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L’extrême-centre et le contrôle de la normalité

La chaîne CNews agace le pouvoir. Il le fait savoir via Rima Abdul-Malak


L’extrême-centre et le contrôle de la normalité
Proche des Macron, la ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, a rappelé les reproches habituels faits à CNews et C8 lors de son passage sur France inter, et dit que les autorisations pourraient ne pas être renouvelées, le 9 février 2023. Capture d'écran YouTube.

Affaire CNews / Rima Abdul-Malak: être de droite n’est pas interdit, mais ne doit à aucun prix pouvoir être perçu comme désirable.


Le 9 février, en termes à peine voilés, la ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, a menacé CNews et C8 de ne pas renouveler leurs licences en 2025. Ce qui, théoriquement, relève des prérogatives de l’Arcom (ancien CSA), mais ce détail ne semble pas gêner la ministre, qui n’a même pas essayé de cacher la défense de sa sensibilité politique, de gauche progressiste, derrière l’indépendance de l’organe régulateur. Et en prime, elle a invoqué le pluralisme, ce qui est un comble lorsqu’on s’exprime sur France Inter, probablement l’un des médias les moins pluralistes qui soient ! Mais ce paradoxe n’est qu’apparent.

Simple rappel des règles ou volonté de censure?

Depuis, on a beaucoup parlé de censure. Gaspard Proust en a fait une chronique savoureuse, Valeurs Actuelles une « une ». Cependant, il ne s’agit pas ici de censure au sens habituel du terme.

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Ce que l’extrême-centre veut contrôler, c’est le sens collectif de la normalité. Le projet, c’est la destruction systématique de la décence commune chère à Orwell pour la remplacer par une forme de politiquement correct qui n’interdit pas l’expression des opinions conservatrices, en tout cas pour l’instant, mais s’emploie à ce que cette expression apparaisse clairement comme a-normale, en dehors de la norme. Quand France Inter donne la parole à des conservateurs, le vrai message délivré aux auditeurs est toujours le même : « voyez, il existe des gens déviants qui pensent comme ça ! » Ce n’est pas un débat d’idées, mais l’exhibition de bêtes de foire. 

Ce qui est en jeu ici est moins le clivage droite/gauche, que l’opposition conservateurs/progressistes. On emploie ici le terme « progressistes » pour désigner tous ceux qui veulent effacer les réalisations de notre civilisation, modernité comprise, pour y substituer la sauvagerie de la post-modernité. Progressistes, Yseult en marraine de la francophonie, le multirécidiviste à la fourchette et sa sœur aux Louboutins en incarnations de la Justice, le hijab en symbole féministe, et le fiasco de l’Arenh que les Français payent au prix fort à chaque facture d’énergie en symphonie glorieuse du Mozart de l’économie. À l’inverse, on appellera « conservateurs » tous ceux qui s’opposent à cette déconstruction. 

Cette volonté d’édicter une norme politique et morale imprègne le comportement du gouvernement au sujet de la réforme des retraites. Ainsi que l’a très justement souligné Mathieu Bock-Côté sur la chaîne menacée par Mme Abdul-Malak, il n’est question que de pédagogie, comme si l’excellence de la réforme était d’une évidence telle que toute personne possédant un minimum d’instruction ne pouvait que la soutenir. Pour l’extrême-centre, il est inconcevable qu’un être sain d’esprit puisse avoir de bonnes raisons de s’opposer à son projet: tout opposant étant soit un ignorant soit un déviant, voire un complotiste, le désaccord démocratique est impossible. 

On retrouve ici les raisons de la détestation du film du Puy du Fou «Vaincre ou mourir ». Le problème n’est pas qu’il soit royaliste (il ne l’est pas) mais qu’il montre que l’on peut être royaliste sans être un minable, et mériter le respect d’un républicain lui-même admirable (le général Travot, qui partage avec Charrette l’idéal de noblesse morale, d’honneur chevaleresque et de respect mutuel).

Rima Abdul-Malak ne reproche pas à CNews d’être de droite : elle lui reproche de ne pas s’excuser d’être de droite, et de donner la parole à des personnes auxquelles le téléspectateur peut s’identifier et qui respectent des gens de droite. De témoigner par son existence qu’il y a un lieu, un espace (intellectuel, médiatique, social) dans lequel être de droite n’est pas honteux, mais au contraire parfaitement normal. Ou pour être plus précis : dans lequel il est normal de partager la décence commune qui sous-tend les liens sociaux dans notre civilisation. On n’imagine pas les mousquetaires de Christine Kelly ou les chroniqueurs de Pascal Praud présenter leurs excuses à un individu barbu porteur de chromosomes XY pour l’avoir appelé « monsieur »…

Anathèmes et encadrement

Émissions emblématiques, Face à l’info et L’Heure des pros. Gilles-William Goldnadel témoigne y « rompre des lances quotidiennement autant que pacifiquement contre des Dray, des Leclerc, des Joffrin ou encore des Dartigolles ». C’est ce « pacifiquement » que ne supporte pas l’extrême-centre, qui préfère toujours jeter des anathèmes qu’argumenter. Or, toute personne qui regarde L’Heure des pros voit bien que, même quand ils s’engueulent, Gérard Leclerc et Geoffroy Lejeune continuent à se parler, à essayer de se faire comprendre de l’autre, de comprendre l’autre, et de le convaincre. 

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Et que dire de Face à l’info ? L’évidente complicité qui unit les mousquetaires et le talent et la hauteur de vues de Christine Kelly sont insupportables pour l’extrême-centre : voilà des conservateurs qui ne sont ni des bêtes de foire, ni des ratés, ni d’insupportables arrogants, mais des esprits à la fois brillants et chaleureux, dont on aurait envie de partager la compagnie. Sans parler des interventions de Jean Messiha sur C8, qui manie autant la punchline que la réflexion de fond, assume pleinement ce qu’il est…

Ne nous trompons pas de combat. Les progressistes ne veulent pas interdire aux conservateurs de s’exprimer, mais ils veulent encadrer soigneusement cette expression pour imprimer dans la conscience collective l’idée qu’être conservateur est une tare dont il faut avoir honte. Dès lors, s’ils veulent défendre la possibilité même du débat démocratique, les conservateurs (simplifions: la droite des valeurs) doivent s’attacher non seulement à parler, mais à montrer qu’ils n’ont pas honte de leurs convictions, qu’ils n’ont pas à s’en excuser, qu’ils ne sont pas seuls, et qu’ils sont respectés par des gens respectables. Ils doivent continuer à argumenter (d’autant plus que le sens de l’argumentation, du logos comme quête de vérité, est au cœur de ce qu’ils défendent) mais pas seulement : ils doivent témoigner. La tête haute.




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Haut fonctionnaire, polytechnicien. Sécurité, anti-terrorisme, sciences des religions. Dernière publicatrion : "Refuser l'arbitraire: Qu'avons-nous encore à défendre ? Et sommes-nous prêts à ce que nos enfants livrent bataille pour le défendre ?" (FYP éditions, 2023)

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