilité des spectateurs. Nous avions le trac. Une onde étrange parcourait cette cuvette désormais étanche, nous étions émus de le voir jouer. Hier donc, tout était « tradi », le cadre immuable de cet Ouest parisien qui se réveille à la fin du mois de mai avec ses belles allées, ses hôtesses accortes, ses admirables ramasseurs ; le parfum des examens dans l’air, une romance en cinq sets, il ne manquait plus que Chaban-Delmas se promenant dans le village et on se serait cru au siècle dernier. Hier, un Espagnol, un hidalgo de haute lignée, fit allégeance à notre pays. À notre tour de lui dire merci.




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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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