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L’Académie française joue-t-elle son rôle?

Franglais, écriture inclusive: non, notre langue ne va pas "très bien"


L’Académie française joue-t-elle son rôle?
Jean-Marie Rouart, membre de l'Académie française depuis 1997 © BALTEL/SIPA

Dans son combat contre le franglais et l’écriture inclusive, Jean-Marie Rouart devrait pouvoir compter sur Sylviane Agacinski, laquelle déclarait, en 2019: « Faisons un bon usage du genre féminin(…) Je n’insisterai pas sur l’écriture inclusive car, pour moi, la cause est entendue: c’est une écriture illisible à l’oral, et donc impraticable ».


Sainte Victoire est-elle de droite ? Telle est la question que je me pose, ce jour d’été, sur la route du Tholonet. Et, comme toujours, la route de Cézanne me ramène au livre de Jacqueline de Romilly Sur les chemins de Sainte Victoire ainsi qu’aux combats de l’auteur pour notre langue, l’enseignement et les humanités. Comme sa voix manque en ce moment dans l’espace médiatique ! Car, n’en déplaise au groupe des « Linguistes atterrées »— très en verve !—, qui vient de publier, chez Gallimard, un tract sur le sujet, le français ne « va pas très bien ». Il ne va même pas bien. Et même pas bien du tout ! Il est même en danger de mort ! A cause de l’écriture inclusive mais « pas que » comme disait Michel Serres.

Les Académiciens ? Des grands timides…

Le Nouveau Conservateur, dans un article intitulé « L’Académie Française joue-t-elle son rôle », rapporte un entretien avec Jean-Marie-Rouart, un des rares Académiciens, avec « une petite escouade de conscrits… à défendre publiquement notre langue face au franglais ». Et J.M. Rouart ne cache pas ses « embarras » devant la timidité de ses collègues. Après avoir rédigé une note vigoureuse sur le franglais institutionnel— lisible sur le site de l’Académie— il a créé une commission présidée par Gabriel de Broglie pour « un état des lieux » du désastre. Soumise à un vote des Académiciens en vue d’une publication, le vote obtint la majorité… à une voix près ! Rouart proposa de rendre public ce rapport à la veille de la campagne électorale pour que tous les candidats puissent prendre position sur cette question essentielle. Combattue sous divers prétextes, cette publication ne bénéficia pas de la médiatisation nécessaire. Plus tard, Jean-Marie Rouart proposa que l’Académie organise une conférence de presse sur le sujet. Résultat : chou blanc.

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« Un coup d’épée dans l’eau », dit, de son action de résistant, l’Académicien. Notre Académie paraît, en effet, bien frileuse en ces temps si chauds. Il y aurait pourtant urgence à résister. Sans ferrailler ni se lancer dans des procédures de plaintes civiles, on attendrait une attitude combative de la part de la Vestale gardienne de notre langue. D’autant que l’Académie française a un pouvoir : celui de saisir la Justice sur le fondement de l’article 2 de la Constitution ainsi que sur la violation de la loi Toubon. La rédaction de la carte d’identité bilingue était une occasion rêvée de pousser son avantage. Alors, comment se fait-il que cette institution ne réagisse pas ? Mystères…, dit lui-même Jean-Marie Rouart. Pourquoi, dit-il, « la destruction de notre langue par le franglais, l’Académie, pour des raisons qui m’échappent, ne semble-t-elle pas la mettre au rang de ses priorités ? » Et comment expliquer qu’aucun de nos candidats ne se soit saisi de cette question cruciale de la langue ?

La décivilisation commence par le massacre de la langue

Comment, dès lors, s’en tirer quand le cheval de Troie est dans nos murs ? Le groupe des « Linguistes atterrées » peut s’élever contre la diffusion déclinante d’idées fausses, affirmant coassement —je la fais courte— dans un propos émaillé de tous les poncifs, que la langue française n’appartient pas à la France mais à l’usage, c’est-à-dire… aux linguistes !, force est de constater que l’heure est grave partout, à l’école, à l’Université, dans les institutions, dans la vie quotidienne, dans notre pensée et notre langue, vassalisée par le franglais commercial et gangrenée par l’inclusive. Le bilinguisme, comme le disait Alain Borer, dans son excellent tract, Speak White, paru en 2021,est dangereux car il consacre toujours la victoire de la langue du maître. Quant à l’inclusive, on pense à tort qu’elle est une mode qui passera. La vérité est que seule une décision politique peut venir à bout du désastre.

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Évoquant l’esprit français de résistance qui caractérise les intellectuels, Rouart écrit : « Je suis un écrivain français. Comme tel je subis l’imprégnation du christianisme, de la Grèce antique, de cet amour de la liberté qui existe déjà chez les Gaulois ». Imagine-t-on son ami Jean d’O qui  fut aussi l’ami de Jacqueline de Romilly, ne pas venir, cravate tricotée autour du cou, pieds nus dans ses mocassins pleine peau, clamer pitié inlassablement pour la langue française sur les plateaux télé ? Espérons que Madame Sylviane Agacinski, nouvelle Académicienne, très attachée au problème de notre langue, montera au créneau, élégamment, en vraie mousquetaire, pour dire énergiquement que la « dé civilisation » commence par le massacre de notre langue.

Au marché, nombreuses sont les tomates bio libellées French tomates. Traitera-t-on bientôt, dans des webinaires, de questions woke comme : « La chérie de Cézanne était-elle genrée quand le peintre l’a connue et reproduite sous tous ses angles » ? Réponse en franglais inclusif —exclusivement.

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Marie-Hélène Verdier est agrégée de Lettres classiques et a enseigné au lycée Louis-le-Grand, à Paris. Poète, écrivain et chroniqueuse, elle est l'auteur de l'essai "La guerre au français" publié au Cerf.

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