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Iran / Israël: à la recherche de l’imam casher

L’analyse géopolitique de Gil Mihaely


Iran / Israël: à la recherche de l’imam casher
La télévision d’État iranienne bombardée en plein direct par Israël surprend la journaliste Sahar Emami, 17 juin 2025 © D.R.

Mardi matin, Donald Trump a annoncé que le cessez-le-feu, accepté par Israël, était désormais « en vigueur ». Fragilisés, les mollahs n’ont pu bénéficier d’aucun appui de leurs alliés traditionnels, la Chine et la Russie. Pour autant, si Israël a remporté une bataille décisive, la guerre, elle, est loin d’être terminée, observe notre directeur de la publication – toutes les hypothèses restant ouvertes quant au devenir du régime iranien.


À l’heure où ces lignes sont rédigées, le cessez-le-feu twitté par Donald Trump avec tambour et trompette demeure fragile, mais le cadre stratégique, lui, est désormais limpide : la guerre est la continuation de la diplomatie, et cette dernière reprend le relais aussitôt que possible. Et cela ne devrait pas surprendre : c’est exactement le modèle appliqué au Liban, l’automne dernier.

En septembre, au moment où Israël détourne son attention de Gaza vers le Liban, ses intentions restent volontairement opaques. Après onze mois d’échanges de frappes avec le Hezbollah, feignant de se plier aux règles du jeu imposées par la milice chiite, Israël passe à l’action. Et d’abord, Tsahal frappe les esprits avec l’opération « Bipper ». Une fois l’ennemi désorienté, et tandis que l’on met en scène l’illusion d’un cessez-le-feu imminent, le marteau tombe une seconde fois. Le vendredi 27 septembre, en milieu d’après-midi, le quartier général du Hezbollah est détruit et Hassan Nasrallah éliminé, rejoignant ainsi la quasi-totalité du haut commandement de la milice, décimé par des frappes de précision israéliennes.

Le Liban, une répétition générale

S’ensuivent six semaines d’opérations terrestres, marquées par la destruction systématique de l’infrastructure militaire du Hezbollah au sud du Litani. Enfin, le 26 novembre, un cessez-le-feu est annoncé. Le Hezbollah est alors mis KO, sans être pour autant HS. Une quinzaine de jours plus tard survient un « bonus » espéré, quoique non planifié : le régime syrien de Bachar el-Assad s’évapore.

La logique stratégique est claire : faire usage de la force de manière ciblée et maîtrisée pour atteindre des objectifs militaires bien définis et raisonnables, puis repasser le flambeau à la diplomatie américaine. Avec cette conviction : seul le corps politique libanais, pour sa propre survie, peut produire une solution durable au problème que pose le Hezbollah à Israël. Le rôle d’Israël est de scier le tronc, suffisamment, mais pas totalement. Il revient aux Libanais d’abattre l’arbre.

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À la lumière de l’opération iranienne, ce qui s’est joué au Liban entre la mi-septembre et la fin novembre apparaît rétrospectivement comme une répétition générale. Une ouverture spectaculaire et sidérante, suivie d’un ciblage méthodique des objectifs, tout en maintenant le contact avec l’ennemi et en guettant le moment opportun pour suspendre l’usage de la force armée. Douze jours après son déclenchement, l’opération israélienne entre dans une phase de rendement marginal décroissant : chaque action supplémentaire apporte de moins en moins au bilan stratégique, largement constitué durant les premiers jours. Et dans le même temps, chaque jour de combat supplémentaire augmente le risque d’endommager ce bilan – qu’il s’agisse d’un avion abattu, de pertes civiles importantes en Iran, ou de dégâts sensibles en Israël.

Un bilan militaire brillant pour Tsahal

Et le bilan, justement, est impressionnant. Au-delà des destructions matérielles infligées aux capacités balistiques et nucléaires de la République islamique, les coups portés à son prestige et à son statut sur la scène régionale et internationale sont dévastateurs. On peut imaginer que les caricatures griffonnées sur les parois des toilettes publiques de Téhéran ressemblent déjà à certaines « unes » de Charlie Hebdo. Quant à ce que pense la « rue sunnite » des enturbannés chiites, il n’est sans doute pas très éloigné de ce même imaginaire…

Enfin, les accords proclamés triomphalement avec la Chine et la Russie n’ont pas tenu toutes leurs promesses. Pékin est même allé jusqu’à priver l’Iran d’un atout stratégique majeur, en déclarant que la fermeture du détroit d’Ormuz serait une « mauvaise idée », au moment précis où Téhéran agitait cette menace. Le Sud global et les BRICS ne se sont pas révélés, eux non plus, d’un grand secours, sans doute trop occupés à tenter de détrôner le dollar comme monnaie d’échange internationale.

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Les effets conjugués de ces éléments affaibliront sans doute le régime iranien, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Dix jours après le 13 juin, on peut donc affirmer qu’Israël a gagné une bataille, mais pas encore la guerre. Et c’est là un point essentiel : les slogans « Mort à l’Amérique, mort à Israël » demeurent parmi les plus puissants leviers de mobilisation politique au monde.




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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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