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Binet/Benneteau, double gagnant!

Un "Dictionnaire amoureux du tennis" chez Plon


Binet/Benneteau, double gagnant!
Laurent Binet © Hannah ASSOULINE

L’écrivain et l’ex-joueur signent un Dictionnaire amoureux du tennis qui claque comme une volée


Certains croient encore à cette légende urbaine que le tennis se pratiquerait entre gentlemen, un verre de Pimm’s à la main au club house, le polo blanc immaculé de rigueur sur un gazon verdoyant, fairplay et beaux gestes sur le court central, mièvreries et contes pour enfants. Le tennis est un sport de combat, saignant et frustrant, solitaire et épuisant pour les nerfs où le joueur-architecte avance comme aux échecs, point après point, dans une politique de la terre brûlée. Il faut miner son adversaire, le faire douter, vaciller, l’humilier parfois pour l’abattre psychologiquement. 

Antoine Benneteau / Photo: Twitter

Deux amoureux du tennis, taquins et malins

La victoire n’est jamais propre. Cette guerre sur tapis vert ou terre ocre demande des qualités sportives et intellectuelles, techniques et artistiques que le néophyte ignore trop souvent devant son poste. Car le tennis nécessite un long apprentissage, c’est une école de patience où l’amertume du match perdu ne doit jamais l’emporter. Peu de sportifs professionnels sont soumis au syndrome de la défaite durant toute leur carrière. On doit vivre avec elle, presque quotidiennement, elle est comme une seconde peau. Je me suis toujours méfié des animateurs télé et des humoristes qui dénigrent notamment nos joueurs et joueuses de tennis pour leur manque de résultat. 

Ce qui est faux statistiquement et injuste quand on sait l’extrême difficulté de parvenir au meilleur niveau mondial. L’homme qui entre un jour au classement de l’ATP a derrière lui des années de galère, de doute, d’emprunts parfois, de blessures et de tensions avec sa fédération car le tennis coûte cher à tous les niveaux. L’homme seul et misérable s’y révèle dans sa nudité totale. Aucun autre sport ne met autant son pratiquant à l’épreuve. Il fallait donc deux amoureux taquins et malins, l’écrivain-professeur Laurent Binet (Grand Prix de l’Académie française) et Antoine Benneteau, ex-joueur professionnel et documentariste pour nous parler du tennis sans les poncifs et les approximations du genre « les Français perdent tout le temps surtout à Roland ». 

Smasher les idées préconçues

Leur dictionnaire paru chez Plon dans la collection fondée par Jean-Claude Simoën est l’un des plus réussis, il ne tire pas à la ligne, il smashe les idées préconçues, il est terriblement vivant et rageur, la méchanceté est un gage de sincérité dans un monde trop ouaté pour être honnête. Enfin, des auteurs qui prennent partie, qui amusent et n’hésitent pas à dézinguer les idoles passées ou actuelles, c’est un vrai plaisir de lecture. Le pari était compliqué car tous les amateurs de tennis ont leurs propres mythologies, ils n’aiment pas qu’on touche à leur nostalgie. 

A lire aussi: Céline, Neuhoff, Blondin et Henri Guybet

Je regrette seulement l’absence d’une entrée sur la raquette Prince Boron, graal de ma jeunesse disparue et du phénoménal lanceur pop-lob qui aurait toute sa place au MOMA de New-York pour son design déstructuré. Sinon, tout y est : l’habileté de Mansour, la science de Dominguez, la patte gauche de Riton, les poèmes de Vilas, la prégnance des marques Fila et Tacchini, les Australiens et les Tchèques, les Suédois et les Roumains, Martina et Chris, Borg et les autres, l’oiseau de nuit Gerulaitis et la caméra de Gil de Kermadec. Et puis, l’indépassable Yannick. Il y a aussi beaucoup de coups de griffe qui donnent tout le sel à ce livre. 

L’inoubliable Catherine Tanvier

D’abord, un constat partagé par tous les joueurs des années 1980 concernant le Quick, surface délétère et meurtrière pour les articulations : « Je suis pour son extinction pure et simple » avoue l’un des auteurs expliquant les raisons de cette détestation commune : « Cette surface nivelle. Elle empêche les créatifs de s’exprimer et les médiocres de progresser ». C’est dit ! Djoko en prend pour son grade, il peut repartir au vestiaire, la tête basse : « Le monde se divise en deux catégories : ceux qui font la légende et ceux qui bouchent les trous. Le rôle historique de Djokovic aura été de combler les trous du palmarès laissés par Nadal et Federer. Il y a fort à parier qu’une fois ces deux-là partis, lui aussi rejoigne très vite le cimetière des champions, avec la vie devant soi et la tête sur son magot ». Une exécution en règle, soignée et argumentée comme celle de Nick Bollettieri : « un vieux bronzé qui vit à Miami ». Au détour de cet alphabet, on est souvent ému, on se dit ils y ont pensé, comme cette entrée sur l’inoubliable Catherine Tanvier ou celle-ci sur le revers à une main, leçon de style et de décontraction.

Dictionnaire amoureux du tennis – Laurent Binet et Antoine Benneteau – Plon.

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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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