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24 février 2022, l’étrange défaite

Les “hijabeuses” ont gagné


24 février 2022, l’étrange défaite
Militantes pro-voile interrogées par le site Ohmymag. Capture ohmymag.com

Islamisation. Jeudi 24 février, alors que nous étions occupés à bomber le torse face à Vladimir Poutine, nous capitulions face aux “hijabeuses”. À quoi bon faire progresser la parité dans le sport, dans ces conditions ?


Aucune loi n’empêchera une jeune femme de porter le voile islamique lors d’une compétition sportive. Ainsi en ont décidé nos députés. Le jeudi 24 février, la loi visant à « démocratiser le sport en France » a été définitivement adoptée à l’Assemblée Nationale, par 67 voix sur 73 exprimées. Nos regards étant alors braqués vers Poutine, la nouvelle a été reçue dans une indifférence générale. Le texte adopté n’interdira pas le port du voile en compétition. 

Chaque samedi, je me sens discriminée…

Toutefois, il serait de mauvaise foi de dire que tout le monde a été frappé d’apathie. Vendredi 25 février, Anasse Kazib, cheminot marxiste candidat à la présidentielle s’est félicité sur Twitter : « La loi sport a été adoptée sans l’amendement réactionnaire et islamophobe proposé par LR sur l’interdiction du voile en compétition sportive. Jusqu’au bout contre le racisme d’État et pour le droit de toutes les femmes à disposer de leur corps ! ». Le droit des femmes à disposer de leur corps, parlons-en. Début février, une femme a été décapitée par son mari dans le Sud-ouest de l’Iran, ceci pour soupçon d’adultère. Elle s’appelait Mona Heidan, elle avait 17 ans. 

Jeudi 24 février, le média Oh!mymag a diffusé un entretien vidéo avec le collectif “Les Hijabeuses”. Khartoum, une jeune femme drapée d’un grand voile noir s’y indigne du projet d’amendement LR, visant alors à inclure dans la loi sport l’interdiction du voile lors des compétitions sportives. « On veut nous l’interdire [le voile] même dans le sport, qui est source d’émancipation des femmes, je trouve ça réellement ridicule ». « Chaque samedi, je me sens discriminée, j’ai la boule au ventre pour savoir si je vais jouer au foot ou pas », renchérit sa coéquipière. « On arrive, on prie pour pouvoir jouer, alors que ce n’est pas normal de devoir se battre pour pouvoir jouer », reprend Khartoum. 

Khartoum a raison. Il n’est pas normal que des femmes soient obligées de se battre en Arabie Saoudite, en Iran ou ailleurs dans le monde musulman pour avoir le droit de taper dans un ballon, au motif que ce serait un truc de mec. « La société veut trop nous infantiliser, nous réduire comme des enfants, elle veut penser à notre place, parler à notre place à chaque fois alors qu’on est libre de nos choix autant que toutes les autres femmes sur Terre », poursuit-elle. Cette phrase mérite qu’on s’y arrête. Car non, Khartoum. En France, vous n’êtes pas aussi libre que toutes les femmes sur Terre. 

Il faudrait plutôt soutenir les Soudanaises, Marocaines, Saoudiennes…

En France, vous êtes infiniment plus libre que Mona Heidan, décapitée par son mari à l’âge de 17 ans, et dont le même mari a fièrement exhibé la tête. Avant ça, la même Mona Heidan avait été mariée à l’âge de 12 ans. En France, vous êtes considérablement plus libre que n’importe quelle femme du Soudan, les Soudanaises ayant obtenu l’autorisation de danser avec un homme, de porter un pantalon et de jouer au foot il y a seulement trois ans. Et vous êtes considérablement plus libre que les Saoudiennes, qui ne peuvent ni faire des études, ni voyager, ni nager, ni même sortir sans l’autorisation de leur « tuteur ». J’énumère des évidences ? Il semble que l’on soit obligé de les rappeler.

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Khartoum dit se sentir infantilisée. Épargnons-lui le sort des Afghanes, il est suffisamment sordide et loin de chez nous. Traversons la Méditerranée. Au Maroc, le suicide d’une femme il y a un an, condamnée à deux mois de prison ferme pour avoir eu un enfant hors mariage, devrait lui rappeler que le « on est libre de nos choix » reste un privilège d’Occidental(e). Un privilège qui donne aux “Hijabeuses”, le droit d’étudier, de faire le travail de leur choix, le sport qu’elles souhaitent, et de coucher avec celui (ou celle) qui leur plaît.

La ministre pense préserver la démocratie

« Le sport est un droit fondamental et je pense que tout le monde devrait se battre pour que tout le monde puisse pratiquer le sport », conclut Khartoum. Sur ce point, elle a raison. C’est d’ailleurs pour ça qu’il faudrait plutôt soutenir les courageuses anonymes qui se battent en Iran, en Arabie Saoudite et dans des dizaines d’autres pays pour prôner les vertus de l’exercice physique conjugué au beau sexe. 
« Préserver nos démocraties partout et là où on peut, c’est apporter, à son échelle, une petite pièce à un édifice qu’on doit protéger de toutes nos forces », a osé Roxana Maracineanu, ministre déléguée aux Sports lors de l’adoption de la loi. On hésite entre cynisme et bonne foi. Sans doute parle-t-elle de bonne foi, c’en est d’autant plus inquiétant. L’Histoire retiendra que ce jeudi 24 février, la capitulation face au faux « combat » des “Hijabeuses” n’est pas venue des rangs de La France Insoumise, mais de ceux de La République en Marche.




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Enseignant, auteur du roman "Grossophobie" (Éditions Ovadia, 2022).

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