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La litanie des théories fumeuses de l’après-covid

Quel monde pour après?


La litanie des théories fumeuses de l’après-covid
Un immeuble à Saint Mandé, le 2 mai 2020 © Aurelien Morissard CHINE NOUVELLE/SIPA

L’observation des faits et des données donne partiellement tort à toutes les théories de l’après-Covid. Une tribune de Jean Messiha (RN)


Le Covid–19, maladie respiratoire aiguë, ne se contente pas d’asphyxier ses victimes les plus graves. Il a également coupé le souffle de tout un ordre philosophico-économique qui sous-tend le mode d’organisation de nos sociétés. Celui-ci est, depuis des décennies, basé sur le productivisme, le consumérisme, le libre-échange, la course au profit, la dégradation environnementale et la globalisation. Ni la crise de 1929, ni celle de 2008, ne parviennent à la cheville des dégâts économiques, sociaux et psychologiques provoqués par le confinement de plus de la moitié de la planète depuis des semaines.

Macron veut se “réinventer”, mais bien sûr !

Tribune après tribune, discours après discours, apparait dans le discours politico-médiatique français la nécessité de « changer le monde ». En France, les néolibéraux, Emmanuel Macron en tête, promettent de se « réinventer ». Un peu comme les communistes occidentaux après la « découverte » des ravages du stalinisme et du maoïsme. La gauche affirme que le lourd bilan humain qui nous accable résulte des économies réalisées sur l’hôpital par les politiques « austéritaires », alors que notre niveau de dépenses publiques est himalayen. Les écologistes nous expliquent que ce coronavirus est le résultat de l’activité humaine et des agressions que nous infligeons à notre environnement. Formidable occasion de relancer la thématique de la transition écologique mise à mal par la « révolte jaune » de ceux qui doivent vivre tous les jours et n’ont pas les moyens de se sacrifier pour le bien de la planète dans 50 ans. De plus, dans la longue chaîne des choses qui nous ont attaqués, le coronavirus n’arrive pas forcément en premier!

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L’observation des faits et des données donne partiellement tort à toutes ces théories. Il n’y avait aucune fatalité dans le développement de cette pandémie. Venue du laboratoire P4 de Wuhan ou de son marché d’animaux sauvages, la Chine a prévenu, certes tardivement, mais, en tout état de cause, avant que les cas ne se disséminent largement au-delà de ses frontières. Ce sont les chercheurs chinois qui ont déchiffré le génome du virus et communiqué très rapidement les données dont ils disposaient. Sévèrement mise en cause, l’OMS a globalement fait son boulot et alerté sur la contagiosité et la sévérité de cette maladie. En Asie, sans parler de l’Australie/Nouvelle Zélande quasi vierges de toute contagion, toute une série de pays a réussi à contenir la progression du virus : Chine, Japon, Corée, Singapour, Hong-Kong, Taïwan, Indonésie, etc. Outre-Atlantique, le Canada et le Mexique s’en sortent bien comme la plupart des pays de l’Amérique Latine, exception faite du Brésil, dirigée par une équipe ultra-libérale et corona-sceptique. En Europe, zone la plus touchée, la situation est extraordinairement contrastée : tout un espace à l’est du Rhin (Allemagne, Autriche et Europe centrale) ainsi qu’en Scandinavie (Finlande, Norvège, Danemark) est peu touché, alors que sa partie occidentale (France, Suisse, Pays-Bas, Belgique, Royaume-Uni, Irlande) comme méridionale (Italie et Espagne) est ravagée.

La crise de l’hopital français, vous êtes sûr?

D’une manière générale, on ne peut constater aucun lien entre l’effort national en matière de santé publique et la mortalité observée. Qui peut nier la qualité des systèmes de soins suisse, néerlandais ou belge ? Qui peut contester le fait que les hôpitaux du nord de l’Italie sont bien meilleurs que ceux que Sud ? Comment discuter la différence de qualité entre les grands hôpitaux publics de Madrid et ceux de Lisbonne ou d’Athènes ? À choisir, qui préfèrerait être soigné dans un CHU polonais plutôt qu’à Londres ou à Dublin ? Pourtant la carte de la mortalité européenne (nombre de morts par habitant) ne reflète absolument pas ces réalités. L’excuse du taux de vieillissement de la population, initialement utilisée pour expliquer le carnage italien, a été balayée par la flambée de l’épidémie dans des pays plus jeunes (Royaume-Uni, France, Etat de New York, etc.).

Allons sur le terrain des écologistes pour examiner cette théorie de Dame Nature se vengeant des humains qui l’agressent en lui refilant ses virus les plus létaux. Encore faut-il déjà être sûr que ce Covid–19 ne résulte pas d’une fuite accidentelle du laboratoire de Wuhan. Mais fut-il né dans les miasmes du « wetmarket » de ladite ville que cela ne prouverait rien pour autant. La Chine est déforestée depuis des siècles et ce virus proviendrait de chauves-souris tapies dans une grotte située à des centaines de kilomètres du foyer initial. Les zones où la forêt est la plus attaquée (Amazonie, Bornéo, Sumatra) n’ont pas à ce jour généré de virus aussi effroyable. Certes, Ebola provient de la forêt équatoriale africaine, aujourd’hui fortement exploitée, mais il est apparu en 1976 dans un trou perdu de l’ex-Zaïre, pays qui, à l’époque, comptait 23 millions d’habitants pour un territoire quatre fois grand comme la France.

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Les écolos peuvent revoir leur copie eux aussi

Il ne s’agit pas ici de justifier un seul instant la déforestation qui est, effectivement, un fléau inacceptable. Mais la vérité est que l’homme est depuis la nuit des temps victime de zoonoses. Elles ont toujours existé et existeront sans doute tant que hommes et animaux partagerons cette planète. Peste, choléra, variole, fièvre jaune, grippe, etc. autant de virus d’origine animale ont infligé à l’humanité au cours de son histoire des pertes gigantesques lors d’épidémies souvent sporadiques mais toujours dévastatrices. La dernière d’entre elle, la grippe « espagnole » de 1918-1919, a fait entre 50 et 100 millions de morts dans un monde bien moins peuplé (1.8 milliard), bien moins déforesté et bien moins carboné que le nôtre. Ce que le développement économique et son corollaire, le progrès scientifique et technique, nous ont apporté c’est la capacité de nous défendre contre ces fléaux, alors qu’à l’état de « bon sauvage » que vénèrent les écolos, l’homme devait compter sur son système immunitaire, des plantes improbables et des prières pour s’en sortir.

Ici encore il n’y a aucune volonté de nier les immenses défis écologiques auxquels nous devons faire face et que nous devons résoudre, mais de rétablir les faits. Écologie et zoonose ne sont pas interconnectées. L’urbanisation serait-elle un facteur de propagation ? On peut l’avancer quand on constate la forte diffusion du virus dans les métropoles de Londres, Paris, New-York, Sao-Paulo, etc. Mais les contre-exemples abondent. L’immense conurbation de Tokyo-Yokohama est peu atteinte. Idem pour la géante Los Angeles, la très dense Hong Kong, ou bien, plus près de nous, le très étendu Berlin. En Lombardie, c’est autant la campagne et le réseau de petites villes qui est dévasté que la capitale Milan.

Les modèles politiques tous faillibles

Ce serait une erreur de croire que le Covid–19 est le fruit de la mondialisation. Mais sa propagation mondiale ultra-rapide lui est clairement liée. L’explication se situerait-elle alors dans l’orientation politique des équipes gouvernantes ou la structure administrative du pays ? Il n’en est rien. Le Royaume-Uni, très à droite, et l’Espagne socialiste sont tous les deux assommés. La ville et l’État de New York, gérés par les Démocrates, est un cimetière. Mais pas la « progressiste » Californie. L’Allemagne fédérale, où les Landers ont de larges responsabilités en matière de santé, nous écrase de sa supériorité sanitaire. Mais l’Italie ou la Belgique, pays très déconcentrés, sont très durement frappés. La Pologne, pays aussi centralisé que le nôtre, regarde cette crise de loin avec ses 17 morts par million d’habitants (20 fois moins qu’en France).

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La véritable explication sur la concentration des décès dans quelques pays d’Europe tient à la qualité et à la célérité de la réponse étatique, à la primauté de l’intérêt national ainsi qu’à la capacité de l’industrie locale de faire face rapidement au besoin urgent de masques, de tests et de gel hydro-alcoolique. Et il y a, dans ce macabre classement, les « bons », les « moyens » les « mauvais » voire les « très mauvais ». En France, nous appartenons, avec le Royaume-Uni, à la deuxième catégorie, laissant au trio Belgique, Italie et Espagne le sinistre podium de la mort. 

Nous allons gagner cette guerre, non pas grâce à un état-major qui a montré sa lamentable déficience faite d’amateurisme et de mensonges, mais aux officiers et aux soldats de la santé qui ont tenu le front, ainsi qu’à la discipline de l’immense majorité des Français. Mais quid de l’après ? Ne nous illusionnons pas, tout ne va pas changer. Mais quelles orientations nouvelles voulons-nous donner à notre société ?

La « macronie » ne réinventera rien. Edouard Philippe sera sans doute remercié afin de lui faire implicitement porter le chapeau des atermoiements et des défaillances présidentielles. On va bricoler le « modèle » avec quelques leitmotivs creux comme la « souveraineté européenne » qui, dans un « en même temps » invraisemblable, est censée préserver la nôtre. C’est une forme de bigamie mais politique. On va essayer de « réindustrialiser », mais sans s’attaquer aux causes de la désindustrialisation. Donc l’effort sera vain. On va surtout devoir gérer l’effroyable trou qui se creuse dans nos finances publiques. 

Economie: faire le bonheur des Français d’abord

Macron II promet ainsi d’être la réécriture d’une mauvaise pièce dont l’acteur principal compte sur son talent oratoire pour nous faire applaudir un Feydeau vieilli, dont les coups de théâtres éculés ne nous font plus rire. La gauche proposera plus de « solidarité », le « partage du travail », plus d’immigrés et plus de communautarisme, le tout financé par une pression fiscale accrue sur les classes moyennes. Cette gauche se met, elle aussi, opportunément à prôner la réindustrialisation, alors qu’elle a trahi la classe ouvrière depuis 40 ans. Les écologistes attaquent de plus belle sur le thème de la transition écologique, en prétendant que c’est elle qui nous permettra de remettre le pays à flot. Nous vivons un épisode sanitaire qui a mis le monde à genoux et menace l’emploi, donc la survie au quotidien de millions des nôtres. Qu’à cela ne tienne : ce sont les émissions de carbone aux effets lointains qui les préoccupent au plus haut point ! Rappelons que sur la question migratoire et identitaire, ils sont alignés sur les positions de la gauche.

Après cette crise historique et phénoménale il est temps de se poser la question de la mission de ceux qui nous gouvernent. Assumons un choix simple : faire le bonheur des Français ou du moins créer les conditions de ce bonheur. Quelles sont-elles ? 

Tout d’abord, du boulot pour tous et payé au juste prix. Pour cela il faut de la croissance économique et une certaine tension sur le marché du travail favorable aux travailleurs grâce à l’arrêt de l’immigration et au renvoi des étrangers non-intégrés indésirables. Stratégie qui doit être assortie de la mise au ban du non-travail « choisi » financé par un RSA complaisant et un « black » non-sanctionné.  

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Il faut redresser la compétitivité de notre appareil productif industriel, agricole et tertiaire. Pour y arriver, il n’y a qu’une solution : la dévaluation. Cette dernière se décline en deux options : celle de la monnaie donc la sortie de l’euro ou celle des coûts par la baisse des prélèvements excessifs qui pèsent sur nos entreprises, mais assortie de conditionnalités qui faisaient fâcheusement défaut au CICE. Un protectionnisme ciblé sur les quelques prédateurs commerciaux comme la Chine doit compléter cette option.

La dévaluation monétaire est écartée. Longue et complexe par principe, elle nous précipiterait dans une longue et coûteuse période d’incertitude. La seconde nous obligera à faire des choix sociétaux, fiscaux et budgétaires clairs et assumés. Car non, décidément non, l’État ne peut pas tout et dans tous les domaines. Surtout s’il est accablé d’une dette monumentale, comme c’est notre cas. Il doit par contre pleinement assumer son rôle dans les autres conditions du bonheur collectif à savoir la sécurité, l’éducation, la santé, la solidarité pour les plus fragiles et l’égalité des territoires.

Nucléaire, je dis qu’on continue!

Ce dernier point, essentiel après la révolte des Gilets Jaunes, appelle à une vraie politique de « démétropolisation ». Car la concentration excessive de la richesse, de l’emploi et, par conséquence, de la population dans quelques métropoles, est une aberration socio-économique, démographique et écologique.  Il n’est évidemment pas question de coercition, mais de créer les conditions d’une bien meilleure attractivité pour la province.

La transition écologique est assurément capitale. Mais la réduction de l’empreinte carbone de la France, une des plus faibles d’Europe par tête d’habitant, ne peut pas absorber les ressources nécessaires au redressement productif qui conditionne la survie de notre modèle social. Priorité doit être donnée à la lutte contre la pollution automobile en milieu urbain facteur de pathologies graves, à l’éradication progressive de la chimie dans l’agriculture et la protection du bien-être animal. Mais c’est bien le renouvellement intégral et réindustrialisant de notre industrie nucléaire vieillissante mais productrice d’électricité décarbonée, ultra-sûre et indépendante, qui devra constituer le grand défi de notre génération.



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Economiste et haut fonctionnaire. Président de l’Institut Apollon.

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