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Macron: un programme de milliardaire

Les promesses électorales n’engagent que ceux qui les reçoivent


Macron: un programme de milliardaire
© Francois Mori/AP/SIPA

Lui qui compte parmi les présidents les plus dépensiers de la Ve République, il propose un programme non crédible et hors de prix. Même Dominique Seux des Echos ou les journaux L’Opinion et Le Point, peu suspects d’anti-macronisme primaire, ne sont pas convaincus ! Revue de détail.


Pour essayer de comprendre le programme électoral du candidat Macron, il faut d’abord lire attentivement la brochure qui a été distribuée à des millions de Français dès la troisième semaine de mars. Dans un format de poche, sur 24 pages très remplies, une multitude de paragraphes sont consacrés chacun à un point précis de son programme. Nous en avons compté 114, soit 4 de plus que le candidat Mitterrand en 1981 et ses « 110 propositions pour la France »… Une façon de faire mieux que le socialiste qui, avec 14 ans, détient le record de durée à l’Élysée ?

Macron ou la moissonneuse-batteuse

Cela commence par « Augmenter les heures de français et de mathématiques en primaire », pour se terminer par « Assurer l’autonomie stratégique » de l’Europe, en passant par « Une politique ambitieuse pour la santé des femmes », « Augmenter la pension [de retraite] minimale à taux plein à 1 100 euros par mois », « Recruter 50 000 infirmiers et aides-soignants supplémentaires en Ehpad d’ici 2017 », « Renforcer le réseau des sous-préfectures à travers la France », tout en « simplifiant le mille-feuille territorial »…, « Supprimer la redevance télé », « Lutter contre le chômage des seniors », « Une offre abordable de voitures électriques pour tous », « Une extension du pass Culture » pour les plus jeunes, « Mieux maîtriser l’immigration », « Lutter contre les discriminations », création de « 200 nouvelles brigades pour plus de gendarmes en ruralité », « Continuer à faire reculer l’islam radical »

En somme, un énorme patchwork dans toutes les cases possibles pouvant toucher un maximum de votants potentiels. La moissonneuse-batteuse Macron est passée partout. Pas un seul coin n’a été oublié. Assez curieusement, il n’y est jamais question d’argent, de moyens financiers, de comptes prévisionnels, de recettes chiffrées face à des dépenses listées, jamais ! Pas de ça entre nous ! Avec 114 dispositifs et promesses électorales, c’est très complet – tous les centres d’intérêt imaginables y sont traités –, très technocratique et, évidemment, très démagogique. Il y en a de toutes les couleurs et pour tous les goûts. Assez curieusement, dans son introduction, le président sortant écrit que « dans le contexte imprévisible que nous traversons, présenter un catalogue infini de mesures ne serait pas crédible » et c’est pourtant précisément ce qu’il fait : un « catalogue infini » qui n’est « pas crédible »…

50 milliards d’euros par an de dépenses nouvelles

Encore moins crédible si l’on ouvre le dossier « Finances » de son programme à tiroirs, résumé dans un « document de chiffrage » communiqué à certains journalistes économiques de confiance qui ne semblent pas tous avoir été convaincus, et de loin, à commencer par le directeur délégué des Échos, Dominique Seux. Dans son billet quasi quotidien du 21 mars dernier, il écrit qu’Emmanuel Macron « promet 50 milliards d’euros [par an] de dépenses nouvelles [santé, éducation, etc.] et de baisses d’impôts [redevance audiovisuelle et CVAE des entreprises]. Autant de recettes, poursuit-il, sont dès lors nécessaires, et même davantage pour diminuer les déficits. Or, le candidat-président table sur 35 milliards d’euros tirés de la modernisation de l’État et d’économies de “coûts de fonctionnement”. C’est peu dire que cela mérite d’être précisé ! »

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Le quotidien L’Opinion, de son côté, met carrément en cause la crédibilité de cette promesse de 35 milliards d’euros d’économies, « la réduction des dépenses de fonctionnement de l’État étant l’angle mort d’Emmanuel Macron jusqu’à présent ». Jade Grandin de l’Éprevier remarque qu’une importante source de financement est « basée sur une hypothèse très volontariste : le fait que la France atteigne le plein-emploi en 2027, grâce à la réforme de l’assurance chômage et à la politique de l’offre ». La journaliste de L’Opinion donne la parole à François Ecalle, un ancien magistrat de la Cour des comptes, fondateur du site Fipeco.fr consacré aux finances publiques, qui se déclare « très sceptique » : le problème numéro 1 d’après lui est qu’« il n’y a pas de réduction structurelle du déficit. Tous les gouvernements passés ont espéré que la croissance serait formidable, mais l’expérience a montré que c’était rarement le cas ».

Pour Le Point, enfin, c’est bien simple : « Le programme d’Emmanuel Macron est tout sauf un programme de rigueur. » Les 50 milliards d’euros de dépenses annuelles prévues par le candidat sont contrebalancés par 50 milliards de diminution de dépenses, mais « encore faudrait-il que les économies promises soient crédibles », écrit le journaliste Marc Vignaud le 22 mars. Lui aussi parle de « crédibilité »…

Toutes ces promesses non tenues…

Rappelons-nous certaines des promesses du président non tenues comme son engagement de redresser les comptes publics pendant son quinquennat. Or, sur les deux années 2020 et 2021, la France s’est endettée à hauteur de 420 milliards d’euros, le déficit cumulé de la balance commerciale a dépassé les 150 milliards et devrait encore « avoisiner les 100 milliards rien qu’en 2022 », selon le sénateur Vincent Delahaye, vice-président du Sénat, lequel ajoute, dans une chronique à L’Opinion (le 26 janvier) : « Le candidat Macron avait mis en avant (en 2017) quatre objectifs à atteindre durant le quinquennat. C’était la fameuse quadrilogie 1-2-3-5 : – 1 point de PIB de prélèvements obligatoires, – 2 points de PIB de déficit public, – 3 points de PIB de dépenses publiques, – 5 points de PIB de dette publique. Seule la première promesse devrait être tenue. »

En fait, Emmanuel Macron ne tient pratiquement jamais ses promesses. En présentant son programme électoral à la presse le 17 mars, il n’a pas hésité à déclarer : « J’ai tenu tous les engagements que je pouvais tenir », ajoutant : « Les deux choses que je n’ai pas réussi à faire sont la réforme des retraites, arrêtée par la pandémie, et la réforme des institutions, car je n’ai pas eu la majorité politique pour pouvoir la faire avancer. » Alain Mathieu, un polytechnicien docteur en économie qui a dirigé de grandes entreprises, aujourd’hui président d’honneur de Contribuables Associés, a rappelé le 24 mars sur le site de l’Irdeme, un site géré par des dirigeants d’entreprises bénévoles, que la réforme des retraites qui avait pourtant été votée par les députés a été « suspendue » par le président essentiellement à cause de l’opposition syndicale et non en raison de la pandémie. Quant à la réforme des institutions, elle aurait pu être réalisée d’après lui si Emmanuel Macron avait insisté.

Jusqu’à ce que le château de cartes s’effondre…

Et pour faire bon poids, Alain Mathieu de rappeler un certain nombre des réformes promises en 2017 par le président et non exécutées : « Nous créerons un versement social unique » remplaçant toutes les allocations sociales. « Toute peine prononcée sera exécutée. » « Nous construirons 15 000 places de prison. » « Nous supprimerons au moins un quart des départements. » « Nous supprimerons 120 000 emplois dans la fonction publique. » Résultat : 176 000 nouveaux fonctionnaires recrutés au cours des quatre dernières années calendaires ! Le plus extraordinaire dans le programme du candidat Macron, c’est qu’il se contente de reprendre les principales promesses financières du président Macron lors de la dernière loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, à l’automne dernier : un retour en 2027 sous un déficit de 3 % – nous en sommes à 6,5 % en décembre dernier -, et un reflux de la dette à partir de 2026, grâce à une maîtrise des dépenses.

Rappelons au candidat Macron que la dette de l’ensemble de nos administrations publiques a augmenté de près de 540 milliards d’euros depuis la fin de l’année 2017 ! Non seulement Emmanuel Macron ne tient pas la plupart de ses promesses, mais il aggrave encore son cas en matière de dépenses. S’il est réélu président, il est clair qu’il saura dépenser sans problème et chaque année les 50 milliards d’euros supplémentaires qu’il a prévu de dépenser. Étant très généreux avec l’argent de ses concitoyens, il dépensera même sûrement plus, et peut-être même beaucoup plus. En revanche, quand il lui faudra trouver 50 milliards de recettes nouvelles tous les ans, sans augmenter massivement les impôts, ce sera une autre paire de manches : il continuera d’augmenter les dépenses publiques et les dettes jusqu’à ce que le château de cartes s’effondre…



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