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Révolution anti-woke: la conversion surprise de Mark Zuckerberg

Anti-wokisme : le revirement spectaculaire d’un titan de la tech


Révolution anti-woke: la conversion surprise de Mark Zuckerberg
Mark Zuckerberg, passionné de MMA et pratiquant d’arts martiaux, lors d’un entraînement avec les champions de l’UFC Israel Adesanya et Alexander Volkanovski, juillet 2023 © nstagram/Israel Adesanya (@stylebender)

L’allégeance du patron de Facebook à Donald Trump a été rapide et totale. En un mois, Zuckerberg a renié tous les fondements idéologiques sur lesquels il a bâti son empire, troquant son statut de paria pour celui de disciple zélé aux avant-postes du mouvement MAGA. Retour sur une vassalisation spectaculaire.


Coup de théâtre. Mark Zuckerberg, petit prince de la tech US, patron préféré des élites démocrates et Grand Inquisiteur qui, il y a tout juste quatre ans, bannissait le président Trump de ses réseaux sociaux, vient de prêter bruyamment allégeance au nouveau maître de la Maison-Blanche. Le fondateur de Facebook a réformé, au pas de charge, le titan META (Instagram, Threads, WhatsApp, Facebook), dont les services sont utilisés par rien de moins que la moitié de la population mondiale. En un peu moins d’un mois, le dernier bastion du néolibéralisme progressiste est tombé. Avec tout le zèle des nouveaux convertis, l’icône de la Silicon Valley a aligné META sur MAGA (« Make America Great Again », ndlr).

Masculinisme, dérégulation, désir de grandeur : retour sur un numéro de haute voltige dans la nouvelle ère d’un Trump plus véloce que jamais, au sein d’une quatrième révolution industrielle.

Du relooking à l’apostasie, récit d’une conversion express

Zuckerberg revient de loin. Le quarantenaire athlétique assis au premier rang de la cérémonie d’investiture du 47e président des États-Unis ce 20 janvier 2025 n’a plus grand-chose en commun avec l’homme qu’il était il y a six mois. De son apparence jusqu’à ses convictions, la mue est impressionnante. Celui qui se tient aux côtés d’Elon Musk (X, Tesla), Sundar Pichai (Google), Tim Cook (Apple), Jeff Bezos (Amazon) et de Sam Altman (OpenAi) ne dépareille pas parmi ses pairs. Exit l’air intello, le sweat à capuche, la coupe Playmobil et le teint blafard. Avec ses cheveux mi-longs, hâlé, musculeux, costumé, masculin, Mark Zuckerberg a désormais le look du « tech bro ». Allant même jusqu’à pousser le vice du « male gaze » (œillade plongeante), dans le décolleté de la fiancée du patron d’Amazon Lauren Sanchez. Calcul ou maladresse ? L’œillade de l’ancien chantre du puritanisme progressiste devient ce jour-là l’une des anecdotes les plus commentées de la Toile.

Dans son livre Save America, paru en septembre dernier, Donald Trump accusait le patron de Meta d’avoir influencé l’élection de 2020 en faveur de Joe Biden et lui promettait la « prison à vie » s’il tentait de s’ingérer dans sa campagne à venir. Que s’est-il passé pour qu’en l’espace de six mois, Zuckerberg troque son statut de paria auprès de l’aréopage trumpiste pour celui de disciple zélé, aux avant-postes du mouvement MAGA ?

Ce n’est pas son changement de look ni le million de dollars donné pour l’investiture du président républicain qui ont permis au patron de Meta de se frayer un chemin aux premières loges du sacre de Donald Trump. Sa présence est l’aboutissement d’un chemin de Damas parcouru tambour battant dès les premiers jours de la nouvelle année.

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La volte-face tonitruante du titan de la tech

Tout commence à Mar-a-Lago, la résidence personnelle de Donald Trump. Trois semaines après l’élection présidentielle qui a consacré la défaite du camp démocrate, le président élu convie Zuckerberg à dîner. De cette réunion des contraires, rien ne filtre. Seule une déclaration d’un porte-parole trumpiste témoigne du vif réchauffement entre les deux géants : « Mark était reconnaissant d’avoir été invité à rejoindre le président Trump et d’avoir eu l’occasion de rencontrer les membres de son équipe. » Un mois plus tard, « Mark » orchestre publiquement les étapes de sa vassalisation au nouveau régime. Un ralliement tonitruant, pavé de reniements majeurs.

Début janvier, c’est sur son rival historique Elon Musk que Zuckerberg prend exemple. En annonçant la suppression de son programme de vérification des faits (« fact-checking ») et l’adoption de notes de la communauté, Zuckerberg se base sur les méthodes de X pour combattre « la censure » et revenir « aux sources de la liberté d’expression[1] ». À l’instar de son aîné, il licencie à tour de bras : 3 600 employés, soit 5 % des effectifs de META sont mis à la porte, dans un souci de « performance ». Avant de faire cap sur le Texas, où le patron de X et Tesla déplace déjà ses activités. Dans cet État républicain pionnier de l’anti-wokisme, « on s’inquiète moins de la partialité de nos équipes », déclare-t-il.

Dans la foulée, Zuckerberg renouvelle son entourage en procédant à des nominations pour le moins détonantes. Le très conservateur chef de cabinet adjoint de George W. Bush, Joel Kaplan, devient directeur des affaires mondiales du groupe et succède ainsi à Nick Clegg, lui-même ancien chef du parti des Libéraux-Démocrates britannique. Dana White, président de la plus grande ligue de MMA au monde et ami intime de Donald Trump, est quant à lui coopté au sein du conseil d’administration de META.

Immédiatement, de nouvelles réformes sont impulsées pour aligner les objectifs de META sur la philosophie du nouveau président. En une poignée de décisions foudroyantes, reléguant à la poubelle la symbolique de l’ancien régime et ses principales politiques sur la liberté d’expression et la discrimination positive, la charpente néoprogressiste de la giga-entreprise est détruite.

Ainsi, les thèmes « transgenres » et « non binaires » sont retirés de son application de chat Messenger et les bureaux META de la Silicon Valley, de New York et du Texas sont sommés de retirer les distributeurs de tampons mis à disposition dans les toilettes pour hommes.

Celui qui avait critiqué les décrets de Trump sur l’immigration lors de son premier mandat fait signer à son nouveau directeur des affaires mondiales un communiqué annonçant la fin des restrictions sur « des sujets tels que l’immigration, l’identité sexuelle et le genre, qui font l’objet de nombreux débats et discours politiques ».

Last but not least, Mark Zuckerberg met fin, avec effet immédiat, à tous les programmes de discrimination positive, anticipant ainsi le décret pris en ce sens par le président Trump le premier jour de son nouveau mandat. Une véritable révolution dans le recrutement des personnels, la formation interne ou la sélection des fournisseurs.

En l’espace de quelques jours, l’une des plus grandes entreprises du monde a effectué un virage à 180°. Pour légitimer son inscription dans la mouvance MAGA, il ne reste plus à notre néotrumpiste qu’à obtenir l’assentiment des fans du président. Pour ce faire, le baron de la tech a choisi la plateforme de Joe Rogan, podcasteur le plus écouté des États-Unis qui a déjà reçu Donald Trump en campagne et Elon Musk pour un petit joint d’herbe en direct. À l’antenne, Zuckerberg vante l’« énergie masculine » et blâme l’ancien président Joe Biden pour l’avoir, à coup d’intimidations, contraint à faire remonter sa politique de vérification des contenus « en 1984 », tout en proclamant qu’il « n’est pas normal que certaines choses puissent être dites à la télévision ou au Congrès, mais pas sur nos plateformes ». Les auditeurs boivent du petit lait, Joe Rogan s’esclaffe, et CNN s’offusque. Le tour est joué.

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Le dernier transfuge du nouveau régime

Mais pour rester dans ses bonnes grâces, le nouveau vassal de Donald Trump devra batailler. Si la transformation de sa giga-entreprise est plus que convaincante, son avenir reste inextricablement lié au bon vouloir du nouveau maître de Washington. Encore batailler donc, pour sa survie d’abord, et sa croissance ensuite.

D’énormes défis attendent le patron de Meta au cours de cette année. Notamment dans le cadre de la plainte déposée par la Federal Trade Commission (FTC) en vue d’annuler son acquisition, il y a dix ans, d’Instagram et de WhatsApp, dont le procès s’ouvrira en avril. Sa nouvelle approche de modération des contenus, favorable à Trump, représente à ce titre l’un des nombreux efforts visant à convaincre cette nouvelle administration, qui n’hésitera pas à récompenser ses amis et à punir ses ennemis.

Par-dessus tout, la métamorphose de Zuckerberg s’explique par le nouvel agenda économique du président Trump, qui entend largement distancer la Chine sur le front des nouvelles technologies. Au menu : déréglementations tous azimuts et investissements massifs dans l’IA et les cryptomonnaies. Soit des fortunes colossales en jeu. Quiconque aura l’oreille du président ces prochaines années sécurisera ses approvisionnements en les retranchant des biens et services frappés de taxes douanières, bénéficiera de contrats fédéraux démesurés et… se taillera une place de choix parmi les futurs géants de la quatrième révolution industrielle.

Mark Zuckerberg représente en réalité la figure de proue d’un mouvement de conversion à l’anti-wokisme qui s’achève par son ralliement ultime. Les décisions bruyantes du médiatique patron de Meta n’ont fait que suivre la liste toujours plus fournie des grandes entreprises ayant mis fin à leurs programmes de discrimination positive : McDonald’s, Walmart, Boeing, Molson Coors, Ford, Harley-Davidson, John Deere, Amazon… Même YouTube, filiale de Google, a procédé à de nombreux licenciements de responsables de la surveillance de ses contenus.

Il y a quatre ans, Zuckerberg coupait la tête de Trump sur tous ses réseaux sociaux. En quelques semaines il a rejoint les premiers rangs des zélés du nouveau régime. Reste à savoir comment il survivra dans cette nouvelle ère où les plus grands patrons du monde craignent pour leurs privilèges.


[1] Dans une vidéo publiée sur Facebook le 7 janvier.

Février 2025 - #131

Article extrait du Magazine Causeur




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Loup Viallet est journaliste et géopolitologue, directeur du journal Contre-Poison Auteur de La fin du franc CFA et d'Après la paix

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