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La communication, c’est un boulot, et Amélie Oudéa-Castéra vient d’en faire la rude expérience

À peine arrivée rue de Grenelle, la ministre est embarassée par l'affaire "Stanislas"


La communication, c’est un boulot, et Amélie Oudéa-Castéra vient d’en faire la rude expérience
Amélie Oudéa-Castéra, Paris, 5 octobre 2023 © ROMUALD MEIGNEUX/SIPA

Notre chroniqueur, qui part du principe qu’il faut donner leur chance même aux plus bêtes, avait écrit un article mi-chèvre mi-chou sur Amélie Oudéa-Castéra, sa double casquette et ses déclarations sur les raisons qui lui ont fait placer ses enfants à Stanislas. Mais les révélations qui ont suivi l’ont amené à reconsidérer son point de vue.


On parle toujours trop. Quelle mouche a piqué Amélie Oudéa-Castéra pour qu’en sortie avec Gabriel Attal, elle se lance dans des explications tordues afin de justifier le fait qu’après avoir inscrit ses enfants dans une école publique du VIe arrondissement, elle les avait déplacés à Stanislas, école catholique privée à morale stricte. D’après elle, l’absentéisme des enseignants, jamais remplacés, était la cause première de ce changement.

Il ne faut jamais rien avancer qui puisse être démenti dans l’heure qui suit, ça fait mauvais effet. Elle aurait pu s’en tenir à des questions de commodité — elle habitait rue Stanislas, à deux pas de la cité scolaire homonyme. Ça suffisait. En rajouter sur les carences du management de l’école, c’était risqué, parce que ça ne correspondait pas à la réalité, comme l’a fait remarquer un article de Libé dimanche soir. L’ancienne institutrice du petit Vincent — le seul des trois rejetons à avoir fait un stage d’un semestre à Littré — est sortie de ses gonds : « Je me sens personnellement attaquée. Je n’ai pas été absente et quand bien même cela aurait été le cas, on était toujours remplacé. Il n’y a jamais eu de problème de remplacement à Littré qui est une petite école très cotée. » Affirmation corroborée par les parents d’autres enfants de la même école.

En fait, monsieur et madame Oudéa-Castéra voulaient faire sauter une classe à leur bambin, l’école s’y est opposée pour des raisons pédagogiques, ils ont trouvé un établissement — « Stan » — qui l’acceptait en moyenne section de Maternelle. Fin de l’épisode.

Il est un peu rude, lorsqu’on entre en fonction rue de Grenelle, de pointer les défaillances d’une administration qui depuis sept ans est gérée par la majorité qui vient de vous mettre là. D’autant que Paris est assez bien géré, au niveau Education. Le reproche fait à madame Oudéa-Castéra d’avoir à porter deux casquettes n’était pas très cohérent. Un ministre a des petites mains pour assurer les affaires courantes, et elle s’était assez bien débrouillée au ministère des Sports — un domaine qu’elle connaît mieux que l’Ecole. Elle nous a débarrassé de Noël Le Graet, ce qui n’était pas un mince exploit.

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Mais arriver rue de Grenelle et commencer par balancer des propos immédiatement démentis, après quelques mois où Gabriel Attal avait largement fait la preuve de ses talents de Grand Communicant, ce n’est pas bien adroit. Peut-être devrait-elle se renseigner, s’appuyer sur des collaborateurs informés, prendre le temps d’écouter, et considérer comme de la mousse les propos de Médiapart, qui n’avait au départ rien à se mettre sous la dent, sinon la vendetta que l’agence entretient avec Stanislas, établissement traditionnaliste s’il en fut jamais. Madame Oudéa-Castéra ignore-t-elle la grande règle ? Don’t feed the troll.

La nouvelle ministre n’a jamais enseigné, et ça se voit. Être une ex-bonne élève ne prépare pas à ce métier. En particulier, il ne faut pas rater la première heure. Pour avoir négligé ce principe, cette outre gonflée de vent qu’était Claude Allègre, en 1997, s’est mis la profession entière à dos.

Les salles de profs déjà bruissent de vents contraires à la ministre. Les enseignants sont déjà prêts à faire toutes les grèves que, leur suggèreront des syndicats qui, par définition, testent dès leur arrivée les nouveaux titulaires du poste.

À Rachida Dati on n’a pas grand-chose à reprocher, sinon son amour de la haute couture. Qu’elle soit une femme de droite ne témoigne que d’une chose : il n’y a plus de culture de gauche dans ce pays. Tant pis pour ceux qui croient que Geoffroy de Lagasnerie pense. Depuis Malraux, qui a fait des étincelles rue de Valois ? Pas Lang, quand même…

Madame Oudéa-Castéra tient-elle vraiment à ce qu’on la prenne pour une erreur de casting ? Ou pour une grande bourgeoise intouchable — comme les aristocrates en 1788 ? Elle a fort bien réussi dans le privé. Le public, et l’Education en particulier, c’est tout autre chose. Soit elle l’admet, fait amende honorable et consent à se taire pendant un certain temps, soit la presse, qui n’a pas grand-chose à se mettre sous la dent en ce moment, depuis que Depardieu et Delon ont été suicidés en place publique, fera ses choux gras de ses faux-pas.

Elle reçoit, ce lundi, les syndicats de l’Education. J’imagine les déclarations préalables que les uns et les autres sont à cette heure en train de peaufiner. Ça va faire mal, et ça va faire du bruit — l’écho des déclarations intempestives de la ministre. Diriger, c’est aussi apprendre à écouter, et se taire quand on n’a rien à dire.



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Normalien et agrégé de lettres, Jean-Paul Brighelli a parcouru l'essentiel du paysage éducatif français, du collège à l'université. Il anime le blog "Bonnet d'âne" hébergé par Causeur.

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