Immigration : les enfants du désespoir?


Immigration : les enfants du désespoir?

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On sait depuis longtemps que l’Espagne, véritable « porte » vers l’Europe, est une terre d’immigration pour les pays d’Afrique, notamment à travers ses deux enclaves au milieu au nord du Maroc : Melilla et Ceuta. Afin de mieux contrôler les flux migratoires, au début des années 2000, les autorités espagnoles ont doté ces deux territoires de murs pouvant aller jusqu’à six mètres de haut, adoptant également une panoplie de mesures de contrôle et de sécurité. Ces précautions n’empêchent pas un nombre croissant de mineurs de tenter la traversée vers l’Espagne, souvent au péril de leur vie. Avec un zeste de cynisme, les adultes estiment qu’envoyer un adolescent, un enfant ou même un nouveau-né maximise leur chance de gagner l’Europe. C’est le cas de Fatima. Cette petite fille de onze mois née d’une mère sénégalaise et d’un père gambien a ému les médias espagnols. Confiée à des étrangers pour traverser la Méditerranée à bord d’une embarcation de fortune vers l’Espagne, Fatima a été récupérée vivante mais grelottante. Devant une histoire aussi attendrissante, qui aurait pu virer à la tragédie, les médias ibériques n’ont pas résisté à la tentation d’évoquer une « Moïse des temps modernes ».

Fatima n’est pas seule. Elle incarne un phénomène en plein essor, notamment aux Etats-Unis où certains États comme le Texas ou la Floride accueillent un nombre croissant  de clandestins mineurs. Depuis octobre 2013, ils sont en effet 47 000, la plupart originaire du Honduras et du Mexique, à risquer leur vie pour passer aux USA en traitant avec des réseaux mafieux qui contrôlent les passages illégaux à la frontière. Et, selon la presse américaine, ce chiffre devrait doubler d’ici à la fin de l’année.

À l’origine de ce phénomène, on trouve une disposition légale : le programme Daca (Deferred Action for Childhood Arrival) qui permet aux clandestins de moins de 16 ans de bénéficier d’un permis de séjour temporaire et d’un permis de travail pouvant aller jusqu’à deux ans. L’idée n’est pas forcement mauvaise : considérer les enfants et les adolescents comme une catégorie spécifique paraît logique. Mais les détracteurs de cette loi – et puisqu’elle a été votée par les Démocrates à l’initiative d’Obama, il s’agit bien souvent de Républicains –  soulignent son effet pervers : l’incitation des jeunes les plus vaillants à fuir leur pays d’origine.

Pour un adulte, tenter de traverser la frontière sud des Etats-Unis représente un risque aussi coûteux que dangereux. Au lieu de prendre un risque inconsidéré, il est plus raisonnable d’envoyer un mineur (plus difficilement expulsable) pour préparer le terrain à sa propre émigration. Une fois installé dans son pays d’adoption, l’enfant multipliera les manœuvres pour rassembler sa famille en s’appuyant sur les procédures de regroupement familial. Et puisque l’immigration est souvent un projet bâti à plusieurs plutôt qu’une aventure individuelle, ce type de raisonnement fait florès.

Dans un pays dont la population latino ne cesse de croître, ces questions sont hautement sensibles et  éminemment politiques. Ainsi, les adversaires d’Obama dénoncent une mesure démagogique destinée à séduire les communautés hispaniques largement acquises à la cause du candidat démocrate (à hauteur de 70%) lors de l’élection présidentielle.

Quoi qu’il en soit, une chose est sûre : en matière d’immigration, les Etats-Unis paraissant annoncer l’avenir de l’Europe. Malgré tous les efforts déployés par les Américains pour cadenasser la frontière mexicaine, l’immigration illégale semble impossible à enrayer. A des milliers de kilomètres du Texas, l’arrivée de Fatima en Espagne confirme l’exportation sur le vieux continent de la stratégie d’immigration des mineurs.  L’histoire de la petite Fatima a fait basculer du côté de l’émotion le débat sur l’immigration. Rien que de très naturel : quel homme de cœur pourrait reconduire à la frontière un bébé de onze mois ? Malheureusement, il est fort probable que le débat en reste là…



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