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Gaspard Proust rit de tout avec n’importe qui


Gaspard Proust rit de tout avec n’importe qui
Gaspard Proust. Numéro de reportage : 00683609_000001.
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Gaspard Proust. Numéro de reportage : 00683609_000001.

« On se fait rarement rire seul parce qu’on se surprend difficilement soi-même » disait Paul Valéry. Le moins que l’on puisse dire est qu’en matière de rire comme de surprise, Gaspard Proust, dans son dernier spectacle, ne fait pas dans la demi-mesure, bien servi en cela par la distance et le sérieux qui le caractérisent ainsi que la mise en scène minimaliste.

Vive l’inceste et la GPA!

« Aucun orgueil ! » assène l’humoriste en rentrant sur scène sous les applaudissements juste après avoir éreinté les spectateurs pendant 10 minutes en coulisses lors d’un dialogue fictif avec un technicien, micro ouvert, et quelques secondes à peine après s’être exclamé, ayant découvert que la salle l’entendait : « Tu vas voir, si ça se trouve, ces cons, ils vont quand même m’applaudir ! ».

Loin de commencer son spectacle tout de suite, Gaspard Proust nous explique ensuite en détail les consignes de sécurité à respecter en cas d’attaque terroriste, en invitant, au nom du féminisme et de l’égalité, les femmes à se mettre en première ligne juste à côté des portes, puis en demandant aux juifs de la salle de se manifester afin qu’il puisse s’en servir, le cas échéant, comme « monnaie d’échange ».

Le ton est donné et si l’on pense, à cet instant, que le comique n’ira peut-être pas toujours aussi loin sur tous les sujets, on se trompe lourdement. Que ce soit lorsqu’il évoque la paternité à travers les conseils sexuels prodigués par son père ou lorsqu’il se montre extrêmement favorable à la GPA car cela peut permettre aux hommes, vingt ans après, de baiser leur fille en toute bonne conscience, Gaspard Proust fait sans cesse osciller la salle entre un certain malaise et de bruyants éclats de rire qui tiennent autant de sa puissance comique que de sa capacité à nous surprendre évoquée plus haut.

Vanner les minorités visibles

A l’heure où le courage des humoristes consiste principalement à dire du mal de Nicolas Sarkozy, Donald Trump ou Marine Le Pen, Gaspard Proust choisit de s’attaquer à toutes les minorités visibles, sans exception, dans un souci d’égalité qui tranche avec l’égalité de façade qu’on promeut un peu partout. Le rire devient inclusif en excluant tout le monde. Il rassemble en n’oubliant pas de stigmatiser chaque catégorie. L’être humain ne se définit plus par une « communauté » à laquelle il appartiendrait mais par sa propension à être moqué autant que tous ses semblables.

Quand la plupart de ses collègues font dans le consensus et le politiquement correct en s’orientant vers les petits soucis personnels et quotidiens propres au stand-up, il propose de nous faire rire des migrants, de la deuxième guerre mondiale, ou du Bataclan en se moquant des terroristes « qui auraient fait beaucoup plus de victimes s’ils avaient balancé dans la salle de la farine et du lait sur tous ces bobos allergiques au gluten et au lactose » ou des « nouveaux résistants qui occupent les terrasses pour boire des coups le lendemain du 13 novembre mais qui fuient au moindre bruit de pneu qui éclate ». Le résultat est aussi jubilatoire et libérateur que le choix apparaît périlleux.

Certains regrettent la liberté de ton dont les comiques jouissaient il y a une vingtaine d’années ? Gaspard Proust décide de s’en saisir, sans se soucier de savoir si l’époque le permet.

Sur Le couple (« le seul endroit où la résignation est perçue comme de la sagesse ») la condition humaine, la vieillesse (« pour les femmes, à partir de 43 ans, chaque année en vaut sept, comme pour les chiens ») la séparation, la maladie ou la mort, le comique n’est pas en reste, préférant, plutôt que de s’arrêter avant que cela choque,  se taire uniquement lorsqu’il a épuisé le sujet. Le rire redevient alors ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être : une formidable catharsis.

Il y a à la fois des accents desprogiens dans son degré de provocation et sa causticité et rabelaisiens dans le plaisir que nous prenons à nous vautrer avec lui dans l’outrance.

« Je me presse de rire de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer. » disait Beaumarchais. Si l’époque dans laquelle nous vivons vous semble désespérée, courez voir Gaspard Proust sur les planches.



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