Frère-la-Colère aime Péguy et les grives musiciennes. Il aime les montagnes, les écuries, les forêts et les églises. Frère-la-Colère aime le vin, le silence et quand Paris se souvient d’elle-même et se couvre à nouveau de barricades. Frère-la-Colère aime la joie déchirée des accordéons. Il aime les marmottes et la guérilla mobile contre la police et l’armée dans toutes les villes du pays. Les nuits et les matins d’hiver, il aime se plonger nu dans l’eau glacée des torrents. Il n’aime guère les banques mais considère en revanche les crottes de lapin comme des « joyaux de la Création ».
Frère-la-Colère est la figure de proue du Mouvement qui, depuis des mois, met la France à feu et à sang. Il enregistre et diffuse sur Internet des vidéos dans lesquelles il appelle le peuple français à l’unité et aux armes contre le gouvernement et le capitalisme. Frère-la-Colère est un homme charmant mais qui, visiblement, n’a pas suffisamment lu Lao Tseu. Voilà une erreur aussi impardonnable que celle d’ignorer Péguy, contre laquelle il réprimande à raison Joseph Victor, son tout nouvel employé. Avec l’aide inappréciable de Lao Tseu, peut-être eût-il judicieusement étendu au profit des êtres humains sa sévère interdiction de l’usage des armes à feu contre les marmottes.
Joseph Victor ? Pour faire abattre le président de la République française, Frère-la-Colère a bien eu raison de faire appel à lui. Sans quoi nous ne saurions rien de ses aventures, puisque Joseph est le narrateur du Dernier contrat, d’Olivier Maulin.