Maggie Carpenter, une médecin new-yorkaise, fait face à des poursuites au Texas et en Louisiane pour avoir prescrit des pilules abortives à des patientes dans ces États aux lois strictes sur l’avortement. Le Texas lui a infligé une amende de 100 000 $ pour prescription illégale via télémédecine, tandis que la Louisiane a carrément émis un mandat d’arrêt, mais la gouverneure de New York, Kathy Hochul, refuse son extradition.
C’est l’affrontement entre le Texas et la Louisiane d’une part, et l’État de New York d’autre part. Entre la barbarie et la civilisation.
Est en cause la docteure Maggie Carpenter, médecin à New York, qui, par son réseau de télémédecine, a prescrit des pilules abortives à des patientes résidant dans ces deux États sudistes, où l’interdiction de l’avortement ne comporte aucune exception en cas de viol et d’inceste.
Un juge-mollah texan vient de la condamner par contumace au paiement d’une amende de 100 000$, plus les frais de justice. Cependant, le ministère public n’avait pas engagé de poursuite pénale.
Par contre, en Louisiane, ce laxisme judiciaire est impensable et la Dr. Carpenter, contre qui un mandat d’arrêt a été lancé, est passible d’une amende de 200 000$ et d’une peine d’emprisonnement de 15 ans pour avoir prescrit une telle pilule à une mineure enceinte. La gouverneure de l’État de New York, Kathy Hochul, vient de rejeter la demande d’extradition présentée par le gouverneur-ayatollah Jeff Landry; elle avait fait adopter une « loi-bouclier » (« shield law » en v.o.) protégeant les médecins respectant le serment d’Hippocrate, dans la foulée de la trahison des femmes commise par la Cour suprême.
Un peu d’histoire constitutionnelle américaine
Le 24 juin 2022, à l’occasion de l’affaire Dobbs v. Jackson Women’s Health Organization, six « taupes » du Vatican à la Cour suprême américaine répudient la jurisprudence Roe v. Wade, qui garantissait le droit à l’avortement et soumettent désormais les femmes, surtout issues des minorités, à un nouvel esclavage.
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La cour, en substance, sous la fielleuse plume de Samuel Alito, reprend onctueusement la jésuitique et pseudo-démocratique formule du défunt et regretté catholique juge Antonin Scalia : puisque le droit à l’avortement n’est pas spécifiquement mentionné dans la Constitution, il s’agit tout simplement de rendre aux États le pouvoir de légiférer en la matière, ni plus, ni moins. L’enfance (si l’on ose dire) de l’art. On notera la visqueuse rouerie du juge Alito qui soutient, sans rire, que cette décision n’a aucune incidence sur la jurisprudence protégeant d’autres droits. Quant au juge Kavanaugh, il ajoute, sans rire non plus, que rien ne touche des droits comme la contraception et le mariage.
C’était là feindre d’ignorer que, notamment en droit anglo-saxon, le raisonnement analogique résonne quotidiennement dans les salles d’audience : nul juge n’a le pouvoir d’imposer des limites à la portée de son enseignement jurisprudentiel aux juges ultérieurs. Et d’ailleurs, ils sont directement contredits à ce sujet par le juge Clarence « Uncle Tom » Thomas, lequel, par son opinion concordante, lance un appel au réexamen de la jurisprudence autorisant le droit à la contraception, aux relations et au mariage homosexuels.
(Bizarrement, le juge Alito approuve la jurisprudence Loving v. Virginia, laquelle, en 1967, avalisa les mariages interraciaux, pourtant nullement mentionnés dans la Constitution, même après avoir reconnu que l’intention des auteurs du 14e amendement promulgué en 1868 n’était nullement d’autoriser de telles unions, aussi répugnantes que l’avortement. Comprendra qui peut cette entorse à la volonté démocratique. Une petite fleur lancée à Uncle Tom et sa conjointe blanche Ginni, activiste pro-Trump ?)

Les conséquences de la jurisprudence Dobbs ne se sont donc pas fait attendre…
À partir de mars 2023 (neuf mois après l’arrêt Dobbs), il y a obligatoirement eu une dramatique surcharge des maternités vu l’afflux de bébés consanguins provenant des villages du bayou, encore qu’ils feront d’excellents joueurs de banjo dans quelques années, comme le savent déjà les cinéphiles avertis.
Il y a déjà la renaissance (si l’on ose dire) du “Underground railroad” qui, au XIXe siècle, faisait passer les esclaves en fuite vers le Canada. En effet, certains États américains civilisés (et le Canada) sont prêts à accueillir les femmes opprimées par les États rednecks et leur assurer un avortement médicalement fiable. Grâce aux progrès de la science médicale, il y a heureusement nettement moins d’avortements chirurgicaux, mais ils sont encore souvent incontournables. Et vu la hargne des adversaires de l’avortement illustrée par les récents développements texans et louisianais, on peut s’attendre à la criminalisation des malheureuses préparant un déplacement vers un État libre, même si le juge Kavanaugh se veut rassurant : « à son humble avis » (en v.f., sic), il ne voit dans la doctrine Dobbs nulle atteinte à la liberté de circulation interétatique, même s’il s’agit d’obtenir un avortement.
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On répondra d’abord que ce droit, résultant d’une construction purement jurisprudentielle (il ne figure pas non plus en toutes lettres dans la constitution américaine) est lui-même mal défini…
De toute manière, nul doute que les législateurs machistes et imaginatifs trouveront toujours de solides arguments pour réprimer efficacement les préparatifs d’un crime à commettre et un crime perpétré dans un autre État par leurs résidentes. Ils pourront s’inspirer de la High Court irlandaise qui, en 1994, interdit, par injonction, à une gamine de 14 ans (quand même nubile depuis très longtemps, selon la sharia), enceinte des œuvres d’un violeur, à se rendre au Royaume-Uni pour y faire interrompre sa grossesse.
Mais admettons qu’il s’agit d’un vœu plus que pieux.
Parlant d’analogie, on pense à l’arrêt Missouri ex rel. Gaines de 1938. L’État du Missouri n’avait pas de faculté de droit pour les Noirs, mais offrait généreusement de payer leurs frais de scolarité s’ils s’inscrivaient dans une faculté d’un État voisin. Cependant, la Cour suprême a alors décidé que les citoyens noirs (un oxymore à l’époque où… America was great) avaient le droit de recevoir leur éducation juridique dans leur propre État et ordonna l’admission de Gaines à l’université du Missouri.
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Pourtant, la Cour suprême enseigne aujourd’hui que la gamine de 11 ans, dont le bassin est en voie de consolidation, enceinte suite à la série de viols perpétrés par ses oncles, cousins et le pasteur de son église pentecôtiste, ainsi que la porteuse adulte d’un fœtus non viable potentiellement encore plus létal qu’une tumeur cancéreuse (nul espoir de rémission), n’ont pas forcément droit aux services médicaux nécessaires de leur choix dans leur propre État de résidence. Au mieux, le juge Brett “Bluto” Kavanaugh (dont le parcours étudiant évoque parfois, en plus glauque cependant, le film “Animal House”), accorde gracieusement aux États où ont cours les valeurs humanistes le droit de se faire refiler… le bébé.
Chose certaine, dans les anciens États esclavagistes américains, l’utopie gynécologique de Nicolas Ceausescu est devenue réalité le 24 juin 2022.