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J. D. Vance: un Éric Zemmour américain?

L'essayiste intelligent qui parle à l'Amérique populaire et traditionnelle


J. D. Vance: un Éric Zemmour américain?
Meeting de JD Vance et Donald Trump, Columbus (Ohio), 23 avril 2022 © USA TODAY NETWORK/Sipa USA/SIPA

Les Français ne le connaissent pas encore, mais c’est une étoile montante de la politique américaine. Parrainé par Trump, J.D. Vance pourrait bien devenir sénateur à la fin de l’année. Jusque-là, il s’était surtout fait connaitre des progressistes bien-pensants pour un essai quasiment « ethnographique » de l’Amérique de Trump…


Une apparence bonhomme, un parcours universitaire prestigieux, une origine prolétarienne et un bestseller remarqué. Nouvelle star du parti Républicain, J.D. Vance a beaucoup à offrir.

Candidat aux élections sénatoriales de l’Ohio, il vient d’être désigné par son parti et doit affronter les démocrates lors des midterms de novembre (élections législatives de mi-mandat) avec de sérieuses chances de l’emporter. Depuis les élections de 2020 et les huit points d’avance de Donald Trump sur Joe Biden, l’État de l’Ohio semble acquis aux Républicains alors qu’il était autrefois l’État le plus disputé d’Amérique. Au niveau national, les Républicains bénéficient d’une confortable avance, alors que la popularité de l’administration démocrate est grevée par l’inflation, les déconvenues géopolitiques et une certaine fatigue cognitive attribuée au président Joe Biden.


J.D. Vance revient de loin. Au début de sa campagne, il poirotait dans les 10% d’intentions de vote. Un peu en décalage avec la base républicaine, il fut longtemps « never Trump » – c’est-à-dire de ces irréductibles Républicains hostiles à l’ancien président. Avant la présidentielle de 2016, il expliquait carrément que Donald Trump était un démagogue qui menait la classe ouvrière blanche « vers des côtés obscurs ». Il a depuis mis un peu d’eau dans son vin. Collant au discours de Trump, il a repris à bon compte la dénonciation des élites libérales (la gauche américaine), de l’immigration et fustigé les entreprises qui délocalisaient leur production pour faire des profits. Avec 36% contre 24% pour son adversaire le plus proche, Vance fait mieux que coiffer au poteau ses rivaux alors que les sondages annonçaient un résultat très serré.

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Le soutien tardif de Donald Trump semble avoir été décisif –  confirmant ainsi l’emprise de l’ancien président sur le parti Républicain et ses électeurs.

Conversion au trumpisme

Son histoire personnelle avec Donald Trump ne s’arrête pas à cette volte-face. Essayiste à succès, J.D. Vance n’est pas un inconnu. Son bestseller très remarqué Hillbilly Elegy avait offert, avec ses souvenirs de jeune homme, un regard ethnographique sur l’Amérique dont il est issu – celle qui a permis l’élection de Trump en 2016. J.D. Vance a grandi à Middleton dans l’Ohio. Fils de la classe ouvrière blanche des Appalaches – les Hillbillys – il a connu la désindustrialisation, la pauvreté, la fin du rêve américain, des communautés en miettes, une société sans espoirs… En plus du carnage social, la famille de l’auteur est décrite comme gravement dysfonctionnelle. Son père fut globalement absent et sa mère portée sur la surconsommation d’amants et d’opioïdes. Lesquels opioïdes constituent un fléau sanitaire qui provoque plusieurs dizaines de milliers de décès par an aux États-Unis.

Par ses souvenirs, l’auteur pointe la déliquescence de tout un milieu social.

En 2016, la bourgeoisie cultivée américaine s’était jetée sur l’ouvrage pour y chercher quelques éléments d’explication – notamment au fait que les États ouvriers et syndicalistes du Midwest (Ohio, Pennsylvanie, Wisconsin), traditionnellement démocrates, aient brutalement basculé une nuit de novembre 2016 du côté républicain pour offrir à Donald Trump sa victoire surprise.

Sondages électoraux et statistiques sociales

La force de l’ouvrage est qu’il échappait à la démagogie ou à la victimisation comme à la satire sociale pour offrir un regard compatissant et critique. D’un côté, ses Hillbillies sont loyaux, ardents à la tâche, patriotes, portés sur la famille et sincères. De l’autre, ils manquent de volonté, sont enclins à l’abandon et à toutes les facilités – notamment celles de tenir le gouvernement ou autrui responsables de leur sort : « ils ont le sentiment d’avoir peu d’emprise sur leur vie, et ont tendance à blâmer tout le monde sauf eux ».

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Ce constat posé, J.D. Vance restait alors bien silencieux sur les solutions politiques, confiant ne pas croire à des programmes gouvernementaux miracles et moins encore aux aides sociales.

Des remarques de bon sens du type « secouez-vous un peu » servaient de conseils par lesquels il donnait ainsi en exemple son histoire personnelle. Ancien étudiant de Yale, il doit son salut et son ascension sociale à sa grand-mère « mawa » qui lui a offert le cadre éducatif qui lui manquait.

Révélation politique

Hillbilly Elegy enjoignait donc les Américains à cesser de tenir les politiques pour responsables de leur sort. Mais, n’est-ce pas Donald Trump qui se targue d’avoir révélé « la corruption politique ce pays comme personne d’autre auparavant » ? Pour gagner des voix, l’ancien essayiste, devenu candidat, a su ajuster son discours.

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Un peu comme un Eric Zemmour se forçant à évoquer le pouvoir d’achat pour élargir sa base électorale, J.D. Vance a appris dans ses discours à flatter son public. Finie l’introspection de la white working class, finies aussi les leçons de morale de l’essayiste… Pour le candidat, les Hillbillyes sont désormais victimes des hommes politiques, de la mondialisation, de l’immigration….

Mais Vance l’assure, ce reniement ne serait qu’apparent, et procéderait en réalité d’une lecture bien superficielle de son ouvrage. Par son ton moralisant, en expliquant aussi la misère par l’identité ethnique et culturelle et non par les conditions économiques et sociales, en donnant enfin à son récit une certaine suavité nostalgique, Vance ne dissimulait pourtant rien, dans ses souvenirs, du fond conservateur de sa pensée. Si ces derniers avaient offert à la bourgeoisie américaine une petite dose de compassion littéraire, ils semblent communiquer aujourd’hui à une autre Amérique – populaire et traditionnelle – un nouvel espoir, cette fois plus politique.

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