Pays-Bas, l’école des perdants magnifiques


Pays-Bas, l’école des perdants magnifiques

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Emmenés par leur trio de trentenaires (Sneijder,Van Persie et Robben) les Oranje (leur surnom dans la langue de Spinoza) disputent ce soir à l’Argentine une place pour le Graal footballistique. Il n’y a pas grand-chose de surprenant à retrouver les Pays-Bas en demi-finale de Coupe du monde tant le petit pays du Benelux (même pas 17 millions d’habitants) est un habitué des grands rendez-vous du ballon rond. Trois finales de Coupe du monde en quarante ans, c’est autant que l’Italie. Mais la vitrine à trophées néerlandaise reste désespérément vide depuis le seul et unique sacre à ce jour, le championnat d’Europe des Nations 1988.
Malgré ce maigre palmarès, les Oranje bénéficient d’une côte de popularité importante, notamment en France. En plus d’être des perdants magnifiques (défaites en finale des coupes du monde 1974,1978 et 2010) comme nous les aimons depuis Coubertin, ils cultivent une identité de jeu propre à faire lever les foules.

On peut distinguer trois générations ayant contribué au mythe batave. Dans les années 70, le géant Johan Cruijff, dit le « Hollandais volant », enthousiasmait observateurs avisés autant que profanes qui suivaient ses exploits en mondovision. Restera de cette période une philosophie de jeu faisant la part belle au jeu en mouvement, avec possession de balle outrancière dont s’inspireront nombre d’équipes par la suite, notamment Barcelone, théâtre des exploits de Cruijff comme joueur puis entraîneur.
Survint ensuite la génération de la fin des années 80 et du début de la décennie 1990, qui perpétuait l’idée de « football total ». Cette équipe remporta donc le seul titre national face à l’URSS de Belanov en 1988 grâce à une reprise de volée d’anthologie de Marco Van Basten. Avec ses autres porte-étendards qu’étaient Gullit ou Rijkaard, cette génération n’aura pas cependant la gloire de ses aînées, coupable d’avoir malencontreusement trouvé sur sa route la RFA en 90 puis le Brésil en 94.
Lui succéda la génération Bergkamp/Kluivert à la fin des années 1990, pour un nouvel échec proche de la consécration. C’est le Brésil qui sera de nouveau le bourreau des Pays-Bas en 1998, mettant fin au parcours exceptionnel de Seedorf, Overmars et les autres, qui s’arrêtent au stade de la demi-finale. Au passage, Denis Bergkamp se sera illustré lors du quart de finale vainqueur face à l’Argentine en marquant un but rentré dans la légende du tournoi.

Le point commun entre toutes ces générations dorées ? La culture du jeu ! Alors que la fédération française se confond en circonlocutions depuis des lustres autour d’une « identité de jeu » introuvable, les Néerlandais ont un club formateur majeur : l’Ajax Amsterdam, dont l’académie jouit d’une réputation mondiale. Ce « moule » est un vivier de talents dans lequel la sélection batave pioche pour former l’équipe nationale. Son centre de formation cultive une identité de jeu propre, le fameux 4-3-3 (appliqué à toutes ses équipes) et insiste sur cinq axes de travail : technique, discernement, personnalité et vitesse[1. La culture du beau jeu imprégnera d’ailleurs longtemps le style des Oranje, bien qu’elle se soit quelque peu perdue, la faute aux désidératas d’entraîneurs à l’approche du jeu trop rigide.].

Cette politique trouvera son point d’orgue dans la victoire de l’Ajax en finale de la Ligue des Champions 1995[2. Dernière de l’époque pré-Bosman, l’équipe de l’Ajax était alors essentiellement composée de joueurs du cru.]. Un exploit ayant marqué la fin d’une époque et annoncé le déclin du foot néerlandais dans le continent. Car l’Ajax continua certes de former, mais vacilla sous les coups du foot business, les grands clubs continentaux se faisant un plaisir de récolter les fruits du travail mené à Amsterdam.
Dans cette Coupe du monde, l’histoire de 2010 se répète. Impressionnant vainqueur du tenant du titre espagnol lors du premier match, la sélection néerlandaise a baissé son niveau de jeu au fil des matchs, tant et si bien qu’on peine parfois à retrouver dans l’équipe les influences des glorieux aînés. Mais en football, les légendes ne meurent jamais…

* Photo : Wong Maye-E/AP/SIPA/AP21593282_000174



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