Accueil Politique Fillon, le coup de fouet qu’il fallait à la Gauche

Fillon, le coup de fouet qu’il fallait à la Gauche


Fillon, le coup de fouet qu’il fallait à la Gauche
François Fillon en meeting à Lyon, novembre 2016. SIPA. 00782463_000053
François Fillon en meeting à Lyon, novembre 2016. SIPA. 00782463_000053

Je suis reconnaissant à la droite d’avoir, peut-être en partie malgré elle, contribué à réhabiliter le débat politique dans ce pays. Que quelque 4 millions d’électeurs aient participé à cette partielle est pour moi une bonne nouvelle. Une partielle qui, n’en doutons pas, fait déjà figure de premier tour de la présidentielle de 2017 qui en comptera donc six… pour ceux qui le voudront. Comment aurait-il pu en être autrement ? J’ai écrit combien et pourquoi la perspective d’un second tour entre Nicolas Sarkozy et Marine le Pen m’était insupportable comme à de nombreux citoyens de ce pays. Aux lendemains de ce scrutin j’exprime donc ma satisfaction de voir cette perspective disparaître de l’horizon… et d’y avoir contribué.

Comme une majorité de Français, j’ai été surpris par la percée fulgurante de François Fillon qu’en toute honnêteté je n’ai pas vu venir. Parce que les cartes me semblaient bien distribuées entre une droite forte incarnée par Nicolas Sarkozy et une droite soucieuse d’élargissement au centre portée par Alain Juppé. Je constate aujourd’hui, comme beaucoup, que nombre d’électeurs de droite ont fini par lâcher l’ancien président, dont l’image, ternie, devenait impossible à assumer, pour se reporter sur François Fillon par ailleurs libre de toute collusion avec le centre. Il faut donc lire le scrutin de dimanche dernier comme le désir d’une majorité d’électeurs de droite de marquer une alternance politique nette, sans concession, avec un quinquennat qu’elle exècre.

Au premier tour on élimine, au second on choisit !

Chacun s’accorde à dire que François Fillon n’est pas encore à l’Elysée. Que les jeux ne sont faits ni au sein de la droite, pour la primaire, ni à plus forte raison au niveau du pays, pour la présidentielle. Bref: que tout peut encore arriver. C’est exact. Mais on imagine mal comment Alain Juppé pourrait avoir, en une semaine, inversé un tel rapport de forces. Et l’on peut douter que les 600 000 électeurs de gauche qui, dimanche, se sont déplacés pour faire barrage à l’ancien président de la République se sentent particulièrement intéressés à départager les deux anciens premiers ministres. D’autant que l’intérêt objectif de la gauche est finalement d’avoir en face d’elle un « vrai » candidat de droite dure: en l’occurrence François Fillon. Ce second tour risque fort de redevenir, pour le coup, un scrutin interne à la droite et au centre. Au premier tour on élimine, au second on choisit ! Ce n’est pas le moindre paradoxe de cette primaire.

Je lis, ici ou , que la gauche serait encore à même de l’emporter. Mon scepticisme est total. Avec déjà trois candidatures annoncées hors primaire (Yannick Jadot, Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron) on imagine mal par quel miracle une gauche éclatée qui représente dans les sondages quelque 35% des intentions de vote pourrait être présente au second tour de la présidentielle. Avec ou sans François Hollande. Comment Emmanuel Macron, qui entend dépasser le clivage droite-gauche pourrait-il trouver à droite les voix dont il a besoin pour nourrir sa propre dynamique, alors que l’essentiel de cet électorat, avide de revanche sur le quinquennat de François Hollande, se sent galvanisé par le score de François Fillon et en mesure de l’emporter, précisément à droite toute ?

Le déni de la réalité est toujours une faute politique.

De longs mois nous séparent encore du scrutin de la présidentielle et il faut souhaiter, pour notre démocratie, que le débat politique se prolonge, s’approfondisse et s’amplifie, dans la dignité qui a marqué pour l’essentiel les semaines que nous venons de vivre. Et qui peut nous rendre fiers au regard des dérives dont nous avons été les témoins atterrés, outre-Atlantique.  Car de ce débat dépend non seulement le choix d’un nouveau Président de la République, mais la clarification nécessaire à une recomposition ultérieure du paysage politique et sans doute à un réexamen de nos pratiques démocratiques.

Depuis lundi, nombre de commentateurs épiloguent sur la personnalité de François Fillon qui serait, dans cette présidentielle, outre le vecteur d’une droite dure au plan économique et social, le porte étendard de la Manif pour Tous. Et donc l’émanation d’une droite catholique réactionnaire. Je ne suis pas sûr que ce soit là la manière la plus intelligente d’entrer dans la compréhension des événements que nous avons vécus depuis 2012. Et, pour la gauche, la meilleure manière d’affronter son avenir. Le déni de la réalité est toujours une faute politique. Elle se paie, aujourd’hui, au prix fort. Loin de moi de considérer que le discrédit de la gauche dans l’opinion viendrait du seul vote de la loi Taubira. Il s’ancre bien évidemment pour l’essentiel dans la crise financière, économique et sociale que le gouvernement n’a pas su ou pu enrayer.

Mais dans la recomposition du paysage politique qui s’annonce et qui n’interviendra qu’après l’échéance présidentielle, la gauche devra tout de même s’interroger sur l’impasse d’une idéologie libérale-libertaire qui la conduit à un état de décomposition qu’elle se refuse toujours à regarder en face. Pour avoir négligé les classes populaires au bénéfice des classes moyennes dont aujourd’hui elle ne parvient même pas à assurer l’avenir, la gauche a creusé le lit du Front National et fait naître dans le pays un profond désir d’alternance.

La gauche s’est aliéné une partie de l’électorat catholique

Pour avoir refusé de voir que si le pays était majoritairement ouvert à une conjugalité homosexuelle, il restait réfractaire à la perspective d’une filiation qui supposait, à terme, la généralisation de la PMA et de la GPA, la gauche s’est aliéné une partie de l’électorat catholique, souvent issu du centre-gauche, qui n’est ni homophobe ni réactionnaire. Sauf aux yeux d’une gauche idéologique persuadée d’incarner le sens de l’Histoire… En quoi serait-il réactionnaire de défendre la notion de « droits collectifs » – le bien commun – nécessaires à la cohésion d’une société, contre celle de « droits individuels » sans limite ? En quoi serait-il homophobe d’affirmer que l’égalité des droits des adultes ne peut se concevoir et se construire que dans le respect de l’égalité des droits des enfants ?

La ligne que porte aujourd’hui François Fillon dans ce débat: maintien des droits liés à la conjugalité homosexuelle et à l’adoption simple, refus de tout élargissement de cette filiation est tout simplement la ligne de consensus de la société française sur le sujet, telle qu’exprimée à l’automne 2012 par l’Union nationale des associations familiales (UNAF) où figuraient des associations familiales laïques. C’est la ligne aujourd’hui défendue par L’Avenir pour tous de Frigide Barjot, là où la Manif pour tous continue de réclamer l’abrogation pure et simple de la loi Taubira, y compris dans sa composante conjugale, ce qui était la position de Frédéric Poisson.

Une nécessaire recomposition politique

Nous sommes un certain nombre de catholiques, ancrés à gauche, à avoir défendu cette ligne de compromis, avec constance, dès l’élection de François Hollande. Nous avons averti qu’il y avait dans cette promesse de campagne le risque de diviser profondément le pays. On nous a ri au nez ! Nous avons souligné, au lendemain du vote, qu’à la faveur d’une alternance politique fortement marquée de désir de revanche, ce qu’une loi avait fait une autre loi pouvait le défaire ! On nous a plaints de notre aveuglement. Nous y sommes ! Ou presque !

Aujourd’hui je ne me réjouis pas particulièrement de voir ce débat refaire surface. J’ai toujours exprimé qu’il ne serait pas, pour ma part, déterminant dans mon choix personnel pour la présidentielle de 2017. Je regrette simplement l’aveuglement persistant de la gauche sur ces questions sociétales ou toute critique, même venant de son camp, est lue comme réactionnaire. Si ce blocage persiste, il risque de compromettre demain une nécessaire  recomposition politique qui ne ferait pas leur juste place à celles et ceux qui entendent se battre contre les dérives de l’économie libérale et tout autant contre celles d’un libertarisme également destructeur.

Pour l’heure je prends acte de l’événement politique que constitue incontestablement le premier tour de cette primaire à droite. Elle frappe en quelque sorte les trois coups de la Présidentielle : trois coups qui marquent pour des mois le lever de rideau de la pré-campagne, trois coups qui ont déjà mis à terre Nicolas Sarkozy, ébranlé Alain Juppé et mis François Hollande et la gauche au pied du mur.

 

René Poujol tient le blog Cath’lib.



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