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General Electric, le géant qui fait plonger l’économie française

Comment l'écologisme a tué l'usine à (turbines à) gaz de Belfort


General Electric, le géant qui fait plonger l’économie française
General Electrif, Belfort. Auteurs : JC Tardivon/SIPA. Numéro de reportage : 00907806_000007

On l’avait présenté comme le sauveur, mais cinq ans après, le groupe General Electric apparaît en pleine lumière, comme un géant à la dérive qui nous entraîne avec lui.


Comme les commentateurs ont la mémoire courte, surtout quand ils écrivent des propos dithyrambiques directement inspirés par les communiqués autosatisfaits des acteurs financiers de l’industrie, il faut revenir à la fin du siècle dernier pour comprendre ce qui arrive aujourd’hui.

D’Alstom à Bouygues

En 1999 le gaz « naturel » ou CH4 issu des champs pétroliers a le vent en poupe, c’est pourquoi la  production électrique l’alternative « propre », « verte » aux centrales nucléaires, à charbon ou à fioul, et donc les géants de l’électromécanique, General Electric, Siemens, ABB, Mitsubishi, rivalisent d’efforts pour mettre sur le marché les meilleures turbines à gaz. La société française Alstom produit des turbines sous licence General Electric à Belfort. Dans une stratégie applaudie par les communicants, elle rachète les turbines à gaz d’ABB, ce qui conduit General Electric à prendre le relais de l’usine de Belfort et d’autres usines moins médiatiques. Les deux sociétés qui à travers la Compagnie Générale D’Electricité ont eu une longue histoire commune divorcent donc à l’amiable pour permettre à Alstom de faire cavalier seul. Hélas les turbines ABB ne sont pas au point et Alstom va se ruiner, à l’achat d’abord, puis pendant une dizaine d’années, pour pouvoir se mettre en position de vendeur ! C’est la cause majeure de l’affaiblissement d’Alstom qui a conduit à l’intervention de l’Etat, puis à son remplacement comme actionnaire de référence par le Groupe Bouygues.

A lire aussi: Alstom, une histoire française

Les attaques de l’écologie politique contre les fossiles n’épargnent pas le gaz naturel et la folie des éoliennes et des panneaux solaires mettent à mal le marché des centrales à gaz, les politiciens des pays européens minimisant le coût de l’intermittence de ces énergies renouvelables en termes de modifications des réseaux et de fragilisation financière des entreprises électriques. Les entreprises allemandes, privées de nucléaire et incitées à se retourner vers l’éolien, sont au bord du gouffre et ne doivent leur salut que grâce au bas prix du charbon et… de la lignite ! Pour les fournisseurs de turbines à gaz, cette évolution est catastrophique, surtout pour Alstom qui manque de compétitivité par rapport à General Electric et Siemens.

General Electric reprend la patate chaude

La stratégie d’Alstom en 2013 ne varie néanmoins nullement et la société annonce rechercher un partenaire pour son département transport ferroviaire pour lui permettre de renforcer son pôle énergie, « Il n’y a pas le feu au lac ! », déclare même son PDG !

Quelques mois plus tard, une indiscrétion de Bloomberg annonce que des conversations avancées existent entre Alstom et General Electric pour la cession à General Electric de son département Energie, soit près des trois quarts du groupe, et on nous explique doctement que cela va permettre de faire du département transport une pépite alors que chacun disait que sa taille ne permettrait pas de résister à la concurrence chinoise.

C’était il y a cinq ans, deux ans ont été nécessaires pour mener à bien (!) l’opération d’intégration, jamais une autre hypothèse n’a été sérieusement envisagée, on a amusé la galerie avec des JV 50/50 qui se sont révélées des 51/49 au profit de General Electric, on a menti sur la création d’emplois, la presse a été alimentée tous les jours par des communiqués victorieux, le Maire de Belfort a même fait signer une pétition en faveur de General Electric, présentée partout comme une société française, francophone, francophile, dont le président était reçu par la présidence de la République avec amitié et effusion en remerciements de son « sauvetage » inespéré d’Alstom trouvant à travers cet assemblage un allié de poids pour la conquête du monde.

Déni de réalité, arrogance, incompétence 

Il faut relire tout ce qui a été dit à l’époque et même encore récemment sur la chance du pays d’avoir trouvé sur sa route un ange pareil ! Les dirigeants qui ont tenté depuis de remettre General Electric en état de marche ont même accusé le deal Alstom d’avoir été la cause des malheurs du Groupe, relayés brillamment par les journaux français… Le déni de réalité, l’arrogance et l’incompétence ont régné depuis cinq ans sur ce dossier.

General Electric était en difficulté dès 2014 et cherchait avant tout à limiter la casse dans la chute du marché des turbines à gaz en supprimant un concurrent. On lui a offert mieux, elle a accepté, mais elle n’avait pas voulu voir la faiblesse industrielle de la fusion, Alstom est une société technique qui réalise des installations à la demande, General Electric fait de la série et vend sur catalogue, c’était le mariage de la carpe et du lapin sans compter sur le mode de gestion à « l’américaine » mal adapté à la société française comme on l’avait déjà observé à Belfort… et partout ailleurs. General Electric était malade en 2014, personne n’a voulu le voir, surtout pas le gouvernement français voulant éradiquer les énergies fossiles et maltraitant le gaz naturel.

Faire disparaître l’usine à gaz

Alstom n’était malade que de ses turbines à gaz, péchés d’orgueil de ses dirigeants successifs, ses points forts étaient les turbo-alternateurs Arabelle pour le nucléaire, l’hydraulique, le charbon, et les smart grids ou réseaux, et, bien sur le ferroviaire grâce à l’excellence de son premier client SNCF. Porté par EDF et SNCF, Alstom avait toutes les chances de développement, mais il fallait trouver la façon de faire disparaître l’épine turbines à gaz. Le plus simple était de trouver un arrangement avec Siemens, le plus hasardeux avec General Electric, mais de tenter de rester fort sur les positions de premier mondial. Personne n’a voulu réfléchir, les publicités sur General Electric, leur lobbying, étaient insensées, mais convaincantes… pour ceux qui le voulaient bien.

Comment en sortir désormais ? Revenir aux compétences essentielles pour notre avenir, revenir au « bien commun » représenté par les hommes et les femmes d’Alstom qui veulent croire encore à l’avenir de l’électromécanique française et qui sont prêts, les uns et les autres à relever les défis du nucléaire, de l’hydraulique, du charbon et des smart grids en y intégrant le transport ferroviaire bien évidemment. Des anciens dirigeants d’Alstom y sont prêts, ils rencontrent depuis des mois les pouvoirs publics, les fonds d’investissements, les dirigeants des Grands Groupes nationaux, il suffit d’une volonté et d’un négociateur pour délivrer General Electric d’un poids désormais insupportable pour un groupe en perdition.

>>> Retrouvez Loïk Le Floch-Prigent sur son blog



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Industriel, consultant, auteur, chroniqueur, bloggeur. Dernier ouvrage 'Pour une France Industrielle

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