Accueil Édition Abonné Elisabeth Lévy: « Sa Majesté des mioches »

Elisabeth Lévy: « Sa Majesté des mioches »

Il est une cause encore plus sacrée que celle des femmes...


Elisabeth Lévy: « Sa Majesté des mioches »
© SIPA Numéro de reportage : SUPERSTOCK45014167_000001

Grande victoire politique du progressisme ! Depuis le 2 juillet, la fessée est interdite en France. Selon Elisabeth Lévy, de nos jours, le législateur et le code civil ne se contentent plus des interdictions. Ils prétendent rééduquer… Sommés d’être bienveillants, les géniteurs se font en outre pourrir la vie par des mioches – à l’image de Greta Thunberg – encouragés à leur rappeler leurs devoirs « écologiques »! 


L’une des marques du progressisme d’État en vogue de par chez nous, c’est qu’il est pris, à intervalles réguliers, d’une pulsion de rééducation qui le pousse à se mêler de tout, y compris de nos fesses. Ainsi, après la «  révolution #metoo  », nombre d’institutions publiques et privées ont édicté des règlements, et même organisé des stages pour expliquer aux hommes comment ils devaient parler aux dames.

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Il est une cause encore plus sacrée, si c’est possible, que celle des femmes, c’est celle des enfants. Quelques élus de tous bords (sauf du RN précisent les intéressés avec satisfaction) se sont avisés que l’éducation était une affaire trop sérieuse pour être confiée, serait ce partiellement, à des parents dépourvus de toute qualification pour remplir cette mission. Ils ont donc fait adopter par le Parlement une modification du Code civil qui ne se contente pas de proscrire la fessée, mais affirme : « L’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques. » Selon les initiateurs de ce texte qui, au grand regret du Défenseur des droits, l’inénarrable Jacques Toubon, ne prévoit aucune sanction pénale, les enfants ont droit « à une éducation sans violence physique, punitions corporelles ou châtiments corporels, souffrances morales ou toute autre forme d’humiliation ».  On aimerait savoir comment la société réparera le tort causé à ceux qui sont mal tombés à la loterie des parents. Cette croyance dans le fait qu’on peut changer la vie, voire éliminer le mal par décret est à la fois outrecuidante et naïve. Pense-t-on vraiment sauver les enfants maltraités avec ces fadaises ? Il serait peut-être plus judicieux – mais tellement moins médiatique – d’améliorer le fonctionnement de l’aide sociale à l’enfance.

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Cependant, le législateur ne se contente pas d’interdire, il prétend éduquer… les parents. L’article 2 de la loi prévoit la rédaction d’un rapport sur les « dispositifs de soutien à la parentalité » et l’inscription du message de prohibition en première page du carnet de santé des enfants. Voilà qui va certainement guérir les familles dysfonctionnelles.

Il ne s’agit évidemment pas d’avoir la moindre indulgence pour les parents violents, déjà punis par le Code pénal. Mais avec cette loi, on assiste à un déplacement notable de la frontière entre vie privée et vie sociale. François-Michel Lambert, député LREM des Bouches-du-Rhône, lâche le morceau : « De nos jours, on a perdu le caractère collectif de la prise en charge des enfants, qui était à l’origine de la communauté humaine. » Curieux chez des prétendus libéraux ce fantasme de collectivisation.

Sous couvert de lutter contre les mauvais traitements, la nouvelle loi interdit en réalité aux parents d’exercer une contrainte réelle sur leurs bambins. Or, qu’est-ce que l’éducation sinon l’apprentissage de la contrainte et du renoncement à la toute-puissance infantile  ? Beaucoup des «  libres enfants de Summerhill  », éduqués dans le respect de leurs désirs, sont devenus des adultes malheureux et inadaptés. Et les sauvageons qui, au collège, terrorisent leurs profs ou leurs condisciples n’ont probablement pas souffert d’un excès d’autorité, mais plutôt d’une absence totale de celle-ci.

Il est une cause encore plus sacrée, si c’est possible, que celle des femmes, c’est celle des enfants.

Elisabeth Lévy. ©Hannah Assouline
Elisabeth Lévy. ©Hannah Assouline

Surtout, la loi établit implicitement une égalité de droits entre adultes et enfants qui va à l’encontre du principe même de l’éducation, nécessairement verticale. Mais certains rêvent à un renversement complet qui verrait les enfants éduquer leurs parents. Du reste, quand on voit le secrétaire général de l’ONU et un aréopage de puissants écouter avec un air solennel une ado de 15 ans à l’air buté leur faire la leçon et leur expliquer comment ils devraient gouverner, on se dit que le renversement a déjà eu lieu. Si les parents sont priés de ne plus engueuler leur progéniture dans le cadre d’une éducation bienveillante, les marmots sont dès leur plus jeune âge encouragés à pourrir la vie de leurs géniteurs en les rappelant à leurs devoirs écologiques. «  Papa, tu maltraites la planète ! » s’indigne Suzon du haut de ses six ans, tandis que Sam, 7 ans, s’étrangle de voir un adulte remplir un pistolet à eau. Il n’est pas certain, cependant, que cette belle mobilisation de la jeunesse suffise à changer les parents réactionnaires et climatosceptiques. En termes d’hygiène sociale, il serait plus efficace de leur interdire de procréer. Ce serait un chouette geste pour la planète.

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Article extrait du Magazine Causeur




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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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