À droite, rien de nouveau


À droite, rien de nouveau

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On se croirait revenu en 1985. Voilà la droite française prise dans un débat sur la cohabitation. Les pronostics d’une dissolution de l’Assemblée nationale se faisant plus nombreux, voilà que les ténors de l’UMP dissertent sur leur intention d’aller oui ou non gouverner la France en cas de victoire de leur parti à des élections législatives anticipées. Il y a trente ans, c’est l’ancien Premier ministre Raymond Barre qui refusait cette hypothèse, alors que les dirigeants du RPR, Edouard Balladur dans une tribune au Monde, et Jacques Chirac, qui suivait tous les conseils de son ami de vingt ans, la jugeaient inéluctable. Aujourd’hui, c’est François Fillon qui nous explique qu’il ne faudrait pas cohabiter avec François Hollande. Xavier Bertrand, Valérie Pécresse et d’autres partagent son avis. Fillon fait du Barre en droit constitutionnel comme il en fait en économie. On ne peut pas dire que cela soit davantage judicieux. Qu’on se rappelle de sa célèbre phrase à propos de Nicolas Sarkozy : « [Il] n’est pas mon mentor ». C’était juste. Son mentor, c’était Philippe Séguin, dont il était très proche dans les années quatre-vingts. En 1985 justement, le député-maire d’Epinal publiait un ouvrage[1. Réussir l’alternance, Contre l’esprit de revanche – Robert Laffont.] qui n’a pas perdu de son actualité, au moins sur ce sujet. Qu’écrit-il à propos du débat sur la cohabitation ? C’est limpide, comme du Séguin : « On ne le répétera jamais assez, les choses sont claires : le président de la République a été élu pour sept ans[2. Cinq ans, maintenant, pour les plus distraits.] et nul ne peut contester, avant son terme la légitimité de son mandat. Ajouterais-je qu’on discerne mal comment les élections de 1986 pourraient être gagnées avec un autre discours que celui-là. Imagine-t-on les candidats de l’opposition dire à leurs électeurs potentiels : « votez pour nous et nous croiserons les bras aussi longtemps que le président de la République n’aura pas compris que son devoir est de partir ? » « Votez pour nous et vous pouvez être certains que nous n’assumerons pas nos responsabilités ? » « Votez pour nous et ce sera la crise ! »

Après avoir vécu trois cas de cohabitation, l’une en tant que député de la majorité (86-88), l’une en tant que ministre (93-95) et la dernière comme député de l’opposition (97-2002), François Fillon devrait savoir que le jugement de son mentor ne souffre pas d’exception, les institutions de la Ve République étant ainsi faites[3. Séguin jugeait en revanche, après l’expérience de la première cohabitation, que le gouvernement Chirac aurait dû présenter sa démission lorsque François Mitterrand refusa de signer les ordonnances sur les privatisations.]. Certes, le quinquennat a été voté, réduisant les cas possibles de cohabitation, mais la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale et son corollaire droit de dissolution n’ont pas été supprimés. Pour la supprimer complètement, il aurait fallu éliminer ces deux possibilités, et ainsi transformer notre constitution en régime présidentiel à l’américaine. Tel n’a pas été le cas, même si François Fillon a déjà manifesté son inclination pour cette évolution.

Comme l’expliquait Séguin, les candidats de l’UMP auraient bien du mal à convaincre les électeurs de voter pour eux avec un tel discours si le Président provoquait des élections anticipées.  Cela dit, avec un tel projet, pas besoin de programme, pas besoin de profession de foi. Pratique ! Les concurrents de l’opposition ont d’ailleurs sauté sur l’occasion. Du côté de l’UDI, on explique qu’on irait gouverner en cas de victoire. Et Marine Le Pen a bien entendu embrayé en déclarant que son parti assumerait ses responsabilités en cas de victoire à d’éventuelles élections législatives. Les commentateurs qui se sont moqués d’elle sur le mode « elle prend ses désirs pour des réalités » sont passés à côté de l’essentiel. La présidente du FN sait très bien que son parti n’a aucune chance de remporter la majorité des sièges au Palais-Bourbon.  Elle s’adapte au discours du concurrent. Face à des candidats UMP qui disent ne pas vouloir cohabiter, il est habile de claironner qu’on assumerait de gouverner. « Votez pour nous, puisque l’UMP ne veut pas redresser la France en cas de cohabitation », tel est le message que Marine Le Pen vient d’envoyer aux électeurs. Si l’UMP disait accepter la cohabitation, on pourrait presque parier que la présidente du FN fustigerait l’UMPS et le « gouvernement du pareil au même ». A tous les coups elle gagne, c’est ainsi. Mais ce contexte, c’est l’UMP et le PS qui le lui offrent sur un plateau.

De toute évidence, puisque les analyses de Philippe Séguin restent valables et que la pression du FN sera forte, les candidats de l’UMP devront adopter un autre discours que celui que tiennent François Fillon et Xavier Bertrand aujourd’hui. Et ils feront campagne dans l’objectif de gouverner. C’est le calendrier qui décidera. Si les frondeurs du PS vont au bout de leur logique et que la dissolution intervient dans quelques semaines, l’UMP n’a pas de chef incontesté. On imagine assez bien que Juppé serait en pole position pour Matignon. Si elle intervenait plutôt début 2015, c’est le président de l’UMP nouvellement élu qui serait appelé. Cohabitation Hollande-Sarkozy ? Ça promet…



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