La chasse, une chance pour la brousse?


La chasse, une chance pour la brousse?

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Quand, au mois de juillet, l’ignoble Walter Palmer a assassiné le lion Cecil au Zimbabwe, le monde entier s’est levé d’un seul mouvement pour protester contre la chasse aux trophées, cette tradition d’un autre âge. Pourtant, et s’il ne s’agit pas pour autant de dédouaner l’atroce dentiste, il faudrait y réfléchir à deux fois avant d’interdire la chasse partout en Afrique. Dans certains pays du Sud du continent, celle-ci a déjà été mise hors la loi, ne provoquant que l’appauvrissement des villages et la dégradation du rapport entre les hommes et la nature.

Après la mort de Cecil, de nombreuses compagnies aériennes ont régulé le transport de trophées de chasse. Au New-Jersey, on tente aussi de limiter les safaris en interdisant l’export de peaux d’animaux. Pourtant c’est à la source que l‘on peut le mieux arrêter la chasse et le Botswana ou la Zambie ont notamment édicté des interdictions de tuer des animaux pour en faire des trophées. Cependant, les conséquences de ces interdictions qui font plaisir aux occidentaux et aux associations de défense des animaux, sont loin d’être toutes positives.  Dans le village de Sankuyo, situé au nord du Botswana, cela fait deux ans que la chasse a été interdite et l’on peut donc se figurer les effets de l’interdiction de la chasse.

Un journaliste du New York Times s’est rendu à Sankuyo et a interrogé les villageois sur ces conséquences. Ceux-ci ne sont guère convaincus du bien-fondé d’une interdiction. Au contraire, Jimmy Baitsholedi Ntema, un villageois de Sankuyo, l’assure, la chasse était une raison d’assurer la protection des animaux et leur cohabitation avec les hommes: « Avant, quand nous pouvions chasser, nous voulions protéger ces animaux car nous savions qu’ils pouvaient nous rapporter de l’argent. Maintenant, nous ne tirons aucun profit de ces animaux. Les éléphants et les buffles s’en vont après avoir détruit nos champs durant la journée. Puis, la nuit, les lions viennent attaquer nos troupeaux ».

Autrement dit, les animaux ne sont pas de gentilles peluches qu’il faut laisser tranquilles mais des bêtes sauvages qui menacent les hommes, tuent les chèvres et les ânes et détruisent les récoltes d’haricots, de maïs et de pastèques. Ruinant ainsi les agriculteurs en détruisant le fruit de leur travail.

Plus généralement, la chasse représentait, pour un village comme Sankuyo, une véritable source de revenus. D’abord parce qu’elle donnait du travail à ses habitants. L’interdiction a laissé des douzaines d’hommes sans activité ni argent. C’est notamment le cas de son chef : William Moalosi. Cet homme de 40 ans travaillait depuis huit ans comme traqueur et guide de chasse. Il gagnait 100 dollars par mois en travaillant ainsi. L’article du New York Times nous apprend qu’avec l’argent qu’il gagnait, il projetait de moderniser son habitation faite de branchages et de boue. Avec la fin de la chasse, il a perdu ses revenus, en plus de ses arpents de maïs, piétinés par des éléphants il y a quelques mois. Si lui n’a pas quitté son village, de nombreuses personnes sont partis pour aller chercher du travail à Maun, ville de 60 000 habitants au centre du pays.

Par ailleurs, la fin de la chasse a provoqué une chute des revenus. Les touristes chasseurs, souvent américains, amenait de l’argent dans les villages où ils venaient. Leur argent permettait de construire des infrastructures hygiéniques et des maisons pour les pauvres, de soutenir les jeunes voulant étudier et les personnes âgées sans pensions. Enfin, les chasseurs laissaient aussi la viande des animaux tués aux personnes démunies qui pouvaient subsister grâce à celle-ci.

Pour compenser la perte de la manne touristique de la chasse, on a pourtant essayé de reconvertir ces régions au « tourisme photographique ». Toutefois, les experts de la zone remarquent qu’elle n’est pas favorable à ce type de tourisme. Dans le New York Times, Joseph Mbaiwa, chercheur à l’université du Botswana, le confirme : « Le tourisme photographique n’est pas viable dans ces régions ». Ces zones sont trop dangereuses et reculées pour accueillir autre chose que des chasseurs, touristes en général moins prudents que ceux voulant seulement prendre des photos.

La conséquence la plus absurde de l’interdiction de la chasse est qu’elle n’a pas permis d’arrêter de tuer des animaux. Au contraire, avec la prolifération de ceux-ci, les hommes sont obligés de tirer sur les lions pour protéger leurs villages et leurs cultures. Dans le village de Sankuyo, au moment où le journaliste fait son enquête, une lionne vient d’être tuée. On soupçonne M. Moalosi d’avoir tiré. La lionne était montée à un arbre pour sauter dans un enclos de chèvres. Menaçant le village, elle pouvait donc légalement être abattue.

Interrogé par le journaliste du New York Times, le professeur Brian Child de l’Université de Floride, expert de la gestion de la vie sauvage en Afrique, explique que la chasse aux trophées avait permis, malgré la corruption, d’équilibrer les rapports entre les hommes et la nature. La chasse conciliait deux attentes : protéger les animaux et produire des revenus. Il déclare donc : « Quand la chasse a été introduite, nous avons finalement tué moins d’animaux ».

C’est donc pour toutes ces raisons qu’en Zambie, le gouvernement vient de revenir sur la législation anti-chasse. Après deux années d’interdiction, la ministre zambienne du tourisme commente : « Nous avons eu beaucoup de plaintes de la part des communautés locales. En Afrique, une vie humaine est plus importante que celle d’un animal. Je ne sais pas ce qu’il en est dans le monde occidental ».

*Photo : runran.



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