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De Macron à Podemos, les mirages de la société civile


De Macron à Podemos, les mirages de la société civile
Eduardo Munoz Alavarez ; Sipa. Numéro de reportage :00792983_000008. Sipa. Numéro de reportage : 00777706_000003.
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Emmanuel Macron, Pablo Iglesias et Alexis Tsipras. Photos: Eduardo Munoz Alavarez ; Sipa. Numéro de reportage :00792983_000008. Sipa. Numéro de reportage : 00777706_000003.

La société civile est aujourd’hui parée de toutes les vertus qu’aurait perdues le monde politique. Ses membres – auto-désignés – sont flattés par les médias tandis que les élus sont censés cumuler (en plus de leurs mandats) malhonnêteté, incompétence et clientélisme ! Qui appartient d’ailleurs à la « société civile » ? Celui qui n’a jamais été élu et qui candidate ? Par définition, c’est le cas, au départ, de tous les élus ! Celui qui s’affranchit des partis politiques alors que la Constitution (article 4) reconnaît leur rôle et définit les conditions de leur légalité (« le respect de la souveraineté nationale et de la démocratie ») ? Le chef d’entreprise, le « zadiste », le « pétitionnaire », le chanteur, le public d’On n’est pas couché ?

La réalité est simple : est aujourd’hui baptisé membre de la société civile celui qui conteste la démocratie représentative mais cherche à peser sur la vie politique ou… à se faire élire, en enfilant le manteau de la probité et de la compétence !

Les avatars de la « société civile »

Quelques exemples étrangers illustrent pourtant les avatars de la « société civile » : le maire de Rome, issu du Mouvement 5 étoiles, apôtre de la transparence et de la sobriété, est embourbé depuis son élection dans des affaires de corruption, de conflits d’intérêts et de cupidité de son équipe.

En Grèce, le chantre de l’insurrection populaire, Alexis Tsipras, s’est finalement couché devant les exigences du FMI et de la Commission européenne. Les « Indignés » espagnols de Podemos ont perdu les élections. Le « Printemps » tunisien des libertés a ouvert les portes de la présidence à un islamiste puis à un très vieil homme.

Qu’est-ce qu’apporte la société civile en France ? Beaucoup à travers les associations, viviers de générosité ; mais le bénévolat s’essouffle quand il ne meurt pas de vieillesse. Son bilan est plus contrasté en politique : Simone Veil était inconnue du grand public quand elle a été nommée en 1974 ministre de la Santé. Puis elle s’est fondue dans le moule. Coluche ? Soutenu par le promoteur du « mouvement social » Pierre Bourdieu, il s’est effondré. Jacques Attali ? Même François Mitterrand ne lui confiait aucune responsabilité. Hulot ? Se soumettant aux primaires écologistes, il a été balayé. Tapie ? Une vie d’« affaires » ! Le professeur Schwartzenberg ? Quelques jours au gouvernement. Les succès de Thierry Breton, qui fut d’abord un remarquable élu local, ne peuvent dissimuler l’échec de Francis Mer à s’acclimater à la vie politique.

La représentation n’est que le « miroir brisé de la Nation »

La société civile se nourrirait de la « démocratie participative ». Laquelle ? Celle qui conteste à Notre-Dame-des-Landes par la violence les décisions des pouvoirs publics approuvées par un référendum local ? Elle serait stimulée par le numérique : l’observation des déchaînements de haine et de bêtise sur les réseaux sociaux invite à la prudence…

La démocratie représentative, elle, est un bien précieux : elle est issue d’un cadre légal et légitime et du libre choix des électeurs. Elle fait office de filtre des passions humaines. Pas assez « représentative » la démocratie ? Mais de qui ? La représentation n’est que le « miroir brisé de la Nation », selon le mot de Gambetta, certes. Mais la République est « une et indivisible ».

La démocratie représentative serait ainsi en crise. Sans doute ; mais comme les syndicats, les associations, le monde lui-même ! Les partis politiques attirent peu, c’est vrai, à l’exception de militants dévoués, habités par une passion. S’ils sont désertés, c’est sans doute que la droite et la gauche n’ont pas toujours fait la politique de leurs électeurs ! Mais qui veut prendre le risque de mettre entre parenthèses sa vie personnelle et professionnelle ? Qui est prêt à endurer en politique ce que l’on refuse justement dans sa vie « normale », le regard injuste ou sectaire, même si l’on a bien fait ? Si la politique est une passion, elle est bien aussi un sacrifice. Le mot passe mal dans une société hédoniste. Il est suspect. Il doit cacher des turpitudes et autant de bénéfices hypocrites ! Je mesure l’ironie du lecteur qui ne sait rien de la vie d’un maire, qui demande à ses élus d’être partout au même instant et que leurs familles attendent en vain, le soir, pour passer à table. Et quelle patience faut-il éprouver pour écouter ceux qui vous assènent les recettes d’un monde à refaire ! Des élus qu’aucune rumeur positive n’a jamais câlinés, soumis à l’imagination réglementaire sans limites des Administrations et aux risques judiciaires, obligés de dire « non » à ceux qui les ont soutenus, et « oui » à des adversaires acharnés !

La politique n’est pas un métier mais…

Le mandat parlementaire se nourrit justement de cette vie et de ces responsabilités locales où l’on s’efforce de marier l’anticipation et le soin apporté aux innombrables détails de la vie quotidienne des gens. L’opinion sait-elle qu’avec la fin du cumul des mandats, entérinée pour lui faire plaisir, on renforcera le poids des administrations de l’État et des partis parisiens ? La culture hors-sol est aussi mauvaise pour les élus que pour les plantes !

En revanche, nul n’a jamais voulu interdire le cumul des fonctions de tant d’autres acteurs de la « société civile » ! Nul ne trouve à redire au fait que le « quatrième pouvoir » déploie ses talents dans plusieurs médias à la fois, dans des universités, des maisons d’édition, des consultations d’entreprises, des instituts de sondage !

La politique n’est pas un métier ; mais ses missions doivent être assurées évidemment avec professionnalisme. Beaucoup de progrès dans la vie des Français sont issus des réussites des élus locaux qui équilibrent, souvent, les erreurs de l’État… Nombre de parlementaires sont exceptionnels et leurs travaux méconnus.

Seule la passion du bien commun permet de surmonter les difficultés techniques et psychologiques d’une vie où les sentiments sont exacerbés. Les élus ne réclament pas la pitié. Simplement le même respect qu’ils éprouvent pour ceux qui leur font confiance, et qu’ils attendent aussi des donneurs de leçons de morale qui, au nom d’un concept creux – celui de la société civile – ne sont pas toujours eux-mêmes des parangons de vertu.



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est maire de Lavaur et ancien député LR.

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