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Mon séjour à Sainte-Anne

Le Moi de Basile


Mon séjour à Sainte-Anne
Basile de Koch Photo: Hannah Assouline

 


J’ai passé trois semaines, de mon plein gré, dans cet asile de paix pour urbains stressés, dépressifs et out-burnés. Ça valait bien une double page de publicité.


Un vrai calvaire

L’église Notre-Dame de Sainte-Anne (Martinique), régulièrement détruite, brûlée et reconstruite depuis un demi-millénaire, n’en a pas moins été classée « monument historique » et reste fort bien achalandée ma foi, par rapport à des métropolitaines de même calibre. Quant au Calvaire, c’est loin d’être un simple lieu-dit : le lieu de culte le plus fréquenté de la région. En septembre, ils sont des milliers à y accomplir le pèlerinage de la Salette, si ça te dit quelque chose.

Sur la place de l’église, un panneau fléché indique aux touristes « Chemin du Calvaire ». Juste en dessous un autre, deux fois plus grand et en lettres capitales, avertit : « EN CAS DE TSUNAMI, DIRIGEZ-VOUS VERS LE CALVAIRE » ; le tout illustré d’une énorme vague menaçant d’engloutir un innocent baigneur. De quoi frissonner, voire regretter Center Parcs… Mais on se calme ! Des tsunamis à Sainte-Anne, jusqu’à présent il n’y en a jamais eu, et en attendant, personne n’a l’air de trop s’en préoccuper.

Une oasis de paix

Sainte-Anne est un charmant petit bourg à l’écart des tumultes. Loin des grandes villes, des centres commerciaux et de ces nationales qui coupent en deux le littoral, non sans provoquer à l’occasion des embouteillages à la Hidalgo.

Sainte-Anne, en Martinique (vue partielle) © D.R.
Sainte-Anne, en Martinique (vue partielle)
© D.R.

Ici, rien que la D9 et, au bout, cette communauté essentiellement paisible. Même les vieux bisons bourrés, enrhumés jusqu’à la moelle, savent chalouper entre les passants sans rentrer dans aucun. Et les jeunes dealers à scooter sont plutôt cools, même quand t’es pas client ; à part peut-être entre eux, mais c’est la dure loi du marché noir qui veut ça. Legalize it !

Quant aux hooligans qui m’ont piqué mon sac à dos sur la plage, ils ont quand même eu la délicatesse d’y laisser l’essentiel : mes papiers. Après avoir pris ce qui nous intéressait en commun, ils ont balancé le sac Quechua sur la route, où des touristes charitables l’ont trouvé et me l’ont rapporté – refusant même l’argent ou la beuverie que je leur proposais en récompense de leur B.A. Des cathos, sans doute.

Bilan des pertes : une batterie mobile pour smartphone, un Thermos plein, et surtout un superbe maillot de bain Vilebrequin tout neuf. Avec ses prix prohibitifs, autant le savoir, cette marque est l’unique moyen d’afficher son standing sur les plages, grâce à une large étiquette cousue dans le dos à cet effet.

Plus snob que Berluti, la maison se flatte de ne jamais faire de soldes. En France peut-être ; mais sur le port d’Hydra (Grèce), j’avais récemment trouvé d’authentiques soldes Vilebrequin à 50 %, et acheté sur-le-champ un maillot jaune canari, aussi discret que la marque elle-même. Frimer à moitié prix, ça double le plaisir.

Je comptais bien inaugurer ici ce signe de reconnaissance entre gens de qualité ; mais bon, j’ai pris l’affaire à la martiniquaise… Non sans me consoler en imaginant l’horrible grimace de mes chapardeurs,goûtant le contenu de mon thermos. Là où ils s’attendaient peut-être à trouver un Planteur bien frais, voire un thé au cannabis bien chaud, ils ont eu droit à ma traditionnelle infusion au thym. « Pouah ! » comme dirait Haddock.

Ma plage de baby-boomer

Autre atout de Sainte-Anne : elle baigne dans la mer des Caraïbes qui, comme chacun sait, est plus pacifique que la côte Atlantique. Là-bas, les éléments déchaînés font souvent la joie des surfeurs et autres amateurs de vent et de vagues. Moi, j’aspire seulement à pratiquer en toute quiétude mon sport de baby-boomer, sans risque d’être submergé par des vagues géantes u emporté par le courant.

Comme on dit ici, panipwoblem pendant mon aquagym : d’abord la natation (brasse de chien et dos-crapaud), puis une bonne marche dans l’eau jusqu’à la ceinture, en faisant attention de bien lever les genoux à chaque fois. Au bout de deux heures de ce régime, je suis épuisé mais content, et j’ai bien mérité un ti-punch.

J’ai donc choisi Saint-Anne aussi pour sa plage, Port-Marin. Au lieu de passer des heures sur Tripadvisor, j’ai simplement regardé où se trouvait le Club Med local. Bingo ! « Les Boucaniers » sont bien là, à l’extrémité nord de la plage. Ces gens-là connaissent les bons coins à champignons.

En ce qui me concerne, une fois ici, pas question de bouger. Notez bien, je ne critique pas les gens qui veulent « faire la Martinique » ; juste l’expression, un peu grotesque entre nous. Pour le reste, chacun son sale goût. Moi, ici, j’ai tout ce qu’il me faut, y compris sur le plan humain. Les îliens, de souche ou pas, sont généralement spontanés et chaleureux ; plus en tout cas que leurs cousins guadeloupéens, qui visiblement m’en veulent encore…

Un exemple au hasard, mais heuristique quand même : mon fils et moi avons été reçus fort aimablement par le maire de Sainte-Anne.

Lors d’une promenade dans le bourg, nous avions entendu l’écho de musiques locales ; elles venaient de la mairie, organisatrice du concert. On y est allés, bien sûr, puisqu’on « faisait » Sainte-Anne à défaut du reste de l’île. N’empêche qu’au début on se sentait un peu isolés, dans cette assemblée en tant que « whites », « blancos », etc. C’est le maire en personne qui nous a mis à l’aise. Il est venu nous accueillir et on a bavardé agréablement, tandis qu’il nous servait à boire et qu’on trinquait ensemble. Bref, il nous a traités en hôtes de marque, bien qu’on ne vote même pas dans sa circonscription. Forcément, ça m’a marqué : en trente ans, je n’ai jamais été reçu à la mairie de Saint-Tropez, et une seule fois dans celle du 15e, pour mon mariage.

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Février 2020 - Causeur #76

Article extrait du Magazine Causeur




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