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Ce week-end, j’ai piscine!

"Le club des aquarêveurs" de Valère-Marie Marchand (Héliopoles)


Ce week-end, j’ai piscine!
"Le club des aquarêveurs" de Valère-Marie Marchand, détail de la couverture © Héliopoles

Et si nous faisions des longueurs avec Valère-Marie Marchand, portraitiste de talent et annonciatrice du futur déconfinement?


Au-delà du débat entre enfermistes et rassuristes, il existe une autre césure dans le monde des lettres. Il y a les suivistes et les irréguliers. Les premiers déroulent leur chemin de croix, ils n’ont pas peur de labourer les thèmes du moment, ils ne reculeront devant aucune facilité, ils s’engouffreront dans les sujets sociétaux les plus éculés, les plus rabâchés, les plus démagogiques avec l’air sérieux que prennent parfois les vendeurs de porte à porte pour vous refourguer une encyclopédie médicale ou un sanibroyeur.

Bons soldats de l’économie de marché

D’une certaine façon, je les admire. Ils ne nous déçoivent jamais, ils vont là où le commerce de livres semble le plus prospère. Vous les connaissez tous, ils remplissent les rayonnages des librairies ; une saison, ils sont coachs en béatitude, apprentis-margoulins du bonheur en kit ; une autre, défenseurs des opprimés, migrants et déracinés. La douleur est leur gagne-pain ; la misère, leur muse inspiratrice. Rien de ce qui souffre ne leur est étranger. Ils pratiquent une littérature de l’offre et de la demande. Ces bons soldats de l’économie de marché ont un inconvénient majeur. Leur lecture est assommante à force d’enfoncer les portes ouvertes d’une bienveillance calibrée. Ils sonnent faux.

Valère-Marie Marchand © Sylvie Durand

Les irréguliers du printemps

Et puis, il y a les irréguliers du printemps. Ceux-là, sont plus rares, ils s’expriment dans des maisons parfois moins prestigieuses, s’engagent sur des voies improbables, ne suivent aucune règle. Mauvais coucheurs, atrabilaires au cœur tendre, guidés seulement par leur imaginaire foutraque, ils pratiquent une littérature buissonnière. Hors les murs. Hors les lignes officielles. Hors les conseillers en marketing. Ils se moquent des genres et des modes, ils font glisser la plume au gré de leurs envies sans plan de bataille, sans mobile, sans préméditation. De cette incongruité à laisser leur style s’exprimer pleinement et leur imaginaire mouliner dans le vent naît alors le véritable plaisir de lire. Parmi ces écrivains qui osent s’aventurer dans le grand bain de la fantaisie, Valère-Marie Marchand aspire au déconfinement généralisé. Croisement entre Roald Dahl et Edith Wharton, elle aurait pu être sujette anglaise, tellement le décalage est son royaume. Elle se mouille les pieds sur des territoires non balisés. Elle le prouve avec son nouvel OLNI (Objet Littéraire Non Identifié) : Le Club des aquarêveurs  aux éditions Héliopoles.

Pull marine

Souvenez-vous, elle fut l’une des premières à écrire sur le facteur Cheval avant que le cinéma ne s’en empare. Dernièrement, elle s’était intéressée à la symbolique des arbres et à Boris Vian. Merveilleuse portraitiste de nos travers contemporains, décelant chez nous, le risible et l’empoté, les artifices et les subterfuges, elle plonge donc sa plume dans le cercle très fermé des nageurs. Le maillot de bain comme sociologie du désespoir urbain. Nouvelle Cioran des bains publics, Valère-Marie ne laisse jamais l’aigreur l’emporter.

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Elle se joue des maux de mer pour nous divertir intelligemment. Personne avant elle, si l’on met de côté Isabelle Adjani dans le clip « Pull marine », n’avait osé classer la population des piscines municipales en catégories désopilantes et oniriques. Du crawleur qu’elle qualifie d’« agité du bocal » à la madone du jacuzzi, cette pinup « apparue de bon matin dans une piscine de l’Ouest parisien » ou du zigoto sous la douche, « ce forcené de l’hygiène à tout prix », elle examine ce drôle de biotope aqueux à la manière d’un Martin Veyron dans les BD des années 1980.

Le taquin ne vire jamais à l’introspection

Experte en environnement chloré, Valère-Marie Marchand nous fait rire par la justesse de son regard, à la fois féroce et léger, chez elle, le taquin ne vire jamais à l’introspection pesante ou à la farce grasse. Son club des aquarêveurs regroupe des nageurs olympiques et des barboteurs d’eau douce, il est le miroir de notre société à bout de souffle où chacun tente de surnager, de bomber le torse ou tout simplement d’oublier le présent par la brasse coulée. Valère-Marie Marchand transforme l’eau en un sujet qui est loin d’être vain, c’est le premier miracle du futur déconfinement. Et on le trouve en librairie !

Le club des aquarêveurs de Valère-Marie Marchand – Héliopoles

Le club des aquarêveurs

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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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