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À qui le tour?

Chronique de la cancel culture


À qui le tour?
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Les annulés du mois de juin. Ce qui semblait une mauvaise blague est devenu un fait social. Chaque mois, de nouveaux accusés – parfois improbables – sont purement et simplement « effacés de la photo » comme dans les meilleures années du stalinisme. Motif ? Ils sont jugés « offensants » par les tenants de la cancel culture…


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Les stagiaires blancs à la BBC

La célèbre chaîne britannique est à la recherche d’un « stagiaire assistant en gestion de production ». A priori, cette annonce a tout d’une annonce ordinaire. À un détail près : le poste est « uniquement ouvert aux candidats noirs, asiatiques et ethniquement divers ». Le Daily Telegraph, qui a rapporté l’affaire, rappelle que la discrimination positive est illégale au Royaume-Uni. Cependant, une « positive action » – on distingue mal la nuance – est autorisée pour les postes de stagiaire lorsqu’il existe « des lacunes dans la représentation ». À ce propos, l’émission « Complément d’enquête », sur France 2, se consacrait ce mois-ci à la cancel culture. On y découvrait un logiciel d’analyse de scénarios dont la vocation était de quantifier la proportion de temps de parole et d’apparition des personnages en fonction de leur race, mais aussi de leur genre, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap. On attend avec impatience que la BBC étende ce dispositif à tout son personnel.

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La reine Elizabeth II

Soixante-dix ans, c’est trop long ! Les étudiants du Magdalen College, l’un des plus prestigieux établissements de l’université d’Oxford, ont voté le retrait du portrait d’Elizabeth II qui ornait leur salle commune. Motif invoqué : « Le monarque et la monarchie britanniques représentent l’histoire coloniale récente. » La présidente du Magdalen College, Dinah Rose, a défendu le droit des étudiants « à l’autonomie », arguant du fait qu’« être étudiant, ce n’est pas seulement étudier. C’est explorer les idées, en débattre. C’est, parfois, provoquer les anciennes générations. » Certes. Mais la civilisation repose sur une lente construction. Quand des « étudiants » décident de mettre leur vieille monarque au placard, alors Sa Majesté des mouches n’est jamais loin. Comme l’Ecclésiaste nous l’enseigne, « malheur au pays dont le roi est un enfant ».

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Les dreadlocks de Justin Bieber

C’est un Justin Bieber à la coupe militaire que le président Macron a reçu à l’Élysée pour la Fête de la musique, le 21 juin. En cause, la décision du chanteur de couper court au psychodrame qui agitait la Toile depuis plusieurs semaines : affichant sans retenue ses dreadlocks, cette marque typique de la culture rastafari, Justin Bieber s’était vu accusé d’« appropriation culturelle ». Jeté pendant des semaines à la vindicte, il avait cédé et avait fait de son crâne comme d’autres du passé : table rase.

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Enid Blyton, l’auteur de Oui-Oui

Les béni-oui-oui du wokisme ont pris pour cible l’auteur de Oui-Oui. Certes, le English Heritage, l’organisme chargé de la gestion du patrimoine historique d’Angleterre, n’a pas proprement « effacé » Enid Blyton : une « plaque bleue » trône toujours devant sa maison. Mais la « mise à jour » est si brutale qu’elle semble pire que l’effacement ! L’auteur, décédée en 1968, est brocardée pour son « racisme », sa « xénophobie » et même son « manque de mérite littéraire ». Et le English Heritage de rappeler qu’en 2016, la Monnaie royale avait déjà rejeté Enid Blyton pour la commémoration d’une pièce de 50 pence au motif qu’elle était « connue pour avoir été raciste, sexiste, homophobe et pas une écrivaine très appréciée ». Oui-Oui, c’est non !

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Les noms des oiseaux

Le faisan d’Elliot, l’Oie de Ross, le Francolin d’Erckel… Au total, ce sont 149 noms d’oiseaux que la Société américaine d’ornithologie a entrepris de « décoloniser ». Au xixe siècle, il était courant que l’explorateur découvrant une espèce lui donne son nom. Seulement, ces noms sont aujourd’hui jugés « problématiques ». Selon Jordan Rutter, qui milite pour la fin des noms d’oiseaux « éponymes ou honorifiques », ces « personnages ignobles, même pour les critères du xixe siècle, représentent une période de l’histoire coloniale et d’exploitation dont beaucoup de gens ressentent encore les effets ». Question noms d’oiseaux, les woke ne sont jamais en reste !

À lire aussi, les annulés du mois de mai: À qui le tour?

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Jacques Prévert

À Toronto au mois de février, une professeure de français, Nadine Couvreux, donne à étudier à ses élèves « Pour toi mon amour », le célèbre poème de Jacques Prévert. Le soir même, une élève annonce à la télévision qu’elle porte plainte, se déclarant « choquée » d’avoir eu à étudier un poème « raciste» qui fait « l’apologie de l’esclavage ». En cause, la référence du poète à des « chaînes » et au « marché aux esclaves » qui dénonce plutôt la domination d’un homme sur sa femme. L’enseignante est suspendue et le poème « annulé » par l’école. Ainsi, le poète qui voulait ajouter le racisme à la liste des péchés capitaux est condamné pour… racisme.

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Le tract d’une colonie de vacances

« Replonger les enfants dans la vie d’une tribu cheyenne. » Telle était la proposition indécente émise par le comité d’entreprise de l’Agence France-Presse (AFP) dans un tract à destination de ses salariés. Cette provocation ne pouvant pas rester impunie, le comité « Genre et diversité » de l’agence a immédiatement protesté contre « l’appropriation culturelle malvenue » d’un tel événement. Si la colonie de vacances a été maintenue, le comité d’entreprise de l’AFP a dû revoir sa com : l’image d’une fille portant une coiffe à plumes a été remplacée par un tipi et l’expression « Indiens d’Amérique » par le terme « Amérindiens ». L’information, révélée par Le Canard enchaîné (9 juin), n’a étrangement fait l’objet d’aucune dépêche AFP.

Été 2021 – Causeur #92

Article extrait du Magazine Causeur




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Consultant en communication et relation publique

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