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Le mariage gay, 5 ans après


Le mariage gay, 5 ans après

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Imaginons ce que pourrait écrire un journal dit progressiste dans cinq ans, au sujet de la loi sur le « mariage pour tous ». Rubrique société, Inrocks (ou Libé…), janvier 2018.

Chez les Lardier-Pinson, c’est la fête. Aujourd’hui, la loi qui a permis aux lesbiennes, gay, bi et trans de se marier a cinq ans. Charlène se souvient de sa joie à l’annonce de la promulgation du texte : « avec Aurélie, ma compagne d’alors, on a hurlé comme des folles. On a été prévenues par Facebook d’un kiss-in géant devant Notre-Dame, pour montrer aux cathos qu’on avait gagné. On y a été. Les cathos rasaient les murs. On leur jetait des œufs et de la farine, car quand même, la religion, c’est l’intolérance. Tout le monde se roulait des pelles, c’était trop. » Peu de temps après, Charlène épousait Aurélie. Encore quelques mois, et elle accouchait de Lulu, conçu en Belgique par insémination artificielle, grâce à un don anonyme. Un adorable bambin aux cheveux tout bouclés.

« Quand on a eu son nom sur notre livret de famille, on était hyper fières, s’attendrit la jeune femme, en exhibant le document. Lulu, né de Charlène N. et d’Aurélie E., c’est classe, non ? » Deux ans après, le couple divorce. Le partage de la garde se fait sans trop de mal. Et puis Charlène est tellement accaparée par son travail de permanente LGBT : « heureusement, avec la crèche, l’allocation parent isolé, le relais de quartier subventionné par la mairie et mes parents, j’arrivais bien à m’en sortir. Finalement, Lulu et moi, on se retrouvait surtout pour les moments privilégiés, pour que je lui raconte des histoires avant de s’endormir, pour faire des câlins ».

L’année dernière, Charlène a rencontré Virginie, chargée de communication au ministère de la Culture. Le coup de foudre. « Il a fallu expliquer à Lulu que Maman Aurélie n’était pas remplacée, ça a été un moment un peu délicat à passer », explique Charlène pudiquement. Les deux amoureuses comptent fermement se marier et avoir des enfants grâce à la PMA. « Le mariage, on est accro, disent-elles en riant. Lulu aura bientôt trois mamans et des tas de frères et sœurs, c’est formidable, hein mon chéri ? » Mais Lulu est reparti dans sa chambre, pour jouer avec son Kid-Ipad.

Hervé, Bébé Dad, Terry et Cam’

Au premier coup de sonnette, Hervé ouvre, sa petite Camille dans les bras. « Tu vas chercher ta casquette, Cam’, Bébé Dad t’emmène à Eurodisney. » Bébé Dad, c’est Bertrand, mari d’Hervé, papa lui aussi de Camille. Si Hervé ressemble à un trader, Bertrand fait plutôt dans les tatouages et les piercings. Un look qui détonne dans l’immeuble, un bâtiment cossu du quatrième arrondissement. Mais personne ne songe à s’en choquer, et surtout pas Takako, designer, qui habite en face avec son compagnon Julius (anciennement Juliette, précise-t-il sourire en coin). « Ici, tout le monde se connaît, a reconnu Takako croisé dans l’escalier. Mais on vit chacun sa vie, on se respecte ». Camille revient, jupette en cuir et tatouage carambar sur l’épaule. « Elle est dans sa phase Bébé Dad, en ce moment, plaisante Hervé. Elle veut tout faire comme lui. Mon lapin, Pap’Hervé doit se dépêcher aussi, il a un rendez-vous quelque part en ville. Fais bisou ». La gamine s’enfuit dans ses petites rangers cloutées.

Comme pour répondre à une interrogation muette, Hervé explique avec un petit rire : « cet après-midi j’ai un plan cul, comme au bon vieux temps. On est très ouvert entre nous, les sentiments sont très forts, et en même temps si on a envie de voir ailleurs, qu’est-ce qui nous en empêche ? De toute façon, on a Cam’, elle nous ramène toujours à la réalité, à ce qui nous unit. » Hervé nous laisse en compagnie de Terry, un garçon sérieux d’une vingtaine d’années, qui installe un plateau sur une table basse, chargé de tasses et d’une théière. Terry a d’abord travaillé chez Hervé et Bébé Dad comme jeune homme au pair, puis l’amour s’en est mêlé. « J’ai craqué pour les deux », avoue-t-il, tout sourire. Une ombre de tristesse passe cependant dans ses yeux bruns : « mes amoureux sont mariés, et moi je voudrais bien me marier avec eux aussi, mais ce n’est pas encore possible. On a rejoint le Collectif pour l’Amour sans Limites, et on espère que la loi passera bientôt. »

Il ne supporte pas d’entendre les arguments des anti-loi : « la haine, c’est moche », commente-t-il. Mais il se reprend bien vite. La jeunesse, c’est l’espoir.



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est salarié dans le privé, résidant à Paris. Sans appartenance associative ni politique, il se définit comme un citoyen épris de débat.

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