Accueil Politique Affaire Vanneste : un licenciement sec ?

Affaire Vanneste : un licenciement sec ?


J’ai découvert l’« affaire Vanneste » par les flash-infos et autres échos habituels du buzz médiatique. Jusque-là, j’étais plutôt sympathisant de cet élu de la Droite populaire. Dans une époque où le camp du « progrès » impose un nouvel ordre moral, où la police des arrière-pensées parvient à réprimer le dérapage avant même la sortie de route, j’avais fini par convenir qu’après tout, même un peu d’ « homophobie », comme ils disent, pour peu qu’elle soit contenue, ne peut pas vraiment nuire à la diversité du débat et à notre divertissement. Le député du Nord, jeté dans la « cage aux phobes » de Muray pour des déclarations passées relatives aux homosexuels, frappées au coin du bon sens pour certaines, plus discutables pour d’autres, mais toutes manifestement inaudibles, était cette fois-ci non seulement poursuivi par la meute mais lâché par ses « amis ». L’accusation était grave, le « Monsieur homophobe » de l’UMP avait nié, dans un entretien filmé, la déportation des homosexuels pendant l’Occupation. Alors, comme beaucoup de gens, je n’ai pas pu m’empêcher de me faire ma petite idée. Pousser son obsession jusqu’au révisionnisme, c’était franchir la ligne jaune. Et les triangles roses, alors ? Un homme, ça s’empêche, où alors c’est que son « homophobie » tourne à la phobie, et là, c’est grave. Pour finir, le jour où Sarkozy devenait officiellement candidat, ça tenait de l’attentat-suicide. Et bien, il n’avait qu’à sauter. Un élu de la République aussi peu politique qu’un membre du Hamas, on ne va pas le regretter.[access capability= »lire_inedits »]

Mais à Causeur, on n’aime pas en rester là et, avec Marc Cohen, nous sommes allés voir Christian Vanneste, dans son bureau de l’Assemblée, pour tâcher de savoir à quel point cet homme était dangereux – ou pas.
Eh bien, comme tout conservateur qui se respecte, notre député est fermement opposé au mariage gay. Cela fait-il de lui un homophobe ? Il s’en défend tout aussi fermement. Comme tout libéral qui doute, j’y suis opposé mollement, je veux surtout garder le droit de sourire dans ma barbe au spectacle de moustachus enlacés sur le parvis de la mairie. Lequel de nous deux est le plus coupable ? Je l’ignore, mais, pour ne plus avoir à répondre, sans droit de réponse, de ce crime suprême de notre époque, Vanneste finira sans doute par se taire. L’expression de ses positions est jugée obsessionnelle, tendancieuse et contestable. Chacun devrait pouvoir en juger, mais les instances de son parti ont tranché et l’incorrigible a été écarté. Après tout, même si les propos de Vanneste peuvent blesser des communautés et des gens, doit-on réduire l’expression politique à l’aune des susceptibilités communautaires ? Même si l’on est choqué par les propos de l’élu, même si l’on déplore ses généralisations et ses avis personnels sur l’homosexualité, ne pouvons-nous souffrir de les entendre ? En réprimant les grandes gueules, nous n’autorisons plus que la pratique de la langue de bois, qui anesthésie la politique et en détourne les amateurs de sensations fortes, lesquels ne manquent pas de grossir les rangs des abstentionnistes. La démocratie est plus vivante quand ses acteurs parlent trop que quand ils n’osent plus rien dire. En protégeant les individus ou les communautés de toute critique qui pourrait être jugée offensante, on n’affadit pas seulement le débat politique, on finit par empêcher toute défense de l’intérêt général qui pourrait être « stigmatisante » et, donc, de l’idée que nous nous faisons de la République. Si la politique vise à civiliser les conflits par le débat contradictoire, nous devons accepter pour nous-mêmes et pour les autres la possibilité d’être critiqués, même jusqu’à l’offense. Il nous reste la possibilité d’y répondre : certains préfèrent appeler la police, se plaindre à la justice ou tenter d’imposer la loi du silence.

Non seulement on n’arrête pas le progrès, mais on est sommé de l’accompagner sinon, c’est le camp du progrès qui vous arrête et vous fait taire. Alors, si la démocratie, c’est « Cause toujours… » et la dictature, « Ferme ta gueule ! », aujourd’hui, au regard de l’affaire Vanneste, je ne sais plus très bien où j’habite.[/access]
 

Mars 2012 . N°45

Article extrait du Magazine Causeur



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent De la Politique, de la vraie
Article suivant Marine Le Pen est-elle de gauche ?
Cyril Bennasar, anarcho-réactionnaire, est menuisier. Il est également écrivain. Son dernier livre est sorti en février 2021 : "L'arnaque antiraciste expliquée à ma soeur, réponse à Rokhaya Diallo" aux Éditions Mordicus.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Le système de commentaires sur Causeur.fr évolue : nous vous invitons à créer ci-dessous un nouveau compte Disqus si vous n'en avez pas encore.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération