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Mariage homo : de quel droit ?


Mariage homo : de quel droit ?

Les associations d’homosexuels ont donc feint, comme l’on pouvait s’y attendre, d’être « déçues » par la décision du Conseil constitutionnel du 28 janvier 2011 constatant que la Constitution française n’impose nullement d’ouvrir la possibilité de se marier à deux individus du même sexe. Nulle personne sensée n’avait pourtant imaginé que l’institution de la rue Montpensier, que l’on dit composée de « Sages », allait se mettre soudain à faire divaguer la Constitution, comme le fait souvent la Cour européenne des droits de l’homme en livrant de la Convention du même nom des interprétations pour le moins constructives et fantaisistes. Il se trouve d’ailleurs que la Constitution française est absolument muette sur le mariage et que son article 34 se borne à renvoyer à la loi le soin de « fixer les règles concernant l’état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux et les libéralités ».

Mais les avocats des deux lesbiennes requérantes et des associations qui les soutiennent y sont évidemment allées de l’éternelle rhétorique victimaire utilisée par toutes les militances catégorielles pour demander au Conseil de mettre un terme à l’odieuse discrimination dont seraient victimes les homosexuels du fait d’une législation civile attentatoire au principe constitutionnel d’égalité des citoyens devant la loi.

Seulement, la question juridique n’est, en l’occurrence, pas du tout celle-là. La loi française, en effet, ne prive pas une catégorie de personnes de l’accès à un « droit » qu’elle aurait créé. Il se trouve que le mariage n’a jamais été conçu autrement qu’entre un homme et une femme, seuls capables d’engendrer, et qu’il ne se définit donc pas en dehors d’une relation hétérosexuelle. Il est exclusivement la consécration institutionnelle de celle-ci. Ce que résumait Renaud dans une jolie chanson : « Même si j’étais pédé comme un phoque, je n’serais jamais en cloque. »

Le monopole hétérosexuel du mariage n’est donc pas le fruit d’une législation arbitraire, discriminatoire et « hétérocentriste », il est tout simplement sa définition même, de telle sorte que Jacques Chirac n’avait souffert d’aucune « absence » en parlant de « parodie de mariage ». Il ne peut s’agir que de cela, en effet, et les images du fameux « mariage de Bègles », évoquant celui de Thierry Le Luron et de Coluche, semblaient sorties de ces peintures haïtiennes représentant les mariages burlesques des carnavals antillais.

La loi française n’est donc pas discriminatoire, le traitement différent de situations différentes n’étant évidemment pas prohibé par le principe d’égalité, sauf à prétendre aussi abroger la condition d’âge nubile, autrefois fixée à la puberté et aujourd’hui à la majorité. Ce que veulent les militants homosexuels, c’est tout simplement faire changer le sens même du terme de mariage pour lui faire dire ce qu’il n’a jamais pu vouloir dire.

La question fondamentale est donc celle du sens et de la fonction du droit dans une société. Sans doute le droit sait-il depuis longtemps créer des fictions dont l’adoption est l’exemple type, mais il s’efforce toujours de les rendre vraisemblables et de ne pas s’écarter de la réalité possible. Faut-il aller toujours plus loin dans l’artificialisme en satisfaisant toujours plus de revendications aberrantes au nom d’un prétendu « progrès » et de la reconnaissance de droits illimités ou refuser rationnellement l’institutionnalisation de ce qui n’est tout simplement pas vraisemblable ?

Dans un article du 3 juillet 2010 consacré aux passions de certains individus pour leurs animaux domestiques, le journal Marianne faisait part du mariage d’un individu humain de sexe masculin avec sa chatte prénommée Cécilia. L’on sait, en effet, que des juristes anglo-saxons s’interrogent sur les moyens de léguer un héritage à un animal tandis que le mouvement de l’écologie profonde réclame, derrière l’américain Peter Singer, la rédaction d’une Déclaration universelle des droits des grands singes. Le Traité de Lisbonne a amorcé un pas en ce sens en stipulant que « l’Union et les États-membres tiennent pleinement compte des exigences du bien-être des animaux en tant qu’êtres sensibles ». Il y a fort à parier que les militants de la libération animale ne s’arrêteront pas là, d’autant que certaines légendes racontent que les singes seraient capables d’élever, à défaut d’éduquer, un enfant humain.

Nul doute qu’après la décision du Conseil constitutionnel, les associations d’homosexuels reprendront leur harcèlement en direction du législateur, tout comme le lobby mortifère du « droit de mourir dans la dignité » qui reprend sans relâche sa « lutte » après chaque refus essuyé. Dans son livre intitulé Quand les minorités font la loi (« Les voies du droit », PUF, 2002), la juriste canadienne Andrée Lajoie a montré comment la tyrannie des minorités s’exerçait complémentairement dans les prétoires et les hémicycles. On s’en remet donc désormais au politique non sans avoir d’abord paradoxalement obtenu de celui-ci qu’il interdise le débat démocratique en incriminant pénalement les arguments adverses qualifiés de sexistes, homophobes, handiphobes ou autres. Le débat politique avec les « Khmers roses » (François Devoucoux de Buysson, éditions Blanche, 2003) a donc toutes les chances de se transformer en monologue agressif et sectaire.



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Juriste spécialiste de droit constitutionnel, professeur de droit public à l’Université de Rennes I

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