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Gérard Collomb aurait dû parler plus tôt !

Que faut-il tirer des révélations de Gérard Collomb ?


Gérard Collomb aurait dû parler plus tôt !
Gérard Collomb, le 29/06/2020 / PHOTO: KONRAD K./SIPA / 00969764_000001

Le 11 novembre dernier, Gérard Collomb s’est exprimé sur Twitter sur l’accueil de l’ocean Viking et a avoué qu’en 2018, il y avait déjà de gros problèmes migratoires. Jusqu’alors, Gérard Collomb s’était tu pour ne pas mettre en péril la réélection d’Emmanuel Macron.


Gérard Collomb n’oublie rien et a le ressentiment durable.

L’un des tout premiers soutiens d’Emmanuel Macron à l’élection présidentielle de 2017, devenu par la suite son ministre de l’Intérieur, a mal vécu que sa complicité politique et amicale avec le président se soit interrompue en 2018 selon des modalités et avec une façade qui longtemps servirent de leurre.

Gérard Collomb, en effet, avait invoqué son besoin de revenir à Lyon pour une campagne des municipales qui exigeait sa présence dans les meilleurs délais ; mais non sans avoir, au préalable, jeté un pavé dans la mare avec sa crainte que dans les banlieues, on ne soit bientôt plus «côte à côte mais face à face».

Malgré paraît-il les efforts de Brigitte Macron, le fil était rompu. Sans véritable hostilité ni contradiction mais avec une réserve et un quant-à-soi de la part de Gérard Collomb qui en disaient long.

La bombe a éclaté ce 11 novembre quand l’ancien ministre a considéré que «l’accueil en France de l’Ocean Viking marque un tournant dans la politique d’immigration en France» et a déclaré que «lorsqu’en 2018 avait été envisagée la création d’un hotspot à Toulon, je m’y étais opposé de toutes mes forces et avais démissionné» (actu.fr).

Explicitant ce tweet, Gérard Collomb souligne que «les problèmes migratoires étaient déjà extrêmement importants en 2018. La Commission européenne avait lancé l’idée de centres contrôlés pour accueillir les migrants ; peu après, les chefs d’Etat réunis spécialement sur ce sujet, reprennent ce projet, Emmanuel Macron s’y montrant l’un des plus favorables». Pour ces centres en question, les trois pays prévus – Tunisie, Maroc et Albanie – refusent une quelconque implication. Mais Emmanuel Macron, lui, «propose alors d’ouvrir un tel centre soit à Toulon soit à Marseille et il demande au préfet de l’époque d’y travailler. Ministre de l’Intérieur, je suis à fond contre ce projet car toutes mes équipes me démontrent que compte tenu des législations françaises et européennes, si l’on accueille des migrants dans ce type de centre, on ne pourra pas les faire repartir».

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Le ministre de l’Intérieur assiste à Marseille, le 1er octobre 2018, à une cérémonie en hommage aux deux jeunes filles tuées gare Saint-Charles par un Tunisien en situation irrégulière et qui aurait dû être expulsé. Demeurant hostile à un tel centre malgré l’insistance du président, et pour ne pas être responsable de telles tragédies, il démissionne de sa charge le 3 octobre.

De ces révélations tardives de Gérard Collomb, que faut-il tirer ?

– D’abord, que le terrorisme se nourrit et se nourrira de cette mansuétude, de l’incurie de notre pays pour sa sauvegarde.

– Ensuite, que la situation en 2022 est pire. Plus préoccupante qu’en 2018 et pourtant d’une certaine manière Emmanuel Macron, certes poussé par une Italie pourtant stigmatisée, a mis en oeuvre partiellement ce qu’il avait validé il y a quatre ans. Sa décision d’aujourd’hui face à l’Ocean Viking va évidemment engendrer des conséquences dévastatrices sur le plan de l’immigration.

– Par ailleurs, qu’Emmanuel Macron ne sait décidément pas maîtriser le langage régalien et qu’il éprouve d’extrêmes difficultés, face à la dureté du réel, à sortir des voeux pieux et d’un humanisme qui se rengorge à proportion de son impuissance.

– Enfin, et c’est pire, que le cynisme et la faiblesse se conjuguent pour avoir des effets catastrophiques. On cherche à séduire la droite par des apparences de fermeté, on a eu l’Aquarius, on donne des gages pour la rigueur, on concède un peu à l’autorité de l’Etat mais, dès qu’un écueil se présente, qu’un arbitrage de responsabilité est à effectuer, le choix est accompli mais pour le pire. Et on fait avaler à Gérald Darmanin une couleuvre dont il se serait bien passé !

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Ces voltes, ce processus qui sans conviction cherche à gagner l’adversaire à sa cause, cette volonté qui d’un jour à l’autre se délite, ne serait-ce pas le macronisme, tellement soucieux d’adapter ses embardées aux fluctuations du monde qu’il relève plus d’un bateau à la dérive que d’un navire gouverné ?

On ne saurait trop féliciter Gérard Collomb pour cette confession dont on devine la sincérité – il a toujours été un socialiste pragmatique et ferme – même si elle est inspirée par un zeste d’aigreur. Emmanuel Macron n’a pas de chance avec ses anciens ministres : Gérard Collomb, Agnès Buzyn… Là où je ne rejoins pas le premier, c’est dans l’explication qu’il donne pour justifier la lenteur de sa réaction. Il prétend que s’il avait parlé plus tôt, il aurait gravement nui à Emmanuel Macron et qu’il l’aurait fait perdre en 2022.

Il me semble que sur ce plan Gérard Collomb surestime son coup de théâtre. Il a certes ouvert les yeux de tous ceux qui prennent Emmanuel Macron au mot au lieu de le juger aux actes mais Marine Le Pen ne l’aurait pas emporté tout de même en 2022.

Dans tous les cas, il aurait dû parler plus tôt. Ce n’est pas bien de laisser une démocratie sur sa faim !

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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