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Olivier Maulin, l’enchanteur picaresque

"Le temps des loups" (Cherche-Midi, 2022)


Olivier Maulin, l’enchanteur picaresque
L'écrivain Olivier Maulin © Louise Maulin

Le romancier est de retour avec un polar vosgien insolent et poétique.


Auteur d’une dizaine de romans picaresques, Olivier Maulin est, je l’ai dit naguère, un drôle de pistolet, qui doit beaucoup à la farce médiévale. Ses romans, pleins d’une truculente poésie, font songer aux livres d’Henri Vincenot et son style peut parfois se révéler célinien. 

Il y a chez lui, dans les œuvres comme dans sa manière d’être, un je-ne-sais-quoi de féodal et de déjanté qui suscite une immédiate sympathie. Maulin aime Léautaud, ce qui est toujours bon signe. Et, par-dessus le marché, il est devenu royaliste le jour où il a serré la main de Baudouin, le roi des Belges en visite officielle à Paris.

C’est dire ma joie quand j’ai reçu Le Temps des loups, son dernier roman que publie le Cherche-Midi dans sa nouvelle collection Borderline, qui allie (sous des couvertures kitsch) mauvais esprit et totale liberté de ton. 

D’emblée, Maulin tape fort pour éloigner les mauvais lecteurs, les lappeurs de soupe, les perroquets qui ânonnent les catéchismes des bulletins paroissiaux de l’actuelle bien-pensance : « vieilles biques, coureuses d’expositions, fieffées salopes culturelles responsables du désastre ». 

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Sa chanson de geste débute lors d’un salon du livre dans un bled des Vosges, où se retrouve l’habituel gibier littéraire : écrivains hyper-subventionnés vagabondant aux frais du contribuable d’ateliers pédagogiques en résidences d’auteur (et d’autrice),  romanciers alcooliques, polardeux humanitaires, pseudo-prodiges de moins de trente ans (« je suis une putain libérée, mais toujours soumise ») et, cerise sur le gâteau, Samantha Sun Lopez, illustre star américaine aux sept millions d’exemplaires vendus. C’est justement cette dinde que trois crétins hypersoniques du coin, les frères Grosdidier, veulent chloroformer et kidnapper pour toucher le gros lot. Heureusement pour nous, ils se trompent de proie et n’enlèvent que Blanche, la barmaid de la buvette. La suite dans ce désopilant roman.

L’un des écrivains de ce salon, Yvon Pottard, joue un rôle dans le déclenchement des opérations. Victime d’un commando de « féministes intersectionnelles », il prendra sa revanche en devenant l’historien officiel du royaume néo-médiéval et pagano-chrétien des Vosges qui surgira du chaos dans laquelle sombre la République, dont la devise pourrait être : « réhabiliter l’obscurantisme, revenir aux forêts hantées, aux prières collectives à la Vierge Marie et aux ballets des fées sur les landes embrumées ». Outre une sympathique société secrète de francs-bûcherons, le lecteur croisera un jeune chevelu aux mains trouées qui tente de rallier les loups à sa croisade – Jésus en personne, plutôt lucide sur son image contemporaine (« aujourd’hui, je passe pour un petit plaisantin amateur de table rase, apôtre du chaos et du déracinement qui ne sait que laver des pieds et tendre l’autre joue ») et un tantinet critique à l’égard de l’actuel pape : « grand dadais des pampas, mangeur de foin de la Patagonie, jésuite bipolaire ahuri à calotte, guanaco mitré aux dents de lapin qui vend l’Europe pour trente deniers »

Je ne résiste pas au plaisir coupable de citer cette charge contre l’abstraction : « Ce sont les morts qui nous gouvernent (…) On n’est pas des petits individus partis de rien, capables de tout. On appartient à une histoire qui nous dépasse, qui a fixé nos conduites dans ses grandes lignes sans qu’on le réalise, qui nous fait agir « naturellement » alors qu’on est pétris par les siècles ! ». 

Une fois de plus, Olivier Maulin réenchante le monde avec ses chevaliers et ses loups garous. 

Olivier Maulin, Le Temps des loups, Cherche-Midi, 322 pages.

Le temps des loups, prix des Hussards 2023

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écrivain et critique littéraire belge. Dernier livre : Les Nobles Voyageurs (Le Nouvelle Librairie, 2023)

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