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Les monuments de dérision

En partenariat avec la revue "Conflits"


Les monuments de dérision
Dessin du projet de l'artiste Christo ©André Grossmann / Christo and Jeanne-Claude - 2019 CHRISTO / AFP

Une des principales finalités de l’Art contemporain est la déconstruction de toute identité culturelle incarnée dans les œuvres, les monuments et les lieux, que les duchampiens nomment «le contexte». Cette procédure est au service de la construction financière des produits de l’Art contemporain mais aussi de la diffusion des idées libérales ou progressistes. Analyse.


Le scandale provoqué assure l’implication des médias qui entraîne l’attention du public. Un discours moraliste et culpabilisant légitime l’œuvre et cache ainsi diverses manipulations à but lucratif ou au-delà. En France ce sont les institutions publiques qui président à leur installation.

Voici les plus récentes : en 2019, le Bouquet de tulipes de l’artiste américain Jeff Koons a pris place à équidistance de l’Élysée, de la Chambre des Députés et de la place de la Concorde, malgré une opinion publique hostile et l’ambigüité de l’œuvre [1]. En 2021, c’est un monument éphémère qui est inauguré par le chef de l’État, l’emballage de l’Arc de Triomphe, signé par un autre artiste new-yorkais, Christo.

Histoire et géopolitique des monuments de dérision 

Le premier monument de ce genre remonte à 1976 : c’est la Pince à Linge géante de Claes Oldenburg, dressée devant l’Hôtel de Ville de Philadelphie patrie des « Pères fondateurs » de l’Amérique, grands défenseurs des Lumières. Dérision et gigantisme, telle est la formule !

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La France en est le premier suiveur : en 1985, les Colonnes de Buren sont commandées par le ministère de la Culture pour orner le cœur du Paris historique. L’œuvre ne célèbre rien et n’a aucun sens déclaré [2]. Cependant la théorie qu’elle illustre est officiellement énoncée : le monument dérisoire rend un service public, il remplit une mission de déconstruction, vertueuse et critique, du patrimoine, de ce qu’il signifie ; contrairement aux monuments de célébration qui encouragent l’identité nationale et par conséquent la guerre. Ce monument du Palais Royal inaugure quarante ans de commande publique de monuments réalisés dans cet esprit et financés par l’argent public.

Le discours clérical du fondamentalisme marchand

Les modèles esthétiques de la vacuité tout autant que celle du kitsch [3] ont en effet le pouvoir de nier ou caricaturer mortellement les identités. Après la chute de l’URSS en 1991, les stratégies de guerre culturelle ont évolué. Pendant la période hégémonique qui a suivi, les monuments de dérision ont envahi toutes les capitales du monde de leurs fétiches géants. Certains éphémères comme le Vagin de la reine à Versailles, le Plug anal de la place Vendôme, l’Etron géant de Hong Kong ; d’autres permanents comme l’Araignée « Maman » de Louise Bourgeois dont de multiples exemplaires sont disséminés autour de la planète. Ils sont légion !

Ils ont trouvé un modèle économique de fabrication de nouveaux produits financiers artistiques et de leurs dérivés industriels, extrêmement rentables. Ils se sont ainsi multipliés en raison de leur immense impact médiatique et de la fabrication rapide des cotes qui en résulte.

Le Global Art n’entre pas si facilement dans la chair des cultures

Ces totems extrêmement cotés font le tour du monde non sans quelques résistances… certaines cultures se défendent mieux que d’autres !

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Ainsi à Dubaï, les monuments de la finance artistique érigés par la sheikha al Mayassa al Thany dans l’espace urbain de son émirat n’ont pas été tolérés par la population. L’installation de quatorze bronzes de Damian Hirst à l’entrée du Centre National de Recherche Médicale représentant des fœtus « in process » de la conception à la naissance, ainsi que la statue de 5,4 m de haut d’Adel Abdessemed, ayant pour thème le fameux « coup de boules de Zidane », érigée sur le front de mer de Doha, n’ont pas été acceptées non plus par la population. Dans un pays où « l’opinion publique » est une notion qui n’existe pas et n’a pas de support pour s’exprimer, la désapprobation a eu recours aux nouvelles technologies : la « vox populi » s’est exprimée par le tweet. L’émeute électronique fut telle que la famille gouvernante a obtempéré. La première œuvre a été pudiquement bâchée, la deuxième vite déboulonnée et revendue à François Pinault qui fabrique sa cote [4]. La prescriptrice et mécène était pourtant membre de la famille régnante…

La destruction symbolique et ses effets

Comme chaque année, 2021 a produit de nouvelles icônes dont la présence dans l’espace urbain est toujours liée à l’initiative nationale, régionale ou municipale inscrite dans une politique culturelle.

En mai, pour célébrer le bicentenaire de la mort de l’Empereur, apparut l’œuvre monumentale quoiqu’éphémère de Pascal Convert : le squelette de Marengo…

>>> Lire la fin de l’article sur le site de la revue « Conflits » <<<


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[1] Officiellement c’est un bouquet, hommage aux victimes du Bataclan. Dans l’iconographie ordinaire des objets de consommation vendus sur Amazone, le bouquet rassemble visuellement deux produits vendus à 50 euros : un   sex toy dit « First » et un « Fouet LGBT ». La règle académique du conceptualisme est ici appliquée à la lettre : titre, iconographie et contexte ne doivent pas coïncider. Telle est la règle de fabrication d’un piège à « regardeurs ».

[2] Le monument a cependant  la réputation non officialisée d’être un mémorial caché fait aux victimes des persécutions antisémites.

[3] Le kitsch est efficace pour dévaloriser les styles du Grand’ art. Ainsi Jeef Koons en installant ses œuvres géantes à Versailles s’affiche comme l’égal de Louis XIV et de son style baroque, si ressemblant au sien ! Mais l’esthétique minimaliste fonctionne bien aussi, par exemple, l’effacement de l’empaquetage de Christo.

[4] En 2021, cette œuvre montrée dans une exposition de la Collection Pinault au Couvent des Jacobins à Rennes à été taguée. Elle a poursuivi ainsi sa cote ascensionnelle qui grimpe de scandale en scandale.



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est graveur, essayiste. Elle vient de publier « Sacré Art contemporain- Évêques, inspecteurs et commissaires», Ed. Jean Cyrille Godefroy.

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