Etat islamique : un califat Twitter?


Etat islamique : un califat Twitter?

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Les communicants de Daech se servent notoirement de YouTube et Twitter pour diffuser leur propagande afin de répandre la terreur. On a déjà beaucoup glosé sur l’imagerie sauvage que contiennent beaucoup de productions de l’Etat Islamique. Les vidéos de décapitations ou de lapidations ont fortement marqué l’opinion publique et sont devenus symboliques de la communication de l’Etat terroriste.

Pourtant, la violence n’est pas forcément le message visuel le plus puissant de Daech. En effet, selon le magazine Vocativ, 45% de la production médiatique de l’Etat Islamique délivre des messages « positifs » pour obtenir le soutien des populations et attirer vers lui de potentiels combattants. Au point qu’Abou Bakr al-Baghdadi s’est fait surnommer le « calife Twitter » par ses détracteurs.

Charlie Winter de la Fondation Quilliam, un think-tank de lutte contre l’extrémisme, a livré à The Economist une analyse détaillée du discours djihadiste en ligne. Il y identifie une série de thèmes tels que la résistance à l’agresseur, la victimisation mais aussi l’utopie islamiste et la construction d’un Etat. Plutôt que les décapitations, les propagandistes préfèrent mettre en avant le rêve de la fraternité sunnite et le retour en grâce de l’Islam. Pour décrire cette stratégie de communication, M. Winter parle de « propagande du gagnant ». Là où les récits fournis par les précédents groupes djihadistes se fondaient sur une rhétorique de la « résistance » aux ennemis extérieurs, l’Etat Islamique construit son discours sur la destruction des frontières néo-coloniales et la renaissance du Califat. Les propagandistes vont encore plus loin dans ce sens puisque l’amélioration du quotidien des populations est, elle aussi, au cœur de la stratégie de communication des islamistes. On peut par exemple trouver sur Internet,un court film promouvant un parc d’attraction à Mossoul, deuxième ville d’Irak entre les mains de Daech depuis juin 2014.

Interrogé par The Economist, Charles Lister, membre du think tank Brookings, soutient que de telles images positives expliquent la puissance de Daech: «En Syrie et en Irak, il se présente à la fois comme une armée et une alternative « étatique » pour détruire et remplacer des systèmes politiques perçus comme oppressif par les musulmans sunnites. « Cette approche a permis de mettre en place des fondations qui pourraient l’aider à survivre sur une longue période », analyse-t-il.

Dans ces conditions, la guerre de propagande est d’autant plus importante que les rangs de l’armée islamique ne cessent de s’élargir. Alors que depuis septembre 2014, 15 000 combattants de Daech ont perdu la vie, les estimations des forces du groupe sont passées de 20 000 à 30 000 soldats au nombre de 70 000, incluant 15.000 à 20.000 étrangers. Si les recrutements ne se font pas seulement par le biais d’Internet, le monde virtuel est une plateforme de communication providentielle pour l’Etat Islamique.

En première ligne de cette guerre dans la guerre, on retrouve les Américains puisque leur pays héberge les réseaux sociaux plébiscités par les propagandistes islamistes. Une offensive a ainsi été lancée sur le réseau Twitter pour réduire au plus possible, faute de les éradiquer, les différentes productions de la propagande islamiste. Cette politique a consisté à bloquer les comptes Twitter se revendiquant de l’Etat Islamique. Parallèlement à cette décision politique, les chercheurs de Brookings ont étudié de près les mécanismes de la propagande terroriste sur le réseau social.

Sans surprise, l’étude montre qu’une grande partie de la propagande se développe au Moyen-Orient et en langue Arabe. L’Arabie Saoudite est le premier hôte de comptes Twitter prêtant allégeance à Daech. Par ailleurs, les trois quarts des comptes publient des messages en arabe. Comme on pouvait s’y attendre, les habitants des pays les plus proches géographiquement de l’Etat Islamique sont les plus susceptibles de soutenir son action.

Mais une bonne partie de la propagande djihadiste se fait en anglais (18% des comptes sont paramétrés dans cette langue) et en français (6%). Il faut noter qu’ailleurs sur Twitter, le pourcentage de compte en langue française est de 2,44% en 2013. Autrement dit, nos concitoyens djihadistes, et certains de nos camarades belges qui ne sont souvent pas en reste, refont du français une langue qui pèse sur la scène internationale !

Et quid de l’efficacité des blocage de comptes ? Alors que 40 000 tweets contenant le hashtag Etat Islamique sous ses différentes variantes étaient répertoriés quotidiennement en septembre 2014, ce nombre est passé à 5 000 en février 2015. Les partisans de l’Etat Islamique notent d’ailleurs eux-mêmes « l’effet dévastateur » des suspensions. En réaction, ils recommandent cependant de créer de nouveaux comptes.

La guerre de propagande est donc loin d’être gagnée. À long terme, reste à savoir si la censure aura raison de l’ingéniosité des communicants islamistes.



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