L’audition de François Bayrou devant la Commission parlementaire consacrée à l’affaire Bétharram a fait jaser. Elle a fourni au président de la commission, le député LFI Paul Vannier, l’occasion de reprocher au Premier ministre la réaction qu’il avait eue jadis en giflant une petite canaille qui tentait de lui faire les poches. Pourtant, une certaine forme de violence, savamment dosée, peut être éducative, affirme notre chroniqueur. Une idée qui a consterné notre rédaction, où personne n’a, bien entendu, donné ni reçu de gifle ni de fessée, pas même par plaisir.
Rappelez-vous. C’était en 2002, lors de la campagne présidentielle. Bayrou était en déplacement à la Meinau, un quartier réputé difficile de Strasbourg. Un adolescent prénommé Yacine a voulu profiter de la foule pour faire les poches du candidat du Modem, qui l’a corrigé dans l’instant. Un geste qui, loin de menacer sa carrière politique, lui a valu près de 600 mails de félicitations, et une remontée significative dans les sondages. Un geste qui ne passe pas auprès de Paul Vannier : chez LFI, quand on gifle, on le fait derrière des portes closes, demandez donc à Adrien Quatennens… « Je voudrais vous interroger sur votre rapport à la violence faite aux enfants », lance Vannier, qui évoque la « conception éducative de la gifle » de Bayrou, rappelle Boulevard Voltaire. L’amalgame entre ce geste, vieux de 23 ans, et l’affaire de violences scolaires en cours est de mauvaise guerre, mais qu’importe à LFI ?
Three Strikes Law
Pourtant, à l’époque, les parents du jeune voyou, à les en croire, avaient relayé la gifle du candidat à la maison : « « La gifle, dit sa mère, Yacine l’a méritée. Et il en a une de moi et une de son père en rentrant à l’appartement. » Mais de préciser immédiatement : « Il a fait une bêtise, d’accord. Mais que M. Bayrou s’en serve pour faire sa campagne, c’est dégueulasse… »
Sommé de se justifier, le Premier ministre a relativisé la violence de son geste. S’il l’a défendu, il l’a minoré, précisant qu’il s’agissait d’une « simple tape ».
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Mais les journalistes font parfois leur travail, et ont retrouvé le charmant bambin, désormais plus proche de la quarantaine que du vert paradis des amours enfantines. On l’a longtemps appelé « Bayrou » dans son quartier, ce qui sans doute l’a incité à mieux faire. Comme disait Henri IV, dont la statue fait face au bureau du maire à Pau, « bonne justice est prompte. »
Comme le rappelle BFM-TV, « en 2012 (il a alors une vingtaine d’années), le jeune homme compte déjà six condamnations à son casier judiciaire lorsqu’il écope d’une peine de quatre mois de prison ferme pour des faits d’outrage et de violences à l’encontre de policiers. » Et en 2021 il a été condamné à dix ans de prison pour trafic de stupéfiants — héroïne et cocaïne. Il purge actuellement sa peine. Rassurons-nous, il finira bien par sortir. Sûr que la prison l’aura amendé…
Que pouvons-nous en déduire, sinon que Bayrou n’a pas frappé assez fort, à l’époque ? Ou que nous devrions introduire en France la Three Strikes Law de certains Etats américains — la Californie, entre autres —, qui au troisième délit, quel qu’il soit, condamne automatiquement le coupable à 25 ans de prison. La Californie a modifié sa loi, mais d’autres Etats la maintiennent : au Texas, en Virginie-Occidentale ou dans l’État de Washington, à la seconde récidive, le condamné reçoit une peine plancher à vie (le juge est obligé de condamner à perpétuité). En Illinois, une double récidive d’un crime violent en l’espace de 25 ans conduit à la prison à vie.
La confession du prof
Et en France, pendant ce temps, le délinquant récidiviste est condamné à un stage poney…
Je n’ai balancé de mandale à un élève qu’une fois en 45 ans — vers le début de ma carrière. Je passais dans la cour du collège, pendant une récréation, et un élève a insulté un surveillant maghrébin : « Toi, le bougnoule… » J’étais tout à côté, la gifle est partie. J’ai le bras assez lourd, et je faisais du handball en Nationale 2, à l’époque. Il a giclé à trois mètres de là. Je l’ai ramassé en lui expliquant que la prochaine fois, je lui cassais la mâchoire — et je n’en ai plus entendu parler.
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Aujourd’hui, je serais probablement radié de l’Education nationale, et vilipendé par LFI, qui défend les « petits anges »…
Qu’un parti qui prêche la cause du Hamas profite d’une commission parlementaire pour insinuer que Bayrou est favorable à la violence et à la répression des enfants a fait bondir Pascal Praud, qui a bien senti l’amalgame entre une enquête nécessaire sur des dysfonctionnements graves dans une institution scolaire privée et une violence très relative vieille de 23 ans.
Il s’agissait surtout d’énerver le Premier ministre, pour l’amener à tenir des propos maximalistes — ce qu’il s’est bien gardé de faire. L’Opinion a traité assez justement Paul Vannier de « Fouquier-Tinville d’opérette » : le député du Val-d’Oise (ils n’ont pas honte, dans ce département, d’élire un pareil guignol ? Ils devraient lui mettre une bonne fessée à la prochaine échéance électorale…) devrait demander à son patron, grand admirateur de Robespierre, comment a fini l’accusateur public de la Convention.
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