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Mélenchon : la chute finale


On sait à peu près ce qu’il adviendrait si – pardon, on sait ce qu’il adviendra lorsque que Jean-Luc Mélenchon arrivera au pouvoir, comme il l’a annoncé dans son discours du Prado, où il affirma fièrement que « le gouvernement du Front de gauche viendra ».

Ce qui arrivera, il nous l’a dit : lors d’un récent entretien accordé aux Inrocks (son cœur de cible), il déclarait que son ambition était « de faire des choses à la hauteur de (ses) rêves de jeunesse et de ceux de (ses) contemporains. Il y a des gens comme moi qui n’ont jamais cessé de croire qu’on pouvait construire un paradis, ici et maintenant. ». Le paradis terrestre, voilà donc ce que propose Méluche, non sans assurer qu’au préalable, sa « tâche consiste à refonder le socialisme historique régénéré par l’intelligence de l’écologie politique. Le pain noir de la gauche, c’est fini ! » Car notre nouveau Marx est aussi un nouveau prophète, qui annonce la venue de l’Aube nouvelle et des lendemains qui chantent : « A partir d’aujourd’hui, il y a chaque jour un peu plus de lumière. » Des formules qui ont dû impressionner les lecteurs bien-pensants du magazine de Matthieu Pigasse, mais qui manquent un peu de précision. Par bonheur, Méluche n’est pas chien, et il n’hésite ni à détailler ce que sera ce paradis terrestre (cf L’Humain d’abord, comme dans les publicités de la GMF), ni à se trouver des références époustouflantes : le Cuba de Castro, par exemple, décrit comme « le foyer qui maintient l’idée, le rêve éveillé de pouvoir construire quelque chose de différent, et qui continue à avancer, malgré tous les problèmes matériels auquel elle est confrontée ».

Voilà pour le grand soir : « un printemps ininterrompu», promettait Mélenchon au Prado en citant Jean Ferrat. Mais en attendant ? Là, c’est le mystère, et les commentateurs, jusqu’aux docteurs es-Méluchisme les plus affutés, se bornent à avancer – en cas de victoire de François Hollande -, deux ou trois hypothèses, également possibles, mais pareillement incertaines.
Première hypothèse, Mélenchon se range et accepte, toute honte bue, quelques jolis maroquins pour lui et pour ses proches, en échange de son ralliement « républicain » au Capitaine de pédalo. Comme de juste, le tribun des plages a déclaré à qui voulait l’entendre que jamais, au grand jamais, il n’accepterait d’entrer dans un gouvernement qui ne serait pas le sien. Dans son entretien aux Inrocks, Il affirmait d’ailleurs que son « ambition » n’était « pas le pouvoir (…) Je suis dans un autre degré d’ambition ». Mais on a déjà vu des politiciens ne pas respecter strictement leurs promesses – de même que l’on a déjà vu Mélenchon siéger dans un gouvernement qu’il ne dirigeait pas. Il est vrai que le premier ministre de l’époque, Lionel Jospin, venait lui aussi de la mouvance lambertiste, ce qui n’est pas sans créer des liens. Bref, l’hypothèse n’est pas tout à fait absurde, d’autant que Méluche est resté suffisamment longtemps dans les Palais de la république – dont vingt ans au Sénat – pour y prendre certaines habitudes. Et qu’en outre, tel serait pour lui le meilleur moyen de peser de façon significative sur les orientations politiques de la gauche.

Deuxième hypothèse : Mélenchon décide de tenir sa promesse, et de se la jouer chef de bande. Mais pour le faire de façon sérieuse, pour pouvoir influencer en profondeur le jeu politique, il lui faudrait bénéficier d’outils suffisamment puissants, efficaces et rôdés : parti, groupe parlementaire, relais locaux, etc. Et pour cela – Mélenchon étant un homme pressé qui n’a ni le temps ni le goût d’attendre-, une seule solution : phagocyter le PCF au sein du Parti de Gauche, sinon destiné à rester un groupuscule sans impact, un costume beaucoup trop étroit pour la nouvelle carrure de son homme fort. La tâche serait évidemment délicate – mais ô combien exaltante pour un ex-trotskiste, qui a dû longtemps rêver de venger les purges staliniennes, le martyre du POUM et le pic à glace meurtrier de Ramon Mercader. En somme, quoi de plus tentant que de faire disparaître le vieux PCF héritier du stalinisme en l’absorbant dans une structure conduite par un ancien de la IVème Internationale ? Une tentation que semblent confirmer les relations plutôt ambiguës entre le leader du Front de gauche et le parti du peu charismatique Pierre Laurent – malgré la volonté acharnée de sauvegarder les apparences… Ou encore, l’appel aux syndicats pour le 1er mai formulé dans le discours du Prado, Mélenchon se déclarant disponible, si les syndicats le veulent, pour participer à un « 1er Mai stupéfiant d’unité et de puissance ».

Troisième et dernière hypothèse, la voie étroite du Bayrouïsme. Elle consisterait, après avoir frôlé les 20 % au premier tour des présidentielles sans pour autant accéder au second tour, à se croiser les bras et à se dire que la prochaine fois sera la bonne – laissant le jeu politique se dérouler sans y intervenir directement, et sa base électorale s’effilocher au fil des années. Gageons que Mélenchon est trop matois, trop gourmand et trop ambitieux pour se laisser aller à cette tentation-là.
D’où l’on peut supposer qu’il hésitera plutôt entre les deux précédentes solutions, le retour au bercail et un titre de ministre d’État, ou l’OPA sur le Parti communiste. Ce qui veut dire qu’avant le Grand soir, Méluche aura l’occasion de se salir les mains. Même s’il n’a pas de mains.



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est né en 1964. Il est professeur de droit public à l’université Paris Descartes, où il enseigne le droit constitutionnel et s’intéresse tout particulièrement à l’histoire des idées et des mentalités. Après avoir travaillé sur l’utopie et l’idée de progrès (L’invention du progrès, CNRS éditions, 2010), il a publié une Histoire de la politesse (2006), une Histoire du snobisme (2008) et plus récemment, Une histoire des best-sellers (élu par la rédaction du magazine Lire Meilleur livre d’histoire littéraire de l’année 2011).

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