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Jacqueline Sauvage, un procès très politique


Jacqueline Sauvage, un procès très politique
Avocates de Jacqueline Sauvage. © AFP/Archives JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN.
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Avocates de Jacqueline Sauvage. © AFP/Archives JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN.

La demande de libération conditionnelle de Jacqueline Sauvage a donc été rejetée. Mais qui, peut être sérieusement surpris d’une pareille décision ? Elle était inéluctable pour plusieurs raisons. Il n’est que de constater la nouvelle levée de boucliers des médias acharnés à véhiculer un story telling mensonger et la réaction de politiques inconséquents à la recherche de mauvaises causes pour le comprendre. Tous ceux qui ont instrumentalisé cette affaire et transformé Jacqueline Sauvage en victime d’une terrible erreur judiciaire poursuivent dans cette voie par ignorance dans le meilleur des cas, par calcul dans le pire.

Une affaire plus complexe qu’il n’y paraît

Interpellé par le gigantesque battage médiatique après la condamnation en appel de Jacqueline Sauvage et par la contradiction avec tout ce que racontait la procédure judiciaire, je m’étais penché d’un peu plus près sur ce dossier. Pour constater que l’on nous servait un mensonge en la présentant comme la victime d’un monstre qui l’aurait martyrisé pendant 47 ans, violé ses filles et poussé son fils au suicide, monstre qu’elle aurait été contrainte de tuer pour se défendre. Je renvoie à l’article que j’avais alors publié pour expliquer la discordance entre deux décisions de justice identiques prononcées après une procédure d’instruction régulière, et le scénario que nous servaient les associations féministes massivement relayées par les médias. Ceux qui connaissaient le dossier, pour avoir par exemple assisté aux débats relevaient, parfois très sévèrement, les énormes fautes des avocates de la défense qui, se détachant de la réalité du dossier se comportèrent en militantes de la cause des femmes.

Négligeant le prétoire lieu où la justice se rend, elles se déployèrent dans l’espace médiatique. Où le vacarme obtint rapidement la décision à laquelle on pouvait s’attendre du Président de la République, une grâce mi-chèvre mi-chou. Sans mesurer à quel point cet énorme battage et cette décision présidentielle constituaient une gifle pour les magistrats et les jurés intervenus sur ce dossier. Parce que  le scénario que nous servaient militants et magistrats avait une logique : Jacqueline Sauvage sainte et martyre, cela voulait dire Justice rendue par des salauds. Alors, toutes les cervelles d’oiseau qui se réjouissaient de cette demi-victoire n’ont absolument pas vu le piège dans lequel elles enfermaient la malheureuse Jacqueline Sauvage. Et d’ailleurs, pour beaucoup d’entre elles, ce ne devait pas être un souci.

Justice pour une coupable

En France, on adore l’indépendance de la justice mais uniquement quand elle rend une décision en votre faveur. Où en ce qui concerne les médias quand elle leur donne satisfaction. Par conséquent, quand on n’est pas content, on l’insulte. On n’ira pas lui reprocher des décisions parfois délirantes comme dans l’affaire de Guyane concernant Christiane Taubira ou des violations des règles et des principes dès lors qu’il s’agit de la chasse au Sarkozy. Et on trouvera très amusant l’incroyable affaire du « mur des cons » où l’on a vu un important syndicat de magistrats revendiquer expressément la partialité (!). En revanche, quand la justice fait bien son boulot mais que cela heurte les convictions de militants bien en cour, que cela ne permet pas aux médias de faire de l’audience, ou que cela n’offre pas à des bateleurs politiques un peu de grain démagogique à moudre, alors là, la justice on lui tombe dessus.

Le corps des magistrats n’avait pas apprécié d’avoir été violemment attaqué dans ce qui ressemble à un mépris social certain à l’égard des jurés concernés. La demande de libération conditionnelle de Jacqueline Sauvage  semble faire l’objet d’un traitement assez rigoureux. Le parquet a fait ce qu’on lui demandait, c’est-à-dire requis la mise en liberté. Mais le juge du siège, après expertise, a considéré que la décision de condamnation – concernant le quantum de la peine[1. Le quantum de la peine est le montant de la peine infligée compte tenu de la faute commise et de l’appréciation du juge.] – avait l’autorité de la chose jugée. Force est de reconnaître que la campagne médiatique et la décision de grâce ont enfermé psychologiquement Jacqueline Sauvage dans un statut de victime. Ce qu’elle n’est judiciairement pas. Militants, politiques et médias attendaient la libération d’une innocente. La justice, quant à elle, avait à rendre une décision sur la mise en liberté conditionnelle d’une coupable.

Je vois pour ma part dans ce retour au réel une manifestation d’indépendance d’impartialité de la justice. Ce n’est bien sûr pas le cas des militants, des politiques en campagne, et de ces médias qui continuent très tranquillement à raconter n’importe quoi. Au détriment des véritables intérêts de Jacqueline Sauvage.

 



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